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07/09/2022 | FRANCE | N°21/00508

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 07 septembre 2022, 21/00508


ARRÊT DU

07 Septembre 2022





DB/CR





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N° RG 21/00508

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C4N3

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[U] [I]



C/



[N] [D],



[Z] [K],



SAS AGENCE BAILLES (AGENCE IMMOBILIERE SOUILLE FRERES)









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GROSSES le

à





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ARRÊT n°











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



Madame [U] [I]

née le 01 Février 1966 à [Localité 10]

de nationalité Française

Médecin

[Adresse 5]

[Adresse 5]



Représentée par Me Laurence BOUTITIE, avocate postulante inscrite au...

ARRÊT DU

07 Septembre 2022

DB/CR

---------------------

N° RG 21/00508

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C4N3

---------------------

[U] [I]

C/

[N] [D],

[Z] [K],

SAS AGENCE BAILLES (AGENCE IMMOBILIERE SOUILLE FRERES)

------------------

GROSSES le

à

ARRÊT n°

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Madame [U] [I]

née le 01 Février 1966 à [Localité 10]

de nationalité Française

Médecin

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Laurence BOUTITIE, avocate postulante inscrite au barreau d'AGEN et par Me Pierrick CHOLLET, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX

APPELANTE d'un Jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 23 Février 2021, RG 17/01105

D'une part,

ET :

Monsieur [N] [D]

né le 19 Mai 1961 à [Localité 8] (93)

de nationalité Française

Directeur de Territoire

La Sablère

[Localité 3]

Représenté par Me François DELMOULY, avocat inscrit au barreau d'AGEN

Maître [Z] [K]

né le 30 Mai 1975 à [Localité 9] (47)

de nationalité Française

Notaire

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Erwan VIMONT, avocat inscrit au barreau d'AGEN

SAS AGENCE BAILLES (AGENCE IMMOBILIERE SOUILLE FRERES)

RCS d'Agen n°433 984 267

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Guy NARRAN, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Catherine LATAPIE-SAYO, avocate plaidante inscrite au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 04 Mai 2022 devant la cour composée de :

Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre,

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

Jean-Yves SEGONNES, Conseiller

Greffière : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

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FAITS :

Selon promesse synallagmatique établie par acte sous seing privé le 6 mars 2015 et rédigée par [Z] [K], notaire associé à Layrac (47), [N] [D] a vendu à [U] [I] une maison d'habitation située [Adresse 6], cadastrée section AC n° [Cadastre 1], comprenant 5 pièces principales, mezzanine, cave, dépendances et terrain autour, pour un prix de 230 000 Euros.

Il a été mentionné le versement d'une commission de 13 000 Euros à la SAS Agence Bailles, agent immobilier par l'intermédiaire duquel Mme [I] avait été présentée au vendeur.

Diverses conditions suspensives ont été stipulées, dont les suivantes :

- justification que les dispositions d'urbanisme et les servitudes d'utilité publique résultant soit d'un certificat d'urbanisme soit d'une note d'urbanisme soit encore d'un certificat d'alignement, ou de tout autre document d'urbanisme, ne portent pas atteinte à l'intégrité de l'immeuble vendu, ou ne le rendent pas impropre à sa destination.

- obtention d'un prêt par Mme [I] par la SA Allianz Banque, d'un montant de 283 600 Euros au maximum, remboursable sur une durée maximum de 240 mois au taux de 2,60 % l'an hors assurance.

- versement par l'acheteur d'un dépôt de garantie de 10 000 Euros et de 350 Euros à titre d'avance sur les frais.

Il a également été stipulé que les conditions suspensives devraient être réalisées au plus tard le 5 juin 2015, sous peine de caducité de plein droit de la vente, et que l'acte authentique de vente serait dressé au plus tard le 15 juin 2015 par M. [K].

L'acte contient la clause pénale suivante :

"Au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de 23 000 Euros à titre de clause pénale conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du code civil, indépendamment de tous dommages-intérêts.

Il est précisé et convenu entre les parties que cette clause pénale a également pour objet de sanctionner le comportement de l'une des parties dans la mesure où il n'a pas permis de remplir toutes les conditions d'exécution de la vente.

La présente clause pénale ne peut priver, dans la même hypothèse, chacune des parties de la possibilité de poursuivre l'autre en exécution de la vente."

Le 10 mars 2015, Mme [I] a reçu la notification du compromis effectuée par le notaire en application de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation.

Le 17 mars 2015, un certificat d'urbanisme CU 471 5A 0020 a été adressé à M. [K].

Ce certificat indique :

"Zone UC et N du PLU

Servitude AC1 de monument historique : tour clocher de l'église [11],

Zone aléa faible pour la crue de référence de 1875

PPR agenais retrait gonflement des argiles

Servitude T1 relative au chemin de fer,

Espace boisé classé"

Les autres conditions suspensives ont été réalisées.

Mme [I] a sollicité un délai en indiquant ne pas vouloir adhérer à l'assurance emprunteur proposée par sa banque, faute de garantie en cas d'incapacité totale temporaire.

Il a été convenu que l'acte authentique serait signé le 21 août 2015.

A cette date, l'acte authentique n'a pas été signé.

Le 4 septembre 2015, M. [D] a fait délivrer à Mme [I] une sommation de comparaître en l'étude de Me [K] le 15 septembre suivant afin de signer l'acte authentique.

Par lettre du 5 septembre 2015, Mme [I] a écrit au notaire :

"Vous m'informez que la maison est protégée par les architectes et bâtiments de France.

Je souhaitais construire un atelier garage et l'architecte que j'avais contacté en août m'a avertie des difficultés du projet.

Vous savez mes grosses difficultés avec la banque qui ne me prête pas l'argent à cause de l'assurance du prêt.

Je ne peux pas donner suite à mon projet d'achat.

Je serai présente le 15 septembre à 19H30 en votre étude de [Localité 7].

D'ici là, je prends conseil et vous tiens informé de toute nouvelle disposition."

Par lettre du 9 septembre 2015, Mme [I] a à nouveau écrit au notaire :

"J'entends me rétracter dans le délai de 10 jours qui court à compter du lendemain de la remise de l'acte, soit du 4 septembre 2015.

En effet, la communication du certificat d'urbanisme a modifié substantiellement la nature du bien vendu.

De ce fait, j'ai droit à un nouveau délai de rétractation en vertu de l'arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation du 26 septembre 2007, n° du pourvoi 06-17187."

Le 15 septembre 2015, en l'étude de M. [K] un "accord transactionnel" a été signé entre M. [D] et Mme [I] en vertu duquel cette dernière lui a versé une somme de 10 000 Euros pour clore toute discussion et prévenir tout litige.

Le protocole a été exécuté.

Par lettre du 6 octobre 2015, l'avocat de Mme [I] a écrit au notaire que sa cliente était en droit de ne pas donner suite à la vente compte tenu que la servitude de monument historique modifiait les qualités substantielles de la chose vendue et a mis en cause le protocole du 15 septembre 2015 en estimant que sa cliente avait été 'contrainte' de le signer 'sous pression'.

Par acte délivré les 19 et 20 juin 2017, Mme [I] a fait assigner M. [D], la SAS Agence Bailles et M. [K] devant le tribunal de grande instance d'Agen afin de voir prononcer l'annulation du protocole transactionnel, avec restitution de la somme de 10 000 Euros, et de voir juger le compromis de vente caduque avec restitution des sommes versées, au motif que son consentement a été vicié du fait de son état de santé défaillant dont ont profité les autres parties.

La SAS Agence Bailles a présenté à l'encontre de Mme [I] une demande reconventionnelle en dommages et intérêts en indiquant avoir été, par la carence de celle-ci, privée de la perception de sa commission.

Par jugement rendu le 23 février 2021, le tribunal judiciaire d'Agen a :

- débouté Mme [U] [I] de l'ensemble de ses demandes,

- déclaré sans objet la demande de dommages et intérêts de l'Agence Bailles exerçant sous l'enseigne Agence Immobilière Souille Frères,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné Mme [U] [I] à payer à M. [N] [D] une somme de 1 500 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [U] [I] à payer à Me [Z] [K] une somme de 1 500 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [U] [I] à payer à l'Agence Bailles, exerçant sous l'enseigne Agence Immobilière Souille Frères, une somme de 1 500 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [U] [I] aux dépens,

- dit que les avocats de la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui les concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a estimé que la référence à un état dépressif réactionnel ayant justifié un arrêt de travail ne suffisait pas à démontrer l'existence de pressions commises par M. [D], l'agence immobilière et le notaire ; qu'il n'existait aucune preuve de manoeuvres ; que la menace de l'exercice d'une voie de droit était licite ; que M. [D] avait consenti une concession en réduisant sa réclamation à 10 000 Euros alors que la clause pénale portait sur un montant de 23 000 Euros ; que toutefois, le notaire était en faute à défaut de prouver qu'il avait informé Mme [I] du contenu restrictif du certificat d'urbanisme avant le 4 septembre 2015 date à laquelle il lui avait adressé le projet d'acte authentique qui faisait référence à ce certificat, et à défaut de justifier avoir attiré l'attention de Mme [I] sur les conséquences de la signature de la transaction ; que toutefois, il n'en résultait aucun préjudice, la valeur de l'immeuble n'étant pas affectée ; qu'enfin la demande reconventionnelle de la SAS Agence Bailles devenait sans objet du fait de rejet des demandes présentées par Mme [I].

Par acte du 6 mai 2021, [U] [I] a déclaré former appel du jugement en désignant [N] [D], [Z] [K] et la SAS Agence Bailles en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

- débouté Mme [U] [I] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [U] [I] à payer à M. [N] [D] une somme de 1 500 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [U] [I] à payer à Me [Z] [K] une somme de 1 500 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [U] [I] à payer à l'Agence Bailles, exerçant sous l'enseigne Agence Immobilière Souille Frères, une somme de 1 500 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [U] [I] aux dépens,

- dit que les avocats de la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui les concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

La clôture a été prononcée le 23 mars 2022 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 4 mai 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [U] [I] présente l'argumentation suivante :

- Son contentement au protocole du 15 septembre 2015 a été vicié par violence :

* elle était alors confrontée à de graves problèmes de santé.

* ainsi, le Dr [F] atteste l'avoir placée en arrêt de travail pour état dépressif réactionnel du 27 mai 2015 au 17 octobre 2015.

* elle a également été l'objet d'une procédure de licenciement.

* elle connaissait des difficultés pour que l'assurance emprunteur couvre le risque d'incapacité temporaire totale.

* les autres parties et le notaire ont profité de sa vulnérabilité pour lui 'arracher' un consentement dans le cadre d'un accord qui l'a mise devant le fait accompli, dont il n'avait pas été fait état auparavant, étant seule le jour du rendez-vous, et sans qu'un délai de réflexion lui soit accordé.

* elle s'était rendu compte que le garage qu'elle projetait de construire ne pouvait l'être.

* elle a ainsi été victime d'une 'attaque' à son encontre.

- Il existe une erreur sur une qualité substantielle du bien objet du compromis de vente :

* le certificat d'urbanisme n'a été porté à sa connaissance qu'à la dernière minute alors qu'il faisait état d'une servitude de monument historique compromettant la possibilité d'édifier un bâtiment.

* elle avait informé le vendeur et l'agence immobilière qu'elle souhaitait retirer la piscine hors sol pour construire un grand atelier.

* ce compromis doit être annulé pour erreur.

- Le notaire a manqué à son devoir de conseil :

* le notaire connaissait la restriction au droit de construire dès le 17 mars 2015, ce qui lui permettait de renoncer à la vente sans application de la clause pénale.

* le notaire aurait dû lui notifier un nouveau délai de rétractation.

* le protocole ne respecte pas l'équilibre des parties.

- L'agent immobilier est fautif :

* il connaissait les restrictions au droit de construire et ne l'en a pas avisée.

* ce manquement le prive du droit à commission.

* il a admis sa responsabilité en acceptant la réduction des honoraires de négociation dans le protocole d'accord.

- Le vendeur connaissait également la restriction au droit de construire.

Au terme de ses conclusions, (abstraction faite des multiples 'juger' qui constituent un rappel des moyens et non des prétentions) elle demande à la Cour de :

- réformer le jugement sur les points de son appel,

- prononcer la nullité du protocole transactionnel signé le 15 septembre 2015 entre elle et M. [D],

- le condamner à lui restituer la somme de 10 000 Euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2015,

- prononcer la nullité du compromis de vente pour erreur et déclarer caduque la vente intervenue par acte sous seing privé du 6 mars 2015 du fait de la rétractation,

- condamner la SAS Agence Bailles à lui restituer la somme de 6 000 Euros avec intérêts au taux légal à compter du paiement,

- condamner M. [K] à lui restituer les sommes indûment perçues à titre d'honoraires, soit 3 400 Euros,

- condamner in solidum MM. [D], [K] et la SAS Agence Bailles à lui payer la somme de 10 000 Euros en réparation de son préjudice moral,

- à titre subsidiaire :

- réduire à de plus justes proportions le montant de la clause pénale et ordonner la compensation avec les sommes dont elle est débitrice,

- en tout état de cause :

- condamner in solidum MM. [D], [K] et la SAS Agence Bailles à lui payer la somme de 5 000 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

*

**

Par conclusions d'intimé notifiées le 25 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [N] [D] présente l'argumentation suivante :

- Le protocole transactionnel est valable :

* les problèmes de santé, difficultés professionnelles et impossibilité de souscrire une assurance emprunteur complète, ne constituent pas une contrainte au sens de l'ancien article 1112 du code civil.

* en cas de défaut d'accord transactionnel, Mme [I] était exposée à un légitime contentieux.

* il a accepté de renoncer à la clause pénale de 23 000 Euros qu'il était en droit d'invoquer dès lors que la révélation de la servitude d'urbanisme ne portait pas atteinte à l'intégrité de l'immeuble, ne le rendait pas impropre à sa destination et que les modalités de l'assurance emprunteur n'étaient pas incluses dans la condition suspensive relative à l'obtention du prêt.

* Mme [I] ne pouvait se méprendre sur l'objet du rendez-vous compte tenu qu'elle avait notifié son refus de signer l'acte authentique.

- Il n'existe aucune erreur sur les qualités substantielles d'un bien vendu :

* l'appelante ne l'a jamais informé que son consentement à la vente était déterminé par la possibilité de construire un nouveau bâtiment.

* elle n'établit pas que la construction qu'elle envisageait n'était pas possible.

Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :

- confirmer le jugement,

- subsidiairement, en cas d'annulation du protocole transactionnel :

- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 23 000 Euros en exécution de la clause pénale stipulée dans le compromis de vente du 6 mars 2015 ainsi que la somme de 10 000 Euros au titre du dépôt de garantie prévu par le même acte,

- en tout état de cause :

- la condamner à lui payer la somme de 4 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

*

**

Par conclusions d'intimé notifiées le 25 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SAS Agence Bailles présente l'argumentation suivante :

- Les conditions suspensives ont été réalisées, rendant la vente parfaite :

* la condition suspensive tenant aux servitudes d'urbanisme ne portait que sur celles atteignant l'intégrité de l'immeuble ou le rendant impropre à sa destination d'habitation.

* le certificat d'urbanisme se limite à indiquer que l'avis de l'architecte des bâtiments de France doit être sollicité avant toute construction nouvelle, pour vérifier l'aspect extérieur des bâtiments à construire, ce qui ne génère aucune modification substantielle du bien vendu.

* ce n'est qu'après avoir reçu le certificat d'urbanisme que Mme [I] a invoqué un projet de construction d'un garage.

- Le protocole transactionnel est valide :

* elle n'a ni rédigé ni négocié cet acte.

* le vendeur a fait une concession sur la clause pénale.

* aucun vice du consentement n'est justifié.

* la somme de 6 000 Euros lui a été versée en toute connaissance de cause.

- Aucun manquement ne peut lui être imputé.

- La commission initialement prévue lui est due :

* le refus illicite de régulariser la vente l'en a privée.

* si elle a accepté de limiter sa commission à 6 000 Euros amiablement, son accord est désormais caduc.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,

- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 13 000 Euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 3 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

*

**

Par conclusions d'intimé notifiées le 25 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [Z] [K] présente l'argumentation suivante :

- Toutes les conditions suspensives du compromis de vente ont été réalisées :

* le certificat d'urbanisme ne contient pas de dispositions portant atteinte à l'intégrité de la maison vendue et ne la déprécie pas.

* il n'a pas été informé des projets de construction allégués car si tel avait été le cas, il aurait prévu une condition suspensive supplémentaire tenant à l'obtention d'un permis de construire.

* les difficultés relatives à l'assurance emprunteur sont étrangères à la condition suspensive.

- Il n'existe aucun vice du consentement entachant la validité du protocole transactionnel :

* Mme [I], médecin, en a parfaitement compris la portée.

* il contient des concessions réciproques, ainsi M. [D] a renoncé à solliciter l'application de la clause pénale.

* la construction d'un garage n'est jamais entrée dans le champ contractuel et il n'existe pas de justification d'un éventuel refus de permis de construire.

- Il n'a commis aucune faute :

* les actes qu'il a établis sont réguliers et efficaces.

* le tribunal lui a imputé d'avoir tardé à informer Mme [I] du certificat d'urbanisme, mais il l'a fait avant la signature de l'acte authentique et la servitude mentionnée ne permettait pas à l'appelante de se rétracter.

* il a régulièrement été rémunéré pour son intervention.

Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :

- confirmer partiellement le jugement,

- débouter Mme [I] de toutes ses demandes,

- la condamner à lui payer une somme supplémentaire de 3 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

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MOTIFS :

1) Sur la validité du protocole transactionnel :

C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a rejeté la demande d'annulation du protocole signé le 15 septembre 2015 au motif que les violences et contraintes alléguées par Mme [I] ne reposent que sur ses propres affirmations.

Il suffit de préciser les éléments suivants :

- loin d'avoir pu être surprise par la proposition d'accord transactionnel, dès lors que Mme [I] avait indiqué au notaire par lettre du 5 septembre 2015 qu'elle renonçait à l'acquisition, la présentation des parties en son étude le 15 septembre impliquait nécessairement des discussions sur la légitimité et les conséquences de ce refus, et l'application de la clause pénale stipulée à l'acte sous seing privé.

- avant de se rendre au rendez-vous du 15 septembre, Mme [I] a consulté un juriste, comme en atteste sa lettre du 9 septembre envoyée au notaire dans laquelle elle cite un arrêt rendu le 26 septembre 2007 par la Cour de cassation.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

2) Sur la demande d'annulation de la promesse de vente du 6 mars 2015 :

Vu l'ancien article 1110 du code civil, applicable au litige,

Mme [I] explique qu'elle a été induite en erreur sur les qualités substantielles de l'immeuble du fait qu'elle s'est aperçue, à la lecture du certificat d'urbanisme, que son projet de construction d'un grand atelier ne pourrait pas être mené à bien.

Mais, en premier lieu, l'existence de ce projet ne résulte que de ses propres déclarations.

Ainsi, notamment, Mme [I] ne produit aux débats aucune consultation, plan ou devis, établis par un architecte ou un artisan qu'elle aurait chargé d'étudier un tel projet, même sommairement.

Dans sa lettre du 5 septembre 2015, elle indique d'ailleurs n'avoir consulté un architecte (dont elle ne donne pas le nom) qu'en août, c'est à dire plusieurs mois après la signature du compromis de vente.

Si elle en avait fait part à M. [K] lors de la signature du compromis, il aurait alors pu lui proposer d'ajouter une condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire.

En second lieu, le certificat d'urbanisme se limite à faire état d'une servitude AC1 de monument historique qui, en elle-même n'emporte aucune interdiction de construire, et impose seulement de recueillir, pour tout projet, l'avis préalable de l'architecte des bâtiments de France, et de s'y conformer.

Il n'est donc pas possible de considérer que Mme [I] a été purement et simplement privée de tout projet d'aménagement de l'immeuble.

Le jugement qui a rejeté cette demande doit être confirmé.

3) Sur la demande de prononcé de la caducité de la promesse de vente :

Mme [I] fonde cette demande sur le fait que le notaire devait, en application de l'article L. 271-1 du code de l'urbanisme, procéder à réception du certificat d'urbanisme à une nouvelle notification du délai légal de rétractation, et que la découverte de la servitude empêchait la réalisation de son projet de création d'un atelier.

Mais, en premier lieu, comme indiqué au paragraphe précédent, en l'absence de justification tangible du projet en question, il est impossible de considérer qu'il ne pouvait être mené à bien.

En deuxième lieu, la condition suspensive stipulée à la promesse de vente relative aux règles d'urbanisme n'était liée qu'à la découverte d'une réglementation portant atteinte à l'intégrité de l'immeuble vendu ou le rendant impropre à sa destination.

La note d'urbanisme communiquée au notaire n'avait aucunement cet effet.

Par conséquent, la condition a été réalisée.

En troisième lieu, la note d'urbanisme n'emportant aucune modification substantielle de l'usage d'habitation du bien pouvant justifier l'ouverture d'un nouveau délai de réflexion, le notaire n'avait pas à procéder à une nouvelle notification du droit de rétractation.

Le jugement qui a rejeté la demande de prononcé de la caducité de la promesse de vente doit être confirmé.

4) Sur les demandes de dommages et intérêts présentée par Mme [I] :

En premier lieu, s'agissant du notaire, l'appelante lui reproche d'avoir omis de porter à sa connaissance l'existence de la servitude révélée par le certificat d'urbanisme.

Ce reproche est difficilement compréhensible, le notaire ayant, au contraire, introduit une condition suspensive à la promesse de vente de nature à libérer Mme [I] si, lors des vérifications postérieures à cet acte, il apparaissait l'existence de dispositions réglementaires portant atteinte à l'intégrité de l'immeuble ou le rendant impropre à sa destination, étant rappelé que Mme [I] ne justifie pas avoir indiqué au notaire avoir un projet de construction sur la propriété.

En outre, ce n'est qu'au stade de la communication du certificat d'urbanisme, c'est à dire entre la signature de la promesse de vente et celle de l'acte authentique, que ce document devait être obtenu.

Il n'avait donc pas à l'être avant la rédaction de la promesse de vente.

L'appelante procède à une confusion en citant des jurisprudences qui concernent des particuliers qui, après avoir acquis des biens immobiliers, se sont rendu compte qu'ils étaient grevés de servitudes dont ils n'avaient pas été informés lors de la vente.

Ensuite, le tribunal a retenu une faute du notaire pour n'avoir pas communiqué à Mme [I] le certificat d'urbanisme dès sa réception.

Mais le notaire n'était nullement tenu d'une telle obligation et se devait seulement d'informer les parties de son contenu avant la signature de l'acte authentique, ce qu'il a fait, le certificat ne contenant aucune restriction de nature à porter atteinte à l'immeuble ou à le rendre impropre à son usage d'habitation.

Enfin, le tribunal a estimé que le notaire ne prouvait pas avoir attiré l'attention de Mme [I] sur les conséquences de la signature de l'acte transactionnel.

Mais la lecture de cet acte permet de constater le contraire.

Ainsi, ce protocole mentionne, avant la signature des parties :

"Mme [I] s'est présentée ce jour le 15 septembre 2015 et après discussions entre les parties, il a été trouvé l'accord suivant afin d'éviter toutes procédures judiciaires, savoir :

ACCORD IRREVOCABLE DES PARTIES

Mme [I] persiste dans son intention de ne plus acquérir le bien de M. [D].

Compte tenu des préjudices subis par M. [D] du fait de cette situation, et afin d'éviter toute procédure judiciaire, il est convenu ce qui suit :

Mme [I] accepte de verser à M. [D] la somme de 10 000 Euros au titre du préjudice qu'elle lui a fait subir.

TRANSACTION dans le cadre de l'article 2044 du code civil.

Mme [I] donne ordre immédiatement et irrévocable à Me [Z] [K], notaire à [Localité 7], de remettre à M. [D] la somme de 10 000 Euros qu'il détient en sa comptabilité au titre du dépôt de garantie versé lors de la signature du compromis de vente.

En contrepartie du versement de cette somme, les parties déclarent renoncer expressément et définitivement à toute voie judiciaire pour le présent et le futur et s'interdisent expressément tous recours tant contre le vendeur que contre l'acquéreur ou le rédacteur de la présente transaction.'

Mme [I] a ainsi été informée en détail des conséquences de l'accord qu'elle a librement accepté de signer et qui est juridiquement efficace.

Le jugement ayant néanmoins rejeté la demande de dommages et intérêts à l'encontre de M. [K], cette disposition doit être confirmée.

En deuxième lieu, s'agissant de la SAS Agence Bailles, Mme [I] lui reproche également de ne pas l'avoir informée de l'existence de la servitude.

Mais, d'une part, comme indiqué plus haut, Mme [I] ne justifie pas avoir informé l'agent immobilier, avant signature de la promesse de vente, d'un projet de construction d'un garage et, d'autre part, celui-ci n'était aucunement tenu à une obligation d'obtention d'un certificat d'urbanisme avant l'établissement de la promesse de vente dont il n'était pas chargé de la rédaction, cette vérification incombant au notaire.

Le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts à l'encontre de l'agent immobilier doit être confirmé.

En troisième lieu, s'agissant de M. [D], Mme [I] forme à son encontre le même reproche.

Mais M. [D], simple particulier, n'était pas censé connaître le détail de la réglementation d'urbanisme applicable à la zone dans laquelle se trouve sa maison, qui ferait ensuite l'objet de vérification par le notaire chargé de la vente, et dont Mme [I] a, en tout état de cause, été informée.

Le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts formée à son encontre doit également être confirmé.

5) Sur les dommages et intérêts réclamés par la SAS Agence Bailles :

Vu les anciens articles 1165 et 1382 du code civil, applicables au litige,

L'acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre la commission à l'agent immobilier, par l'entremise duquel il a été mis en relation avec le vendeur qui l'avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice.

En l'espèce, il est établi que Mme [I] a fautivement refusé de signer l'acte authentique de vente alors que toutes les conditions suspensives étaient réalisées.

En effet :

- le prêt sollicité par Mme [I] était accordé,

- la vérification des dispositions d'urbanisme n'a révélé aucune atteinte à l'intégrité de l'immeuble vendu, ni d'élément le rendant impropre à sa destination,

- l'existence d'une assurance emprunteur couvrant le risque d'incapactité totale temporaire de l'emprunteur ne constituait pas une condition suspensive.

Par conséquent, le refus injustifié de signer l'acte de vente a privé la SAS Agence Bailles de la perception d'une commission de 13 000 Euros.

Mme [I] doit, dès lors, être condamnée à payer cette somme à l'agent immobilier dont il faut toutefois déduire la somme de 6 000 Euros déjà perçue, étant précisé que la SAS Agence Bailles n'était pas partie au protocole transactionnel de sorte que la renonciation à toute réclamation qui y est stipulée ne lui est pas opposable.

Mme [I] sera, par suite, condamnée à payer à la SAS Agence Bailles la somme de 7 000 Euros à titre de dommages et intérêts et le jugement sera réformé sur ce point.

Enfin, l'équité nécessite de condamner l'appelante à payer à chaque partie intimée, en cause d'appel, la somme de 3 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- CONFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a déclaré sans objet la demande de dommages et intérêts de l'Agence Bailles exerçant sous l'enseigne Agence Immobilière Souille Frères ;

- STATUANT A NOUVEAU sur le point infirmé,

- CONDAMNE [U] [I] à payer à la SAS Agence Bailles la somme de 7 000 Euros à titre de dommages et intérêts ;

- Y ajoutant,

- CONDAMNE [U] [I] à payer, en cause d'appel, à [N] [D], à la SAS Agence Bailles et à [Z] [K], la somme de 3 000 Euros, chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE [U] [I] aux dépens de l'appel.

- Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00508
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;21.00508 ?
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