ARRÊT DU
06 DECEMBRE 2022
NE/CR
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N° RG 21/00661
N°Portalis
DBVO-V-B7F-C45W
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[B]
[J] [C]
C/
S.C.A.
COOPERATIVE AGRICOLE DES PRODUCTIONS ET ELEVAGES LA QUERCYNOISE (CAPEL)
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 136 /2022
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le six Décembre deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière.
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
[B] [J] [C]
née le 14 Mai 1981 à [Localité 5] (94)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Erwan VIMONT, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Laurence BOUCHERAT HERESZTYN, avocate plaidante inscrite au barreau de BRIVE
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAHORS en date du 28 Mai 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F20/00093
d'une part,
ET :
S.C.A. COOPERATIVE AGRICOLE DES PRODUCTIONS ET ELEVAGES L A QUERCYNOISE (CAPEL)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Pierre - Alexis AMET, avocat inscrit au barreau de BRIVE
INTIMEE
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 04 Octobre 2022 devant Nelly EMIN, Conseiller, Pascale FOUQUET, Conseiller, Jean-Yves SEGONNES, Conseiller, assistés de Chrystelle BORIN, greffière, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
* *
*
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [B] [J] [C] a été embauchée par la société Coopérative de Production et d'Elevage du Lot (CAPEL) à compter du 4 juin 2007 par contrat à durée indéterminée en qualité de Chef Comptable, statut Cadre.
La convention collective applicable est celle des coopératives agricoles de la meunerie, céréales, oléagineux, approvisionnement et aliment du bétail.
Par avenant du 6 novembre 2012, Madame [J] [C] a contractuellement bénéficié d'une journée de travail à domicile.
Par avenant du 13 janvier 2017 et à compter du 1er février 2017, elle a bénéficié d'une part, d'une réduction du temps de travail à 85 %, soit 180 jours de travail par an, et d'autre part, d'une promotion au poste de directeur comptable.
Des différends étant apparus dans le cadre de cette relation contractuelle, suite à des échanges de courriels et de courriers au cours de l'été 2020, Madame [J] [C] et la CAPEL se sont rapprochées par le biais de leurs conseils respectifs pour trouver une issue amiable à la situation dans le cadre d'une rupture conventionnelle.
Madame [J] [C] a été placée en arrêt maladie à compter du 18 septembre 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 septembre 2020, l'employeur a convoqué Madame [J] [C] à un entretien fixé au 5 octobre 2020.
Madame [J] [C] ne s'est pas rendue à cet entretien.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 octobre 2020, Madame [J] [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :
« Monsieur,
Devant votre attitude, je ne peux désormais plus envisager la poursuite de mon contrat de travail.
La recherche d'une solution amiable n'ayant pu aboutir, je me vois donc obligée de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts de l'employeur pour les motifs suivants :
1) Je suis entrée au service de la société le 4 juin 2007, pour des fonctions de Chef comptable, statut cadre, sous la responsabilité de Madame [I] [F], Directeur financier, le tout suivant contrat de travail en date du 4 juin 2007 ;
- Suivant avenant du 6 novembre 2012, j'ai contractuellement bénéficié d'une journée de travail à domicile, fixée le mercredi à compter du 1er septembre 2015 ;
- Suivant avenant du 13 janvier 2017 et à compter du 1er février 2017, j'ai bénéficié d'une part, d'une réduction du temps de travail à 85 %, soit 180 jours de travail par an et, d'autre part, d'une promotion au poste de Directeur comptable ;
- Depuis 2010, jusqu'en 2019 inclus, j'ai bénéficié chaque année soit en avril soit en mai ou juin, du versement d'une prime dont le montant est resté égal ou supérieur au salaire mensuel sans jamais diminuer ;
- Par courrier électronique du 7 juillet 2020, j'ai sollicité un entretien avec vous au sujet du non versement en 2020 de la prime annuelle ;
-Par mail du 14 juillet 2020, vous m'avez proposé un entretien pour le 21 juillet ;
- Par mail du 21 juillet 2020, faisant suite à l'entretien, vous m'avez fait part de divers reproches, notamment :
* « L'absence de réserves disponibles obère le capital de nos adhérents, or il s'agit de notre mission première que de le préserver. Je n'ai jamais été alerté sur ce risque.
* Lors de la clôture 2018, j'étais « nouveau », j'ai été alerté par les commissaires aux comptes sur la légèreté de nos provisions. Vous m'aviez alors convaincu de ne pas aller au-delà.
Aujourd'hui, nous sommes obligés de constater des pertes énormes que nous aurions pu anticiper.
* Le bilan de la Capel est constitué en grande partie de non-valeurs, vous ne pouviez pas, en tant que comptable puis directrice comptable, ne pas en être informée. Vous n'avez alerté ni mes prédécesseurs ni moi-même sur l'ampleur du phénomène.
* Il y a par ailleurs des engagements hors bilan dont nous découvrons aujourd'hui l'ampleur. Ils n'ont jamais été formalisés dans leur globalité.
* Plusieurs éléments du bilan engagent ma responsabilité en ce sens qu'ils constituent des délits:
- absence de mention du porte-fort Caudeval dans les annexes,
- interco avec LQ qui n'est ni plus ni moins qu'un abus de bien social.
Vous ne m'avez jamais alerté sur ces sujets, alors que cela aurait dû constituer la trame de notre première rencontre : vous n'avez pas protégé votre dirigeant ».
A l'appui de ces reproches, vous m'avez notifié que la prime ne serait que de 2 800 € et qu'elle serait désormais intégrée à mon salaire pour ce montant et que la journée de travail à domicile serait supprimée à compter du 1er janvier 2021.
Par lettre en date du 18 août 2020, je vous ai fait part de mon désaccord, contestant les faits reprochés, la réduction de ma prime et la suppression de ma journée de travail à domicile.
Des faits ci-dessus, il résulte :
- que je bénéficiais depuis 10 ans d'une prime régulière et constante dans son montant, constituant un élément de salaire au sens de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation,
- que lors de l'entretien du 21 juillet 2020, vous avez formulé des griefs sur la qualité de mon travail et m'avez notifié en conséquence la diminution de ma prime de manière durable. Vous m'avez également notifié la suppression de ma journée de travail à domicile à compter du 1er janvier 2021.
Ainsi, vous avez appliqué en mon encontre une sanction pécuniaire pour des fautes professionnelles sans respect de la procédure légale pour ce faire et, surtout, au mépris de l'interdiction d'ordre public d'appliquer à un salarié des sanctions pécuniaires.
Enfin, vous avez supprimé un avantage contractuel consistant dans la journée de télétravail.
Par courrier du 1er septembre 2020, vous contestez avoir formulé des griefs à mon encontre, parlant de « simples attentes vis-à-vis de mes fonctions », maintenez la diminution de ma prime et revenez provisoirement sur la suppression de la journée de travail à domicile.
Pourtant, vous m'avez bien accusée :
- de ne pas vous avoir alerté sur le risque d'insuffisance des réserves disponibles,
- de vous avoir convaincu de ne pas augmenter le montant des provisions ce qui entraîne le constat de pertes importantes, ce qui aurait pu être anticipé,
- de ne pas vous avoir alerté sur les non-valeurs qui constituent le bilan de CAPEL,
- de ne pas avoir formalisé les engagements hors bilan,
- de ne pas vous avoir protégé au regard de faits qui constitueraient des abus de bien sociaux.
C'est à raison de ces accusations que vous décidez la réduction de moitié de ma prime.
Dans la mesure où les reproches sont assortis d'une sanction, en l'espèce pécuniaire, il vous appartenait de respecter la procédure légale, ce que vous n'avez pas fait. En outre, toute sanction pécuniaire est interdite.
Vous revenez sur la suppression de la journée de travail à domicile, mais laissez supposer que cela est provisoire puisque vous ajoutez les termes « en l'état ».
Vous croyez bon d'ajouter que vous souhaitez en « discuter en tête à tête » ce qui est, pour une modification du contrat de travail, illégal sur le plan procédural, et pouvant être assimilé à une tentative de harcèlement.
Enfin, sachez que je conteste absolument les faits reprochés, qui, de plus, n'entrent pas dans mes fonctions telles que définies dans ma fiche de poste, mais relèvent de celle d'un Directeur Financier qui avait en charge notamment le contrôle de gestion, dont vous avez cru devoir vous séparer sans le remplacer.
Vous m'attribuez les tâches de Directeur Financier mais vous refusez de m'en attribuer le titre et le salaire correspondant.
2)Lors de la période « COVID », mi-mars ' avril 2020, l'employeur a retiré quatre jours de congés payés sur mon solde de congés alors que j'ai travaillé durant ces quatre journées.
3)Depuis 13 ans que je suis employée au sein de l'entreprise, je n'ai jamais bénéficié d'aucun entretien, ce qui aurait permis de faire le point sur mon travail, mes fonctions et leur évolution.
L'ensemble de cette situation et votre comportement entraînent une répercussion importante sur mon état de santé ayant conduit mon médecin à constater un état de dépression réactionnelle.
Dans ces conditions, la présente prise d'acte entraîne la rupture immédiate de nos relations contractuelles...»
Par requête enregistrée au greffe le 20 novembre 2020 Madame [J] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Cahors sollicitant de:
- dire et juger que sa lettre de prise d'acte de rupture adressée le 7 octobre 2020 doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison des manquements graves de la part de l'employeur, la CAPEL.
- juger que la CAPEL l'a sanctionnée de manière illégale et modifié unilatéralement son contrat de travail, constituant des faits de harcèlement moral.
En conséquence :
- condamner la CAPEL à lui payer les sommes suivantes :
- 2 700.00 € à titre complément de prime 2020,
- 19 190.27 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 61 000.00 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 15 942.69 € au titre l'indemnité de compensatrice de préavis,
- 1 594.27 € au titre des de congés payés sur préavis,
- 1 975.40 € à titre de complément de l'indemnité de crédit jours,
- 30 000.00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 5 300.00 € à titre de dommages et intérêts pour mention de démission sur document fin de contrat.
- 898.20 € au titre des frais mutuelle exposés du fait de l'absence de portabilité.
- 4 000.00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- ordonner la rectification de l'attestation pôle emploi.
- condamner la CAPEL en tous les dépens.
- prononcer l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement à intervenir.
Par jugement du 28 mai 2021, le conseil des prud'hommes de Cahors a débouté Madame [J] [C] de ses demandes, condamné Madame [J] [C] à verser à son ancien employeur l'équivalent d'un mois de salaire soit 4 839.23 € de préavis non effectué, condamné la CAPEL à verser à Madame [J] [C] le complément d'indemnité de congés payés crédit jour du solde de tout comptes à hauteur de 325.88 €,condamné la CAPEL à compenser le différentiel de mutuelle soit la somme de 598 €, débouté la CAPEL de sa demande de 5000 € de préjudice au titre de dommages et intérêts, débouté les deux parties de leurs demandes l'article 700 du code de procédure civile et condamné Madame [J] [C] aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 24 juin 2021, Madame [J] [C] a relevé appel du jugement ,visant expressément les chefs de jugements critiqués.
La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 7 juillet 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
I . Moyens et prétentions de Madame [J]-[C] , appelante principale et intimée sur appel incident
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 17 janvier 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, Madame [J] [C] demande à la cour de:
- juger son appel recevable,
- réformer la décision entreprise et en conséquence, statuant à nouveau :
- juger que la lettre de prise d'acte de rupture adressée le 7 octobre 2020 doit être requalifiée en licenciement sans cause et réelle et sérieuse, en raison des manquements graves de la part de l'employeur la CAPEL,
- juger que la CAPEL l'a sanctionnée de manière illégale et modifié unilatéralement son contrat de travail, constituant des faits de harcèlement moral,
-débouter la CAPEL de ses demandes d'appel incident.
En conséquence :
-condamner la société CAPEL à lui payer les sommes suivantes :
* 2 700.00 € à titre complément de prime 2020,
* 19 190.27 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 61 000.00 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 15 942.69 € au titre l'indemnité de compensatrice de préavis,
* 1 594.27 € au titre des de congés payés sur préavis,
* 30 000.00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 5 300.00 € à titre de dommages et intérêts pour mention de démission sur document fin de contrat,
* 4 000.00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
-ordonner la rectification de l'attestation pôle emploi.
- condamner la CAPEL en tous les dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir:
- saisi d'une demande en requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil des prud'hommes ne pouvait la débouter , sur le fondement des articles 1225 et 1224 du code civil, en ce que, notamment, elle n'avait pas adressé de mise en demeure à son employeur, laissant à ce dernier le temps de se rétracter,
-elle a bien informé préalablement son employeur de son intention de demander la requalification en licenciement abusif à raison du comportement qu'elle estime fautif de ce dernier ainsi que cela résulte du dernier paragraphe du courrier de son conseil du 16 septembre 2020, adressé à l'employeur,
-en statuant sur la résolution judiciaire du contrat, alors qu'il était saisi d'une demande de requalification suite à la prise d'acte de la rupture du contrat, le conseil des prud'hommes a commis une erreur de droit manifeste,
-depuis 10 ans, l'employeur lui verse une prime exceptionnelle de bilan chaque année en avril ou mai, et qui équivaut de manière constante à environ à un mois de salaire brut; elle constitue donc un élément de salaire au sens de la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation,
- par mail du 21 juillet 2020 l'employeur lui a notifié une réduction de plus de moitié de la prime annuelle, avec effet immédiat, ce constitue une violation des dispositions d'ordre public de l'article L 1331-2 du code du travail, qui prohibe les sanctions pécuniaires, ce qui justifie pleinement la rupture du contrat de travail,
-la lecture du mail du 21 juillet 2020 démontre qu'il ne s'agit nullement d'une feuille de route mais bien de l'énumération de griefs suivie de sanctions,
- la CAPEL qualifie la prime de « prime d'usage » et se targue que le CSE ait supprimé cet usage par réunions des 9 septembre 2020 et 22 octobre 2020, cependant, les avantages consentis aux salariés en vertu d'un usage et qui ne sont pas intégrés à un contrat de travail, peuvent être dénoncés unilatéralement par écrit, à condition d'en informer, dans un délai suffisant, les représentants du personnel, et de manière individuelle, chaque salarié concerné,
- la décision du CSE du 22 octobre 2020 est bien postérieure à la suppression de la prime due à Madame [J] [C] le 21 juillet 2020 et aucune information individuelle n'a été faite antérieurement à la suppression,
- le mail du 4 juin 2019 de M [G] est informatif et non consultatif et si le mail fait part de l'application « pour la dernière fois » de la prime en 2019, il annonce cela dans le cadre d'une révision de sa rémunération, révision qui n'est jamais intervenue,
- dans le mail du 21/07/2020, l'employeur lui notifie la suppression de la journée de télétravail or l'employeur ne peut pas imposer à un salarié une modification du contrat de travail à titre disciplinaire,
- il ne s'agit pas comme le prétend la CAPEL de «l'évocation» ou de «l'idée» de suppression de la journée de travail à domicile, les termes sont sans équivoque,
- la CAPEL ne peut se prévaloir d'un accord sur le télétravail conclu avec l'UES le 23 juillet 2020 puisqu'il est postérieur à la lettre du 21 juillet 2020 qui annonce la suppression de l'avantage contractuel,
- les reproches formulés dans le cadre des fonctions de directrice comptable sont, au surplus, infondés,
- ces faits n'entrent pas dans ses fonctions telles que définies dans sa fiche de poste, mais relèvent de celles d'un directeur financier qui avait en charge notamment le contrôle de gestion, dont l'employeur a cru devoir se séparer sans le remplacer,
-l'application objective des règles comptables relève de la compétence du directeur comptable et de ses services, les décisions financières et de gestions (l'appréciation des réserves, l'opportunité de comptabiliser telle ou telle provision notamment pour dépréciation des éléments d'actif, les engagements de porte-fort pour le compte de filiales, les prêts intra-groupes) appartiennent à ceux qui dirigent, directeur général, administrateur, Président, conseillés par le directeur financier,
- les projets de comptes ont été certifiés sans réserve par les commissaires aux comptes pour 2018 comme pour 2019, les annexes des comptes des sociétés ainsi que les comptes consolidés précisent que les comptes sont présentés dans le cadre de la continuité d'exploitation et pour la CAPEL que les capitaux propres sont suffisants pour permettre cette continuité, aucun reproche ne peut donc lui être fait,
- dans la mesure où elle se voit reprocher l'absence de provision, l'insuffisance de réserves, des non-valeurs figurant à l'actif du bilan et de ne pas avoir alerter le directeur général sur ces points dont certains constitueraient selon le directeur général des abus de biens sociaux, il est nécessaire de produire les rapports afin de démontrer que les faits reprochés ne sont pas constitués, puisque les comptes sont certifiés et qu'aucun délit n'est dénoncé,
- l'inexécution par l'employeur de son obligation de délivrer au salarié une attestation destinée à Pôle emploi, indiquant le motif exact de la rupture du contrat de travail, tel qu'il ressort de la prise d'acte du salarié, cause nécessairement à celui-ci un préjudice,
- le formulaire Pôle emploi prévoit une case intitulée « autre motif » permettant tout à fait à l'employeur de faire figurer le motif « prise d'acte de la rupture»,
- le directeur général a usé de manoeuvres destinées à supprimer une partie d'une prime régulière, en privant la salariée de tout droit de la défense et la mettant dans une situation de pression extrême pour lui faire accepter les sanctions notifiées, il a instauré une pression morale extrêmement forte, en lui imputant la responsabilité d'une situation prétendument compromise de la Coopérative et du Groupe, et d'abus de biens sociaux, qui est un délit particulièrement grave,
- par sa lettre du 1er septembre 2020, l'employeur, non seulement réitère la sanction pécuniaire, mais réitère sa méthode, annonçant un nouveau « tête à tête » pour traiter de la modification du contrat de travail, or cette pression et la crainte d'avoir à subir encore les « tête à tête » du directeur général et les accusations infondées dont il a le secret, l'ont plongé dans une dépression réactionnelle entraînant un arrêt de travail initial pour « état dépressif réactionnel »à compter du 18/09/2020, prolongé à compter du 23/10/2020 pour le même motif »,
- les sanctions infligées et perçues comme telles, sans procédure adéquate, de suppression de son jour de télétravail puis de son temps partiel à 85 % afin de bénéficier de son mercredi pour garder son fils, constituent des dégradations des conditions de travail portant atteinte aux droits de la salariée, ayant altéré ses conditions de travail et son état de santé,
- concernant le caractère répété des agissements de l'employeur, il est d'abord rappelé que les faits de harcèlement peuvent se dérouler sur une courte période et que dès 2019, la CAPEL a déjà tenté la suppression de la prime contre une révision de la rémunération en fonction d'une éventuelle révision du poste, pour ne pas l'appliquer,
- se voir accusée d'être la cause d'une présentation de faux bilan et d'abus de biens sociaux, porte bien atteinte à la dignité de la salariée, de même que les conditions de l'entretien du 21 juillet ( l'absence d'assistance, l'absence de tout respect de la procédure légale, la pratique de « tête à tête » pour parler de modification du contrat de travail),
- le médecin consulté a constaté un état dépressif réactionnel, ce constat coïncide parfaitement avec les événements professionnel relatés,
- son état de santé s'est dégradé en raison et en réaction du comportement de l'employeur qui pendant plus d'un an, a joué avec elle, lui annonçant en dehors de toute procédure légale l'arrêt d'une prime, devenue élément de sa rémunération, contre une évolution de sa rémunération qui n'arrivera jamais, a multiplié les entretiens difficiles, l'a faite travailler durant ses congés, a entretenu une pression réelle en lui demandant de pallier les défaillances d'autre personnes ou le non renouvellement de poste,
-postérieurement à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, elle s'est inscrite à Pôle emploi le 30/10/2020, elle a suivi une formation professionnelle complémentaire, et le poste obtenu au mois de janvier est un poste à plus d'une heure de route de son domicile,
- c'est à raison de son arrêt maladie qu'elle n'a pu exécuter son préavis et non du fait qu'elle aurait retrouvé un emploi; en tout état de cause, si son nouvel emploi a commencé en janvier 2021, son préavis se terminait le 7 janvier 2021, ce qui ne l'empêchait nullement de commencer son nouveau travail.
II . Moyens et prétentions de la CAPEL, intimée sur appel principal et appelante incidente
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 30 novembre 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'intimée, la CAPEL demande à la cour de :
- déclarer Madame [B] [J] [C] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
*débouté Madame [J] [C] de ses demandes de :
-indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour 61 000 €
-indemnité légale de licenciement pour 19 190.27 €
-indemnité compensatrice de préavis pour 15 942.69 €
-congés payés afférents au préavis pour 1 594.27 €
-prime de bilan 2020 pour 2 700 €
-dommages et intérêts pour mention démission sur l'attestation pôle emploi pour 5300 €
-dépens, intérêts au taux légal, attestation pôle emploi et reçu pour solde de tout compte rectifiés,
- débouté Madame [J] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour
harcèlement moral pour 30 000 €,
- débouté Madame [J] [C] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame [J] [C] aux entiers dépens,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident portant sur les dispositions suivantes :
*condamné Madame [J] [C] à verser à son ancien employeur l'équivalent d'un mois de salaire soit 4 839.23 € de préavis non effectué (en lieu et place de la somme de 3 mois de préavis soit la somme de 15 217,68 €),
*condamné CAPEL à verser à Madame [J] [C] le complément d'indemnité de congés payés crédit jour du solde de tout comptes à hauteur de 325.88 €,
*condamné CAPEL à compenser le différentiel de mutuelle soit la somme de 598 €,
*débouté CAPEL de sa demande de 5 000 € de préjudice au titre de dommages et
intérêts,
*débouté CAPEL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
à hauteur de 1 500 €,
- infirmer la décision uniquement sur ces points et statuant à nouveau :
*condamner Madame [B] [J] [C] à lui verser la somme de 15 217,68 € correspondant à son préavis de 3 mois non exécuté,
*débouter Madame [J] [C] de sa demande au titre du complément d'indemnité de congés payés crédit jour du solde de tout comptes à hauteur de 325.88 €,
*débouter Madame [J] [C] de sa demande au titre de la compensation du différentiel de mutuelle soit la somme de 598 €,
*condamner Madame [J] [C] à lui verser la somme 5 000 € au titre du préjudice moral causé,
*condamner Madame [J] [C] à lui verser la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamner Madame [J] [C] aux entiers dépens en ce compris les frais de signification et d'exécution de la décision à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que:
-contrairement à ce qu'elle essaie de faire croire, Madame [J] [C] n'était absolument pas soumise aux bons ordres de la direction mais savait, au contraire, faire preuve d'autonomie, d'action et de réflexion, et d'autorité dans ses rapports avec ses collègues et supérieurs dans la gestion de son service, ainsi que cela ressort des différents courriels produits,
- à la lecture du mail du 21 juillet 2020, il ne ressort aucunement un quelconque vocabulaire disciplinaire, il s'agit seulement d'un constat et d'une feuille de route des échanges du matin,
- en 2019, elle a décidé de mettre fin à la pratique de «la prime bilan» pour l'ensemble des collaborateurs qui en bénéficiaient et Madame [J] [C], en tant que directrice comptable, s'est elle-même largement impliquée dans la suppression de cette prime pour ses subordonnés,
- les instances représentatives du personnel ont validé la suppression de cette prime et le CSE, convoqué le 9 septembre 2020 a clairement établi le principe,
-Madame [J] [C], bien que partie le 7 octobre, a donc été traitée rigoureusement comme le reste du personnel du service comptable à qui elle avait d'ailleurs précédemment annoncé elle-même les nouvelles mesures,
-cette prime n'était soumise à aucun formalisme particulier et son montant pouvait varier d'une année sur l'autre,
-à partir du moment où elle estimait que le télétravail de Madame [J] [C], qui bénéficiait déjà d'une réduction de son temps de travail à 85 %, était devenu incompatible avec ses fonctions, il s'agissait là d'une motivation justifiant tout à fait l'arrêt du recours au télétravail,
-concernant les faits reprochés qualifiés de harcèlement, ils ne sont ni plus ni moins que l'expression de discussions très ouvertes entre un employeur et son directeur comptable en qui la confiance n'a jamais été retirée comme cela est indiqué à de nombreuses reprises,
-Madame [J] [C] ne démontre absolument pas :
- le caractère répété des faits reprochés : un seul courriel du 21 juillet 2020 (les échanges écrits qui ont suivis ne sont que les explications de ce mail),
- la dégradation de ses conditions de travail : sa prime a été intégrée pour partie dans son salaire (comme l'ensemble de ses collaborateurs) et sa journée de télétravail maintenue ; les faits constatés dans le mail du 21 juillet 2020 ne sont que l'expression des attentes légitimes d'un employeur envers un cadre,
- l'atteinte au droit ou à la santé : ses droits ont été préservés et la CAPEL a suivi les procédures juridiques adéquates pour dénoncer l'usage de la prime (elle avait eu d'ailleurs droit à la primeur de l'information), quant à sa santé, il n'existe aucune preuve d'un lien direct et concret entre les arrêts de travail (intervenus opportunément au moment de la négociation d'une rupture conventionnelle) et ses conditions de travail.
- Madame [J] [C] ne justifie en rien de son activité actuelle ni de ses
ressources ou de ses recherches d'emploi et aurait retrouvé un travail de directrice comptable à COFIGEO dès avant janvier 2021 soit à peine deux mois après son départ de la CAPEL,
- Il est donc certain que Madame [J] [C] avait pour projet de partir de la CAPEL et en a profité pour monter un dossier de prise d'acte de rupture en s'assurant ainsi une sécurité en cas de rupture de sa période d'essai dans ce nouveau poste,
- en 2020, au vu des différentes alertes retracées dans le mail du 21 juillet 2020, elle aurait très bien pu apprécier que la prime ne serait versée que pour moitié sans que cela puisse être qualifié de sanction pécuniaire, il ne pourra être fait droit à la demande de rappel de prime sur l'année 2020,
- du fait de la prise d'acte non justifiée en date du 7 octobre 2020, Madame [B] [J] [C] a décidé de ne pas exécuter son préavis d'une durée de 3 mois,
- contrairement à ses allégations, le placement en maladie de Madame [J] [C] n'exclut pas sa condamnation à reverser le préavis non effectué,
- l'indemnisation des congés payés de Madame [J] [C] a bien été réalisée, en effet, le calcul de Madame [J] [C] est erroné puisqu'il ne prend pas en compte les bons ratios de jours travaillés par mois,
- si Madame [J] [C] a choisi de souscrire un contrat de mutuelle dès le 29 octobre 2020, c'est bien qu'elle en avait la volonté et que la portabilité ne lui était pas ouverte du fait de sa prise d'acte,
- Madame [J] [C] ne peut pas démontrer qu'elle n'aurait pas souscrit à cette mutuelle quand bien même la portabilité de sa mutuelle aurait été active,
- l'article 7 du contrat de travail initial de Madame [J] [C] comporte une clause de discrétion sur les informations qu'elle détient du fait de ses fonctions,or, dans le cadre de la présente procédure et afin de tenter d'argumenter sur des soi-disant fautes de la CAPEL, Madame [J] [C] verse aux débats l'intégralité des rapports des commissaires aux comptes de la CAPEL,
- les bilans et les rapports ainsi rendus largement publics comportent des informations dont le caractère confidentiel est délibérément transgressé par Madame [J] [C],
-le fait d'avoir « sorti » ces pièces de la CAPEL pour les produire en justice alors même que ces éléments n'apportent rien aux débats lui cause en soit un préjudice.
MOTIVATION
I. SUR LE COMPLEMENT DE PRIME 2020
À titre liminaire, il convient de rappeler que pour que le versement d'une prime acquière la valeur contraignante d'un usage, dont les salariés pourront se prévaloir, il est nécessaire que ce versement réponde à des caractères de généralité, de constance et de fixité, que c'est à celui qui se prévaut d'un tel usage de rapporter la preuve que la pratique invoquée réunit ces trois conditions cumulatives.
Madame [J] [C] verse au débat ses bulletins de salaire des mois d'avril pour la période de 2010 à 2019 lesquels font apparaître le versement chaque année d'une prime dont le montant est allé croissant.
Des éléments du dossier il résulte que plusieurs salariés du service comptabilité percevait cette prime, à des montants différents selon les postes occupés, ce qui n'est pas contesté par l'employeur.
Dès lors,le versement d'une telle prime durant 9 ans à l'ensemble des salariés du service participant à la préparation du bilan confère à celle-ci valeur d'un usage.
Au surplus le fait que l'employeur ait décidé de saisir les instances représentatives du personnel pour supprimer le versement de cette prime démontre sans la moindre équivoque qu'il avait parfaitement conscience du caractère contraignant de cet usage.
Madame [J] [C] est ainsi fondée à solliciter le versement d'une somme de 2700 euros au titre de complément de la prime due pour l'année 2020 par comparaison avec celle percue en 2019 d'un montant de 5700 euros.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
II . SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
A titre liminaire, il convient de rappeler en droit que :
- il résulte des dispositions combinées des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui en empêche la poursuite ;
- il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur, sachant que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant alors tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ;
- cette rupture produira les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, respectivement d'un licenciement nul si ces faits sont constitutifs de harcèlement moral, soit dans le cas contraire, d'une démission; si un doute subsiste sur la réalité des manquements allégués à l'appui de la prise d'acte, les juges doivent lui faire produire les effets d'une démission';
Au soutien de sa prise d'acte, Madame [J] [C] invoque :
-l'application d'une sanction illégale car ayant un effet sur la rémunération,
-une modification unilatérale par l'employeur du contrat de travail,
-des griefs infondés au soutien la sanction appliquée,
Sur l'application d'une sanction illégale
Aux termes de l'article L 1331-2 du code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.
Dès l'instant que la réduction d'une prime intervient en raison de faits considérés comme fautifs, il s'agit d'une sanction pécuniaire prohibée.
La cour relève :
- que l'employeur justifie que l'ensemble des salariés service comptabilité qui percevait, à l'instar de l'appelante, la prime de bilan, a vu cette prime supprimée,
- que cette décision de l'employeur a été prise antérieurement à l'entrevue du 21 juillet 2020 avec Madame [J] [C] puisque par mail du 4 juin 2019 il lui confirmait la décision de mettre fin au versement de ces primes avec intégration de 50% de leur montant dans le salaire de base et précisait que pour Madame [J] [C] cette prime devait lui être versée pour la dernière fois en 2019, son salaire brut devant être revu en 2020 en fonction des éventuelles modification de périmètre,
que par courriel du 15 octobre 2019, Madame [J] [C] a informé l'employeur des entretiens menés avec les salariés concernés lesquels ont accepté les évolutions de poste,
- qu'elle était donc parfaitement informée que la suppression de la prime de bilan s'inscrivait dans le cadre d'un changement de politique salariale du nouveau directeur général, décision qu'elle a mise en 'uvre,
- que le courriel du 21 juillet 2020, énonçant des éléments qualifiés de griefs par l'appelante, lui a été adressé par l'employeur à l'issue d'un entretien tenu à la demande de la salariée sollicitant des explications sur le non versement de la prime,
qu'il ne peut donc être soutenu l'existence d'un lien entre les observations faites par l'employeur et la suppression de la prime dès lors que ces observations sont intervenues postérieurement à la décision,
De ce qui précède, il se déduit que la réduction de la prime octroyée par l'employeur à Madame [J] [C] est la conséquence d'un décision de changement de politique salariale, qu'elle s'analyse ainsi en une modification du contrat de travail et non en une sanction disciplinaire.
Le grief n'est donc pas établi.
Sur la modification unilatérale par l'employeur du contrat de travail
Madame [J] [C] reproche à l'employeur d'avoir 'supprimé un avantage contractuel consistant dans la journée de télétravail'.
Si par courriel du 21 juillet 2020 l'employeur écrivait à la salariée 'l'avenant au télétravail prendra fin au 1er janvier',suite au courrier en réponse de protestation de Madame [J] [C] du 14 août 2020, il revenait sur cette décision et lui indiquait par courrier du 1er septembre 2020 « pour ce qui concerne la journée de télétravail dont vous bénéficiez, je regrette que nous ne partagions pas le constat qu'elle est incompatible avec la nature de vos missions. Je vous propose que nous en reparlions en tête à tête. Dans cette attente, cette journée est maintenue en l'état. »
De l'expression, 'en l'état', ne peut se déduire, comme le fait la salariée, que la journée ne serait nécessairement pas maintenue pour l'avenir, comme ne saurait s'interpréter la proposition d'en reparler ' en tête à tête' comme une tentative d'intimidation de la salariée, cette affirmation n'étant corroborée par aucun élément du dossier .
Force est de constater que l'employeur a rétabli la salariée dans les conditions de son emploi en renonçant à sa proposition de modification et qu'au jour de la prise d'acte de la rupture par Madame [J] [C] aucune modification de la journée de télétravail ne lui était imposée, de sorte qu'il ne peut aucunement être reprochée à l'employeur d'avoir commis une voie de fait.
Sur les griefs infondés au soutien la prétendue sanction appliquée
La cour ayant écarté l'existence d'une sanction disciplinaire, les observations de l'employeur ne sauraient donc être qualifiées de griefs au soutien d'une telle sanction.
Au surplus, l'employeur qui exerce un pourvoir de direction est fondé à formuler des observations à la salariée sur la qualité de sa prestation, à lui fixer des objectifs et lui donner des directives.
Les observations ainsi formulées par l'employeur dans le courriel du 21 juillet 2020, relève de l'exercice légitime de son pouvoir de direction sans qu'aucun abus ne puisse être relevé.
Par ailleurs, si la lettre de prise d'acte de la rupture formule les griefs suivants':
«'2) Lors de la période « COVID », mi-mars ' avril 2020, l'employeur a retiré quatre jours de congés payés sur mon solde de congés alors que j'ai travaillé durant ces quatre journées et 3)Depuis 13 ans que je suis employée au sein de l'entreprise, je n'ai jamais bénéficié d'aucun entretien, ce qui aurait permis de faire le point sur mon travail, mes fonctions et leur évolution,». Madame [J] [C] n'en tire aucune conséquence dans ses écritures en appel.
Par ailleurs, c'est à tort que Madame [J] [C] soulève une erreur manifeste de droit commise par le conseil des prud'hommes en affirmant qu'il aurait statué sur la résolution judiciaire alors qu'il était saisi d'une demande de requalification suite à la prise d'acte de la rupture du contrat.
Le conseil des prud'hommes dans sa motivation a conclu que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Madame [J] [C], dont il était saisi, produit les effets d'une démission et dans son dispositif l'a, en conséquence, déboutée de ses demandes indemnitaires formées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement du conseil des prud'homme sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté, Madame [J] [C] de ses demandes indemnitaires formées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et y ajoutant, la cour juge que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission.
III. SUR LE HARCELEMENT MORAL
Aux termes de l'article 1152-1 du code du travail « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Il résulte de cet article que le harcèlement moral est constitué, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, ce qui signifie que le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l'intention,malveillante ou non de son auteur.
Le régime probatoire du harcèlement moral est régi par l'article L. 1154-1 de ce même code qui prévoit que lorsque le salarié présente des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ce texte que le salarié n'est tenu que d'apporter au juge des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et que la charge de la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié.
Le juge doit en premier lieu examiner la matérialité des faits allégués par le salarié en prenant en compte tous les éléments invoqués, puis qualifier juridiquement ces éléments en faits pris dans leur ensemble pour savoir s'ils laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, et enfin examiner les éléments de preuve produits par l'employeur pour déterminer si ses décisions à l'égard du salarié étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Madame [J] [C] invoque plusieurs faits :
-une manoeuvre du directeur général pour supprimer sa prime et modifier son contrat de travail,
-une pression morale en lui assénant des reproches graves, en lui imputant la responsabilité de la situation économique de la coopérative et du groupe et d'abus de biens sociaux.
Pour confirmer le jugement entrepris en ses dispositions déboutant Madame [J] [C] de sa demande de condamnation de la CAPEL à lui payer la somme de 30000 euros au titre du préjudice subi des faits de harcèlement moral, il suffira de rappeler, respectivement de rajouter :
- que le conseil des prud'hommes a justement relevé que les écrits de l'employeur relataient aussi des encouragements et des félicitations adressés à la salariée,
- que les écrits de l'employeur versés au débat, sont certes constitutifs de reproches envers la salarié mais ne dépassent pas le cadre de l'exercice légitime de son pouvoir de direction et ne contiennent aucun propos humiliants, vexatoires ou dégradants,
- que la cour ayant écarté tout caractère disciplinaire à la diminution de la prime, la salariée n'est pas fondée à soutenir l'existence de pressions pour lui faire accepter une sanction, à supposer ces pressions établies,
- de même la salariée ne peut soutenir l'existence de pressions de la part de l'employeur pour obtenir la suppression du jour télé travaillé, alors que précisément, sur protestation de la salarié, ce dernier y a renoncé,
- que l'écrit du 10 septembre 2020 conviant la salariée à un entretien ne peut s'analyser comme une menace, et ce d'autant plus au vu de l'observation précédente puisque l'employeur a modifié sa décision précisément après un tel entretien,
- que la diminution d'une prime, dans le conteste de l'espèce, ne saurait avoir pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de la salariée, laquelle en avait été informée en entretien, n'avait alors émis aucune objection et avait elle même mis en oeuvre auprès de ses collaborateurs ce changement de politique salariale,
- qu'aucun élément ne permet de retenir que la dépression réactionnelle mentionnée par son médecin traitant sur l'arrêt de maladie, sur les seules indications de sa patiente, trouverait son origine dans une dégradation des conditions de travail de la salariée.
Dès lors, la cour considère que ces éléments en faits pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.
IV. SUR LA DEMANDE INDEMNITAIRE POUR RECTIFICATION DE L'ATTESTATION POLE EMPLOI
Madame [J] [C] ne justifie d'aucun préjudice au soutien de sa demande de dommages et intérêts du fait de la mention erronée de 'démission' sur l'attestation Pôle Emploi .
La décision du conseil des prud'hommes l'ayant déboutée de ce chef de demande sera ainsi confirmée.
V. SUR L'INDEMNITE COMPENSATRICE DE PREAVIS
La société intimée demande, sur le fondement de l'article L 1237-1 du code du travail, la condamnation de Madame [J] [C] au paiement d'une somme de 15217,68 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de 3 mois.
Cependant, la prise d'acte de la rupture est intervenue alors que la salariée se trouvait en arrêt maladie et donc dans l'incapacité d'effectuer son préavis, de sorte que la demande de la CAPEL doit être limitée à la durée du préavis restant à l'issue de l'arrêt maladie soit.
En l'espèce, la prise d'acte étant intervenue le 7 octobre 2020, le préavis s'achevait du 7 janvier 2021. Madame [J] [C] justifie d'un arrêt de travail jusqu'au 23 novembre 2020.
Elle sera en conséquence condamné au paiement d'une somme de 7608,84 euros correspondant au reliquat du préavis non effectué postérieurement à l'arrêt maladie.
Le jugement entrepris qui a condamné Madame [J] [C] au paiement d'une somme de 4839,23 euros à ce titre sera donc infirmé sur ce point.
VI. SUR LES DEMANDES AU TITRE DE LA COMPENSATION DU DIFFERENTIEL DE MUTUELLE ET DE L'INDEMNITE DE CONGES PAYES CREDIT JOUR
Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, il y a lieu de constater que ces prétentions ne sont nullement reprises au dispositif des dernières conclusions de l'appelante, de sorte que la cour n'en est pas saisie.
VII. SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS FORMEE PAR L'EMPLOYEUR
L'employeur fonde sa demande sur le non respect par la salariée de l'article 7 de son contrat de travail aux termes duquel «'durant l'exécution du présent contrat, Melle [J] [B] est tenue, indépendamment d'une obligation de réserve générale et de secret professionnel , à une discrétion absolue sur tous les faits qu'elle peut apprendre, en raison de ses fonctions ou de son appartenance à l'entreprise, et qui concernent tant sa gestion et son fonctionnement, que sa situation et ses projets'».
Il reproche à la salariée d'avoir produit en justice les rapports des commissaires aux comptes alors que ces pièces sont indifférentes aux débats.
Comme l'ont justement relevés les premiers juges, dont la décision sera confirmée sur ce point, l'employeur ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa prétention.
VIII. SUR LES FRAIS NON RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS
Les deux parties succombant partiellement , il convient de laisser à la charge de chacune les frais non répétibles qu'elle a exposés.
Les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre les parties.
PAR CES MOTIFS
La Cour , statuant contradictoirement , par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort
CONSTATE que la cour n'est pas saisie des demandes au titre de la compensation du différentiel de mutuelle et de l'indemnité de congés payés crédit jour,
CONFIRME le jugement du conseil des prud'hommes de Cahors du 28 mai 2021 sauf en ce qu'il a débouté Madame [J] [C] de sa demande au titre de la prime bilan, a condamné Madame [J] [C] à payer à l'employeur l'équivallent d'un mois de salaire soit 4839,23 euros au titre du préavis non effectué et condamné Madame [J] [C] aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la prise d'acte produit les effets d'une démission,
CONDAMNE la société Coopérative de Production et d'Elevage du Lot à payer à Madame [J] [C] une somme de 2700 euros au titre de complément de prime 2020,
CONDAMNE Madame [J] [C] à payer à la société Coopérative de Production et d'Elevage du Lot une somme de 7608,84 euros au titre du préavis non effectué,
DEBOUTE la société Coopérative de Production et d'Elevage du Lot de sa demande au titre des frais irrépétibles,
DEBOUTE Madame [J] [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles,
DIT que les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre les parties.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT