ARRÊT DU
10 JANVIER 2023
PF / NC***
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N° RG 21/00724 - N° Portalis DBVO-V-B7F-C5EU
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[R] [Z]
[I] [Z]
UDAF 47
C/
[P] [V]
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 13 / 2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le dix janvier deux mille vingt trois par Pascale FOUQUET, conseiller, assistée de Chloé ORRIERE, greffière
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
[R] [Z]
né le 11 août 1968 à [Localité 5] ([Localité 5])
de nationalité française
domicilié : [Localité 7]
[Localité 3]
[I] [Z] en qualité de curateur à la personne de M. [R] [Z]
[Adresse 8]
[Adresse 6]
[Localité 2]
UDAF 47 en qualité de curateur aux biens de M. [R] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentés par Me Julie CELERIER, substituée à l'audience par Me Laura CHIAPPINI, avocate au barreau d'AGEN
APPELANTS d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire - de MARMANDE en date du 10 juin 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00032
d'une part,
ET :
[P] [V]
né le 12 février 1954 à [Localité 11] ([Localité 11])
exploitant agricole
domicilié : [Adresse 9]
[Localité 3]
représenté par Me Vincent DUPOUY, avocat au barreau d'AGEN
INTIMÉ
d'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 15 novembre 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et Pascale FOUQUET, conseiller, rapporteur, assistées de Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière. Les magistrats rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre elles-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
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*
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 10 mars 2003, M. [R] [Z] a été recruté par M. [P] [V], entrepreneur individuel spécialisé dans le secteur des activités de soutien aux cultures exerçant à [Localité 10] (47), en qualité de chauffeur polyvalent.
Atteint d'une maladie dégénérative révélée courant 2017, son contrat de travail a été suspendu à compter du mois d'avril.
Il a été placé sous curatelle renforcée le 17 mars 2020. Mme [I] [Z], sa fille, a été désignée en qualité de curateur à la personne et l'UDAF 47 en qualité de curateur aux biens.
Le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude le 1er juillet 2019 indiquant : 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.
Le 12 juillet 2009, M. [R] [Z] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé au 19 juillet 2019.
Par lettre du 31 juillet 2019, il a été licencié pour inaptitude d'origine non professionnelle.
Le 3 juillet 2020, M. [R] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Marmande afin de contester son licenciement.
Par jugement du 10 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Marmande, section Agriculture, a :
- débouté M. [R] [Z] de l'intégralité de ses demandes
- donné acte à M. [P] [V] de son engagement au paiement de la somme de 951,12 euros pour solde de tout compte entre les mains de M. [R] [Z]
- condamné M. [R] [Z] au paiement de la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté M. [P] [V] du surplus de ses demandes
- condamné M. [R] [Z] aux entiers dépens.
Par déclaration du 8 juillet 2021, M. [R] [Z] a régulièrement déclaré former appel du jugement en désignant M. [P] [V] en qualité de partie intimée et en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui :
- l'ont débouté de l'intégralité de ses demandes
- ont donné acte à M. [V] de son engagement au paiement de la somme de 951,12 euros pour solde de tout compte entre ses mains
- l'ont condamné au paiement de la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- l'ont condamné aux entiers dépens.
La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 6 octobre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
I. Moyens et prétentions de M. [R] [Z] appelant principal et intimé sur appel incident
Selon dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 16 mars 2022 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, M. [R] [Z] demande à la cour de :
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marmande le 10 juin 2021 en ce qu'il :
- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes ;
- a donné acte à Monsieur [V] de son engagement au paiement de la somme de 951,12 euros pour solde de tout compte entre ses mains;
- l'a condamné au paiement de la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- a débouté M. [V] sur le reste de ses demandes
- l'a condamné aux entiers dépens.
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marmande le 10 juin 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [V] du reste de ses demandes.
Par conséquent, statuant à nouveau :
Condamner Monsieur [V] à lui verser les sommes suivantes :
- 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'information sur l'impossibilité de reclassement
- 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier
- 3.185,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 318,55 euros au titre des congés payés y afférents
- 21.500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 7.118,60 euros net à titre de rappel de salaire en règlement du solde de tout compte
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
Condamner Monsieur [V] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouter Monsieur [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions
Condamner Monsieur [V] aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, M. [R] [Z] fait valoir que :
- son employeur ne l'a pas informé préalablement à son licenciement des motifs s'opposant à son reclassement comme l'exige l'article L1226-2-1 qui s'applique à tous les cas d'inaptitude au travail, dès lors que le reclassement du salarié est impossible même résultant de la mention du médecin du travail sur le formulaire d'inaptitude
- en outre la procédure est irrégulière car l'article L1232-2 n'a pas été respecté : la convocation à entretien préalable ne comportait pas l'objet de la convocation alors qu'il s'agit d'une formalité substantielle et ne rappelait pas la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant à l'entreprise ou extérieure. L'absence d'une telle formalité rend le licenciement irrégulier et ouvre droit à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
- de plus, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car la lettre de licenciement ne fait pas état de l'impossibilité de reclassement contrairement aux dispositions de l'article L1226-2-1 alinéa 2 du code du travail
- le solde de tout compte est incomplet et antidaté au 2 novembre 2019
- il n'a perçu que 1000 euros à titre d'acompte et M. [V] reste débiteur de la somme de 7 118,60 euros
- il conteste devoir toute somme à son employeur aux termes d'un décompte antidaté au 2 novembre 2019, annexé au reçu pour solde de tout compte et qu'il a signé également
- Il a signé le décompte sous la pression de M. [V] qui lui a remis ce jour-là deux chèques : l'un de 250,98 euros correspondant au rappel de salaire de janvier, février, mars 2019 et l'autre de 256,70 euros correspondant à la somme restant due à la suite du décompte. Il ne les a pas encaissés.
- le décompte suivant le calcul ainsi opéré par son employeur lui a créé un préjudice et doit être annulé : en premier lieu, en raison de la mesure de protection prononcée moins de deux ans plus tard, soit le 17 mars 2020 et en second lieu, car le décompte ne respecte pas le formalisme de l'article 1376 du code civil : le montant en chiffres et en lettres n'est pas été écrit de sa main
- l'employeur ne justifie pas du règlement des cinq factures invoquées comme ayant été réglées en pour son compte
- il conteste les retenues pratiquées par l'employeur sur la somme de 8111,60 euros, car l'employeur a procédé par la compensation de cinq factures avec l'indemnité de licenciement alors que l'article L3251-1 du code du travail interdit toute compensation entre l'indemnité de licenciement et des fournitures diverses
- aucune fourniture n'a été mise à sa disposition dans le cadre de la relation de travail
- il a engagé une action en référé le 26 novembre 2019 pour obtenir le solde des salaires des mois de janvier, février et mars 2017. C'est à la suite de la réception de l'assignation que M. [V] a régularisé précipitamment la situation en établissant un chèque de 250,98 euros à son nom antidaté au 2 novembre 2019. Son employeur lui a fait signer un reçu de solde de tout compte antidaté à la même date ce qui caractérise des manoeuvres dolosives
- les dommages et intérêts réclamés pour exécution fautive du contrat sont justifiés par de telles manoeuvres et par le non paiement des salaires
II. Moyens et prétentions de M. [P] [V] intimé sur appel principal et appelant sur incident
Selon dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 23 décembre 2021 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'intimé, M. [P] [V] demande à la cour de :
Juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Monsieur [R] [Z] à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marmande le 10 Juin 2021 entre les parties
En conséquence :
Confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté ses demandes
Statuant à nouveau,
Condamner Monsieur [R] [Z] au paiement de dommages et intérêts à hauteur
de 724,42 euros au titre de l'exécution déloyale de la relation de travail
Débouter Monsieur [R] [Z] de toutes demandes plus amples ou contraires
Condamner Monsieur [R] [Z] au paiement d'une juste indemnité de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner Monsieur [R] [Z] aux entiers dépens, dont distraction au profit de
Maître Franck Dupouy, Avocat, aux offres de droit.
A l'appui de ses prétentions, M. [P] [V] fait valoir que :
- en application de l'article L1226-2-1, le médecin du travail ayant expressément indiqué dans le certificat médical que 'l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi', il n'était pas tenu à l'obligation de justifier de l'impossibilité de reclassement dans la lettre de licenciement
- l'irrégularité de forme prévue par l'article L1235-2 ouvrant droit à des dommages et intérêts nécessite de justifier d'un préjudice subi. Or, c'est bien l'altération de ses facultés cognitives qui justifie le licenciement et il n'a subi aucun préjudice en lien avec l'absence de mention concernant la possibilité d'être assisté à l'entretien préalable
- le licenciement ne peut être requalifié sans cause réelle et sérieuse car le médecin du travail a fait référence expressément aux termes de l'article L1226-2-1
- la jurisprudence produite par le salarié est inapplicable car elle ne concerne pas le cas où le médecin du travail a déclaré que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi et la dernière décision concerne un refus d'offre de reclassement
- l'ensemble des avances qu'il a consenti est justifié par la production des factures de livraison de fuel de 2011 à 2016, d'une attestation des deux livreurs et des trois factures produites d'énergie et de réparations automobiles
- le salarié n'a jamais contesté devoir la somme de 6 891,90 euros jusqu'à présent, prenant en compte l'indemnité de licenciement, selon décompte signé par les deux parties le 2 novembre 2019
- l'indemnité de licenciement n'est pas la contrepartie d'un travail fourni et ne constitue pas un élément du salaire. Elle peut donc être compensée. L'article L3251-1 ne concerne que les retenues de salaire
- le conseil de prud'hommes lui a donné acte pour solde de tout compte de la somme de 951,12 euros correspondant au calcul après compensation avec l'indemnité de licenciement
- la somme de 724,42 euros à titre de dommages et intérêts est justifiée car il a souhaité aider son salarié en situation financière délicate. Les sommes réclamées sont constitutives d'une exécution déloyale dans la relation de travail
- il a payé par chèque du 2 novembre 2019 à M. [Z] la somme de 250,98 euros correspondant aux rappels de salaires de janvier, février et mars 2017
- c'est le courrier de la protection juridique de M. [Z] et non la saisine de la juridiction prud'homale qui a entraîné le paiement du rappel de salaire ce qui exclut les manoeuvres dolosives alléguées par l'appelant au soutien de sa demande en dommages et intérêts
MOTIFS :
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger », les « constater » et les 'donner acte' ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas - hormis les cas prévus par la loi - de droit à la partie qui les énonce.
I- Sur le licenciement :
L'article L1226-2-1 du code du travail est ainsi rédigé :
'Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre'.
En application de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre doit comporter le ou les motifs du licenciement et fixe les termes du litige. L'énoncé du motif doit se suffire à lui-même pour pouvoir être compris par le salarié et discuté, le cas échéant, devant le juge.
Il résulte de cette règle qu'en cas d'inaptitude et dans la mesure où l'employeur est tenu en toutes circonstances et quels que soient les termes de l'avis d'inaptitude de rechercher à reclasser le salarié, le licenciement ne peut être prononcé pour inaptitude sans référence à l'impossibilité de reclassement.
En aucun cas, l'avis du médecin du travail ne peut constituer en lui-même la preuve de l'impossibilité de reclassement ce qui repose sur une distinction des rôles respectifs donnés par la loi au médecin du travail, qui doit formuler un avis médical et à l'employeur, sur lequel pèse l'obligation de reclassement.
A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement doit donc viser, non seulement l'inaptitude du salarié mais également l'impossibilité de reclassement.
En l'espèce, la simple mention de l'inaptitude du salarié dans la lettre de licenciement du 31 juillet 2019 sans mention de l'impossibilité de reclassement ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement.
La cour infirme le jugement entrepris et déclare le licenciement de M. [Z] sans cause réelle et sérieuse.
2. Sur les conséquences du licenciement
- sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents
Aux termes de l'article L1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont le point de départ est fixé par la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement.
L'indemnité de préavis demandée est conforme aux dispositions de l'article L1234-5 du code du travail dont les modalités ne sont pas utilement discutées par l'employeur.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé et M. [V] sera condamné à lui payer la somme de 3 185,56 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 318,55 euros au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis.
- sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux en mois de salaire brut.
En l'espèce, le salarié ne justifie pas de sa situation personnelle et professionnelle actuelle. Néanmoins, au regard de son ancienneté de seize ans dans l'entreprise et au montant de son salaire brut au dernier état de 1 592,78 euros, la cour évalue les dommages et intérêts à la somme de 12 742,24 euros correspondant à 8 mois de salaire brut.
La cour condamne M. [V] au paiement des sommes de 3 185,56 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 318,55 euros au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis et 12 742,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
II- Sur la procédure de licenciement :
Le cumul des indemnités pour non-respect de la procédure avec les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse étant interdit, il n'y a pas lieu d'examiner la question de la notification de l'impossibilité de reclassement au salarié par application de l'article L. 1226-2-1 ni du défaut d'objet de la convocation à entretien préalable par application de l'article L1232-2.
La cour confirme le jugement entrepris.
III- Sur le rappel de salaires et le solde de tout compte :
Il existe deux écrits :
- un écrit non contesté, daté du 2 août 2019, signé par les parties, intitulé 'reçu pour tout compte' s'élevant à 8 111,60 euros correspondant au bulletin de paie du mois d'août se décomposant ainsi :
- salaire de base : 1 521,25
- absence pour entrée/sortie : - 1 380,83
- absence non rémunérée 010819 : - 70,21
- prime d'ancienneté : 5,62
- indemnité compensatrice de congés payés : 2 717,19
- indemnité de licenciement exonérée : 6 167,48
- report du mois précédent : - 421,08
- un écrit contesté, daté du 2 novembre 2019, signé uniquement par M. [Z], précédé de la mention 'lu et approuvé' que les parties dénomment 'décompte', faisant état de factures que M. [V] soutient avoir réglées pour le compte de son salarié :
- 5 livraisons de fuel entre 2011 et 2016 pour un montant de 6 202 euros HT
- 3 factures : électricité, réparation de véhicule, EDF pour 659,90 euros HT
soit un total de : 6 891,90 euros HT
Il est également indiqué :
- 'mon solde de tout compte' : 8 118,60 euros
- un acompte de 1 000 euros
- 'déduction des factures que je dois à M. [V]' : 6 891,90 euros
reste dû par mon employeur : 256,70 euros
Les parties ne contestent pas :
- le versement de l'acompte de 1 000 euros
- le chèque de 250,98 euros, remis à M. [Z], représentant le solde des salaires des mois de janvier, février et mars 2019.
En premier lieu, M. [Z] soutient que ces documents sont antidatés.
En deuxième lieu, M. [Z] soutient que le décompte dont se prévaut l'employeur est nul en application de l'article 464 du code civil : il a signé l'acte moins de deux ans avant son placement sous mesure de protection le 17 mars 2020, son employeur était au courant de sa pathologie et cet acte lui a créé un préjudice car, n'étant pas assisté, il n'a pas été en mesure de comprendre l'étendue des retenues pratiquées.
En troisième lieu, M. [Z] soutient qu'il n'a pas écrit de sa main le montant en chiffres et en lettres sur le décompte qu'il a signé comme l'exige l'article 1376 du code civil.
Cet article dispose que : 'L'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres'.
La cour observe qu'elle n'est saisie d'aucune demande en annulation sur le fondement de l'article 464 du code civil ni d'aucune demande en nullité de l'acte intitulé «'décompte'» et qu'il s'agit simplement de moyens dont l'appelant ne tire aucune conséquence juridique.
Il ne s'agit pas non plus d'une reconnaissance de dette comme le soutient M. [Z] mais de son accord sur le décompte auquel il a été procédé par son employeur et aux termes duquel ce dernier, et non M. [Z], se reconnaît débiteur envers son salarié de la somme de 256,70 euros.
La cour rejette donc ce moyen.
M. [Z] soutient que son employeur a opéré dans le 'décompte' une compensation entre une dette qu'il conteste et le solde de tout compte alors que l'article L 3251-1 du code du travail dispose que : 'L'employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature'. Une compensation n'est possible qu'entre une indemnité de licenciement et des fournitures mises à la disposition du salarié dans le cadre de son travail, ce qui n'est pas le cas.
M. [V] soutient au contraire que la compensation avec l'indemnité de licenciement est possible car l'interdiction de l'article L3251-1 ne concerne que les retenues de salaire ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant de simples 'avances'.
Toutefois, si le décompte comprend une créance protégée, l'indemnité de congés payés sur laquelle toute compensation est impossible, il comprend aussi des créances non protégées comme l'indemnité de licenciement sur laquelle la compensation est possible.
En conséquence, la cour infirme le jugement déféré et condamne M. [V] à payer à M. [Z] la somme de 7 118,80 euros brut, soit le montant du solde de tout compte de 8 118,60 euros, déduction faite des 1 000 euros d'acompte.
La cour précise que les condamnations prud'homales au titre des créances de salaire sont prononcées en brut et non en net.
IV- Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
Il résulte des énonciations qui précèdent qu'alors que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et que la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié, que M. [Z] n'établit, par la production d'aucun élément probant, les manoeuvres dolosives alléguées. D'autre part, le reliquat de salaires n'est pas contesté et un chèque a été établi à son ordre par l'employeur.
M. [P] [V] réclame des dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale de la relation de travail. Les avances qu'il a consenties au salarié se situent hors champ professionnel, ne relèvent pas de la relation de travail et aucun élément probant n'est produit à l'appui d'une quelconque mauvaise foi du salarié qui lui reproche, de son côté, d'avoir antidaté les pièces amenées à signer.
En conséquence, la cour confirme le jugement déféré sur ce point.
V -Sur les demandes annexes :
M. [P] [V], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [R] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, la cour déboute M. [P] [V] de sa propre demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 10 juin 2021 en ce qu'il a :
- débouté M. [R] [Z] de sa demande en dommages et intérêts pour absence d'information des motifs du reclassement
- débouté M. [R] [Z] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure irrégulière
- débouté M. [R] [Z] de sa demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- débouté M. [P] [V] de sa demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale de la relation de travail,
- débouté M. [P] [V] du surplus de ses demandes
INFIRME le jugement du 10 juin 2021 en ce qu'il a :
- débouté M. [R] [Z] de sa demande en licenciement sans cause et sérieuse, des indemnités et dommages et intérêts subséquents,
- débouté M. [R] [Z] de sa demande en rappel de salaire au titre du solde de tout compte
- donné acte à M. [P] [V] de son engagement au paiement de la somme de 951,12 euros pour solde de tout compte entre les mains de M. [R] [Z]
- condamné M. [R] [Z] au paiement de la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. [R] [Z] aux entiers dépens
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DÉCLARE le licenciement de M. [R] [Z] sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE M. [P] [V] à payer à M. [R] [Z] les sommes de :
- 3 185,56 euros au titre de l'indemnité de préavis
- 318,55 euros au titre des congés payés sur préavis
- 12 742,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNE M. [P] [V] à payer à M. [R] [Z] la somme de 7 118,60 euros brut au titre du rappel de salaire en règlement du solde de tout compte,
CONDAMNE M. [P] [V] aux dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE M. [P] [V] à payer à M. [R] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [P] [V] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Chloé ORRIERE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE CONSEILLER