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07/09/2022 | FRANCE | N°21/00452

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 07 septembre 2022, 21/00452


ARRÊT DU

07 Septembre 2022





CV/CR





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N° RG 21/00452

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C4IL

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[C] [W],

[O] [M] épouse [W]



C/



CRCAM NORD

MIDI-PYRENEES







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ARRÊT n°


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COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



Monsieur [C] [W]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 8] (31)

de nationalité Française



Madame [O] [M] épouse [W]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7] (46)

de nationalité Française



Domiciliés :

...

ARRÊT DU

07 Septembre 2022

CV/CR

---------------------

N° RG 21/00452

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C4IL

---------------------

[C] [W],

[O] [M] épouse [W]

C/

CRCAM NORD

MIDI-PYRENEES

------------------

GROSSES le

à

ARRÊT n°

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur [C] [W]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 8] (31)

de nationalité Française

Madame [O] [M] épouse [W]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7] (46)

de nationalité Française

Domiciliés :

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Sophie CARNUS, avocate postulante inscrite au barreau du LOT et par Me Karine PERRET, avocate plaidante inscrite au barreau de BERGERAC

APPELANTS d'un Jugement du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 26 Février 2021, RG 19/00116

D'une part,

ET :

CRCAM NORD MIDI-PYRENEES

RCS d'Albi n°444 953 830

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Lynda TABART, avocate inscrite au barreau du LOT

INTIMÉE

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 02 Mai 2022 devant la cour composée de :

Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

Greffières : Lors des débats : Nathalie CAILHETON

Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

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Faits et procédure

M. [C] [W] et Mme [O] [T] épouse [W] (les époux [W]), titulaires d'un compte courant ouvert dans les livres de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées (le Crédit Agricole), ont souscrit auprès de cet établissement bancaire trois emprunts immobiliers suivant les offres de prêt :

- n°90165384316, du 5 mai 2007, d'un montant de 121 000 €, remboursable en 135 mensualités de 816 euros, puis 18 de 816,01 euros, puis 87 de 816,02 euros, soit une durée totale de 240 mois, au taux de 3,97% l'an (le TAEG s'élevant à 4,82134% l'an), durant 120 mensualités, puis par application d'un taux révisable par référence à l'index Euribor 1 an,

- n°59289609382, du 10 mars 2008, d'un montant de 22 000 €, remboursable en 240 mensualités d'un montant de 143,98 euros, au taux annuel de 4,9% l'an (le TAEG s'élevant à 5,901 % l'an), durant 120 mensualités, puis par application d'un taux révisable déterminé par référence à l'index Euribor 1 an,

- n°00001111054, du 17 mai 2017, d'un montant de 80 000 €, remboursable en 143 mensualités de 605,62 € puis une mensualité de 606,27 €, au taux de 1,45 % l'an (le TAEG s'élevant à 2,94% l'an).

Se fondant sur des études réalisées à leur demande par le cabinet Y. Delaporte Conseils, les époux [W] ont contesté l'application d'agios sur leur compte courant, ainsi que les taux appliqués aux prêts, selon eux erronés, et sollicité auprès du Crédit Agricole la réparation du préjudice qu'ils estimaient subir à hauteur d'une somme de 21 406 euros par un courrier du 3 mai 2018 ; l'établissement bancaire a considéré que cette demande n'était pas justifiée, et n'y a pas accédé.

Par acte du 28 janvier 2019, les époux [W] ont assigné le Crédit Agricole devant le tribunal judiciaire de Cahors afin d'obtenir l'annulation des stipulations d'intérêts de leurs crédits, la substitution du taux légal aux taux conventionnels, la diminution subséquente des créances de la banque et la restitution d'une somme versée indûment.

Par jugement du 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Cahors a :

- sur les demandes au titre des prêts immobiliers :

- déclaré irrecevables les époux [W] en leur demande de nullité de la stipulation d'intérêt en raison d'une prétendue erreur du taux effectif global, en raison de la prescription intervenue, au titre

- du prêt n°90165384316 d'un montant de 121 000 € en date du 5 mai 2007,

- du prêt n°59289609382 d'un montant de 22 000 € en date du 10 mars 2008,

- déclaré irrecevables les époux [W] en leur demande de déchéance du droit aux intérêts en raison d'une prétendue erreur du taux effectif global, en raison de la prescription intervenue, au titre :

- du prêt n°90165384316 d'un montant de 121 000 € en date du 5 mai 2007,

- du prêt n°59289609382 d'un montant de 22 000 € en date du 10 mars 2008,

- jugé prescrite l'action fondée sur l'absence du taux de période sur les prêts en date du 5 mai 2007 et du 10 mars 2008,

- jugé que les époux [W] n'apportent pas la preuve d'une erreur au titre des taux d'intérêts conventionnels en raison d'une lecture erronée de l'Euribor 1 an et des conventions par le cabinet Delaporte,

- condamné le Crédit Agricole à la restitution d'intérêts pour un montant de 1,77 € concernant le prêt immobilier n° 00001111054 de 80 000 €,

- débouté les époux [W] du surplus de leurs demandes concernant les 3 prêts précités,

- sur les demandes au titre du compte courant :

- jugé prescrite l'action en restitution des intérêts sollicités pour la période entre janvier 2013 et janvier 2014, soit la somme de 873,05 €,

- condamné la CRCAM à restituer aux époux [W] la somme de 895,67 € au titre du différentiel entre les intérêts conventionnels et légaux relatif au découvert en compte du compte bancaire joint des époux [W],

- débouté les époux [W] du surplus de leurs demandes,

- sur les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les époux [W] de leur demande de condamnation du Crédit Agricole à payer les frais engagés par eux auprès du cabinet Y. Delaporte Conseils,

- condamné les époux [W] à payer au Crédit Agricole une somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les a condamnés aux entiers dépens.

Le tribunal a considéré :

- s'agissant des prêts immobiliers souscrits en 2007 et 2008, que le délai de cinq ans de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts des articles 1304 et 1907 du Code civil, avait commencé à courir à compter de la signature des offres de prêt, en raison du caractère perceptible des manquements prétendument reprochés soit les 5 mai 2007 et 10 mars 2008 et, compte tenu de la réforme des prescriptions civiles, considéré l'action prescrite eu égard à la date de l'assignation du 28 janvier 2019.

Le tribunal a fixé le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts aux mêmes dates.

S'agissant du prêt de 80 000 euros souscrit le 17 mai 2017 :

- le tribunal a jugé irrecevable l'action fondée sur la nullité de la stipulation d'intérêts, l'article L.312-33 du Code de la consommation sanctionnant le manquement aux dispositions régissant le taux d'intérêts par la déchéance du droit aux intérêts.

- le tribunal a jugé infondée :

- l'irrégularité invoquée sur la base des rapports établis à la demande des époux [W] par le cabinet Delaporte s'agissant d'une preuve auto-constituée, le tribunal ne pouvant exclusivement se fonder sur une expertise réalisée à la demande d'une des parties, et ces rapports ne rapportant pas la preuve d'une erreur du taux annuel effectif global,

- la demande de restitution d'intérêts en raison de l'inobservation de l'article R 314-11 du Code de la consommation, s'agissant d'une disposition relative aux documents publicitaires,

- l'erreur portant sur le taux d'intérêt conventionnel faute pour les demandeurs de démontrer qu'elle était supérieure à une décimale ainsi que le prescrit l'article R.313-1 du Code de la consommation,

- l'absence de prise en compte de la prime d'assurance dans le calcul du taux annuel effectif global, la banque n'y étant tenue qu'en cas d'assurance représentant 100% du taux de couverture, ce qui n'était pas le cas, de sorte qu'il était justifié que seule la moitié des cotisations soient prises en compte, et les époux [W] ne démontrant pas que la souscription des assurances incendies ait constitué une condition d'octroi des prêts.

- le tribunal a admis à hauteur d'une somme de 1,77 euros la demande de restitution d'intérêts au titre de l'erreur de calcul affectant la première échéance, le banquier ayant rappelé aux emprunteurs que le contrat prévoyait la majoration de la première échéance au regard d'un intérêt intercalaire, mais ayant appliqué un calcul sur une année civile.

- s'agissant du compte courant, le tribunal a retenu :

- que la demande au titre des intérêts conventionnels antérieurs au 28 janvier 2014 était prescrite, et que les frais invoqués ne pouvaient pas être inclus dans le calcul du taux effectif global,

- que les époux [W] n'apportaient aucune analyse de nature à démontrer une erreur supérieure à une décimale du taux effectif global.

Le tribunal a enfin observé que les rapports du cabinet Delaporte n'entraient pas dans le cadre des dépens.

Les époux [W] ont formé appel le 16 avril 2021, désignant en qualité d'intimé le Crédit Agricole, et visant dans leur déclaration la totalité des dispositions du jugement.

Prétentions :

Par dernières conclusions du 10 janvier 2022, et exception faite des 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions, les époux [W] demandent à la Cour de :

- réformer le jugement,

- statuant à nouveau,

- déclarer que leur action en nullité de la stipulation d'intérêts au titre des trois prêts et de la convention de compte courant n'est pas prescrite,

- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels pour les trois prêts consentis,

- ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel depuis la souscription de chacun des trois contrats de prêts,

- à titre infiniment subsidiaire,

- déclarer que leur action en déchéance du droit aux intérêts n'est pas prescrite,

- prononcer la déchéance pour le Crédit Agricole du droit aux intérêts conventionnels relatifs aux trois prêts litigieux à hauteur du taux d'intérêt légal applicable année par année,

- en conséquence et en tout état de cause,

- condamner le Crédit Agricole à leur rembourser la somme de :

- 3 878,32 € au titre du prêt n°59289609382,

- 14.232,07 € au titre du prêt n°90165384316,

- 2 791,48 € au titre du prêt n°00001111054,

qui seront à parfaire au jour de la décision à intervenir,

- ordonner la production d'un tableau d'amortissement pour chacun des trois prêts, sur la base du capital diminué, avec application du taux d'intérêt légal,

- condamner le Crédit Agricole à leur restituer la somme de 1 768,72 € au titre du différentiel entre les intérêts conventionnels et légaux relatif au découvert en compte du compte bancaire,

- à titre subsidiaire, pour le cas où la cour confirmerait le jugement en ce qu'il a jugé prescrite l'action en restitution des intérêts sollicités pour la période entre janvier 2013 et janvier 2014 soit la somme de 873,05 €,

- débouter le Crédit Agricole de son appel incident,

- condamner le Crédit Agricole à leur restituer la somme de 895,67 € au titre du différentiel entre les intérêts conventionnels et légaux relatif au découvert en compte du compte bancaire joint,

- en tout état de cause,

- condamner le Crédit Agricole au paiement d'une indemnité de 6 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner le Crédit Agricole aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais des expertises financières réalisées par le cabinet Y. Delaporte conseils.

Les époux [W] présentent l'argumentation suivante :

- sur la prescription :

- simples consommateurs, la seule lecture des contrats de prêts ne leur a pas permis de déceler les erreurs les affectant ; le point de départ de la prescription doit être fixé à la date des rapports du cabinet Delaporte qui les a révélées, soit le 12 décembre 2017 pour les prêts souscrits les 5 mai 2007 et 10 mars 2008,

- sur la recevabilité de la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts :

- la déchéance du droits aux intérêts, prévue par l'article L.312-33 du Code de la consommation en cas d'irrégularité de l'offre préalable de prêt, coexiste avec la nullité de la stipulation d'un taux d'intérêt erroné fondée sur l'article 1907 du Code civil,

- le nombre et l'importance des irrégularités affectant les trois prêts sont tels qu'ils conditionnaient nécessairement l'octroi des prêts et le consentement des emprunteurs qui a été vicié,

- sur la déchéance du droit aux intérêts au titre des trois prêts :

- en cas d'absence d'annulation des stipulations d'intérêts, la déchéance du droit aux intérêts professionnels est justifiée,

- cette demande n'est pas prescrite, car le point de départ du délai est la date des rapports du cabinet Delaporte, du 12 décembre 2017,

- sur les irrégularités affectant les offres de prêt et le fonctionnement du compte courant:

- elles résultent des rapports du cabinet Delaporte, qui a été débattu et est corroboré par d'autres éléments de preuve,

- pour le prêt n°59289609382 de 22 000 euros : l'index de référence n'est pas respecté ; il n'est pas stipulé de TEG par période ; le TEG est erroné en raison de l'exclusion de son assiette du solde des cotisations d'assurance-décès,

- pour le prêt n°90165384316 de 121 000 euros : le taux nominal n'est pas précisé ; le TEG par période n'est pas stipulé ; le TEG est erroné en raison de l'exclusion de son assiette du solde des cotisations d'assurance-décès,

- pour le prêt n°00001111054 de 80 000 euros : a été appliqué à la première échéance un taux de 1,4701 supérieur au taux conventionnel, de 1,45% ; ni le TEG hors assurance ni le taux actuel effectif de l'assurance ne sont stipulés,

- pour le compte courant : il est soumis aux dispositions du Code de la consommation, et le rapport du cabinet Delaporte met en évidence de nombreuses irrégularités justifiant la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel et sa substitution par le taux légal.

Par uniques conclusions du 11 octobre 2021, et exception faite des 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions, le Crédit Agricole demande à la Cour de:

- sur les demandes au titre des prêts immobiliers :

- déclarer irrecevables les époux [W] en leur demande visant à solliciter la nullité de la stipulation d'intérêt en raison d'une prétendue erreur du taux effectif global, en raison de la prescription intervenue, au titre :

- du prêt n°90165384316 d'un montant de 121 000 € du 5 mai 2007,

- du prêt n°9289609382 d'un montant de 22 000 € du 10 mars 2008,

- déclarer irrecevables les époux [W] en leur demande visant à solliciter la nullité de la stipulation d'intérêt en raison d'une prétendue erreur du taux effectif global,

- du prêt n°90165384316 d'un montant de 121 000 € du 5 mai 2007,

- du prêt n°9289609382 d'un montant de 22 000 € du 10 mars 2008,

- déclarer irrecevables les époux [W] en éventuelle leur demande visant à solliciter la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une prétendue erreur du taux effectif global, en raison de la prescription intervenue, au titre

- du prêt n°90165384316 d'un montant de 121 000 € du 5 mai 2007,

- du prêt n°9289609382 d'un montant de 22 000 € du 10 mars 2008,

- lui déclarer inopposable les rapports d'expertise Delaporte au vu des manquements aux principes du contradictoire,

- dire et juger prescrite l'action fondée sur l'absence du taux de période sur les prêts en date en date du 5 mai 2007 et du 10 mars 2008 et en toute hypothèse infondée en l'absence de sanction prévue par les textes,

- débouter les époux [W] de leurs demandes,

- en conséquence, confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Cahors du 26 février 2021 en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les époux [W] en leur demande de nullité de la stipulation d'intérêt en raison d'une prétendue erreur du taux effectif global, en raison de la prescription intervenue, au titre

- du prêt n°90165384316 d'un montant de 121 000 € du 5 mai 2007,

- du prêt n°59289609382 d'un montant de 22 000 € du 10 mars2008,

- déclaré irrecevables les époux [W] en leur demande de déchéance du droit aux intérêts en raison d'une prétendue erreur du taux effectif global, en raison de la prescription intervenue, au titre :

- du prêt n°90165384316 d'un montant de 121 000 € du 5 mai 2007,

- du prêt n°59289609382 d'un montant de 22 000 € 10 mars 2008,

- jugé prescrite l'action fondée sur l'absence du taux de période sur les prêts du 5 mai 2007 et du 10 mars 2008,

- jugé que les époux [W] n'apportent pas la preuve d'une erreur au titre des taux d'intérêts conventionnel en raison d'une lecture erroné de l'Euribor 1 An et des conventions par le cabinet Delaporte,

- condamné la CRCAM à la restitution d'intérêts pour un montant de 1,77 € concernant le prêt immobilier n° 00001111054 de 80 000 €,

- débouté les époux [W] du surplus de leurs demandes concernant les 3 prêts précités,

- sur les demandes au titre du compte courant :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Cahors en date du 26 février 2021 en ce qu'il a jugé prescrite l'action en restitution des intérêts sollicités pour la période entre janvier 2013 et janvier 2014, soit la somme de 873,05 €,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Cahors du 26 février 2021 en ce qu'il a condamné le Crédit Agricole à restituer aux époux [W] la somme de 895,67 euros au titre du différentiel entre les intérêts conventionnels et légaux relatif au découvert en compte du compte bancaire joint des époux [W],

Et statuant à nouveau :

- débouter les époux [W] de leurs demandes au titre du compte courant,

- sur les autres demandes,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Cahors du 26 février 2021 en ce qu'il a :

- débouté les époux [W] de leur demande de condamnation à payer les frais engagés auprès du cabinet Y. Delaporte Conseils,

- condamné les époux [W] à payer une somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- en toute hypothèse,

- condamner les époux [W] à lui payer une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le Crédit Agricole présente l'argumentation suivante :

A - sur les demandes au titre des prêts immobiliers :

- sur la recevabilité :

- la prescription de l'action en nullité au titre des prêts souscrits en 2007 et 2008:

- le point de départ de la prescription de cinq ans est la date de l'émission de l'offre acceptée dès lors que la teneur de celle-ci permettait à l'emprunteur de se convaincre de l'erreur invoquée relative au TEG,

- les conventions permettaient de déterminer la présence ou non du taux de période ou les frais inclus ou non dans le taux effectif global,

- l'irrecevabilité de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts des trois prêts immobiliers :

- l'article L.312-33 du Code de la consommation sanctionnant une erreur du TEG par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts, une action en nullité fondée sur ce grief est irrecevable,

- la prescription de l'action subsidiaire en déchéance du droit aux intérêts :

- les erreurs invoquées étaient décelables à la simple lecture des contrats de prêts,

- sur l'absence de caractère contradictoire de l'expertise versée aux débats :

- les rapports établis par le cabinet Y Delaporte Conseils constituent une preuve faite à soi-même en l'absence d'analyse contradictoire,

- il n'est pas justifié des compétences de ce cabinet,

- la cour ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties dont l'autre partie soulève l'inopposabilité à son égard,

- sur l'absence d'incidence du taux de période sur le TEG :

- cette absence étant apparente à la lecture des prêts, la prescription a couru à compter de l'offre de crédit et acquise,

- les taux figurant aux contrats ne sont pas erronés,

- aucun préjudice est établi,

- sur l'absence de taux annuel effectif de l'assurance sur l'offre de prêt n°00001111054, du 17 mai 2017, d'un montant de 80 000 € :

- les dispositions invoquées ne sont pas applicables à cet acte, et aucun préjudice n'est établi,

- il n'est pas démontré d'erreur au titre du taux d'intérêt conventionnel :

- les trois prêts le prévoient, et il était déterminable,

- l'application de l'index Euribor 1 an est celui du mois médian du trimestre civil précédant l'offre, et le rapport Delaporte retient par erreur le taux au jour du contrat,

- sur le caractère erroné des TEG :

- les emprunteurs affirment que les TEG sont erronés mais ne démontrent pas l'existence d'une erreur, excédant la décimale prévue par l'article R.313-1 du Code de la consommation,

- sur l'obligation de démontrer que les frais constituent une condition d'octroi des prêts:

- l'article L.313-1 détermine les conditions d'inclusion des frais dans le TEG:

- que leur souscription conditionne l'octroi du prêt, ce qui n'est pas le cas des assurances de biens et ne sont pas déterminables au moment de l'offre,

- s'agissant des prêts de 22 000 euros et 121 000 euros, chacun des emprunteurs s'est assuré à hauteur de 100%, les rapports produits par les demandeurs retiennent que l'assurance a été prise en compte à hauteur de 100% dans le calcul du TEG soit 1 846,60 € pour le prêt de 22 000 euros, et 10 162,56 euros pour le prêt de 121 000 euros, de sorte que le calcul du TEG sur la base d'une seule cotisation ne peut induire une erreur de TEG,

- l'absence de prise en compte du TAEA est en définitive dépourvue de conséquence sur le montant du TEG,

- les emprunteurs ne démontrent pas que cette assurance constituait une condition d'octroi des prêts,

- sur l'erreur de calcul de la première échéance du prêt n°00001111054 de 80 000 euros :

- la convention prévoyait sa majoration au titre d'intérêts intercalaires,

- il a été fait application de l'année calendaire de 365 jours par préférence à l'année lombarde de 360 jours, et seule la différence du montant des intérêts, de 1,77 euros, peut être restituée, la demande étant infondée pour le surplus,

- sur le manquement du Crédit Agricole à l'article L.312-33 du Code de la consommation :

- la déchéance du droit aux intérêts est laissée à l'appréciation du juge et il n'est pas justifié d'un préjudice,

- les emprunteurs ne démontrent pas en quoi l'erreur qui affecterait le taux d'intérêt conventionnel leur occasionnerait un préjudice,

B - Sur les demandes au titre du compte courant :

- les intérêts antérieurs au 28 janvier 2014 sont prescrits,

- les époux [W] ne produisent ni convention de compte, ni relevé de compte, et le seul relevé apparaissant sur le rapport du cabinet Delaporte permet d'observer que le TEG est mentionné,

- la charge de la preuve du caractère erroné du taux incombe aux époux [W], qui affirment qu'il est inexact sans le démontrer par une analyse,

- les époux [W] ne démontrent pas que les frais et commissions constitueraient une condition d'octroi d'un crédit, justifiant leur intégration dans le calcul du TEG,

- le rapport du cabinet Delaporte, qui mentionne que le TEG appliqué est erroné sans en préciser le montant, ne permet pas de démontrer l'existence d'une erreur supérieure à une décimale susceptible de conduire à la nullité de la stipulation contractuelle,

- le coût des expertises privées du cabinet Delaporte n'est pas compris dans les dépens régis par l'article 696 du Code de procédure civile.

La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2022, et l'affaire a été fixée pour être examinée le 2 mai 2022.

Motifs

Sur la prescription :

L'article L.110-4 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans. Ce délai qui était de dix ans a été réduit par la loi, dont l'article 26 (dont est issu l'article 2222 du code civil) a prévu qu'elle s'appliquait immédiatement aux prescription en cours, et que le nouveau délai commençait à courir à compter de son entrée en vigueur, dans la limite d'une durée totale n'excédant pas dix ans.

L'action en annulation de la stipulation d'intérêts et en déchéance du droit aux intérêts est soumise à cette disposition.

Le délai court à compter du jour où l'emprunteur a eu ou aurait dû avoir connaissance de l'erreur affectant le prêt.

Au soutien de la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts des prêts souscrits en 2007 et en 2008, sont invoqués l'absence de mention du taux de période, et l'absence de prise en compte des cotisations d'assurance dans le calcul du taux effectif global, omissions qui n'auraient été révélées aux époux [W] que par les études réalisées à leur demande par le cabinet Y. Delaporte Conseils.

Cependant, l'absence de mention du taux de période est décelable à la lecture des offres de prêt, et la clause insérée dans leurs conditions générales permet de connaître les éléments pris en compte dans le calcul du taux effectif global.

Les époux [W] ont ainsi pu prendre connaissance des éventuelles sources d'erreur ou irrégularités invoquées, qui étaient décelables, dès l'acceptation des offres de prêt.

C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que la prescription de l'action principale en nullité des stipulations d'intérêts, et subsidiairement, en déchéance du droit aux intérêts, pour violation de l'article L.312-33 du code de la consommation pris dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 applicable du 1er janvier 2002 au 19 mars 2014, qui repose également sur les mentions prétendument erronées du taux effectif global, et l'inobservation des prescriptions relatives aux mentions devant figurer dans les prêts, avait commencé à courir à la date des offres de prêt acceptées, soit le 5 mai 2007, pour le prêt n°90165384316 d'un montant de 121 000 €, et le 10 mars 2008, pour le prêt n°59289609382 d'un montant de 22 000 €.

L'action ayant été diligentée par acte du 28 janvier 2019, la fin de non-recevoir tirée de la prescription a été admise à juste titre par le premier juge.

Sur la recevabilité :

La jurisprudence retient que la sanction de l'erreur affectant la mention du TEG est limitée à la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts en fonction du préjudice dont l'emprunteur justifie.

La nullité de la clause stipulant les intérêts contractuels n'est plus encourue.

Le jugement sera confirmé sur l'irrecevabilité de cette demande concernant le prêt n°00001111054, du 17 mai 2017, d'un montant de 80 000 €.

Sur le caractère erroné du taux effectif global du prêt n°00001111054, du 17 mai 2017

Les époux [W] se prévalent, au soutien de leur action, d'une étude réalisée le 12 décembre 2017 par un organisme dénommé Y Delaporte Conseils, corroborée selon eux par d'autres éléments de preuve. Ils affirment que le taux effectif global mentionné dans le prêt est erroné, et que par conséquent, le taux légal doit être substitué au taux conventionnel, et la différence entre les intérêts calculés par la banque, de 7 209,93 euros, et ceux calculés au taux légal, de 4 418,45 euros, soit 2 791,48 euros, doit leur être remboursée.

Le rapport du cabinet Y. Delaporte Conseils n'a pas été établi dans le cadre judiciaire garantissant la compétence et l'impartialité de l'expert désigné, la détermination contradictoire du contenu de la mission et du rapport qui doit apporter des réponses aux observations des parties, et enfin la communication des pièces soumises à l'analyse.

Il ne peut donc être fait droit à une demande exclusivement fondée sur un tel rapport, ce qui est le cas dans la présente instance, puisque les époux [W] ne produisent pas d'autre pièce rapportant la preuve de l'erreur qu'ils invoquent.

La lecture du rapport du cabinet Y. Delaporte Conseils, permet en outre de relever que la forme juridique de ce cabinet de conseil financier n'est pas mentionnée, qu'il est dépourvu de signature, et que le niveau de compétence de son rédacteur, contesté par la banque, n'est pas connu, faute de mention de diplômes ou de la qualité d'expert judiciaire.

Il est donc dépourvu de toute valeur probante.

Enfin, il est désormais admis que l'erreur du taux effectif global n'emporte pas substitution du taux légal au taux conventionnel et que sa sanction est limitée à la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge. Or tel n'est pas l'objet de la demande qui tend à voir substituer le taux légal au taux conventionnel.

La demande ne peut donc prospérer et le jugement doit être confirmé de ce chef.

Sur l'erreur de calcul de la première échéance du prêt n°00001111054 de 80 000 euros :

Le Crédit Agricole sollicite la confirmation du chef du jugement ordonnant une restitution d'intérêts à hauteur de 1,77 euros.

Cette disposition sera donc confirmée.

Sur le compte courant :

Les époux [W] font valoir que leur demande n'est pas prescrite, ayant eu connaissance par le rapport du cabinet Y. Delaporte Conseils, daté du 2 février 2018, de l'erreur affectant le TEG.

Ils se prévalent du caractère erroné du taux annuel effectif global et son irrégularité au regard de l'article L.313-1 ancien devenu L.314-1 du Code de la consommation, applicable aux ouvertures de crédit, pour solliciter la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel et sa substitution par le taux légal, en se fondant sur un rapport établi par le cabinet Y. Laporte Conseils. Ils sollicitent ainsi la restitution de la différence entre le montant des intérêts conventionnels et le montant des intérêts calculés au taux légal soit une somme de 1 768,78 euros.

Selon eux, en intégrant les frais et intérêts prélevés par la banque, notamment les commissions d'intervention, le taux effectif global effectivement pratiqué dépasse le taux effectif global annoncé par le Crédit Agricole et accroît le coût des intérêts.

De plus, la banque ne respecte pas son obligation de transparence en s'abstenant de mentionner sur les relevés de compte le TEG journalier, et en appliquant indûment des jours de valeur dans le calcul des nombres débiteurs, lesquels ne correspondent pas aux volumes de financement effectif.

Le Crédit Agricole oppose la prescription de la demande pour la période antérieure au mois de février 2014, l'assignation délivrée le 28 janvier 2019 étant le seul acte interruptif de prescription, et réitère son argumentation relative à l'absence de preuve par les époux [W] du caractère erroné du taux du prêt résultant de l'absence de caractère probant du rapport du cabinet Y. Delaporte Conseils ; la banque observe que les commissions d'intervention ne doivent être prises en compte dans le calcul du taux annuel effectif global que si elles constituent une condition d'octroi d'un crédit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'elles rémunèrent un service facturé et ne sont pas liées à l'opération de crédit. La banque ajoute qu'il n'est pas justifié d'un écart supérieur à la décimale prescrite par l'article R.313-1.

S'agissant de la prescription, c'est par des motifs pertinents, que la Cour adopte, que le tribunal a retenu que les époux [W] ayant assigné le Crédit Agricole le 28 janvier 2019, ils ne pouvaient solliciter une restitution d'intérêts antérieurs au mois de février 2014.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

S'agissant de la période non prescrite, le tribunal a retenu que les époux [W] ne démontraient pas que les frais et commissions d'intervention rémunéraient une prestation constituant une condition d'octroi du crédit et qu'il existait une erreur de taux effectif global supérieur à la décimale tel que prévu par l'article R.313-1 du code de la consommation, mais a, pour autant, condamné le Crédit Agricole à restituer 895,67 euros.

À cet égard, il n'est pas produit de convention définissant les règles applicables au fonctionnement du compte courant des époux [W].

Pour les raisons précédemment exposées, le rapport du cabinet Y. Delaporte ne permet pas d'étayer les allégations des époux [W].

Il ne ressort pas davantage des relevés de compte versés aux débats, que les commissions d'intervention aient eu pour objet de rémunérer une prestation constituant une condition d'octroi du crédit, justifiant leur prise en compte dans le calcul du taux effectif global.

Par ailleurs, l'absence de mention du taux de période sur les relevés de compte ne démontre pas le caractère erroné du TAEG appliqué.

Enfin, les époux [W] sollicitent l'application au solde débiteur de leur compte du taux légal en lieu et place du taux effectif global, alors que, comme indiqué précédemment, l'erreur portant sur le taux effectif global n'est pas sanctionnée par la substitution du taux légal au taux conventionnel, mais par la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts.

Le jugement sera donc confirmé sur la prescription, mais infirmé en ce qu'il a condamné le Crédit Agricole à la restitution d'une somme de 895,67 euros.

Sur les autres demandes :

Le tribunal a écarté à juste titre la demande des époux [W] sollicitant la prise en charge par le Crédit Agricole des frais d'expertise privée exposés au titre des dépens, en retenant que l'article 696 du code de procédure civile excluait une telle possibilité, les dépens ne comprenant que les débours relatifs à des actes ou procédures judiciaires et excluant les honoraires des techniciens non désignés par le juge.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, les époux [W], partie perdante, ont été à juste titre condamnés à supporter les dépens.

Leur appel étant injustifié, ils seront tenus d'en supporter les dépens.

L'article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Les époux [W] seront condamnés à payer au Crédit Agricole 1 500 € en application de ces dispositions.

Par ces motifs,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Cahors du 26 février 2021, SAUF en ce qu'il a :

- condamné la CRCAM à restituer à M. [C] [W] et Mme [O] [T] épouse [W] la somme de 895,67 € au titre du différentiel entre les intérêts conventionnels et légaux relatif au découvert en compte du compte bancaire joint des époux [W],

Statuant à nouveau,

- déboute M. [C] [W] et Mme [O] [T] épouse [W] de leur demande de restitution de la somme de 895,67 euros,

Y ajoutant,

- condamne M. [C] [W] et Mme [O] [T] épouse [W] aux dépens d'appel,

- condamne M. [C] [W] et Mme [O] [T] épouse [W] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00452
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;21.00452 ?
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