ARRÊT DU
10 JANVIER 2023
NE/CR***
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N° RG 21/00693
N° Portalis DBVO-V-B7F-C5BA
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S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE
C/
[Z] [W]
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 10 / 2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le dix Janvier deux mille vingt trois par Pascale FOUQUET, Conseillère, assistée de Chloé ORRIERE, greffière.
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE
RCS de Saint Etienne n°428 268 023
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Nadège MARTY-DAVIES, avocate au barreau de TOULOUSE
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUCH en date du 02 Juin 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F 20/00051
d'une part,
ET :
[Z] [W]
née le 24 Octobre 1979 à [Localité 2] (32)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Carine LAFFORGUE, avocate au barreau du GERS
INTIMÉE
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 15 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, Conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et Pascale FOUQUET, conseiller, rapporteurs, assistées de Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière. Les magistrats rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre elles-mêmes, de Benjamin FAURE, Conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er décembre 1999, Mme [Z] [W] a été embauchée par la société Distribution Casino France, en qualité d'employée commerciale, au sein de la grande surface Casino à [Localité 3], classification niveau 1, échelon B.
Elle a été promue au poste de responsable commerciale.
La convention collective nationale applicable était celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire
Mme [Z] [W] a été placée en arrêt de travail du 22 février 2018 au 15 avril 2018 puis du 7 décembre 2018 au 8 juillet 2019, à la suite d'un syndrome anxio-dépressif.
Le 6 mai 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude professionnelle à tout poste sur le site de [Localité 3] mais avec possibilité de travailler sur un autre site.
Par courrier du 7 mai 2019, elle a été convoquée à un entretien en date du 14 mai 2019 afin de faire le point sur sa situation et organiser par suite les recherches de reclassement.
Madame [Z] [W] ne s'étant pas présentée à cet entretien, la société lui a adressé un nouveau courrier le 15 mai 2019, pour poursuivre les démarches.
Le 20 mai 2019, la salariée a retourné la fiche de reclassement complétée à la société. L'employeur a proposé à Mme [Z] [W] deux postes par courrier du 6 juin 2019.
Par courrier du 16 juin 2019, la salariée a refusé les propositions de poste pour des raisons de mobilités géographiques.
Par courrier du 21 juin 2019, la société l'a informée des motifs s'opposant à son reclassement.
Par courrier du 22 juin 2019, Madame [Z] [W] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 3 juillet 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2019, l'employeur l'a licenciée pour inaptitude médicale avec impossibilité de reclassement.
Mme [Z] [W] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auch le 6 juillet 2020 d'une action dirigée contre la société Distribution Casino France en contestation de son licenciement.
Par jugement du 2 juin 2021, le conseil de prud'hommes d'Auch, section Commerce, a :
- jugé que le licenciement pour inaptitude prononcé le 6 juillet 2019 à l'encontre de Madame [Z] [W] était nul, pour être intervenu à la suite du harcèlement moral subi par la salariée,
- jugé par ailleurs que la société Distribution Casino France a manqué à son obligation de sécurité de résultat,
En conséquences,
- condamné la société Distribution Casino France à verser à Madame [Z] [W] les sommes suivantes :
- 2 844,72 euros bruts (deux mille huit cent quarante quatre euros et soixante douze centimes) au titre de l'indemnité de préavis,
- 8 500 euros net (huit mille cinq cent euros) à titre de dommages et intérêt pour licenciement nul,
- 10 000 euros net (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,
- 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Distribution Casino France de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Distribution Casino France aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 2 juillet 2021, la société Distribution Casino France a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions en intimant Mme [Z] [W] et en visant les chefs du jugement critiqué qu'il cite dans sa déclaration d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022 et l'affaire fixée pour plaider à l'audience du 15 novembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
I. Moyens et prétentions de la société Distribution Casino France, appelante principale
Dans ses dernières conclusions, enregistrées au greffe le 26 octobre 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante, la société Distribution Casino France demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu le 2 juin 2021 par le conseil de prud'hommes d'Auch en toutes ses dispositions,
Et, statuant à nouveau :
- débouter la partie adverse de toutes ses demandes,
- dire et juger que le licenciement de Madame [Z] [W] n'est pas entaché de nullité,
- dire et juger qu'elle a respecté son obligation de recherche de reclassement à l'égard de Madame [Z] [W] et ce de manière loyale et sérieuse,
- dire et juger que le licenciement de Madame [Z] [W] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- dire et juger qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité,
Subsidiairement,
Si par extraordinaire la cour considérait le licenciement nul :
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [Z] [W] la somme de 8 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,
A titre très subsidiaire,
Si par extraordinaire la cour considérait le licenciement non-fondé :
- ramener à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts alloués à Madame [Z] [W] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les fixer au maximum à la somme de 4 267,08 euros correspondant à 3 mois de salaire,
En tout état de cause :
- débouter Madame [Z] [W] du surplus de ses demandes,
- condamner Madame [Z] [W] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Au soutien de ses prétentions, la société distribution Casino France fait valoir que :
Sur l'absence de nullité entachant le licenciement de Madame [Z] [W]
- La salariée ne décrit pas précisément les prétendus agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime de la part de son directeur. Elle ne produit que des pièces faisant état, de façon très générale, de "surveillance constante" ou de "propos irrespectueux", sans démontrer le lien de causalité avec son état de santé.
- Plusieurs attestations d'employés, M. [T], Mme [M], Mme [C], Mme [U], Mme [I], Mme [Y] et Mme [P] témoignent qu'ils n'ont jamais eu connaissance ou subi de faits de harcèlement de la part du directeur. Ils étaient tous en poste au sein de la grande surface de [Localité 3] depuis leur date d'embauche.
- La salariée remet en cause ces témoignages mais ne produit aucun élément corroborant les agissements qu'elle invoque, alors qu'elle prétend que ceux-ci ont débuté en 2018. Elle a attendu un an après son licenciement pour contester ses conditions de travail et les circonstances de la rupture.
- Mme [Z] [W] a été placée en arrêt maladie du 22 février au 15 avril 2018, alors que M. [X], directeur, n'a été muté sur le site de [Localité 3] qu'à compter du 1er juillet 2018, soit plus de 4 mois après l'arrêt maladie de la salariée. Cet arrêt maladie ne peut donc pas avoir pour origine le comportement du directeur qui n'était pas encore présent à cette date.
- Elle affirme dorénavant n'avoir jamais prétendu que son arrêt de travail du 22 février au 15 avril 2018 était lié au comportement de M. [X]. Or dans son rappel des faits, elle ne fait aucune distinction entre les deux périodes d'arrêt de travail laissant entendre qu'elles seraient toutes deux dues au comportement de M. [X].
- Le conseil de prud'hommes s'est fondé à tort sur le simples déclarations de la salariée au médecin du travail et au médecin psychiatre.
- Aucun lien de causalité n'est démontré entre les pathologies invoquées et des supposés agissements de sa hiérarchie.
Sur le bien-fondé du licenciement pour inaptitude de Madame [Z] [W] et les recherches de reclassement loyales et sérieuses entreprises par la société
- L'ensemble de ses filiales et établissements a été interrogé sur la disponibilité d'un poste susceptible de correspondre aux préconisations du médecin du travail et au profil de Mme [Z] [W]. Deux postes ont pu être proposés à la salariée qui les a refusés en raison de la mobilité géographique qu'ils impliquaient alors que la salariée se limitait à un rayon de 15km. Il a donc été conclu à l'impossibilité de reclasser la salariée.
- S'agissant d'une obligation de moyen et non de résultat, elle a remplie son obligation de manière loyale et sérieuse.
Sur l'absence de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
- La société a toujours souhaité préserver les intérêts de ses employés pour prévenir les risques psychosociaux, par le biais notamment de guides : "Prévenir et gérer les incivilités" et "Management bienveillant".
- L'ensemble de ses managers, dont M. [X], a suivi une formation "management bienveillant" et un réseau de "bienveilleurs" a été instauré au sein du groupe Casino afin d'être à l'écoute des équipes.
Sur les autres demandes
- Très subsidiairement, Mme [Z] [W] ne justifie pas d'un préjudice particulier au-delà des conséquences d'un licenciement. En l'absence de préjudice spécifique, la demande ne peut excéder la somme de 4 267,08€, soit 3 mois de salaire.
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II. Moyens et prétentions de Madame [Z] [W], intimée sur appel principal
Dans ses uniques conclusions enregistrées au greffe le 26 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens et prétentions, Mme [Z] [W] demande à la cour de :
- déclarer l'appel interjeté par la société Distribution Casino France recevable en la forme mais mal fondé,
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris,
Y ajoutant,
- condamner la société Distribution Casino France à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tout les dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, Mme [Z] [W] fait valoir que :
Sur la nullité du licenciement
Sur le harcèlement moral :
- Son état de santé s'est gravement altéré en raison du harcèlement moral subi, ce qui a entraîné son arrêt de travail à compter du 7 décembre 2018.
- Son licenciement est la conséquence directe du harcèlement moral subi de la part de son directeur M. [X].
- Elle a travaillé pendant 22 ans dans ce magasin, dont 12 années avec M. [X] décrit comme "n'étant jamais satisfait, il vous gronde tout le temps".
- Elle démontre le harcèlement moral en produisant :
- son dossier médical établi par le médecin du travail faisant état notamment de "troubles mentaux du comportement, troubles du sommeil améliorés par le traitement, asthénie encore présente, encore des troubles de la concentration, aboulie, a peur de sortir de chez elle et de croiser son directeur, troubles anxieux, épisode dépressif, ... ".
Elle a déclaré au médecin du travail : "je me sens très dévalorisée en sa présence, je ressens en sa présence une absence de concentration, je tremble quand le téléphone sonne, j'ai peur de me faire gronder".
- le courrier du médecin psychiatre du 14 décembre 2018, indiquant qu'elle présentait un "état dépressif caractérisé d'intensité moyenne à sévère".
- les documents produits n'émanent pas tous de son médecin traitant,
- Il appartenait à l'employeur de démontrer que le management du directeur n'était pas constitutif d'un harcèlement moral, ce qu'il ne rapporte pas. Les attestations produites par l'employeur sont vagues et imprécises. Il s'agit de témoignages de pure circonstance et complaisance établis pour les besoins de la cause. Il a produit des nouvelles attestations de Mme [M], [C] et [I], or les horaires et tâches de ces salariés étaient différents des siennes.
- Le guide "Prévenir et gérer les incivilités" invoqué par l'employeur a été diffusé en novembre 2018 et est contemporain à son dernier arrêt de travail. Elle n'en a jamais eu connaissance.
- Elle déclare avoir déjà été en dépression en 2014. Elle n'avait pas été informée de la présence d'un référent bienveillance sur le site et n'a reçu aucune aide.
- Elle a toujours affirmé que le harcèlement moral avait débuté au mois de juillet 2018 et à l'arrivée de M. [X], et que son premier arrêt de travail n'était pas en relation avec l'arrivée du directeur. Il s'agissait d'une pathologie professionnelle distincte.
- L'avis d'inaptitude prononcé par le médecin du travail et le licenciement qui en découle sont la conséquence directe du harcèlement moral qu'elle a subi de la part de son directeur. Son licenciement est donc nul. Depuis son licenciement, elle exerce une activité de brocante/antiquité et n'a pas retrouvé un statut de salarié avec les garanties qui en découlent et perçoit encore un complément d'allocation chômage.
Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat
- L'employeur, en laissant s'instaurer un management particulièrement dur et des agissements de harcèlement moral a manqué à son obligation de résultat. Ces agissements de harcèlement moral ont directement contribué à la dégradation de son état de santé. Cette dégradation constitue son préjudice, justifiant l'octroi de dommages et intérêts.
MOTIVATION
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les "dire et juger" et les "constater" ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas - hormis les cas prévus par la loi - de droit à la partie qui les énonce.
I. Sur la nullité du licenciement
Mme [Z] [W] soutient que l'avis d'inaptitude qui a fondé son licenciement est la conséquence directe d'agissements constitutifs de harcèlement moral depuis le retour du directeur de l'enseigne, M. [X], courant juillet 2018.
A. Sur le harcèlement moral
Il convient de rappeler que l'article L. 1152-1 du code du travail dispose que "aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".
Il résulte également des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail que, en cas de litige, le salarié " établit des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.". La charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse donc pas sur le salarié, qui est uniquement tenu de présenter des éléments qui permettent de laisser présumer l'existence d'un tel harcèlement.
Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et dans l'affirmative d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce Mme [Z] [W] invoque un comportement constitutif, selon elle, de harcèlement moral de la part de son directeur, M. [X]. Elle évoque une surveillance constante et des propos irrespectueux Elle indique que celui-ci n'était jamais satisfait. Elle affirme avoir eu des troubles du sommeil à la suite de l'annonce du retour de son directeur dans l'ensemble début juillet 2018.
Elle s'est confiée au médecin du travail en énonçant qu'elle se sentait très dévalorisée en sa présence, qu'elle ressentait en sa présence une absence de concentration et qu'elle tremblait quand le téléphone sonnait de peur de se faire réprimander. Elle a également indiqué, s'agissant de M. [X], que "son dernier joujou c'est d'avoir les yeux rivés sur les écrans des caméras", puis qu'ensuite il téléphonait à la caisse pour faire passer le message que cela n'allait. Enfin, elle a précisé au médecin du travail qu'elle avait "la sensation d'être observée, persécutée, peur de se faire gronder constamment", et "dès qu'on passe la porte à 08h00 on se fait engueuler à 08h02", notamment avec des remarques telles que "est-ce que tu as fermé la porte !!!".
Au soutien de ses dires elle produit :
- son dossier médical tenu par la médecine du travail, faisant état de " troubles mentaux et du comportement, troubles du sommeil améliorés par le traitement, asthénie encore présente, encore des troubles de l'attention, aboulie a peur de sortie de chez elle et de croiser son directeur, troubles anxieux sans précisions du 20/12/2018, épisode dépressif sans précision du 20/12/2019 ". Dans celui-ci est également mentionné les faits relatés précédemment.
- le courrier du médecin psychiatre du 14 décembre 2018, indiquant qu'elle présentait un "état dépressif caractérisé d'intensité moyenne à sévère", alors qu'elle était sans antécédent psychiatrique particulier. Ce courrier énonce que " le seul facteur déclenchant retrouvé est d'ordre professionnel avec une situation décrite comme situation de harcèlement sur son lieu de travail par sa hiérarchie (surveillance constante, propos irrespectueux). Cette situation semble à l'origine de cet état dépressif de forme asthéno-apragmatique avec troubles du sommeil, manifestations de somatisation de l'angoisse, difficultés de concentration et d'attention. ". Le médecin psychiatre conclut par le fait que " tout retour vers l'entreprise me semble à ce jour impossible ".
- son arrêt de travail du 7 décembre 2018 initial et les arrêts de travail de prolongation.
La cour observe que :
- les attestations et les différents certificats médicaux des praticiens versés aux débats, qui mettent en évidence des troubles anxieux, ne sont qu'une retranscription des dires de la salariée concernant le harcèlement moral qu'elle estime subir,
- Mme [Z] [W] ne produit aucune attestation ni autre pièce pour caractériser des agissements répétés de harcèlement moral,
- l'arrêt de travail initial en date du 7 décembre 2018 ne fait état d'aucune situation de harcèlement moral et n'indique aucune mention particulière. Il en est de même pour les arrêts de travail de prolongation.
Ainsi, Madame [Z] [W] n'établit pas de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Il ressort de l'ensemble des éléments analysés ci-dessus que Mme [Z] [W] n'est pas fondée à se prévaloir de faits de harcèlement moral à l'appui de sa demande en nullité du licenciement.
B. Sur l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur
Selon l'article L. 1152-4 du code du travail : " L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ".
Il résulte également de l'article L. 4121-1 du code du travail que : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ".
Madame [Z] [W] n'est pas fondée, ainsi qu'il vient d'être analysé précédemment, à se prévaloir d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, en l'absence de harcèlement moral sur lequel elle fonde son argumentation.
Dès lors, la salariée devra être déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement pour inaptitude de Madame [Z] [W] était nul et a condamné l'employeur à lui payer une indemnité de préavis, une indemnité pour licenciement nul et des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat.
II. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Madame [Z] [W], qui succombe en son appel, ne peut prétendre à une indemnité au titre des frais irrépétibles. Elle sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Les conditions économiques des parties conduisent à écarter en équité la demande formée par la société Distribution Casino France au titre de ses frais irrépétibles, pour la procédure de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que Madame [Z] [W] n'a pas subi de situation de harcèlement moral
DIT que le licenciement de Madame [Z] [W] repose sur une cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
DÉBOUTE Madame [Z] [W] de ses demandes en paiement d'une somme au titre de l'indemnité de préavis,
DÉBOUTE Madame [Z] [W] de ses demandes en paiement d'une somme au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul, pour être intervenu à la suite d'un harcèlement moral,
DÉBOUTE Madame [Z] [W] de ses demandes en paiement d'une somme au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,
DÉBOUTE Madame [Z] [W] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel,
DÉBOUTE la société Distribution Casino France de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame [Z] [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Chloé ORRIERE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE CONSEILLER