ARRÊT DU
12 Octobre 2022
DB/CR
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N° RG 21/00855
N° Portalis
DBVO-V-B7F-C5VH
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[V] [U]
C/
S.A. FRANFINANCE
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GROSSES le
à
ARRÊT n°
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Madame [V] [U]
née le 15 Avril 1950 à [Localité 6] (32)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Gilles HAMADACHE, avocate inscrite au barreau d'AGEN
APPELANTE d'un Jugement du Juge des contentieux de la protection d'AGEN en date du 02 Novembre 2020, RG 11-19-312
D'une part,
ET :
S.A. FRANFINANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de ROANNE et par Me Philippe MORANT, avocat postulant inscrit au barreau du GERS
INTIMÉE
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 08 Juin 2022 devant la cour composée de :
Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
Greffières : Lors des débats : Nathalie CAILHETON
Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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FAITS :
Selon bon de commande signé le 27 mai 2014 dans le cadre d'un démarchage à domicile, [V] [U] a passé commande auprès de la SAS Gouriny & Co, exerçant sous l'appellation Start Energie, pour la maison dont elle est propriétaire à [Localité 2] (47) de l'isolation des murs par l'extérieur pour une surface de 60 m², et d'un nettoyage de toiture, pour un prix total de 16 500 Euros.
Pour financer cette prestation, le même jour, elle a souscrit un emprunt affecté d'une somme de 16 500 Euros auprès de la SA Franfinance, remboursable en 168 échéances de 137,70 Euros, hors assurances, au taux débiteur annuel fixe de 4,790 %.
Les travaux ont été effectués.
Selon bon de commande signé le 2 septembre 2014 dans le cadre d'un démarchage à domicile, Mme [U] a passé commande auprès de la SAS Gouriny & Co de travaux de réfection de la toiture de sa maison, pour un prix total de 10 000 Euros.
Pour financer cette prestation, le même jour, elle a souscrit un emprunt affecté 'Cetelem' auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance.
Le 11 décembre 2014, Mme [U] a souscrit un emprunt de 23 000 Euros auprès de la SA Banque Populaire Occitane afin de procéder au remboursement anticipé des emprunts souscrits auprès de la SA Franfinance et de la SA BNP Paribas Personal Finance.
Le premier a été remboursé par anticipation en janvier 2015 et le second en février et mars 2015.
Selon bon signé le 29 juin 2015, l'achat et la pose d'une pompe à chaleur de marque Daikin en remplacement de sa chaudière, ont été commandés, pour un prix total de 15 000 Euros.
Pour financer ce système, le même jour, elle a souscrit un emprunt affecté d'une somme de 15 000 Euros auprès de la SA Franfinance, remboursable en 156 échéances de 142,47 Euros, hors assurances, au taux débiteur annuel fixe de 6,030 %.
Le 6 août 2015, Mme [U] a signé un procès-verbal de réception sans réserve de la pompe à chaleur.
Le 6 août 2015, elle a signé une 'attestation de livraison, demande de financement' autorisant la SA Franfinance à verser au à la SAS Gouriny & Co le capital de 15 000 Euros.
Le 8 novembre 2017, le tribunal de commerce d'Agen a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Gouriny & Co et a désigné Me [O] [C] en qualité de liquidateur.
Par acte des 15 et 16 mai 2019, Mme [U] a fait assigner la SAS Gouriny & Co prise en la personne de Me [C], la SA BNP Paribas Personal Finance et la SA Franfinance devant le tribunal d'instance d'Agen afin de voir annuler les contrats souscrits avec la SAS Gouriny & Co, ou à défaut de voir prononcer leur résolution, et en conséquence l'annulation ou la résolution des contrats de crédits affectés, avec privation pour les banques, de la possibilité d'obtenir restitution des capitaux prêtés.
Me [C] n'a pas comparu.
Par jugement rendu le 2 novembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Agen a :
- déclaré recevable la demande de Mme [V] [U] concernant le contrat qu'elle a conclu le 27 mai 2014 avec la société Gouriny & Co,
- déclaré irrecevable la demande de la société Franfinance concernant les frais d'exécution du jugement,
- constaté le désistement d'instance de Mme [V] [U] s'agissant des demandes dirigées à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance,
- annulé les contrats des 27 mai et 2 septembre 2014 et du 29 juin 2015 conclus entre la société Gouriny & Co et Mme [V] [U] ainsi que le contrat de crédit du 26 (en réalité 29) juin 2015 conclu entre Mme [V] [U] et la société Franfinance,
- constaté que Mme [V] [U] ne demande pas l'annulation du contrat de crédit conclu le 27 mai 2014 avec la société Franfinance,
- débouté Mme [V] [U] de ses demandes dirigées contre la société Franfinance au titre du contrat de crédit du 26 juin 2015,
- condamné Mme [V] [U] à rembourser à la société Franfinance la somme de 15 000 Euros avec déduction des sommes déjà réglées depuis la conclusion du prêt,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, y compris celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [V] [U] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le tribunal a estimé que les bons de commandes signés les 27 mai, 2 septembre 2014 et 29 juin 2015 n'étaient pas conformes au code de la consommation faute de contenir les formulaires de rétractation réglementaires ; que la nullité de ces contrats entraînait celle des contrats de crédit affectés ; que Mme [U] ayant attesté de la bonne exécution de la prestation objet du dernier contrat, elle ne pouvait être dispensée de rembourser le capital emprunté ; et qu'elle ne justifiait pas des préjudices qu'elle invoquait.
Par acte du 27 août 2021, [V] [U] a déclaré former appel du jugement en désignant la SA Franfinance en qualité de partie intimée et en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui l'ont déboutée de ses demandes et l'ont condamnée à rembourser la somme de 15 000 Euros ainsi qu'à supporter les dépens.
La clôture a été prononcée le 13 avril 2022 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 8 juin 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 18 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [V] [U] présente l'argumentation suivante :
- La SA Franfinance a commis des fautes dans l'octroi du crédit affecté du 29 juin 2015 :
* elle aurait dû procéder à la vérification de la régularité du bon de commande au regard du code de la consommation.
* elle n'a pas vérifié non plus la bonne exécution des prestations, le procès-verbal de réception étant ambigu et en partie pré-rempli.
* la banque se devait d'être d'autant plus vigilante qu'il existe de nombreuses escroqueries dans le démarchage à domicile, contre lesquelles la DGCCRF a édité des mises en garde dès 2013.
* elle a été victime d'un dol et d'un abus de faiblesse.
* elle n'a pas commandé la pompe à chaleur qui a été encore moins livrée et qui est 'en somme inexistante'.
* la banque est privée de sa créance de restitution.
* elle n'a pas respecté son devoir de mise en garde.
- La banque a manqué à son devoir de mise en garde lors de l'octroi du crédit affecté du 27 mai 2014 et a commis des fautes dans l'octroi de tous les crédits concernés :
* elle ne perçoit mensuellement qu'une retraite de 1 000 Euros.
* pourtant, la SA Franfinance lui a fait souscrire en 2014 un emprunt de 16 500 Euros, la préjudiciant ainsi du même montant, auquel il faut ajouter le coût du crédit souscrit destinés à le solder par anticipation, et son apport personnel, soit un total de 25 370,52 Euros.
* la fiche de solvabilité n'a été remplie que par suite d'un dol et d'un abus de faiblesse.
* ce manquement au devoir de mise en garde concerne également l'emprunt souscrit le 29 juin 2015.
Au terme de ses conclusions, (abstraction faite des multiples 'dire" et "constater' qui constituent un rappel des moyens et non des prétentions) elle demande à la Cour de :
- réformer le jugement sur les points de son appel,
- déclarer les demandes présentées par la SA Franfinance irrecevables et la condamner à lui restituer toutes les sommes déjà versées en exécution du contrat de crédit annulé,
- condamner la SA Franfinance à lui payer la somme de 25 370,52 Euros en réparation de son préjudice financier,
- subsidiairement :
- déclarer les demandes présentées par la SA Franfinance irrecevables et la condamner à lui payer la somme de 51 218,16 Euros en réparation de son préjudice financier,
- en tout état de cause :
- déclarer les demandes présentées par la SA Franfinance irrecevables et la condamner à lui payer la somme de 5 000 Euros en réparation de son préjudice moral outre la somme de 6 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par dernières conclusions notifiées le 23 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SA Franfinance présente l'argumentation suivante :
- Les demandes relatives au crédit affecté du 27 mai 2014 ne peuvent être admises :
* ce contrat a été entièrement exécuté.
* Mme [U] est dégagée de toute obligation.
- Le capital objet du crédit affecté du 29 juin 2015 doit lui être restitué :
* le bon de commande a été signé par Mme [U] qui y a apposé la mention 'lu et approuvé'.
* il a été signé à [Localité 5] de sorte qu'il ne l'a pas été dans le cadre d'un démarchage à domicile.
* la pompe à chaleur a été installée et acceptée sans réserve.
* elle a versé les fonds au vu de ce procès-verbal et de l'ordre donné par Mme [U].
* l'appelante ne peut se prévaloir d'aucun préjudice.
- Elle n'a pas manqué à son devoir de mise en garde :
* il n'existait aucun devoir de mise en garde pour l'octroi d'un crédit donnant lieu à des mensualités de 142,47 Euros, alors que Mme [U] lui a déclaré disposer mensuellement de 1 100 Euros de revenus.
* le droit de la consommation met à la charge des établissements de crédit une obligation de vérifier la solvabilité des emprunteurs, ce qu'elle a fait, dont la sanction est la déchéance du droit aux intérêts, et non l'octroi de dommages et intérêts.
* en tout état de cause, seule une perte de chance de ne pas contracter peut être invoquée.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- subsidiairement :
- déclarer les demandes présentées par Mme [U] au titre du crédit du 27 mai 2014 irrecevables pour défaut d'intérêt à agir,
- réduire tous dommages et intérêts mis à sa charge à 1 Euro,
- en tout état de cause :
- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 2 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à supporter les dépens et dire que les frais d'exécution qu'elle pourrait engager seront à la charge de Mme [U].
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MOTIFS :
1) Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'emprunt de 16 500 Euros souscrit le 27 mai 2014 :
En premier lieu, il n'existe strictement aucun élément tangible de nature à étayer les affirmations de Mme [U] selon lesquelles elle aurait été victime d'un dol ou d'un abus de faiblesse lors de la commande du 27 mai 2014, son hospitalisation pendant 6 jours à compter du 17 juin suivant, d'ailleurs pour des motifs médicaux non précisés, ne pouvant valoir une telle preuve.
En second lieu, l'obligation de mise en garde à laquelle le banquier est tenu envers son client consiste seulement à vérifier que, lors de la conclusion du contrat, le crédit est adapté au regard des capacités financières de l'emprunteur et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt sollicité.
En l'absence d'un tel risque, le banquier n'est tenu d'aucune obligation de mise en garde.
En l'espèce, lors de la souscription de cet emprunt, Mme [U], retraitée, disposait mensuellement de 1 100 Euros et n'avait plus de crédits en cours.
Par suite, la souscription d'un emprunt générant des mensualités de 137,70 Euros était en adéquation avec sa situation.
D'ailleurs, l'isolation des murs de sa maison lui générait des économies de chauffage.
Le jugement qui a rejeté ses demandes de dommages et intérêts au titre de cet emprunt doit être confirmé.
2) Sur le remboursement du capital de 15 000 Euros emprunté le 29 juin 2015 :
En premier lieu, le contrat souscrit le 29 juin 2015 entre Mme [U] et la SAS Gouriny & Co le 29 juin 2015 a été annulé par le tribunal judiciaire d'Agen.
En l'absence d'appel incident, cette annulation est définitive.
En deuxième lieu, Mme [U] déclare que le bon de commande du 29 juin 2015 a été conclu suite à un dol et un abus de faiblesse.
Mais il s'agit d'affirmations qui ne reposent sur aucun élément tangible, le fait que Mme [U] soit titulaire d'une carte d'invalidité et qu'elle ait été hospitalisée 6 jours en juin 2014 ne pouvant valoir une telle preuve.
En tout état de cause, en troisième lieu, l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle d'un contrat de vente, emporte pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser à la banque le capital emprunté, sauf en cas d'absence de livraison du bien vendu ou de faute de la banque dans la remise des fonds prêtés.
Toutefois, l'emprunteur demeure tenu de restituer ce capital dès lors qu'il n'a subi aucun préjudice causé par la faute de la banque.
En l'espèce, Mme [U] prétend qu'elle n'a pas commandé la pompe à chaleur et même qu'elle n'aurait pas été livrée.
Cette affirmation est contredite par la mention 'bon pour commande' suivie de la signature qui figure sur le bon de commande, par le procès-verbal de réception daté du 6 août 2015 dans lequel elle a déclaré prononcer la réception sans réserve de l'installation de la pompe à chaleur, ainsi que par la mention 'bon pour accord' signée le même jour par Mme [U] sur 'l'attestation de livraison, demande de financement' dans laquelle elle 'a réceptionné sans restriction ni réserve le bien ou la prestation objet du financement, conforme au bon de commande.'
Il ne peut donc être que tenu pour établi que la pompe à chaleur a été commandée, livrée et mise en service.
Il s'ensuit que, dès lors que Mme [U] est en possession d'une pompe à chaleur, mise en service, qui fonctionne et qui lui permet de réaliser les économies prévues, elle ne subit aucun préjudice en lien avec les manquements qu'elle impute à la SA Franfinance quant à l'absence de vérification du contrat principal, aux circonstances dans lesquelles le bon de commande a été signé et dans lesquelles le capital emprunté a été versé à la SAS Gouriny & Co par la SA Franfinance.
Le jugement qui a rejeté l'argumentation présentée sur ce point par Mme [U] et qui l'a condamnée à restituer le capital emprunté doit être confirmé.
3) Sur le devoir de mise en garde de la SA Franfinance :
Il a été répondu à cette demande ci-dessus pour l'emprunt souscrit le 27 mai 2014.
S'agissant de l'emprunt souscrit le 29 juin 2015, avant de l'accorder, la SA Franfinance a recueilli un justificatif d'identité de Mme [U], son avis d'imposition 2014 et son calendrier de paiement EDF, mentionnant des mensualités de 42,02 Euros.
Elle lui a remis une 'fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs' (comme en atteste la signature de Mme [U] sur le contrat de crédit, ce qu'elle ne dénie d'ailleurs pas) et lui a fait remplir une 'fiche de dialogue revenus et charges' dans laquelle elle a déclaré sa retraite mensuelle de 1 100 Euros, sans autre charge que l'échéancier EDF et dans laquelle elle s'est abstenue de déclarer l'emprunt souscrit auprès de la Banque Populaire.
Au vu de ces éléments, et en l'absence d'autres charges, l'emprunt souscrit le 27 mai 2014 ayant été remboursé par anticipation, l'emprunt de 15 000 Euros générant des mensualités de 142,47 Euros ne créait aucun risque d'endettement et était en adéquation avec la situation déclarée par Mme [U].
Le jugement qui a rejeté ses demandes de dommages et intérêts doit également être confirmé.
Enfin, d'une part, l'équité nécessite d'allouer à l'intimée, en cause d'appel, la somme de 2 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, d'autre part, il n'y a pas lieu de se prononcer actuellement sur les frais d'exécution forcée d'une décision dont l'exposé reste purement hypothétique et qui sont réglementés par l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, étant rappelé qu'en tout état de cause, le titre servant de fondement à des poursuites permet le recouvrement des frais d'exécution forcée.
PAR CES MOTIFS :
- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
- CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
- Y ajoutant,
- CONDAMNE [V] [U] à payer à la SA Franfinance la somme de 2 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE [V] [U] aux dépens de l'appel.
- Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière,La Présidente,