ARRÊT DU
10 JANVIER 2023
PF / NC***
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N° RG 21/00629 - N° Portalis DBVO-V-B7F-C4ZS
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S.A.S. UTEAU TRAVAUX RENOVATION SERVICES
C/
[G] [P]
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 5 /2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le dix janvier deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre, assistée de Chloé ORRIERE, greffière
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
SAS UTEAU TRAVAUX RENOVATION SERVICES pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
RCS BORDEAUX 837 617 877
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me David DUBUISSON, SELARL ALPHA CONSEILS, avocat au barreau d'AGEN
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire- de MARMANDE en date du 03 mai 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00034
d'une part,
ET :
[G] [P]
né le 02 mai 1970 à [Localité 5] - GRANDE BRETAGNE
de nationalité anglaise
domicilié : [Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Catherine NICOULAUD MOREAU, avocate au barreau d'AGEN
INTIMÉ
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 08 novembre 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et Pascale FOUQUET, conseiller, rapporteurs, assistées de Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière. Les magistrats rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre elles-mêmes, de Benjamin FAURE, Conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
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FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 17 septembre 2018, M. [G] [P] a été engagé par la société Uteau Travaux Rénovation Services, qui exerce son activité à [Localité 6] (33) en qualité d'électricien chef de chantier au statut cadre, coefficient 70 moyennant un salaire mensuel de 2 820,83 euros brut.
La convention collective applicable est celle des cadres du bâtiment.
Par courriel du 28 janvier 2019, M. [G] [P] a sollicité de son employeur une rupture conventionnelle.
Le jour même, l'employeur lui a répondu prendre acte de sa démission et lui a demandé la restitution du véhicule et de l'outillage appartenant à la société.
M. [P] a été placé en arrêt de travail à compter du 31 janvier jusqu'au 17 février 2019, puis du 15 février 2019 jusqu'au 17 mars 2019, lequel s'est poursuivi jusqu'en novembre 2019.
N'ayant perçu ni son salaire de janvier 2019 ni son bulletin de salaire, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Marmande en référé le 21 février 2019 pour en obtenir le paiement, les congés payés afférents et la remise du bulletin correspondant, le remboursement des frais professionnels et des dommages et intérêts pour préjudice financier.
Par ordonnance du 18 mars 2019, le conseil de prud'hommes en formation de référé a :
- condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services à payer à M. [G] [P] la somme de 2 820,83 euros au titre du salaire du mois de janvier 2019
- 282,08 euros au titre des congés payés
- 227,80 euros au titre des frais professionnels non remboursés
- 500 euros de dommages et intérêts pour préjudice et résistance abusive
- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné la remise du bulletin de salaire du mois de janvier 2019 sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la décision
- les intérêts au taux légal
- dit que le conseil se réservera la liquidation de l'astreinte
- condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services aux dépens.
Par lettre recommandée du 7 juin 2019 avec avis de réception M. [P] a adressé sa démission à son employeur.
M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes le 31 juillet 2019 et a demandé :
- la liquidation de l'astreinte prononcée le 18 mars 2019,
- la remise des bulletins de paie des mois de février, mars, avril, mai et juin 2019 sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- la remise du certificat pour la caisse de congés payés sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- de condamner la société Uteau Travaux Rénovation Services à lui payer les sommes de 800 euros au titre du préjudice subi et 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Uteau Travaux Rénovation Services aux dépens.
Par ordonnance de référé contradictoire du 23 septembre 2019, le conseil a :
- prononcé la liquidation de l'astreinte du 18 mars 2019 pour la période du 18 mars au 6 mai 2019 soit 50 jours à 10 euros soit la somme de 500 euros
- condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services à lui payer la somme de 500 euros
- à lui remettre sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance des bulletins de paie des mois de février, mars, avril, mai et juin 2019, le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi, le certificat pour la caisse de congés payés
- dit que le conseil se réservera la liquidation de l'astreinte
- condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services à payer à M. [P] la somme de 800 euros au titre du préjudice subi
- condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services à payer à M. [P] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services aux dépens.
Le 22 juillet 2020, la société Uteau Travaux Rénovation Services n'avait toujours pas communiqué les documents visés au salarié.
Par requête du 22 juillet 2020, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Marmande pour juger que sa démission produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir les indemnités correspondantes, des dommages et intérêts et la liquidation de l'astreinte arrêtée au 22 février 2021 soit 40 160 euros outre 1 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 3 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Marmande, section encadrement, a :
- débouté M. [G] [P] de sa demande de complément de salaire de 6 564,15 euros brut ainsi que les congés payés y afférent soit 656,41 euros brut,
- débouté M. [G] [P] de sa demande de requalification de la rupture de son contrat de travail et par voie de conséquence du versement des sommes suivantes réclamées :
* indemnité conventionnelle de licenciement : 705,21 euros brut,
* indemnité de préavis (1 mois) : 2 820,83 euros brut,
* dommages et intérêts : 3 000 euros
- condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services à payer à M. [G] [P] la liquidation de l'astreinte arrêtée au 22 février 2021 soit la somme de 40 160 euros
- condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services à payer à M. [P] [G] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services aux entiers dépens jusqu'à bonne exécution du jugement.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 15 juin 2021, la société Uteau Travaux Rénovation Services a interjeté appel de cette décision en désignant M. [G] [P] en qualité de partie intimée et en indiquant que son appel porte sur les dispositions qui l'ont condamnée à lui payer la liquidation de l'astreinte arrêtée au 22 février 2021 à la somme de 40 160 euros et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022 et l'affaire fixée pour plaider à l'audience du 8 novembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
I. Moyens et prétentions de la société Uteau Travaux Rénovation Services appelante principale et intimée sur appel incident
Dans ses uniques conclusions, reçues au greffe le 15 septembre 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante, la société UTEAU Travaux Rénovation Services demande à la cour de la dire recevable et bien fondée en son appel et, y faisant droit, de :
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Marmande en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 40 160 euros au titre de la liquidation d'astreinte, ainsi qu'aux entiers dépens,
- dire qu'en statuant ainsi le conseil de prud'hommes de Marmande a manqué à son obligation d'appréciation pour prononcer une liquidation d'astreinte,
- débouter Monsieur [P] de sa demande de liquidation d'astreinte et de toutes demandes indemnitaires, fins et conclusions,
- condamner Monsieur [P] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [P] à supporter les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
Sur la liquidation de l'astreinte opposée à la société :
- Aux termes de l'ordonnance de référé du 18 mars 2019, la juridiction a ordonné une astreinte provisoire, à défaut d'avoir précisé son caractère définitif.
- Aux termes de l'ordonnance de référé du 23 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a statué en contradiction avec l'ordonnance du 18 mars 2019, en statuant de nouveau sur le même chef de demande, notamment sur la délivrance des bulletins de salaire.
- Dans son jugement du 3 mai 2021, le conseil de prud'hommes a manqué à son obligation d'appréciation des faits puisqu'il n'a pas tenu compte de la situation économique de la société pour fixer le montant de la liquidation de l'astreinte, contrairement à ce que prévoit l'article L. 131-4 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution.
- M. [P] a sollicité la condamnation de l'employeur à lui verser des bulletins de paie de mars à juin 2019, sans solliciter le paiement des salaires alors qu'il est matériellement impossible de délivrer des bulletins de paie sans avoir à déclarer de salaire.
- le certificat pour la caisse des congés payés a été délivré de façon dématérialisée et le salarié a été rempli de ses droits en termes de congés payés.
Sur l'indemnité mise à la charge de la société sur le fondement des dépens :
- Elle a été condamnée à supporter les entiers dépens de l'instance, alors que M. [P] a été débouté de ses demandes principales, ce qui est contraire au principe d'équité entre les parties. La société n'a été condamnée qu'à titre accessoire, concernant une demande qui ne relevait pas de l'action initialement intentée par le salarié.
II. Moyens et prétentions de M. [G] [P] intimé sur appel principal et appelant sur incident
Dans ses uniques conclusions reçues au greffe le 23 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens et prétentions de l'intimé, M. [G] [P] demande à la cour, déclarant recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société Uteau Travaux Rénovation Services de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marmande en date du 3 mai 2021 en ce qu'il a liquidé l'astreinte due par la société Uteau Travaux Rénovation Services à la somme de 40 160 € ainsi qu'au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Faisant droit à l'appel incident interjeté par M. [P] [G] :
- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marmande en date du 3 mai 2021 en ce qu'il a considéré que la démission présentée par M. [P] s'analysait en une véritable démission et ne lui ouvrait droit à aucune indemnisation,
- juger que sa démission en date du 7 juin 2019, réceptionnée le 20 juin 2019 ne repose pas sur une volonté claire et non équivoque du salarié et constitue une démission équivoque,
- en conséquence, juger que la démission produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Uteau Travaux Rénovation Services à lui payer à les sommes suivantes :
- salaires du 1er février au 6 juin 2019, après déduction des indemnités journalières, 6 564,15 euros brut
- indemnité conventionnelle de licenciement : 705,21 euros brut
- indemnité de préavis : 1 mois soit 2 820,83 euros brut
- dommages-intérêts : 3 000 euros
- liquidation de l'astreinte arrêtée au 22 février 2021 : 40 160 euros
- liquidation de l'astreinte arrêtée au parfait paiement,
- condamner la société Uteau Travaux Rénovation Services à lui payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros au titre de la procédure d'appel,
- la condamner aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :
I. Sur l'appel incident
- Le salaire de janvier 2019 ne lui a été versé que le 12 juillet 2019 pour un montant de 3 490 euros, soit plus d'un mois après l'envoi de la lettre de démission du 7 juin 2019 ce qui démontre que l'employeur n'avait pas respecté ses obligations et que la démission était justifiée.
Sur la nature de la démission
- elle est qualifiée d'équivoque lorsque le salarié y est contraint par le comportement fautif de l'employeur
- en l'espèce, il a démissionné en raison du comportement fautif de l'employeur qui ne lui a pas réglé le salaire du mois de janvier 2009 ni remis le bulletin correspondant malgré l'ordonnance de référé du 18 mars 2019. Cette démission est donc équivoque.
- l'employeur ne rapporte pas la preuve d'un changement d'attitude ni de la perte de qualité de son travail suite au refus de ce dernier d'accepter une rupture conventionnelle. L'employeur ne s'est plaint de la qualité de son travail qu'après avoir pris acte de son courrier du 28 janvier 2019. Il s'agit d'un argument de pure circonstance. Une prime de 1 000 euros lui a même été versée en décembre 2018.
- Il lui est reproché une utilisation personnelle du véhicule. Or, les échanges de biens étaient fréquents. Pour les besoins de l'entreprise, l'employeur utilisait du matériel personnel de son salarié et celui-ci avait libre accès au véhicule notamment pour effectuer le ramassage du personnel.
- Il n'a jamais exercé aucune pression sur son employeur pour obtenir une rupture conventionnelle. S'il a envoyé par mail à l'employeur « donc, tu me prépares une rupture et on s'arrête là », c'était uniquement en réponse à des reproches injustifiés et avec la volonté de rompre amiablement les relations professionnelles qui ne semblaient plus adaptées.
Sur les conséquences de la démission équivoque
- Deux ordonnances ont été nécessaires pour faire droit à ses demandes, ainsi sa démission doit être analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 7 juin 2019
- L'inexécution du contrat de travail étant du fait de l'employeur qui l'a mis à pied à titre conservatoire après l'avoir pourtant considéré comme démissionnaire, il lui est dû ses salaires de février à mars 2019 inclus, outre 6 jours au titre de juin, desquels doit être déduit le montant des indemnités journalières perçues jusqu'au 6 juin 2019.
- Les conditions vexatoires dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat lui ont causé un préjudice financier et moral. Il a subi un préjudice financier en ne percevant pas ses salaires et en n'ayant pas obtenu les documents nécessaires à son inscription auprès de Pôle emploi. Son préjudice moral découle de la violence du comportement de l'employeur qui l'a mis à pied et a considéré qu'il démissionnait alors qu'il avait seulement demandé une rupture conventionnelle. Ce comportement est la cause d'une sévère dépression. Il s'agit d'un préjudice distinct de celui lié à la perte de l'emploi, qui doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros.
II. Sur l'appel principal : la liquidation de l'astreinte
- L'employeur n'a pas exécuté les décisions de justice dans le but de lui nuire. Sa mauvaise foi justifie la liquidation de l'astreinte. De plus, aucun document n'a été produit à ce jour, excepté l'attestation Pôle emploi le 24 février 2021.
MOTIVATION :
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas - hormis les cas prévus par la loi - de droit à la partie qui les énonce.
I- Sur la démission :
Il résulte des dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail que le contrat de travail peut être rompu par la démission du salarié.
Toutefois, cette démission doit être claire, sérieuse et non équivoque.
En l'espèce, le salarié a adressé le 7 juin 2019 un courriel à son employeur en ces termes :
"Je viens par la présente vous faire part de ma démission à effet immédiat pour non paiement du salaire de janvier 2019. Le conseil de prud'hommes de Marmande en sa formation de référé vous a d'ailleurs condamné à ce titre le 18 mars 2019.
Je vous remercie de me faire parvenir au plus vite : certificat de travail, solde de tout comte, attestation Pôle emploi, salaires restant dus".
Alors que le salarié soutient que le motif de sa démission du 7 juin 2019 est le non paiement de son salaire du mois de janvier 2019, l'employeur indique avoir réglé ce salaire dès le 9 mai 2019.
En premier lieu, la cour relève qu'à la date de sa seconde saisine du conseil de prud'hommes, le 31 juillet 2019 soit quelques semaines après l'envoi de son courrier du 7 juin dans lequel il soulevait ce grief, le salarié n'a pas demandé le paiement du salaire du mois de janvier 2019 mais uniquement la liquidation de l'astreinte prononcée le 18 mars.
En second lieu et surtout, l'employeur justifie l'exécution de l'ordonnance du 18 mars 2019 en produisant le décompte de l'huissier de justice à savoir, le paiement du salaire du mois de janvier 2019 de 2 820,83 euros TTC comprenant les congés payés de 282,08 euros TTC, les frais professionnels non remboursés de 227,80 euros TTC, les dommages et intérêts de 500 euros outre les intérêts légaux.
Il résulte de ces éléments qu'à la date du 7 juin 2019, le salaire était effectivement réglé et le salarié ne pouvait pas donc arguer de ce fait pour motiver son départ. L'employeur donc n'a pas commis de manquement à ses obligations contractuelles.
Par conséquent, comme jugé en première instance, la démission du salarié s'analyse en une démission non équivoque, qui n'est pas de nature à entraîner les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour confirme le jugement entrepris et déboute le salarié de ses demandes en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en indemnités afférentes ainsi qu'en dommages et intérêts.
Le salarié réclame la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral distinct, lié à son brusque départ de la société.
Le préjudice moral n'est pas justifié car il n'existe aucune démonstration d'une atteinte, à l'honneur, à la considération ou aux sentiments d'affection du salarié.
S'agissant de l'aspect financier du préjudice, le salarié a perçu des indemnités journalières et n'a donc pas été privé de revenus.
En conséquence, la cour confirme le jugement entrepris.
II- Sur la demande en rappel de salaire :
Le salarié demande un rappel de salaires du 1er février au 6 juin 2019, après déduction des indemnités journalières, soit 4 mois à 2 820,33 euros + 6 jours au mois de juin 2019 moins les indemnités journalières jusqu'au 6 juin 2019, soit un solde restant dû de 6 564,15 euros brut.
Le contrat de travail n'étant pas rompu jusqu'à sa lettre de démission du 6 juin 2019, les salaires réclamés sont dus par l'employeur.
En conséquence, la cour infirme le jugement entrepris et condamne la société Uteau à payer au salarié la somme de 6 564,15 euros brut au titre du rappel des salaires du 1er février au 6 juin 2019, et les congés payés afférents de 656,41 euros brut après déduction des indemnités journalières.
III- Sur la liquidation de l'astreinte :
Selon l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
Le juge saisi d'une demande de liquidation ne peut se déterminer qu'au regard de ces seuls critères.
L'astreinte, en ce qu'elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l'obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci. Elle entre ainsi dans le champ d'application de la protection des biens garantie par ce protocole.
Il en résulte que le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit.
Dès lors, si l'astreinte ne constitue pas, en elle-même, une mesure contraire aux exigences du protocole en ce que, prévue par la loi, elle tend, dans l'objectif d'une bonne administration de la justice, à assurer l'exécution effective des décisions de justice dans un délai raisonnable, tout en imposant au juge appelé à liquider l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle de l'obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l'exécuter et de sa volonté de se conformer à l'injonction, il n'en appartient pas moins au juge saisi d'apprécier encore, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige.
En l'espèce, le 23 septembre 2019, le juge des référés a condamné la société UTEAU à remettre au salarié sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance les bulletins de paie des mois de février, mars, avril, mai et juin 2019 , le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi, le certificat pour la caisse de congés payés.
Par requête du 22 juillet 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes en liquidation de l'astreinte prononcée le 23 septembre 2019 sur la base de 502 jours (du 9 octobre 2019 au 22 février 2021) soit la somme de 40 160 euros.
Le 3 mai 2021 le conseil des prud'hommes a fait droit à la demande et a prononcé la liquidation de l'astreinte telle que réclamée.
En l'espèce, le salarié indique que l'attestation Pôle emploi lui a été délivrée le 24 février 2021.
L'employeur déclare que le certificat pour la caisse des congés payés fait l'objet d'un envoi dématérialisé mais n'en justifie pas.
Il reste par conséquent à remettre au salarié les 4 bulletins de salaire, le certificat de travail et le certificat pour la caisse des congés payés.
L'absence de remise de ces documents est certes pénalisante pour le salarié pour obtenir ses droits à indemnisation chômage, mais le préjudice en découlant ne justifie pas une astreinte prononcée d'un montant aussi élevé.
La cour fixe la liquidation de l'astreinte à la somme de 1 500 euros. Le rapport de proportionnalité apparaît raisonnable entre ce montant et l'enjeu du litige que représente la remise de 6 documents de fin de contrat.
Sur les demandes annexes :
La société Uteau, dont la succombance est dominante, sera condamnée à payer les dépens d'appel et à payer à M. [P] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 3 mai 2021 en ce qu'il a débouté M. [G] [P] de :
- sa demande de requalification de la rupture de son contrat de travail
- de l'indemnité conventionnelle de licenciement de 705,21 euros brut
- de l'indemnité de préavis de 2 820,83 euros brut
- des dommages et intérêts de 3 000 euros
- a condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services aux entiers dépens jusqu'à bonne exécution du jugement
INFIRME le jugement du 3 mai 2021 :
- en ce qu'il a débouté M. [G] [P] de sa demande de complément de salaire et des congés payés afférents
- en ce qu'il a condamné la société Uteau Travaux Rénovation Services à payer à M. [G] [P] la liquidation de l'astreinte arrêtée au 22 février 2021 soit la somme de 40 160 euros
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société Uteau Travaux Rénovation Services à payer à M. [G] [P] la somme de 6 564,15 euros brut et les congés payés afférents de 656,41 euros brut,
PRONONCE la liquidation de l'astreinte à la somme de 1 500 euros arrêtée au 22 février 2021,
CONDAMNE la société Uteau Travaux Rénovation Services aux dépens d'appel,
CONDAMNE la société Uteau Travaux Rénovation Services à payer à M. [G] [P] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Uteau Travaux Rénovation Services de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre et Chloé ORRIERE, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE