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15/09/2022 | FRANCE | N°21/00523

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 15 septembre 2022, 21/00523


ARRÊT DU

15 SEPTEMBRE 2022



NE/CO**



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N° RG 21/00523 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C4O3

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SAS CLINIQUE FONT-REDONDE





C/





[G] [O]





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 112 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à dispo

sition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quinze septembre deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D...

ARRÊT DU

15 SEPTEMBRE 2022

NE/CO**

-----------------------

N° RG 21/00523 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C4O3

-----------------------

SAS CLINIQUE FONT-REDONDE

C/

[G] [O]

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 112 /2022

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quinze septembre deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

La SAS CLINIQUE FONT- REDONDE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Mustapha YASSFY, avocat inscrit au barreau du LOT

APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - formation de départage de CAHORS en date du 16 avril 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00133

d'une part,

ET :

[G] [O]

née le 27 janvier 1968 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Véronique MAS HEINRICH substituant à l'audience Me Laurent BELOU, avocat inscrit au barreau du LOT

INTIMÉE

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 14 juin 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller rapporteur, assisté de Chloé ORRIERE, greffier, les parties ayant été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 09 août 2022, lequel délibéré a été prorogé ce jour par mise à disposition. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré rendu compte à la cour composée, outre lui-même, de Dominique BENON, conseiller et Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 21 octobre 2014, la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de l'Essone a accordé à Mme [G] [O] la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 mars 2017, Mme [G] [O] a été embauchée par la SAS Clinique FONT- REDONDE (ci -après la clinique) en qualité d'infirmière, affectée au service de l'hospitalisation à domicile.

Le 2 août 2017 Mme [G] [O] a été nommée infirmière IDEC (infirmière coordinatrice) sur le secteur de [Localité 3] et le 14 mars 2018, à la suite du départ d'une collègue, le secteur de [Localité 2] lui a été attribué en sus, en cette même qualité.

Le 1er mai 2018 Mme [G] [O] a été victime d'une embolie pulmonaire bilatérale. Elle a été placée en arrêt de travail et n'a jamais repris son poste depuis.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 septembre 2018, Mme [O] a demandé à la clinique de lui adresser un avenant à son contrat de travail pour sa prise de fonction en juillet 2017 en qualité d'IDEC de l'antenne de [Localité 3] et en janvier 2018 en qualité d'IDEC de l'antenne de [Localité 2]. Elle réclamait en outre le paiement de 423,50 heures supplémentaires ainsi que de 36 jours de congés payés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 novembre 2018, la clinique a répondu à Mme [G] [O] qu'elle ne procéderait pas au règlement des heures supplémentaires réclamées, parce qu'elles n'étaient pas justifiées et n'avaient pas été demandées par l'employeur.

Le 8 août 2019, par l'intermédiaire de son conseil, Mme [G] [O] a sollicité le paiement de 192 heures supplémentaires.

La clinique ayant refusé de faire droit à ses demandes Mme [G] [O] a saisi le conseil des prud'hommes de Cahors le 10 décembre 2019 pour solliciter, dans le dernier état de ses prétentions, qu'il soit jugé qu'elle devait bénéficier du statut de cadre et de condamner la clinique à lui payer 16'092,56 euros au titre des heures supplémentaires du 6 mars 2017 au 30 avril 2018, 1609, 25 euros au titre des congés payés afférents, 22'429,08 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé, 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la durée maximale, pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires et pour manquement à l'obligation de sécurité.

Par jugement en date du 16 avril 2021, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil des prud'hommes de Cahors a :

- condamné la clinique à payer à Mme [G] [O] la somme de 15'883,29 euros au titre des heures supplémentaires et celle de 1588,33 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019 ;

- condamné la clinique à payer à Mme [G] [O] la somme de 1500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- jugé que la clinique reste devoir à Mme [G] [O] 46 jours de congés payés, correspondant à une somme de 5 344,50 euros ;

- débouté Mme [G] [O] de sa demande de délivrance des bulletins de salaire d'août et de septembre 2019 ;

- condamné la clinique aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 2000 euros.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 11 mai 2021, la clinique a relevé appel des dispositions du jugement la condamnant à payer à Mme [G] [O] les sommes de 15'883,29 euros bruts au titre des heures supplémentaires, 1588,33 euros bruts au titre des congés payés afférents, 1500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail et dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, 2000 euros à titre d'indemnité de procédure, aux dépens.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 7 avril 2022 et l'audience fixée au mardi 14 juin 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

I. Moyens et prétentions de la SAS Clinique FONT-REDONDE, appelante principale et intimée sur appel incident

Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 29 juillet 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante, la SAS Clinique FONT-REDONDE conclut à l'infirmation du jugement, au rejet de l'intégralité des demandes formulées par Mme [O] et à la condamnation de celle-ci aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 3000 euros en faisant valoir :

1°) que Mme [O] ne peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dès lors :

- que dans le cadre de l'hospitalisation à domicile chaque infirmière établit chaque soir, à la fin de sa tournée, un relevé d'heures qui est ensuite remis à la responsable des ressources humaines de la clinique qui reporte exactement les heures dans une fiche de temps qui est annexée à la fiche de paie de chacun des salariés ;

- que chaque heure supplémentaire effectuée fait l'objet d'un repos compensateur figurant « R » sur les plannings établis chaque mois ;

- qu'à la fin du mois d'août 2017 Mme [O] faisait état de 38 heures supplémentaires, puis à la fin du mois de décembre 2017, de 229 heures supplémentaires, et qu'il est pour le moins surprenant que le nombre d'heures supplémentaires soit supérieur en décembre à celui du mois d'août alors qu'elle avait cessé d'effectuer les soins à compter du mois de septembre 2017 ;

- que les heures supplémentaires alléguées n'ont jamais été justifiées, ce qui explique qu'elle ait refusé de procéder au règlement des sommes réclamées par Mme [O] ;

- que dans sa réponse du 19 novembre 2019, elle a indiqué qu'elle avait pris acte de la demande de Mme [O], mais qu'elle estimait que celle-ci n'était pas justifiée dans la mesure où il n'était précisé ni quels patients ou institutions avaient été visités, ni quelle était la raison des heures supplémentaires, ni quelles réunions elle avait animé ;

- qu'aujourd'hui encore Mme [O] se contente de produire des relevés d'heures établis par ses soins mais n'apporte pas le moindre justificatif concernant les heures prétendument effectuées, ce qui interdit toute contestation à la clinique ;

- que Mme [O] fonde ses demandes sur les amplitudes horaires notées sur des feuilles de présence contestées par l'employeur, qu'elle ne décompte même pas la pause déjeuner ;

- que Mme [O] ne saurait se prévaloir d'un accord implicite de l'employeur quant à la réalisation des heures supplémentaires alors que la pratique de la clinique visant à compenser les heures supplémentaires lui était connue depuis son embauche ;

- que lorsque le salarié ne justifie pas de la nécessité de dépasser les horaires contractuels en dépit de l'interdiction de l'employeur, il ne peut solliciter la rémunération de ces heures supplémentaires, et que tel est notamment le cas lorsqu'il s'agit d'une présentation laconique des heures supplémentaires, sans explication permettant d'éclairer utilement l'employeur et de les contester ;

- qu'à compter du mois de septembre 2017 Mme [O] n'a plus effectué que des heures de bureau, les astreintes lui étant rémunérées ;

- que plusieurs personnes ayant travaillé avec Mme [O] attestent ne pas avoir constaté l'amplitude horaire qu'elle prétendait effectuer ;

- que Mme [O] qui échoue à démontrer que les heures supplémentaires auraient été effectuées soient avec l'accord de son employeur, soit parce qu'elles étaient rendues nécessaires par les tâches qui lui étaient confiées, devra nécessairement être déboutée de ses demandes ;

- que Mme [O], qui était parfaitement informée de la nécessité de justifier des heures supplémentaires effectuées et de ce qu'à défaut elles ne seraient pas rémunérées, pratique rappelée par une note de service du 5 juin 2017, n'a jamais été en mesure d'en justifier malgré les demandes qui lui ont été faites ;

2°) que le jugement devra nécessairement être réformé en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts pour non-respect des limites maximales du temps de travail, pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires et pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat, en l'absence de motivation à cet égard.

II. Moyens et prétentions de Mme [G] [O], intimée sur appel principal et appelante incidente

Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 29 octobre 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de Mme [G] [O], l'intimée conclut :

1°) à la confirmation du jugement en ses dispositions condamnant la clinique à lui payer les sommes de 15'883,29 euros bruts au titre des heures supplémentaires et de 1588,33 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019, en faisant valoir :

- que l'employeur n'a jamais justifié devant le conseil des prud'hommes ou la cour, les heures de travail accomplies par la salariée, se contentant d'indiquer qu'elle devait réaliser 35 heures ;

- qu'il ne conteste pas qu'elle a accompli des heures supplémentaires mais soutient que celles qui ont été accomplies n'avaient pas été demandées ou sont intervenues sans son accord et qu'il n'est donc pas tenu de les rémunérer ;

- que quelles que soient les règles contractuelles ou les demandes de l'employeur de ne pas effectuer d'heures supplémentaires sans autorisation, il a l'obligation soit d'adapter la charge de travail de son salarié pour qu'il ne dépasse pas la durée légale hebdomadaire du travail, soit de démontrer que les missions du salarié pouvaient être effectuées dans le temps imparti ;

- qu'au sein de la clinique les salariés notaient les heures de travail effectuées semaine après semaine et remettaient ces informations à la responsable des ressources humaines, tous les lundis par fax ;

- que les relevés d'heures qu'elle a transmis n'ont jamais été contestés et qu'ils étaient d'ailleurs agrafés chaque mois au bulletin de salaire ; qu'ils constituent une véritable information officielle pour l'employeur des heures effectuées par la salariée et que l'absence de contestation après transmission à la responsable des relations humaines permet de considérer que la clinique a donné de manière implicite son accord à l'accomplissement des heures supplémentaires ;

- que la note de service du 5 juin 2017 portant demande de justification est un document de pure forme et que la lettre recommandée en date du 17 novembre 2018 sur laquelle la clinique s'appuie désormais est postérieure de plusieurs mois à l'arrêt de travail de Mme [O] ;

- que le conseil des prud'hommes a parfaitement analysé la situation et a retenu l'accord implicite de l'employeur, la clinique fonctionnant selon un modèle particulier puisqu'elle ne règle pas les heures supplémentaires effectuées par ses salariés mais octroie des repos compensateurs ;

- qu'au vu de sa situation de santé elle ne pourra les récupérer et que par conséquent la clinique doit les régler ;

- que sa charge de travail est incontestable dès lors qu'elle a pendant plusieurs mois cumulé les fonctions d'infirmière en soins avec des astreintes d'infirmière coordinatrice sur les deux sites de [Localité 3] et de [Localité 2] ;

- que les attestations produites par l'employeur pour contester les heures supplémentaires doivent être prises avec circonspection puisqu'une seule personne ne pouvait remplir en 35 heures toutes les tâches qui lui étaient confiées et que d'ailleurs elle a été remplacée dans son poste qui est aujourd'hui assuré par deux salariés, la clinique se gardant de produire le registre du personnel qui ne pourrait que confirmer cette situation ;

2°) à l'infirmation du jugement en ses dispositions l'ayant débouté de sa demande de condamnation à des dommages-intérêts pour travail dissimulé en faisant valoir :

- que l'absence de mention sur le bulletin de paie des heures supplémentaires est expressément visée par l'article L.8221-5-2, 2° du code du travail, et que la volonté de dissimulation résulte du fait que c'est de manière répétée que l'employeur n'a pas fait figurer sur le bulletin de salaire des heures supplémentaires effectuées ;

- qu'en l'espèce il doit d'ailleurs être déduit du fait que l'employeur ne tenait pas compte des relevés d'heures transmis par la salariée et validés par la responsable des ressources humaines et qu'il a donc sciemment et intentionnellement mentionné sur les bulletins de salaire un nombre d'heures inférieur à celles réalisées ;

3°) à l'infirmation du jugement en ses dispositions ayant limité à 1500 euros les dommages-intérêts pour non-respect des limites maximales du temps de travail autorisé, dépassement du contingent annuel et manquement à l'obligation de sécurité de résultat, et de porter ceux-ci à 10 000 euros en faisant valoir :

- qu'en application de l'article premier de l'accord du 27 janvier 2000 relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du secteur de l'hospitalisation privée, les heures supplémentaires effectuées annuellement au-delà de 131 heures sont soumises à autorisation de l'inspection du travail ;

- que la clinique n'a pas respecté cette obligation légale et a de surcroît dépassé la durée maximale hebdomadaire de travail, fixé à 48 heures par l'article L.3121 - 20 du code du travail ;

- que le contingent d'heures supplémentaires fixé à 220 heures par an par l'article D.21 21 - 24 du code du travail a lui aussi été largement dépassé ;

- que lors d'une réunion hebdomadaire au cours de laquelle elle a tenté de faire entendre sa voix elle a été décriée et que le conseil des prud'hommes a relevé à juste titre sa fragilité, due notamment à sa qualité de travailleuse handicapée ;

- que le manquement à l'obligation de sécurité résulte du dépassement de la durée hebdomadaire de travail, du dépassement des heures supplémentaires et du contingent annuel ;

4°) à la condamnation de l'appelante principale aux dépens et au payement d'une indemnité de procédure de 3 000 euros.

MOTIVATION

I. SUR LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, c'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement critiqués par la clinique, qui développe à nouveau devant la cour les moyens et arguments justement écartés par les premiers juges, que ces derniers ont fait droit à la demande en payement d'un rappel de salaire et de congés payés afférents.

Il suffira de relever, respectivement d'ajouter :

- que les pièces produites par Mme [O] indiquent le nombre d'heures prétendûment effectuées par celle-ci chaque jour sur l'ensemble de la période litigieuse et qu'elles sont suffisamment précises pour permettre à l'employeur d'y répondre ;

- que la multiplicité des tâches de Mme [O], progressivement étendues au secteur de [Localité 3], puis en sus à celui de [Localité 2], et dont les activités ont été reprises par deux personnes comme l'ont souligné les premiers juges, rend parfaitement vraisemblable l'exécution d'heures supplémentaires ;

- que les salariés établissaient chaque mois le relevé des heures effectuées et l'adressaient à la responsable des relations humaines de l'entreprise, qui les annexait aux bulletins de salaire ;

- que l'employeur ne justifie pas avoir, à réception des relevés transmis par Mme [O], formulé la moindre objection, ni adressé la moindre demande d'explication ou de justification à celle-ci avant sa réponse à la mise en demeure que celle-ci lui a adressée le 14 septembre 2018 ;

- qu'on peut en déduire que l'employeur en avait parfaitement connaissance et qu'en l'absence de protestation, il en a autorisé implicitement le principe, peu important comme l'ont relevé les premiers juges que Mme [O] n'ait pas précisé le motif précis des heures supplémentaires réalisées, qui ne lui a pas été demandé pendant plus d'une année alors que chaque mois les relevés transmis mettaient en évidence la réalisation d'heures supplémentaires ;

- que l'autorisation implicite est d'ailleurs confirmée par le fait que 98 heures supplémentaires non expressément validées par l'employeur ont été récupérées, élément dont Mme [O] a par ailleurs tenu compte dans son décompte ;

- qu'au terme d'une analyse détaillée les premiers juges ont à bon droit écarté les attestations produites par l'employeur ;

- que ce dernier ne contredit donc pas utilement les éléments produits par Mme [O] et que les heures supplémentaires effectuées ne pouvant être récupérées comme le veut la pratique habituelle de l'entreprise, du fait de l'état de santé de la salariée , la confirmation de la condamnation de la clinique à payer à Mme [O] la somme de 15 883,29 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées et la somme de 1588,33 euros au titre des congés payés afférents s'impose

II. SUR LE NON- RESPECT DES DURÉES MAXIMALES DE TRAVAIL ET LE DÉPASSEMENT DU CONTINGENT ANNUEL D'HEURES SUPPLÉMENTAIRES

Il résulte des motifs énoncés par les premiers juges, que la cour s'approprie, que le contingent d'heures supplémentaires fixé à 220 heures par an par l'article D2121'24 du code du travail a été largement dépassé en 2017 et en 2018. Par ailleurs il n'est pas discuté par la clinique qu'elle n'a jamais sollicité l'inspection du travail pour être autorisée à faire effectuer plus de 131 heures supplémentaires par Mme [O] ainsi que lui en faisait obligation l'article premier de l'accord du 27 janvier 2000 relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du secteur de l'hospitalisation privée.

Les premiers juges ont encore relevé que Mme [O] a effectué plus de 48 heures de travail durant les semaines 21, 27, 36, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 47, 48, 50, 51 en 2017 et durant les semaines 3, 4, 6, 7, 8, 11, 12, 13, 16 en 2018, en violation des dispositions de l'article L.3121-20 du code du travail.

Ces violations et dépassements ont causé un préjudice à la salariée qui n'a pu bénéficier des temps de repos et de récupération nécessaires pour protéger sa santé.

Compte tenu de la durée prolongée pendant laquelle la salariée a subi ces manquements, ce préjudice a été sous-évalué par les premiers juges et sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 4000 euros.

III. SUR LE TRAVAIL DISSIMULÉ

A titre liminaire,il convient de relever :

- que l'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ;

- qu'aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;

- que l'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;

- que toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ;

- que l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est due quelle que soit la qualification de la rupture.

En l'espèce, pour confirmer le rejet de la demande en payement d'une indemnité pour travail dissimulé formulée par Mme [O], il suffira de relever que la volonté de dissimulation n'apparaît pas caractérisée dès lors, d'une part, que les relevés horaires établis par la salariée étaient joints par l'employeur à ses bulletins de salaire, d'autre part, que la récupération des heures supplémentaires était ainsi envisageable, conformément à une pratique habituelle de l'entreprise, et a d'ailleurs été pratiquée à certains moments et qu'elle n'est désormais impossible que du fait de l'arrêt -maladie de la salariée.

IV. SUR LES CONGÉS PAYÉS

Si la clinique a relevé appel des dispositions relatives aux 46 jours de congés payés qu'elle restait devoir à Mme [O] à la date de la rupture du contrat de travail, soit 5 344,50 euros, et si elle demande dans le dispositif de ses dernières écritures à être déchargée de toutes les condamantions prononcées contre elle, et donc de celle concernant les congés payés, force est de constater qu'elle n'invoque dans ses conclusions pas le moindre argument et n'oppose pas la moindre critique à l'encontre de la motivation pertinente énoncée par les premiers juges, que le cour ne peut que s'approprier pour confirmer le jugement de ce chef.

V. SUR LES FRAIS NON-RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS

La clinique,qui succombe, ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'appel interjeté par la clinique a contraint Mme [O] à exposer de nouveaux frais non-répétibles pour faire assurer le défense de ses intérêts à hauteur d'appel. L'équité justifie l'allocation à Mme [O] d'une indemnité de procédure de 2000 euros à ce titre, en sus de celle accordée en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt rendu par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

INFIRME le jugement en ses dispositions condamnant la S.A.S. Clinique FONT-REDONDE à payer à Mme [O] une somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour pour non-respect des durées maximales de travail et dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires ;

statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la S.A.S. Clinique FONT-REDONDE à payer à Mme [O] une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour pour non-respect des durées maximales de travail et dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires ;

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;

y ajoutant,

DÉBOUTE la S.A.S. Clinique FONT-REDONDE de sa demande en payement d'une indemnité de procédure ;

CONDAMNE la S.A.S. Clinique FONT-REDONDE à payer à Mme [O] une indemnité de procédure de 2000 euros ;

CONDAMNE la S.A.S. Clinique FONT-REDONDE aux entiers dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00523
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;21.00523 ?
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