La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/2023 | FRANCE | N°21/00723

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 10 janvier 2023, 21/00723


ARRÊT DU

10 JANVIER 2023





NE / NC***





-----------------------

N° RG 21/00723 - N° Portalis DBVO-V-B7F-C5ES

-----------------------











[PD] [E]



C/



SELAFA MJA mandataire liquidateur de la S.A.S. [Localité 7] INTERNATIONAL



AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST





-----------------------











Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 12 / 2023




<

br>



COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le dix janvier deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonc...

ARRÊT DU

10 JANVIER 2023

NE / NC***

-----------------------

N° RG 21/00723 - N° Portalis DBVO-V-B7F-C5ES

-----------------------

[PD] [E]

C/

SELAFA MJA mandataire liquidateur de la S.A.S. [Localité 7] INTERNATIONAL

AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 12 / 2023

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le dix janvier deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre, assistée de Chloé ORRIERE, greffière

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

[PD] [N] [I] [E]

né le 03 mai 1971 à [Localité 8]

de nationalité française, directeur des opérations

domicilié : [Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Laurent BELOU, substitué à l'audience par Me Véronique MAS-HEINRICH, SELARL Cabinet Laurent BELOU, avocat au barreau du LOT

APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire- de [Localité 7] en date du 15 juin 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00105

d'une part,

ET :

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST représentée par sa directrice nationale actuellement en exercice domiciliée en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, substituée à l'audience par Me Laura CHIAPPINI, avocate au barreau d'AGEN

SELAFA MJA, en qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. [Localité 7] INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 5]

Assignée, n'ayant pas constitué avocat

INTIMÉES

d'autre part,

A rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 15 novembre 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et Pascale FOUQUET, conseiller, rapporteurs, assistées de Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière. Les magistrats rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre elles-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

* *

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée, M. [PD] [E] a été embauché le 2 juin 1998 par la Manufacture d'Appareillage Electrique de [Localité 7] (ci-après désignée MAEC), à [Localité 7] (46) en qualité de responsable achats de produits mécaniques et électromécaniques, statut cadre position 2.

La convention collective applicable était celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

A compter du 1er mars 2012, il a été promu animateur et coordinateur des services achats de l'ensemble des filiales du Groupe [Localité 7], devenant cadre position 3, échelon A et coefficient 135.

Le 1er juillet 2014, son contrat de travail a été transféré à la société [Localité 7] International, avec reprise de son ancienneté.

Le GROUPE [Localité 7] a été racheté par la société EPSYS HOLDING fin octobre 2019 et M. [H] [U] est devenu directeur général du GROUPE [Localité 7] en lieu et place de [F] [D].

M. [L] [T], qui occupait le poste de directeur commercial Groupe et qui était le supérieur hiérarchique direct de [PD] [E] a quitté ses fonctions, le 26 novembre 2019.

M. [PD] [E] a été placé en arrêt de travail par son médecin traitant à compter du 24 janvier 2020, renouvelé plusieurs fois jusqu'au 31 mars 2020 puis à nouveau 15 mai 2020 jusqu'au 14 juin 2020.

Le 1er avril 2020, le médecin du travail a préconisé une reprise à temps partiel thérapeutique.

Le 14 mai 2020, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude d'origine non professionnelle, mentionnant que «l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi».

Par courrier du 26 mai 2020, l'employeur lui a notifié son impossibilité de le reclasser.

Par lettre du 28 mai 2020, il a été convoqué à un entretien préalable de licenciement fixé au 9 juin 2020.

Par courrier du 12 juin 2020, l'employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement en indiquant :

«À la suite de plusieurs arrêts de travail, vous avez été reçu par le médecin du travail le 14 mai 2020 pour une visite de reprise. À l'issue de cette visite, le médecin du travail a rendu l'avis suivant : Cas de dispense de l'obligation de reclassement. (') L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi».

Il a reçu le montant de son solde de tout compte par virement le 11 août 2020. Le 25 août 2020, il a reçu les derniers documents.

M. [PD] [E] a informé la société GROUPE [Localité 7] que son solde de tout compte comportait des erreurs et que son inaptitude était d'origine professionnelle.

M. [PD] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 7] le 14 décembre 2020 en contestation des sommes versées et qualification de son licenciement pour inaptitude en licenciement pour inaptitude professionnelle.

Par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International et a désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [WA] [A] et la SELARL AJ Associés, prise en la personne de Maître [C] [P], remplacée par Maître [Y] [B], avec mission de gérer l'activité jusqu'au 15 mars 2021.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 janvier 2021, M. [PD] [E] a déclaré sa créance entre les mains de la SELAFA MJA.

Par jugement du 3 février 2021, le tribunal de commerce de Paris a mis fin au maintien d'activité et à la mission de la SELARL ASCAGNE AJ en qualité d'administrateur judiciaire. Il a maintenu la SELAFA MJA en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 15 juin 2021, le conseil de prud'hommes de [Localité 7], section Encadrement, a :

- mis hors de cause la SELARL AJA,

- fixé le salaire de référence de M. [E] [PD] à la somme de 8 438,07 euros,

- fixé la créance de M. [E] [PD] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International, représentée par Maître [A], és-qualité de mandataire liquidateur, aux sommes suivantes :

- 5 983,02 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

- 295,43 euros au titre du rappel de salaire,

- débouté Monsieur [E] [PD] sur les chefs de demandes suivants :

- le rappel de bonus 2019,

- le rappel de bonus 2020,

- le rappel des congés payés,

- la requalification de l'inaptitude non professionnelle en inaptitude professionnelle,

- l'indemnité compensatrice de préavis,

- l'indemnité spéciale de licenciement,

- dit que la créance portera intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2020,

- ordonné à Maître [A] de remettre les documents de fin de contrat et un bulletin de paie conforme au jugement,

- condamné la SELAFA MJA, en sa qualité de mandataire judiciaire, à verser à M. [PD] [E] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit le présent jugement opposable au CGEA-ILE de France Ouest dans le cadre de ses garanties légales et réglementaires,

- inscrit les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 8 juillet 2021, M. [PD] [E] a régulièrement déclaré former appel du jugement en désignant la société [Localité 7] International en qualité de partie intimée et l'ASSOCIATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST en qualité de partie intervenante et en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

- fixé son salaire de référence à la somme de 8 438,07 euros bruts

- fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International à 5 983,02 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

- l'a débouté de sa demande de rappel de congés payés, de sa demande du solde ou rappel de bonus 2019, de sa demande du solde ou rappel de bonus 2020, de sa demande de requalification du licenciement prononcé pour inaptitude non professionnelle en licenciement pour inaptitude professionnelle, de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement.

La société [Localité 7] International n'a pas constitué avocat.

Les conclusions de l'appelant ont été signifiées à la SELAFA, es qualité de mandataire liquidateur de la société [Localité 7] International par acte d'huissier du 25 octobre 2022 et celles de l'ASSOCIATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST par acte d'huissier du 17 janvier 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022 et l'affaire fixée pour plaider à l'audience du 15 novembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

I. Moyens et prétentions de M. [PD] [E] appelant principal

Dans ses dernières conclusions, enregistrées au greffe le 27 octobre 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, M. [PD] [E] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de [Localité 7], en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International à 295,43 euros à titre de rappel de salaires,

Statuant à nouveau :

A titre principal,

- fixer son salaire de référence de [PD] [E] à la somme de 8 579,94 bruts,

- dire que son licenciement pour inaptitude a une origine professionnelle,

En conséquence,

- fixer sa créance de [PD] [E] au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International à :

- 17 159,89 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 29 786,06 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- déclarer recevable sa demande tendant à voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en application des articles 562 et suivants et 904-1 alinéa 2 du code de procédure civile,

- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International à la somme de 141 569,01 euros,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International à :

- 1 702,49 euros au titre du solde ou rappel du bonus 2019,

- 6 857,92 euros au titre du solde ou rappel du bonus 2020,

- 1 199,72 euros à titre de rappel de congés payés,

- 7 461,03 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

A titre subsidiaire, si la cour d'appel le déboutait de sa demande relative au rappel du bonus 2019,

- fixer son salaire de référence à la somme de 8 438,07 bruts,

- dire que son licenciement pour inaptitude a une origine professionnelle

En conséquence,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International à :

- 16 876,14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 27 938,91 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- déclarer recevable sa demande tendant à voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en application des articles 562 et suivants et 904-1 alinéa 2 du code de procédure civile,

- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International à la somme de 139 228,15 euros

- fixer la créance de [PD] [E] au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International à :

- 6 857,92 euros au titre du solde ou rappel du bonus 2020,

- 1 199,72 euros à titre de rappel de congés payés,

- 5 983,02 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

En toutes hypothèses,

- dire que sa créance telle que fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International portera intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation en conciliation,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat de travail, du dernier bulletin de salaire modifiés au vu de la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- condamner la SELAFA MJA, es qualité de mandataire liquidateur à la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer le jugement opposable au CGEA-AGS, sous réserver des limites légales et réglementaires applicables,

- dire que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.

Au soutien de ses prétentions, M. [PD] [E] fait valoir que :

- sur l'origine professionnelle de son inaptitude :

- la dégradation de son état de santé avec syndrome anxio dépressif réactionnel présente un lien de causalité avec ses conditions de travail et il le démontre

- le conseil de prud'hommes a opéré une confusion avec la réglementation concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles pris en charge par la sécurité sociale, or il lui appartenait de rechercher lui-même l'existence du lien de causalité

- il n'a jamais fait l'objet d'un arrêt maladie en 22 ans de carrière et a eu un parcours exemplaire, ce sont un épuisement psychologique en lien avec ses conditions de travail, l'impact du changement de direction, l'impossibilité d'avoir des réponses pour répondre aux clients et à l'équipe qui ont conduit à la dégradation de son état de santé, à son inaptitude et à son licenciement,

- son état de santé s'est brusquement dégradé à partir du moment où il a repris les fonctions de son supérieur hiérarchique, M. [L] [T] et certaines de ses missions ce qui a entraîné une surcharge de travail ; de plus, il s'est rapidement heurté à un manque de réactivité et de réponses de sa hiérarchie

- plusieurs salariés, MM. [J], [S], [YT], [Z], attestent de la désorganisation de la société comme conséquence directe du licenciement brutal de M. [T] pour faute grave

- il devait gérer l'équipe et répondre aux sollicitations des clients en l'absence de disponibilité de M. [U] en plus de ses propres attributions

- les procès-verbaux de réunion du CSE du 19 décembre 2019 du 23 janvier 2020 produits le confirment. Il a donné sa démission de la présidence du CSE le 19 décembre

- il produit : son dossier médical émanant du médecin du travail rencontré la première fois en 2017, qui confirme la dégradation de son état de santé en lien avec les conditions de travail, les attestations de l'infirmière de santé au travail, celle de son épouse, les arrêts de travail prescrits par son médecin traitant, les échanges avec le médecin du travail

- l'employeur avait connaissance du lien entre son état de santé et ses conditions de travail : l'avis d'inaptitude a fait l'objet d'un échange entre le médecin du travail et Mme [X], responsable des ressources humaines, le 12 mai 2020 pour une étude de poste. L'employeur savait donc à cette date que la maladie du salarié était en lien avec ses conditions de travail

- il ne s'agit pas de problèmes d'ordre privé comme l'a retenu le conseil de prud'hommes et le mail du 13 mai 2020 évoqué dans le jugement n'existe pas

- l'employeur n'a pris aucune mesure malgré la procédure d'alerte lancée le 31 janvier 2020 par trois membres du CSE pour danger grave et imminent sur la santé des salariés

- les procès-verbaux des CSE des 23 avril, 23 mai, 28 octobre et 13 novembre 2020 n'apportent pas d'éléments sur les réponses de l'employeur, il est même fait état d'une relance.

- sur la recevabilité de la demande de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse':

- par article de presse paru dans la Dépêche du midi le 21 septembre 2022, il a été annoncé que deux anciens dirigeants salariés de [Localité 7] International, avaient gagné leur procès devant le conseil de prud'hommes pour licenciement abusif et non-versement de la part variable de leur salaire ; son conseil s'est donc rapproché du greffe de cette juridiction pour obtenir copies de ces jugements

- la lecture de ces jugements lui a permis de prendre connaissance de la politique menée par le nouveau dirigeant de Groupe [Localité 7], de sa volonté de liquider la société [Localité 7] International : modification des règles de rémunération de [Localité 7] International sans en informer les directeurs, cession de créances, prise en charge des frais de fonctionnement d'une autre filiale en Tunisie

- la cour d'appel doit rechercher si le demandeur n'avait pas eu connaissance de la survenance de la révélation d'un fait postérieurement au jugement, tel est le cas en espèce, c'est pourquoi sa demande formulée par voie de conclusions récapitulatives signifiées le 20 octobre 2022, en application de l'article 910-4 alinéa 2 du code de procédure civile est recevable

- sur la requalification

- lorsqu'il est établi que l'inaptitude est consécutive un manquement préalable de l'employeur l'ayant provoqué, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, or son inaptitude en raison de laquelle il a été licencié a été provoquée par les manquements de l'employeur à son obligation de santé et sécurité

- à aucun moment, l'employeur n'a apporté de réponse aux salariés alors que les membres du CSE avaient fait valoir leur droit d'alerte, au contraire il a créé et maintenu une désorganisation totale de la société [Localité 7] international, mettant en difficultés ses salariés

- en ne mettant pas en place une organisation et des moyens adaptés, en ne tenant pas compte du changement des circonstances, en ne prenant aucune mesure pour améliorer la situation existante, l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et son inaptitude est pour ces raisons, consécutive à un manquement préalable de l'employeur

- cette demande ne saurait être considérée comme nouvelle

- sur les conséquences financières':

- au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, il est réclame 17 159,89 euros, soit deux mois de salaire, sur la base d'un salaire mensuel fixé à 8 579,94 euros

- au titre de l'indemnité de licenciement, en l'absence de dispositions conventionnelles plus favorables, l'indemnité légale de licenciement se serait élevée à 55 855,56 euros, conformément aux dispositions de l'article R 1234-2 du code du travail. En cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle, cette indemnité spéciale de licenciement est doublée, soit 111 711,13 euros. Ayant perçu la somme de 81 925,07 euros, il lui reste à percevoir 29 786,06 euros à ce titre

- la dégradation de la société [Localité 7] International a été volontaire, M. [U] ayant vraisemblablement pour objectif de liquider la société à moindre frais. L'employeur a maintenu une désorganisation totale, mettant en difficulté ses salariés.

- plusieurs actions ont été engagées par des salariés devant les conseils de prud'hommes

- sa demande n'est pas nouvelle puisque les prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent

- il a été licencié après 22 ans d'ancienneté et a dû faire face à une grave dépression suite à cela. Il sollicite le maximum du barème de référence, soit 16,5 mois de salaire soit 141 569,01 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en prenant en compte un salaire de référence de 8 579,94 euros après réintégration du bonus 2019. Si le salaire de référence de 8 438,07 euros devait être maintenu, il serait demandé la somme de 139 228,15 euros,

- sur les demandes de rappel de bonus 2019 et 2020, de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de congés payés :

- sur le rappel des primes d'objectifs ou bonus pour les années 2019 et 2020 : pour l'année 2018, il a perçu une prime d'objectif de 12 225 euros, elle était de 7 251,22 euros en 2019 et 3 000 euros (au prorata) en 2020

- chaque année des objectifs quantitatifs et qualitatifs étaient fixés par la direction, comprenant une part individuelle et une part collective. M. [G] [W], M. [L] [T], tous deux ayant exercé les fonctions de directeur général, ont attesté que cette prime était versée, sans prendre en compte le temps de travail effectif ou temps de présence de la personne. M. [K], directeur opérationnel de la société, l'a également confirmé

- concernant le bonus de l'année 2019, le chiffre d'affaires retenu pour calculer la prime est inférieur au chiffre d'affaires qui devait être réalisé au vu des commandes passées. Cette baisse a résulté d'annulations de commandes déjà enregistrées. La perte ne lui est donc pas imputable, puisqu'il avait alors atteint son objectif, et doit être réintégrée dans les bases de calcul. D'ailleurs, un salarié qui en a fait la demande a vu sa prime corrigée à partir du chiffre d'affaires prévisible au vu des commandes. En vertu du principe d'égalité des salariés, il doit en être de même pour lui. Il demande donc 1 702,49 euros au titre du solde ou de rappel du bonus 2019,

- concernant le bonus de l'année 2020, aucun objectif n'a été défini par l'employeur, il est donc possible de demander la somme maximale fixée les années précédentes. M. [K] confirme que «les objectifs de la part individuelle n'ont pu être transmis à Monsieur [PD] [E] en 2020». En 2019, la somme maximale était de 22 000 euros, cela correspond à 9 857,92 euros au prorata des jours où il était salarié (22 000 / 366 x 164). Ayant déjà perçu 3 000 euros, il réclame le restant dû, 6 857,92 euros,

- en réintégrant l'arriéré dû au titre du bonus 2019, le salaire de référence doit être porté à 8 579,94 euros,

- sur l'indemnité de licenciement conventionnelle : elle est de 1/5 du salaire de référence sur 7 années, et 3/5 du salaire de référence sur 15 ans et 11 jours. Il a perçu 81 925,07 euros ; or l'indemnité de licenciement conventionnelle est de 89 386,10 euros avec un salaire de référence de 8 579,94 euros. Il est demandé la différence, soit 7 461,03 euros,

- sur le rappel de congés payés : il a été placé en arrêt maladie à compter du 15 mai 2020, ainsi les congés payés des 18, 19, 20 et 22 mai 2020 doivent lui être réglés, soit 1 199,72 euros brut. Il n'a jamais eu le calcul de l'indemnité des congés payés telle qu'inscrite dans le solde de toute compte. Il appartient à l'employeur de produire ses modalités de calcul.

II. Moyens et prétentions de UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA ILE DE FRANCE OUEST, intimée sur appel principal

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 27 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens et prétentions, UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA ILE DE FRANCE OUEST demande à la cour de :

- débouter M. [PD] [E] de son appel et de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de [Localité 7] du 15 juin 2021 en ce qu'il l'en a débouté,

- en tous cas, prononcer l'irrecevabilité pour atteinte au principe du contradictoire des conclusions récapitulatives notifiées le 20 octobre 2022 et des 29 nouvelles pièces communiquées à la même date par M. [E] et en tous cas prononcer l'irrecevabilité en application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile des demandes nouvelles formulées par M. [E] pour la première fois dans ses conclusions récapitulatives du 20 octobre 2022 tendant à voir juger que son licenciement est sans cause réelle ni sérieuse et fixer en sus une créance supplémentaire à ce titre à son profit à un montant de 141 569,01 € à titre principal et 139 228,15 € à titre subsidiaire,

- en tout état de cause, prendre acte de son intervention subsidiaire, de ses remarques ainsi que des limites de sa garantie, l'UNEDIC DELEGATION AGS ne pouvant tout au plus avancer le montant des créances constatées qu'entre les mains du liquidateur dans la limite légale de sa garantie, laquelle exclut l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700, les dépens et les astreintes ainsi que les intérêts.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- Sur l'origine professionnelle du licenciement pour inaptitude :

- M. [PD] [E] procède par affirmations subjectives et totalement inexactes au regard des éléments versés aux débats. Le salarié ne démontre pas l'existence d'un lien entre son inaptitude et ses conditions de travail. Il ne démontre pas non plus l'absence de communication et la non disponibilité reprochée à M. [U]

- contrairement à ce qui est avancé, le premier arrêt de travail du 24 janvier 2020 n'indique pas qu'il est prescrit pour état dépressif réactionnel et surmenage. Ce n'est que le quatrième arrêt du 19 mars 2020 qui indique un éventuel surmenage, qui n'est d'ailleurs plus évoqué par la suite. Il est évident que les arrêts de travail délivrés ne sont pas le résultat de constations médicales mais reprennent uniquement les dires du patient

- il est significatif que le salarié n'ait jamais entamé une procédure de reconnaissance d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle

- les procès-verbaux de réunion CSE ne concernent pas sa situation personnelle mais font tout au plus état de phénomène de stress ambiant de la part de l'ensemble des salariés auquel il ne saurait être assimilé compte tenu de ses fonctions de direction

- la preuve d'une absence de communication efficiente et d'une non disponibilité de M. [H] [U] ne saurait résulter des quelques mails qu'il produit après les avoir soigneusement sélectionné et qui émane de lui-même

- le compte-rendu du médecin du travail du 13 mai 2020 indique que la responsable des ressources humaines lui a fait part de problèmes familiaux importants de M. [PD] [E]. De plus, dans son dossier médical, il est noté le 25 avril 2017 qu'il souffrait de troubles du sommeil depuis plusieurs mois. Ainsi, ses troubles anxio dépressifs n'ont pas une origine professionnelle.

- Sur la contestation des sommes allouées

- sur le salaire de référence, M. [PD] [E] reprenait lui-même le montant de 8 438,07 euros dans ses premières contestations et dans sa déclaration de créance. Il n'y a pas lieu de prendre en compte la moindre somme au titre du bonus 2019, car celle-ci n'était payable qu'en 2020 et le bonus 2018 a été intégré dans la rémunération de février 2019, prise en compte pour établir le salaire brut de référence

- M. [PD] [E] n'apporte pas non plus de preuve de nature à justifier des prétendus rappels de prime ou bonus pour les années 2019 et 2020. Le salarié ne satisfait pas à la charge de la preuve qui lui incombe pour justifier du bien-fondé de paiement de sommes supplémentaires

- concernant l'indemnité de licenciement conventionnelle, le salaire de référence étant de 8 438,07 euros, l'indemnité de licenciement qu'est en droit de percevoir M. [PD] [E] correspond à 87 908,09 euros et non 89 386,10 euros. Ayant déjà reçu la somme de 81 925,07 euros, le conseil de prud'hommes a valablement fixé la créance de M. [PD] [E] à 5 983,02 euros

- sur le rappel de congés payés, le salarié ne satisfait pas à la charge de la preuve qui lui incombe du bien-fondé de ses prétentions.

- Sur l'irrecevabilité des conclusions notifiées le 20 octobre 2022 par M. [E], des demandes nouvelles figurant dans ces conclusions et des pièces communiquées à la même date

- 7 jours seulement avant le prononcé de l'ordonnance de clôture dont il avait été précisé qu'elle ne serait pas reportée et alors que les plaidoiries étaient prévues pour le 15 novembre, M. [PD] [E] a notifié le 20 octobre 2022 de nouvelles conclusions comportant 12 pages de moyens supplémentaires et de nouvelles demandes tendant à voir juger pour la première fois que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

- il a également à la même date communiqué 29 pièces complémentaires dont les dates d'établissement remontent pour l'essentiel à 2019, 2020, 2021, janvier 2022, juin 2022 et pour les plus récentes au 9 septembre 2022,

- la cour ne pourra que prononcer l'irrecevabilité pour atteinte au principe du contradictoire des conclusions récapitulatives notifiées le 20 octobre 2022 et des 29 nouvelles pièces communiquées à la même date par M. [E] et en tous cas prononcer l'irrecevabilité en application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile des demandes nouvelles formulées pour la première fois dans les conclusions récapitulatives du 20 octobre 2022,

- Sur les limites légales de la garantie des AGS':

- elle ne garantit que les créances résultant de l'exécution du contrat de travail ou de sa rupture. La décision ne lui est opposable que dans les limites des conditions légales d'intervention ; elle ne garantit que les créances fixées dans la limite de 6 mois le plafond mentionné à l'article D 3253-5 du code du travail.

MOTIVATION

- sur l'origine de l'inaptitude

Il est constant que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Il est constant que les règles protectrices prévues par les articles L.1226-6 à L.1226-22 du code du travail concernent des salariées victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

S'il n'est pas nécessaire que le salarié ait régulièrement accompli les formalités de déclaration de cet accident du travail ou de cette maladie professionnelle à la caisse primaire d'assurance-maladie, encore convient-il que les éléments de la cause et les pièces produites démontrent l'existence d'un tel événement.

Aux termes de l'article L 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail pour inaptitude d'origine professionnelle ouvre droit pour le salarié qui ne peut exécuter son préavis à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-5 du code du travail ainsi qu'à une indemnité spécifique de licenciement, qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité légale de licenciement.

Le salarié ne peut prétendre à l'indemnité conventionnelle du préavis mais seulement à l'indemnité légale de préavis, qui, ayant un caractère indemnitaire, n'ouvre pas droit dans cette hypothèse à des congés payés afférents.

M. [E] a été placé en position d'arrêt de travail le 24 janvier 2020.

Contrairement aux affirmations de M. [E], le certificat médical initial n'indique pas un surmenage mais un état anxio dépressif réactionnel.

Cet arrêt a été prolongé par certificats du 14 février 2020, du 5 mars 2020, du 19 mars 2020 (état dépressif réactionnel et surmenage) avec une reprise à temps partiel à compter du 1er avril, suivi d'un d'une nouvel arrêt de prolongation le 15 mai 2020 (état anxio dépressif).

Le 1er avril 2020, le médecin du travail a préconisé une reprise à temps partiel thérapeutique à 50 % de son temps de travail habituel, sur des demi journées plutôt en matinées.

Le 14 mai 2020, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude précisant que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En l'espèce, il n'est pas contestable que :

l'arrêt de travail transmis à l'employeur précédant la déclaration d'inaptitude de M. [E] ne mentionnait nullement une origine professionnelle, s'agissant d'un simple arrêt pour maladie,

les avis du médecin du travail du 1er avril 2020 et du 14 mai 2020 ne font pas plus état du caractère professionnel de l'inaptitude constatée,

aucune demande de reconnaissance de maladie professionnelle n'a été formulée par M. [E],

les procès verbaux du CSE qui font état d'une désorganisation de l'entreprise, de beaucoup de stress et de nombreux salariés en souffrance n'évoquent aucunement le cas particulier de M. [E]

si Mme [R] [O], infirmière de santé au travail du Groupe [Localité 7], atteste du stress et de l'anxiété de M. [E], de son état de « burn out » liés aux 'difficultés dans l'organisation du travail au quotidien lié à l'absence de direction et de prise de décision contre ligne de conduite pour l'année à venir mais aussi la gestion des équipes', pour autant elle n'indique pas voir informé l'employeur de cette difficulté,

il ne résulte aucunement de l'échange du 13 mai 2020 entre la directrice des ressources humaines et le médecin du travail, tel que consigné dans le dossier médical versé aux débats, que ce dernier ait avisé la directrice d'une origine professionnelle de l'inaptitude à venir à l'issue de l'arrêt maladie.

Il s'en déduit que M. [E] ne rapporte nullement la preuve que la société [Localité 7] International avait connaissance du caractère professionnel de son inaptitude lorsqu'elle a procédé à son licenciement.

C'est donc à bon droit que la procédure de licenciement pour inaptitude a été instruite selon les règles applicables à l'inaptitude d'origine non professionnelle. M. [E] ne peut en conséquence prétendre au versement de l'indemnité de licenciement de l'article L 1226-14 du code du travail et doit être débouté de la demande en paiement qu' il a formé à ce titre.

Le jugement du conseil des prud'hommes sera confirmé sur ce point.

- Sur la recevabilité de la demande de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il n'est pas contestable que le salarié n'avait présenté en première instance aucune demande de requalification de son licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'intimé soulève l'irrecevabilité de cette prétention :

pour atteinte au principe du contradictoire des conclusions récapitulatives notifiées le 20 octobre 2022 et des 29 nouvelles pièces communiquées à la même date par M. [E],

en application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile des demandes nouvelles formulées pour la première fois dans les conclusions récapitulatives du 20 octobre 2022.

Force est de constater que les conclusions récapitulatives notifiées le 20 octobre 2022 et les pièces communiquées le même jour l'ont été avant l'ordonnance de clôture et que l'intimé a pu utilement y répondre par voie de conclusions notifiées le 27 octobre 2022.

Tenant ces éléments, aucune atteinte au principe du contradictoire ne peut être retenue.

Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, «à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait».

L'article 904-10 du code de procédure civile dispose que « à peine d'irrecevabilité les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908 à 910, l'ensemble des prétentions sur le fond », l'alinéa 2 du même précise que « demeurent recevables dans les limites du chef du jugement critiqué, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions adverses ou à faire juger des questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

Pour soutenir l'existence de la révélation d'un fait postérieur au jugement M. [E] se réfère à un article de presse du 21 septembre 2021 relatif à la condamnation de la société [Localité 7] International pour le licenciement abusif de deux dirigeants Mrs [M] et [K] et la communication par le greffe du conseil des prud'hommes de ces jugements suite à la demande faite en conséquence par son conseil.

Pour autant, la cour observe que M. [E] fonde sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité lui reprochant de ne pas avoir mis en place une organisation et des moyens adaptés, de ne pas avoir tenu compte du changement des circonstances suite au départ de M. [T], de n'avoir pris aucune mesure pour améliorer la situation existante, de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Les pièces produites au soutien de cette prétention soit les procès verbaux du CSE, les mails échangés avec M [U], le rapport de l'administrateur judiciaire, l'exercice du droit d'alerte par les membres du CSE, sont toutes antérieures à 2021 et il disposait donc de tous les éléments utiles pour solliciter les attestations produites ultérieurement et former dès ses premières conclusions, une demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ces conditions, cette prétention, qui n'était pas formulée dans les conclusions du 8 octobre 2021 ne peut s'analyser comme étant née de la survenance ou de la révélation d'un fait au sens de l'article 910-4 du code de procédure civile et doit être déclarée irrecevable.

- Sur les demandes de rappel de bonus 2019 et 2020, de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de congés payés

Les bonus et primes sur objectif et commission en pourcentage sur un chiffre d'affaire constituent une rémunération variable.

La charge de la preuve du paiement du salaire incombe à l'employeur qui se prétend libéré.

Même s'il appartient au salarié qui revendique une prime ou une rémunération variable de justifier qu'il a droit à son attribution, en fonction de conventions ou d'usages, l'employeur est tenu à une obligation de transparence qui le contraint à communiquer au salarié les éléments servant de base de calcul de son salaire notamment de cette part variable.

En l'absence de fixation des objectifs, il appartient au juge de déterminer le montant de la rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause.

Il n'est pas contesté que le salarié avait droit chaque année à une prime bonus fixée en fonction d'objectifs qualitatifs et quantitatifs et qu'il a perçu à ce titre :

pour l'année 2018, 12 225 euros,

pour l'année 2019, 7 251,22 euros,

pour l'année 2020, 3 000 euros.

Concernant le bonus 2019 :

M. [E] sollicite un rappel de 1 702,49 euros au titre du bonus 2019 au motif que le chiffre d'affaires retenu pour calculer la prime est inférieur au chiffre d'affaires qui devait être réalisé au vu des commandes passées.

M. [E] produit son tableau d'objectifs aux termes duquel il apparaît que le montant de sa prime est déterminée en fonction :

- d'objectifs collectifs (chiffres d'affaires)

- d'objectifs commerciaux (ses ventes)

- d'objectifs qualitatifs mesurables (augmenter le volume de marge-maîtrise du Bfr et atteindre un délai moyen de paiement- autres objectifs du PAI).

Force est de constater que le montant de la prime est calculé en fonction du chiffre d'affaire réalisé et non du nombre de commandes passées.

Il importe peu qu'un autre salarié, Mme [V], ait vu le montant de sa prime corrigé dès lors d'une part que le calcul du montant de la prime est fonction de critères collectifs mais aussi de critères individuels qu'elle a pu faire valoir dans le calcul de sa prime (client RMT ou reprise du marché de la Scandinavie) et d'autre part qu'il ne saurait y avoir d'atteinte au principe d'égalité des salariés dès lors qu'il n'est pas démontré que les autres salariés pouvant prétendre à la prime bilan auraient vu leur prime revalorisée par correction de l'objectif collectif lié au chiffre d'affaires.

Le jugement du conseil de prud'hommes qui l'a débouté de ce chef de demande sera donc confirmé.

Concernant le bonus 2020 :

Il n'est pas contesté qu'aucun objectif n'a été assigné à M. [E] au titre de l'année 2020.

La Cour considère établis les accords conclus l'année précédente et que dès lors M. [E] était en droit à prétendre à la somme maximale fixée pour l'année 2019 soit selon le tableau des objectifs 19 000 euros.

Le montant de la prime bonus 2020 s'élève à la somme de 8 513,66 euros (19000/366x164).

M. [E] peut donc prétendre à un rappel de salaire au titre de l'année 2020 de 5 513,66 euros (8513,66-3000).

Le jugement du conseil des prud'hommes sera infirmé sur ce point.

Concernant l'indemnité conventionnelle

La cour confirme le calcul du conseil des prud'hommes qui a retenu un salaire moyen d'un montant de 8 438,07 euros, calculé sur les 12 derniers mois sans intégrer le rappel de bonus sollicité au titre de l'année 2019.

Dès lors, la décision du conseil des prud'hommes qui a fixé à la somme de 5 983,02 euros le solde dû à M. [E] au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement en retenant que le montant total de cette indemnité s'élève à la somme de 87 908,09 euros (1/5 du salaire de référence sur 7 ans et 3/5 du salaire de référence sur 15 ans et 11 jours) sera confirmée.

Concernant le rappel des congés payés

Pour confirmer la décision du conseil des prud'hommes l'ayant débouté de ce chef de demande, il suffira de rajouter que :

- M. [E] sollicite paiement de jours de RTT pour les 18 et 22 mai 2020, or, étant en arrêt de travail à cette période, il ne pouvait prétendre à des RTT.

- la demande de paiement de congés payés pour les 19 et 20 mai 2020, alors qu'il se trouvait en arrêt de travail n'est pas non plus justifiée.

Sur les autres demandes

La créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International portera intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation en conciliation.

La SELAFA MJA en qualité de mandataire liquidateur devra remettre à M. [E] les documents de fin de contrat de travail, le dernier bulletin de salaire modifiés au vu de la décision à intervenir, sans qu'il ne soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de la procédure d'appel seront partagés par parts égales entre les parties.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de sa saisine, prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort

CONSTATE l'intervention subsidiaire de l'association AGS - CGEA ILE DE FRANCE OUEST dans les limites de sa garantie dans le cadre de la procédure collective,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Cahors du 15 juin 2021 en ce qu'il a :

- fixé le salaire de référence de Monsieur [E] [PD] à la somme de 8 438,07 euros

- fixé la créance de Monsieur [E] [PD] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International, représentée par Maître [A], ès-qualité de mandataire liquidateur, aux sommes suivantes':

- 5 983,02 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

- débouté Monsieur [E] [PD] sur les chefs de demandes suivants :

- le rappel de bonus 2019,

- le rappel des congés payés,

- la requalification de l'inaptitude non professionnelle en inaptitude professionnelle,

- l'indemnité compensatrice de préavis,

- l'indemnité spéciale de licenciement,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Cahors du 15 juin 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [E] [PD] de sa demande de rappel de bonus 2020,

Statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable la demande de Monsieur [E] [PD] tendant à voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

FIXE la créance de Monsieur [E] [PD] au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International à la somme de 5 513,66 euros au titre du solde ou rappel du bonus 2020,

DIT que la créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 7] International portera intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation en conciliation,

DIT que la SELAFA MJA en qualité de mandataire liquidateur devra remettre à Monsieur [E] [PD] les documents de fin de contrat de travail, le dernier bulletin de salaire modifiés au vu de la décision à intervenir,

DÉBOUTE Monsieur [E] [PD] de sa demande d'astreinte,

DÉBOUTE Monsieur [E] [PD] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

DIT que les dépens de la procédure d'appel seront partagés par parts égales entre les parties.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et Chloé ORRIERE, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00723
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;21.00723 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award