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11/01/2023 | FRANCE | N°22/00467

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 11 janvier 2023, 22/00467


ARRÊT DU

11 Janvier 2023





CV / NC





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N° RG 22/00467

N° Portalis DBVO-V-B7G -DADS

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SCI SOLORMAG



C/



SAS CRESCENDO RESTAURATION





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GROSSES le

aux avocats









ARRÊT n°
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COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



SCI SOLORMAG pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS THIONVILLE 302 572 227

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Philippe BELLANDI, su...

ARRÊT DU

11 Janvier 2023

CV / NC

--------------------

N° RG 22/00467

N° Portalis DBVO-V-B7G -DADS

--------------------

SCI SOLORMAG

C/

SAS CRESCENDO RESTAURATION

-------------------

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n°

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

SCI SOLORMAG pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS THIONVILLE 302 572 227

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Philippe BELLANDI, substitué à l'audience par Anne FRANÇOIS-BELLANDI, avocat postulant au barreau d'AGEN

et Mes Céline ANDRE et Daniel GAUBOUR, SELARL RDB ASSOCIES, avocats plaidants au barreau d'AMIENS

APPELANTE d'un jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 27 mai 2022, RG 21/00420

D'une part,

ET :

SAS CRESCENDO RESTAURATION prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS AGEN 412 824 559

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Sophie LAGARDE, substituée à l'audience par Me Sarah VASSEUR, avocate postulante au barreau d'AGEN

et Me Frédéric MESSNER, SELARL PALLIER BARDOUL & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIMÉE

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 19 octobre 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Cyril VIDALIE, Conseiller,

qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre elle-même de :

Valérie SCHMIDT et Jean-Yves SEGONNES, Conseillers

en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

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Faits et procédure :

Par acte du 2 juillet 2012, la SCI Solormag a donné à bail commercial à la SARL Solorest, qui a fusionné le 23 décembre 2017 avec la SAS Crescendo Restauration dont elle est devenue un établissement secondaire, et qui vient à ses droits, un local situé Centre Commercial E.Leclerc, [Adresse 1] moyennant paiement d'un loyer égal à 4,5 % de son chiffre d'affaires et au moins égal à 90 000 euros hors taxes par an, payable trimestriellement le 1er de chaque trimestre civil.

La SAS Crescendo Restauration a notifié à la SCI Solormag un congé par acte du 30 décembre 2020.

Ayant subi une fermeture administrative lors de la crise sanitaire, la SAS Crescendo Restauration a informé la SAS Solormag par courrier recommandé du 20 avril 2021 qu'elle ne paierait pas les loyers dus pour les mois de fermeture jusqu'à la date de résiliation du bail fixée au 30 juin 2021.

Par acte du 10 septembre 2021, dénoncé à la SAS Crescendo Restauration le 14 septembre 2021, la SAS Solormag a procédé à une saisie conservatoire des sommes détenues par la SA LCL Crédit Lyonnais pour le compte de la SA Crescendo Restauration à hauteur de 80 243,99 euros dont 80 136,44 euros au titre de la créance due en principal, représentant les sommes dues au titre des loyers et charges des premier et second semestre 2021.

Par acte du 8 octobre 2021, la SAS Crescendo Restauration a assigné la SAS Solormag devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Agen afin qu'il soit statué sur sa contestation de la saisie.

Par jugement du 27 mai 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Agen a :

- déclaré recevable mais mal-fondée l'exception de nullité soulevée par la SAS Solormag,

- ordonné mainlevée de la saisie conservatoire des sommes détenues par la SA LCL Crédit Lyonnais pour le compte de la SAS Crescendo Restauration à hauteur de la somme totale de 80 243,99 euros, dont 80 136,44 euros au titre de la créance en principal selon acte d'un huissier de la SAS Jean-Philippe Viguier - Mélanie Papot - Fabrice Tacconi, huissiers de justice associés, en date du 10 septembre 2021,

- condamné la SAS Solormag à payer à la SAS Crescendo Restauration la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Solormag aux entiers dépens de l'instance,

- rappelé le caractère exécutoire de plein droit de la décision.

Le juge de l'exécution a retenu qu'en vertu des articles L.213-5 du code de l'organisation judiciaire et R.121-8 du code des procédures civiles d'exécution, les affaires relevant de sa compétence étaient jugées selon la procédure orale sauf disposition contraire, et l'exception de nullité de l'assignation pour défaut de capacité de l'avocat assurant la représentation en justice de la demanderesse mal-fondée.

S'agissant de la saisie, le juge de l'exécution a considéré que la SAS Solormag ne démontrait pas l'existence d'un péril dans le recouvrement de sa créance, et que la SAS Crescendo Restauration justifiait détenir une trésorerie conséquente permettant de présumer qu'elle serait en mesure d'exécuter ses obligations en cas de succès de l'action engagée au fond.

La SAS Solormag a interjeté appel le 13 juin 2022, désignant en qualité d'intimée la SAS Crescendo Restauration, et visant dans sa déclaration les dispositions du jugement ordonnant la main-levée de la saisie-conservatoire, la condamnant au paiement d'une d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnant aux dépens.

L'avis de fixation à bref délai a été délivré le 29 juin 2022.

Prétentions :

Par uniques conclusions du 28 juillet 2022, la SCI Solormag demande à la Cour de :

- réformer le jugement rendu le 27 mai 2022 en ce qu'il a :

- ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire des sommes détenues par la société LCL Crédit Lyonnais pour le compte de la société par actions simplifiée Crescendo Restauration à hauteur de la somme totale de 80 243,99 euros dont 80 136,44 euros au titre de la créance en principal selon acte d'un huissier de la SAS Jean-Philippe Viguier ' Mélanie Papot ' Fabrice Tacconi, huissiers de justice associés en date du 10 septembre 2021,

- condamné la société par actions simplifiée Solormag à payer à la société par actions simplifiée Crescendo Restauration la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société par actions simplifiée Solormag aux entiers dépens de la présente instance,

- statuant à nouveau,

- débouter la société Crescendo Restauration de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Crescendo Restauration à payer à la société Solormag la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Crescendo Restauration aux entiers dépens.

La SCI Solormag présente l'argumentation suivante :

- la créance est bien fondée :

- la défaillance de la SAS Crescendo Restauration est établie faute de paiement des loyers et charges dus pour la période du 1er janvier au 31 mars et du 1er avril au 30 juin 2021,

- les paiements ont été interrompus unilatéralement sans discussion ni accord à raison de la fermeture administrative alors même qu'aucune action en contestation ou suspension de l'obligation du preneur n'a été engagée durant la période de fermeture administrative,

- la Cour de cassation a considéré que le bailleur ne manque pas à son obligation de délivrance pendant les périodes de fermeture administrative liées au Covid-19, que le preneur ne peut pas se prévaloir de la force majeure, et que la fermeture administrative ne peut être assimilée à une perte de la chose louée (3e Civ, 30 juin 2022, 21-20.127, 21-20.190 et 21-19.889),

- la SAS Crescendo Restauration ne s'est pas acquittée de sa dette fondant la saisie ni de celle due au titre de la période du 9 au 30 juin 2021 durant laquelle elle a pu ouvrir son établissement au public,

- ni la force majeure ni le fait du prince ne peuvent être invoqués par le preneur :

- la fermeture administrative interdisant l'accès à un établissement recevant du public pour cause d'épidémie est un événement raisonnablement prévisible, les pertes d'exploitation peuvent être assurées,

- la fermeture résultant de l'activité exercée par le preneur, la condition d'extériorité n'est pas remplie,

- la Cour de cassation exclut que le débiteur d'une obligation contractuelle de paiement d'une somme d'argent inexécutée puisse s'en exonérer en invoquant un cas de force majeure,

- la SAS Crescendo Restauration n'évoque ni les aides financières qu'elle a pu percevoir ni l'état de cessation des paiements dont elle a été préservée,

- la théorie du fait du prince applicable aux rapports entre une personne morale de droit public et son cocontractant ne peut intéresser le cas présent,

- les ordonnances n°2020-306 et 2020-316 du 25 mars 2020 excluant la mise en oeuvre de la clause résolutoire pendant l'état d'urgence n'ont pas suspendu l'exigibilité des loyers,

- le preneur ne peut se prévaloir de la perte de la chose louée prévue par l'article1722 code civil :

- les locaux sont notamment à usage de vente à emporter et restauration sous toutes ses formes,

- le preneur a conservé le droit d'accéder à ses locaux et pu exploiter son fonds,

- elle n'a pas manqué à son obligation de délivrance

- il a été procédé à la remise des clés,

- le centre commercial est demeuré ouvert pendant la période de fermeture administrative,

- il n'est justifié d'aucune difficulté de trésorerie,

- aucun manquement du bailleur à son obligation de délivrance n'est démontré,

- il n'est pas démontré de manquement du bailleur à son devoir de bonne foi

- le recouvrement de la créance est menacé :

- par la suspension brutale et unilatérale du paiement des loyers,

- par la notification du congé en cours de période de fermeture administrative laissant penser que des difficultés économiques existaient,

- le bilan versé fait ressortir pour 2020 une perte excédant 4,4 millions d'euros.

Par uniques conclusions du 25 août 2022, la SAS Crescendo Restauration demande à la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution,

- débouter la SCI Solormag de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SCI Solormag à lui payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SAS Crescendo Restauration présente l'argumentation suivante :

- les loyers et charges appelés durant la période de fermeture administrative ne sont pas dus, ayant subi un cas de force majeure :

- la pandémie de 2019 revêt le caractère de force majeure au regard de son imprévisibilité et de son irrésistibilité,

- le fait du prince, défini comme une décision de l'autorité publique qui a pour conséquence de porter atteinte à l'équilibre financier de situations contractuelles, et la fermeture administrative totale de commerces, peuvent constituer un cas de force majeure,

- elle a subi deux fermetures administratives totales de son commerce du 14 mars au 2 juin 2020, puis du 30 octobre 2020 au 9 juin 2021, qui l'ont empêchée d'exploiter les lieux loués, impossibilité irrésistible, et été placée dans l'impossibilité d'exercer son activité dans les mêmes conditions qu'auparavant par le fait du prince,

- il y a perte de la chose louée :

- l'impossibilité de jouir de l'immeuble caractérise une perte de la chose louée,

- le recours à la vente à emporter n'aurait pas été viable,

- les jurisprudences citées par la SCI Solormag ne sont pas transposables au présent litige, concernant des commerces non concernés par la fermeture administrative,

- le non-respect de l'obligation de délivrance du bailleur justifie une exception d'inexécution fondée sur les articles 1219 et 1719 du code civil : les mesures gouvernementales ont placé le bailleur dans l'impossibilité de délivrer le local et de garantir une jouissance paisible au preneur,

- le bailleur a manqué à son devoir de bonne foi en refusant de négocier les conditions financières du bail au titre de la seconde fermeture administrative motif pris des aides étatiques, et en soulignant les difficultés économiques du preneur pour justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance,

- il n'est pas justifié de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance :

- elle démontre être parfaitement solvable, au regard de sa cotation par la Banque de France, et de son bilan pour l'année 2020.

Motifs :

L'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution énonce que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

L'obligation de paiement des loyers et charges exigibles au cours du premier semestre de l'année 2021, fondant la saisie, résulte d'un bail dont l'existence n'est pas contestée, et les objections élevées par la SAS Crescendo Restauration qui se prévaut d'un cas de force majeure, d'une inexécution de l'obligation de délivrance du bailleur, et de la perte de la chose louée, en lien avec la crise sanitaire et la mesure de fermeture administrative édictée par les pouvoirs publics au plan national dans un but de préservation de la santé publique, ne sont pas reconnues comme exonératoires.

La créance apparaît donc fondée dans son principe, et la première condition de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution satisfaite.

Toutefois, la SCI Solormag, à laquelle il appartient d'en justifier, ne produit aucune pièce démontrant l'existence de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Tel n'est pas le cas du refus de paiement du preneur, qui est fondé sur les circonstances auxquelles il a été confronté, et non sur son insolvabilité.

Tel n'est pas non plus le cas de l'absence de dépôt des comptes de la SAS Crescendo Restauration, ou de son bilan déficitaire de l'année 2020, qui n'est pas versé aux débats par l'appelante mais par l'intimée ; l'existence d'un résultant négatif de 4,4 millions d'euros doit être rapportée aux produits d'exploitation (24 837 893 euros), charges d'exploitation (32 553 302 euros), capitaux propres (26 927 259 euros), provisions pour risques et charges (987 042 euros) et dettes (25 734 845 euros dont 15 887 738 constitués d'emprunts bancaires) de la société, qui malgré un résultat négatif, met en évidence la présence de liquidités suffisantes pour faire face à la dette locative.

Cette solvabilité est confirmée par le courrier adressé le 10 septembre 2021, jour de la saisie conservatoire, par la banque LCL à la SAS Crescendo Restauration, mentionnant l'existence d'un solde créditeur de 2 958 135,86 euros, la situation bancaire pouvant ainsi être utilement rapprochée du bilan.

La SCI Solormag ne démontre donc pas l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance.

Le jugement sera confirmé.

Les dépens d'appel seront supportés par la SCI Solormag, dont le recours n'est pas fondé.

La SCI Solormag sera condamnée à verser à la SAS Crescendo Restauration 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,

Confirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Agen du 27 mai 2022,

Y ajoutant,

Condamne la SCI Solormag aux dépens d'appel,

Condamne la SCI Solormag à payer à la SAS Crescendo Restauration 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Cyril VIDALIE, conseiller faisant fonction de président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00467
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;22.00467 ?
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