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10/08/2022 | FRANCE | N°21/00476

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 10 août 2022, 21/00476


ARRÊT DU

10 Août 2022





DB/CR



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N° RG 21/00476

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C4JX

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[G] [P]





C/





ALLIANZ

GLOBAL CORPORATE

& SPECIALTY SE







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GROSSES le

à









ARRÊT n°


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COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile





LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,





ENTRE :



Maître [G] [P]

né le 06 juin 1956 à [Localité 5] (31)

domicilié :

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Es qualité Liquidateur Judiciaire de la S.A.R.L. GASCOGNE TRAITEUR

RCS de Montauban n°490 055 548



Représenté par Me Rémy CERESIANI,...

ARRÊT DU

10 Août 2022

DB/CR

--------------------

N° RG 21/00476

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C4JX

--------------------

[G] [P]

C/

ALLIANZ

GLOBAL CORPORATE

& SPECIALTY SE

-------------------

GROSSES le

à

ARRÊT n°

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Maître [G] [P]

né le 06 juin 1956 à [Localité 5] (31)

domicilié :

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Es qualité Liquidateur Judiciaire de la S.A.R.L. GASCOGNE TRAITEUR

RCS de Montauban n°490 055 548

Représenté par Me Rémy CERESIANI, avocat inscrit au barreau d'AGEN

DEMANDEUR AU RENVOI DE CASSATION suite à l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 23 Octobre 2019,

RG 18-16.712

D'une part,

ET :

ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE

Société anonyme de droit européen

N°HRB 208312

Königinstrasse 28

[Localité 2] (Allemagne)

dont le siège social en France est situé :

[Adresse 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

RCS de Nanterre n°487 424 608

Représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Pierre-Yves GUERIN, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

DEFENDEUR AU RENVOI DE CASSATION

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

Laffaire a été débattue et plaidée en audience publique le 14 Mars 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre lui-même de :

Claude GATE, Présidente de chambre

Benjamin FAURE, Conseiller

en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS :

Le bateau de croisière de tourisme fluvial "[Localité 3] La Pente d'eau", construit en 1986, appartenant à la SARL Gascogne Traiteur, sur lequel était exercée une activité de restauration, et assuré auprès de la société de droit étranger Allianz Global Corporate et Specialty (la société Allianz) a été entièrement détruit par un incendie dans la nuit du 29 au 30 juillet 2013.

Ce navire bénéficiait d'un permis de navigation n° 08026 délivré le 27 mai 2008 qui expirait le 27 mai 2013 et qui avait été prolongé par l'autorité administrative compétente jusqu'au 31 août 2013.

La société Allianz a refusé la prise en charge du sinistre au motif que le navire n'était alors pas en règle au regard de la législation sur la navigation.

Par ordonnance du 16 juin 2014, le juge des référés du tribunal de commerce de Montauban a désigné [K] [F] en qualité d'expert afin d'analyser les causes de l'incendie et de chiffrer les dégâts.

M. [F] a établi son rapport le 21 janvier 2015.

Par acte du 27 mars 2015, la SARL Gascogne Traiteur a assigné la société Allianz devant le tribunal de commerce de Montauban afin de se voir verser une indemnité de 350 000 Euros au titre de la valeur vénale du bateau, outre des indemnités annexes, en vertu des garanties du contrat d'assurance.

Par jugement rendu le 11 octobre 2016, le tribunal de commerce de Montauban a :

- dit que la garantie délivrée par la société Allianz au titre de ce contrat est acquise au bénéfice de la SARL Gascogne Traiteur,

- fixé l'indemnité à 209 500 Euros après déduction d'une franchise contractuelle de 500 Euros,

- condamné la société Allianz à payer à la SARL Gascogne Traiteur au titre de la garantie frais de retirement :

* 9 319,35 Euros,

* 6 300 Euros au titre des frais de stationnement sur le domaine public du 1er août 2013 au moins d'avril 2015 inclus,

* 5 190 Euros pour la période du 1er mai 2015 au jugement,

- débouté la SARL Gascogne Traiteur de sa demande pour le montant de 27 792 Euros au titre des frais de dépollution et de déconstruction,

- rejeté la demande de la SARL Gascogne Traiteur au titre de la garantie honoraires d'experts d'assuré,

- rejeté toutes les demandes de la SARL Gascogne Traiteur au titre de la garantie pertes d'exploitation,

- condamné la société Allianz au paiement de la somme de 5 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Allianz au paiement des entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais d'huissier exposés tant lors de la procédure de référé que lors de la procédure, les frais de greffe pour 98,90 Euros et les frais d'huissier exposés et d'expertise judiciaire à hauteur de 9 591,42 Euros.

Le tribunal a estimé que la garantie était acquise, le contrat étant en cours de validité lors du sinistre, et que les indemnités prévues par le contrat devaient être versées au vu des calculs effectués par M. [F].

Sur appel interjeté par la société Allianz, par arrêt du 21 mars 2018, la cour d'appel de Toulouse a :

- déclaré recevable l'action de la SARL Gascogne Traiteur,

- déclaré irrecevable comme nouvelle la demande de nullité du contrat d'assurance,

- infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- dit que la société Allianz ne doit pas sa garantie au titre du sinistre survenu le 29 juillet 2013,

- en conséquence,

- débouté la SARL Gascogne Traiteur de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la SARL Gascogne Traiteur à payer à la société Allianz la somme de 2 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Gascogne Traiteur aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel qui comprendront ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire.

Le 29 mai 2018, la SARL Gascogne Traiteur a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Montauban, Me [G] [P] étant désigné en qualité de liquidateur.

La SARL Gascogne Traiteur, prise en la personne de Me [P], a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt rendu le 21 mars 2018.

Par arrêt rendu le 23 octobre 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de la société Gascogne Traiteur et irrecevable la demande tendant à la nullité du contrat d'assurance, l'arrêt rendu le 21 mars 2018 par la cour d'appel de Toulouse,

- remis en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et renvoyé les parties devant la cour d'appel d'Agen,

- condamné la société Allianz aux dépens,

- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté sa demande et l'a condamnée à payer la somme de 3 000 Euros à Me [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Gascogne Traiteur.

La Cour de cassation a prononcé cette décision au motif suivant :

'Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le bateau de croisière Montech La Pente d'eau, appartenant à la société Gascogne traiteur et assuré auprès de la société Allianz Global Corporate & Specialty, ayant été entièrement détruit par un incendie dans la nuit du 29 au 30 juillet 2013, la société Gascogne traiteur a assigné l'assureur en garantie de ce sinistre ; qu'ayant été mise en liquidation judiciaire le 29 mai 2018, son liquidateur est intervenu volontairement en reprise d'instance ;

Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt, après avoir relevé que le contrat d'assurance exclut la garantie lorsque les papiers de bord ne sont pas en règle, retient que le renouvellement du titre de navigation a été accordé sans aucune visite de contrôle et sans que l'administration ait eu connaissance de l'exercice à bord d'une activité de restauration et d'un rapport d'un organisme de contrôle qui préconisait, pour l'exercice de cette activité, la réalisation de travaux de sécurité, pour en déduire que les papiers de bord du bateau n'étaient pas en règle lors du sinistre ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le titre de navigation, qui expirait le 27 mai 2013, avait été, sur la demande de la société Gascogne traiteur, prolongé à titre exceptionnel par le service de navigation jusqu'au 31 août 2013, sans visite, en application de l'article D 4221-9 du code des transports, de sorte que ce titre qui, sauf fraude, s'imposait à elle, était en cours de validité à la date du sinistre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par acte du 23 avril 2021, M. [P] a saisi cette Cour en qualité de cour de renvoi.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par conclusions notifiées le 7 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [G] [P], es-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Gascogne Traiteur, présente l'argumentation suivante :

- La SARL Gascogne Traiteur n'est pas responsable du sinistre :

* l'expert judiciaire et son sapiteur ont conclu que le sinistre ne trouve pas sa cause dans un acte criminel ou des non-conformités du navire, mais dans les conséquences involontaires d'un cambriolage.

* ils ont également mis en évidence la régularité de la situation administrative du navire, régulièrement entretenu, de sorte que le permis de navigation qui expirait le 27 mai 2013 a été prorogé au 31 août 2013 en application de l'article D. 4221-9 du code des transports.

- Lors du sinistre, la SARL Gascogne Traiteur était titulaire d'un contrat d'assurance en cours de validité :

* le contrat FRM008112 a été souscrit à effet du 9 mai 2011 et répond aux conditions particulières du 12 mai 2011, avec tacite reconduction sauf résiliation avec préavis de 2 mois.

* la SARL en était propriétaire en vertu d'un acte de cession de fonds de commerce du 2 octobre 2009.

* le contrat contient une garantie pour les dommages et pertes atteignant le bateau assuré et résultant d'incendies.

* la clause d'exclusion si l'armement n'est pas réglementaire, les documents de bord non valides, ou que les dommages résultent d'une installation non conforme ne peut trouver application.

- Les indemnités contractuellement dues sont les suivantes :

* article 7 : valeur vénale du bateau au jour du sinistre, 305 000 Euros selon l'expert, soit une indemnité plafonnée par le contrat à 210 000 Euros avant déduction de la franchise de 500 Euros, reste dû : 209 500 Euros.

* article 2.9 : frais de retirement, enlèvement, destruction ou balisage, assistance et sauvetage, soit 9 319,35 Euros selon les factures produites (Aneto 30/09/2013 ; Candeloro Nautique 13/08/2013 ; Foselo 31/08/2013), ces frais constituant des prestations d'urgence décidées par l'expert alors mandaté par l'assureur.

* article 2.2.1 :

- frais de stationnement généré par l'autorisation de stationnement de l'épave sur le domaine public donnée par la commune de [Localité 3] : 6 400 Euros + 5 190 Euros + 300 Euros par mois pour la période postérieure au jugement.

- pertes supplémentaires chiffrées à 1 785,70 Euros par l'expert (amarrage, prime d'assurance, péages).

* article 2.9 : frais de déconstruction évalués à 27 792 Euros par l'expert.

- La SARL Gascogne Traiteur a été victime d'une perte de chance :

* elle s'est adressée à l'agent Hardy de Lyon qui a commis plusieurs fautes :

- limitation de la garantie du risque à 210 000 Euros.

- absence de garantie 'pertes d'exploitation' pourtant initialement prévue sur la proposition signée par les parties et dont la case 'non ' a été cochée par quelqu'un d'autre que l'assurée.

* elle n'a jamais été informée de la modification de cette dernière garantie.

* le contrat n'était pas en adéquation avec ses besoins.

* elle a également perdu une chance d'être indemnisée rapidement ce qui l'a contrainte à cesser son activité par une perte de marge de 185 204 Euros.

Au terme de ses conclusions, (abstraction faite des multiples 'dire et juger, constater' qui constituent des moyens et non des prétentions) il demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que la garantie délivrée par la société Allianz au titre de ce contrat est acquise au bénéfice de la SARL Gascogne Traiteur,

- fixé l'indemnité à 209 500 Euros après déduction d'une franchise contractuelle de 500 Euros,

- condamné la société Allianz à payer à la SARL Gascogne Traiteur au titre de la garantie frais de retirement :

* 9 319,35 Euros,

* 6 300 Euros au titre des frais de stationnement sur le domaine public du 1er août 2013 au moins d'avril 2015 inclus,

* 5 190 Euros pour la période du 1er mai 2015 au jugement,

- condamné la société Allianz au paiement de la somme de 5 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Allianz au paiement des entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais d'huissier exposés tant lors de la procédure de référé que lors de la procédure, les frais de greffe pour 98,90 Euros et les frais d'huissier exposés et d'expertise judiciaire à hauteur de 9 591,42 Euros.

- statuant à nouveau sur les autres points :

- dire que les frais de dépollution et de déconstruction du bateau sont garantis par le contrat d'assurance au titre des frais de retirement,

- dire que la société Allianz a commis un manquement à son obligation de conseil et son devoir d'information de l'assurée à l'égard de la SARL Gascogne Traiteur,

- la condamner à lui payer les sommes suivantes :

* 27 792 Euros au titre des frais de dépollution et de déconstruction du bateau de l'article 2.9 des conditions générales,

* 300 Euros par mois du jour du jugement du 11 octobre 2016 jusqu'au jour de la déconstruction de l'épave,

* 1 785,70 Euros au titre des frais et pertes supplémentaires de l'article 2.21 des conditions générales comprenant :

- les frais d'amarrage à compter du 1er août 2013 soit 70 Euros x 4 mois = 280 Euros,

- la prime d'assurance pour les mois d'août à novembre 2013 à hauteur de 714,44 Euros,

- le paiement du péage de plaisance pour 2013 auprès de Voies Navigables de France d'un montant de 791,26 Euros,

- 185 204 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de souscrire un contrat d'assurance adapté à ses besoins au titre de la perte d'exploitation et des manquements de l'assureur à son obligation de conseil,

- en toute hypothèse :

- condamner la société Allianz à lui payer 27 218,47 Euros au titre des honoraires d'expert d'assuré et 20 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- mettre les dépens à sa charge, ainsi que ceux de la cour d'appel de Toulouse et les frais exposés pour la signification d'huissier en ce compris la somme de 6 648 Euros en application des dispositions de l'article A. 444-32 du code de commerce.

*

**

Par dernières conclusions notifiées le 9 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la société de droit étranger Allianz Global Corporate & Specialty SE présente l'argumentation suivante :

- Des pièces sont manquantes au dossier de Me [P] :

* Il existe un jugement rendu le 26 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse que Me [P], dont des demandes ont été rejetées, n'a pas communiqué, malgré demandes.

* une lettre du 31 mai 2011 émanant également de l'administration n'est pas communiquée.

- La SARL Gascogne Traiteur a commis des fautes volontaires et une fraude :

* l'article 1.3 du contrat dispose qu'il couvre le bateau lorsqu'il est utilisé pour le transport de passagers ou de marchandises ou d'une façon plus générale à titre commercial ou professionnel pour l'usage auquel il est destiné et agréé par les autorités compétentes.

* selon le chapitre 5, ne sont jamais garanties, les pertes et dommages lorsque :

- l'armement de l'unité n'est pas conforme à la réglementation en vigueur,

- les papiers de bord de l'unité ne sont pas en règle ou en cours de validité,

- ils résultent d'une installation non conforme.

* un bateau de navigation intérieure doit disposer d'un certificat communautaire répondant aux articles D. 4221-12 à D. 4221-16 du code des transports et ceux recevant du public sont assujettis au passage d'un expert à titre de mesure de sûreté et au respect des prescriptions réglementaires spécifiques de la norme NF C15-100 sur les installations électriques.

* le cabinet Alcyon a ainsi visité le bateau en 2011 puis 2013.

* les installations n'ont pas été jugées conformes aux normes de sécurité dès 2011 qui avaient imposé l'absence de feu vif sur la plage arrière et l'utilisation seulement de plaques électriques.

* le 22 avril 2013, le cabinet Alcyon avait constaté l'absence d'attestation de conformité et imposé des travaux de sécurité qui n'ont pas été effectués : le jour du sinistre, les feux vifs étaient toujours installés et les dispositifs électriques non contrôlés au regard de la norme NF C15-100, et si l'assuré a indiqué, dans un courriel du 18 octobre 2013 que l'autorisation administrative avait été prorogée au 31 août 2013 'pour effectuer les préconisations de ce rapport', cette explication s'est avérée être fausse, aucune lettre de Voies Navigables de France n'ayant été produite sur ce point.

* l'administration a prorogé automatiquement sans vérification le titre de navigation en application de l'article D. 4221-1 du code des transports, sans production du rapport de contrôle qui, s'il avait été déposé, l'aurait conduite à un contrôle sur place et en ignorant que l'activité de restauration était poursuivie, comme elle l'a indiqué dans une lettre produite aux débats.

* le certificat de navigation est en outre au nom de l'ancien propriétaire [U] [L]/[Localité 3] Navigation.

- La garantie n'est pas acquise :

* elle n'avait pas à vérifier si l'assuré était en règle au regard de la législation sur la navigation fluviale.

* lors de la souscription du contrat en 2011, l'assuré n'a pas spontanément produit une intervention du 19 mai 2011 effectuée en sa présence par le service des risques de l'administration et est resté taisant vis à vis de l'assureur après la visite du 22 avril 2013, alors qu'il existait un risque accru de sinistre.

* l'assuré exerçait une activité de restauration sans attestation de conformité malgré les préconisations du cabinet Alcyon, de sorte que le bateau ne pouvait être considéré comme agréé pour cette activité, condition requise par le contrat.

- Il n'existe aucune perte de chance d'obtenir réparation des pertes commerciales :

* il n'y a pas eu modification de garanties, mais proposition de garantie dans le cadre d'un nouveau contrat succédant à celui souscrit auprès de Groupama que la SARL Gascogne Traiteur s'abstient de produire.

* M. [M], gérant de la SARL Gascogne Traiteur a lui-même annoté la proposition en inscrivant 'non' aux garanties pertes d'exploitation et responsabilité civile exploitation, ce qui atteste qu'elles lui avaient été proposées et qu'elles faisaient partie des conditions générales.

* il avait connaissance de cette absence de souscription de ce risque, comme il l'a reconnu lors de l'enquête dès le 2 août 2013.

* le préjudice invoqué à ce titre n'est pas justifié.

- La plupart des indemnisations réclamées sont excessives :

* la valeur totale du bateau est plafonnée à 210 000 Euros, mais l'expert n'a pas caractérisé la valeur qu'il a retenue qui, en réalité, ne peut être supérieure à 150 000 Euros du fait qu'il avait été acquis pour 65 000 Euros.

* le bateau n'est indemnisable sur une base limitée à 75 000 Euros par Groupama qui a refusé de l'augmenter.

* les frais de retirement d'un montant de 9 319,45 Euros peuvent être admis.

* les frais de stationnement, dépollution et déconstruction ne sont pas déterminables, les premiers ne correspondent pas à une garantie souscrite, et toute garantie est subordonnée à leur mise à la charge de l'assuré par une administration.

* aucune prise en charge ne peut intervenir pour le prix de l'amarrage, la prime d'assurance avant résiliation et le péage qui, en outre, sont exclus par les articles 2.17.3 et 2.17.3.1 du contrat.

* aucune TVA ne peut être ajoutée aux réclamations.

* les frais de l'expert privé relève du choix de la SARL Gascogne Traiteur qui doit en assumer le coût.

Au terme de ses conclusions, (abstraction faite des multiples 'déclarer' et 'constater' qui constituent des moyens et non des prétentions) elle demande à la Cour de :

- in limine litis : réserver ses droits quant à une procédure devant le tribunal judiciaire de Toulouse qui aurait rendu une décision le 26 novembre 2020 qui n'a jamais été communiquée,

- en toutes hypothèses :

- infirmer le jugement,

- rejeter les demandes formées à son encontre,

- subsidiairement :

- procéder à toute vérification sur la situation administrative du bateau,

- réduire sa valeur à 150 000 Euros,

- rejeter les autres postes d'indemnisations invoqués,

- ordonner restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,

- condamner Me [P], es-qualité, à lui payer la somme de 10 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec distraction et compensation avec les sommes allouées le 4 octobre 2018 et le 17 avril 2019.

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A l'audience, les parties ont convenu que la référence, par Me [P], à un jugement rendu le 26 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse, relevait d'une erreur.

La société Allianz a indiqué que sa réserve in limine litis était dès lors sans objet.

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MOTIFS :

En premier lieu, l'article L. 174-1 du code des assurances dispose :

'L'assurance sur corps garantit les pertes et dommages matériels atteignant le bateau et ses dépendances assurées et résultant de tous accidents de navigation ou événements de force majeure sauf exclusions formelles et limitées prévues au contrat d'assurance.'

En deuxième lieu, les conditions générales du contrat souscrit par la SARL Gascogne Traiteur auprès de la société Allianz stipulent :

'Ce contrat concerne votre bateau de navigation intérieure tel que défini à la rubrique 'bateau assuré' du lexique lorsqu'il est utilisé pour le transport de passagers ou de marchandises ou d'une façon plus générale à titre commercial ou professionnel pour l'usage auquel il est destiné et agréé par les autorités compétentes.

Le contrat exclut de la garantie les sinistres survenus :

'- lorsque l'armement de l'unité n'est pas conforme à la réglementation en vigueur,

- lorsque les papiers de bords de l'unité ne sont pas en règle ou en cours de validité,

- lorsque les dommages résultent d'une installation non conforme.'

En troisième lieu, en matière fluviale, les titres de navigation des bateaux de commerce, engins flottants et établissements flottants, sont régis par les articles D. 4221-8 et suivants du code des transports ainsi que par l'arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux titres de navigation des bâtiments et établissements flottants navigant ou stationnant sur les eaux intérieures.

En vertu de ces textes, dans leur rédaction applicable au litige, tout bateau de navigation intérieure ou de transport fluvial doit avoir à son bord un titre de navigation en cours de validité et correspondant à sa catégorie et à celle de la voie d'eau ou du plan d'eau emprunté : certificat de bateau, certificat de visite ou encore carte de circulation.

Ce titre atteste du respect par le bâtiment des prescriptions techniques relatives à sa construction, gréement et entretien, telles que définies par arrêté du ministre chargé des transports en vertu de l'article D. 4211-2 du code des transports, ainsi que de la présence à bord du matériel d'armement et de sécurité défini par arrêté du ministre en charge des transports en vertu de l'article D. 4211-4.

Délivré par l'autorité administrative après une visite à sec et une visite à flot pour vérifier le respect par le bateau des prescriptions techniques auxquelles il est soumis, le titre de navigation a une durée maximale de validité comprise entre 5 et 10 ans selon le nombre de passagers transportés et la taille du bateau, et doit être modifié en cas de changement de propriété.

Ce titre peut être renouvelé sur présentation de celui en vigueur, du rapport de la dernière visite à sec, du ou des rapports des organismes de contrôle, comportant attestation de conformité du bâtiment ou de l'établissement flottant, de la copie du certificat de jaugeage.

L'article D. 4221-9 du code des transports autorise, à titre exceptionnel, une simple prolongation du titre de navigation, sans visite, pour une durée qui ne peut excéder six mois, sur demande motivée du titulaire du titre.

Selon les articles 43 et suivants de l'arrêté du 21 décembre 2007, cette prolongation peut être autorisée par l'autorité administrative sur simple demande motivée du propriétaire du bateau et sur présentation du titre en vigueur.

En quatrième lieu, le rapport d'expertise établi par M. [F], indique les éléments suivants :

- Le bateau a été acquis par la SARL Gascogne Traiteur le 10 décembre 2009, homologué, équipé et exploité pour la promenade de 100 passagers outre 2 membres d'équipage.

- La SARL Gascogne Traiteur bénéficiait d'une convention d'occupation du domaine public pour occuper un emplacement au port de plaisance de [Localité 3], avec quai de stationnement aménagé par un ponton fixe et une passerelle d'accès, et alimentation électrique entre le bureau de réception et le quai, et alimentation volante entre la prise de quai et le bateau.

- Le bateau a été réaménagé par installation d'une partie restauration sur l'arrière du salon de pont, composée de 6 tables de 4 personnes.

- Lors du sinistre, la préparation de plats cuisinés ainsi que le stockage des ustensiles nécessaires à la restauration étaient situés dans le local arrière, ainsi que le moteur électrique inséré dans la cale, le groupe électrogène était dans un caisson insonorisé, les tableaux électriques accessibles et fixés latéralement sur le coffre du groupe électrogène, et des bouteilles de gaz étaient installées à l'extérieur sur le plat-tribord à hauteur de la cabine.

- En avant de ce local étaient disposés un poste de barre avec un meuble bar, la cave à vin, un réfrigérateur et un congélateur.

En cinquième lieu, la situation administrative du bateau est la suivante :

- Le 4 mars 2008, M. [T], de l'organisme de contrôle compétent, a établi une attestation de contrôle.

- Le 27 mai 2008, la Commission de Visite a examiné le bateau.

- Le 28 mai 2008, le Service de la Navigation de [Localité 5] a établi le certificat de navigation, au nom de [U] [L], pour un bateau à passagers et une exploitation sous forme de promenade, valide jusqu'au 27 mai 2013 avec possibilité d'en solliciter le renouvellement trois mois avant l'échéance, demande à accompagner d'un certificat de conformité et de visite.

- Le 10 décembre 2009, le certificat d'immatriculation a été mis au nom de l'Eurl Gascogne Traiteur, sans modification du titre de navigation.

- L'ancien contrat d'assurance souscrit auprès de la compagnie Groupama a été résilié et remplacé par le contrat en litige, souscrit auprès de la société Allianz.

- Le 19 mai 2011, un contrôle inopiné de sécurité diligenté par l'autorité administrative a mis en évidence l'existence d'une plaque électrique de réchauffage de 2,5 kw.

- Au vu du constat de l'existence d'une activité de restauration non déclarée à l'administration, le 31 mai 2011, celle-ci a indiqué à la SARL Gascogne Traiteur la nécessité de présenter une demande de renouvellement du titre de navigation afin de prendre en compte l'activité de restauration à bord et ses équipements dédiés, lui précisant qu'en cas d'absence d'une telle demande, elle présumerait que l'activité de restauration n'était pas poursuivie.

- En l'absence de réponse, l'administration a estimé que l'activité de restauration n'était pas poursuivie.

- Le 20 juin 2011, M. [T], intervenant sur demande de la SARL Gascogne Traiteur suite à la lettre du 31 mai 2011, a procédé à un contrôle du bateau, a constaté que cette société poursuivait son activité de restauration à bord et noté, notamment, l'existence d'une zone de réchauffage équipée de deux brûleurs à gaz, mais sans les bouteilles de gaz, et a indiqué que ces brûleurs devaient être remplacés par deux plaques électriques alimentées par le groupe électrogène situé à proximité, précisant que le respect de ces règles 'vous permettra de continuer à exploiter votre bateau avec la seule qualification de bateau à passagers car l'espace arrière ne peut en aucun cas être assimilé à un local cuisine mais peut être utilisé en tant qu'espace traiteur, c'est à dire réchauffage de plats' ajoutant 'aucun feu vif ne sera accepté sur la plage arrière, seules des plaques électriques pourront être utilisées'.

- Début 2013, la SARL Gascogne Traiteur a demandé la prolongation du titre de navigation.

- Afin d'obtenir le renouvellement du certificat de navigation, et sur demande de la SARL Gascogne Traiteur, M. [T] a procédé à un nouveau contrôle du bateau le 22 avril 2013 constatant la présence de deux bouteilles de propane, 2 brûleurs à gaz, indiquant la nécessité d'installer une sécurité 'flamme', une ventilation sur l'appareil, et imposant la délivrance d'un certificat de conformité de l'installation électrique à la norme C15-100.

- Le 30 mai 2013, le titre de navigation a été prolongé par l'administration jusqu'au 31 août 2013 en application de l'article D. 4221-9 du code des transports, c'est à dire sur demande motivée de la SARL Gascogne Traiteur, et ce au seul vu du contrôle du 4 mars 2008.

- Le 2 décembre 2014, le chef du service de l'Unité Navigation et de la Sécurité Fluviale de la préfecture de la Haute Garonne a indiqué que, lors de la prolongation du titre de navigation, l'administration n'avait pas eu connaissance du rapport établi par M. [T] le 22 avril 2013 dont il résultait que le bateau comprenait une activité de restauration, précisant 'Il est certain que si le rapport de cet organisme de contrôle avait été communiqué au service, la prolongation du titre de navigation ne se serait pas faite sans contrôle effectif.'

Il résulte de ces éléments que la SARL Gascogne Traiteur a obtenu par fraude le renouvellement provisoire, le 30 mai 2013, du titre de navigation en application de l'article D. 4221-9 du code des transports en s'abstenant de communiquer à l'administration les documents attestant des vérifications postérieures à l'attestation du 4 mars 2008 et en lui dissimulant sciemment pour obtenir cette prolongation :

- l'exercice d'une activité de restauration dans le bateau, dont le certificat de navigation n'était établi que pour une activité de promenade.

- la persistance de l'équipement par des brûleurs à gaz alors que le rapport de sécurité du 20 juin 2011 imposait leur remplacement par des plaques électriques.

- l'absence de certificat de conformité à la norme C 15-100 de l'installation électrique imposé par la visite du 22 avril 2013 qui n'a jamais été demandé par la SARL Gascogne Traiteur.

Dès lors, la SARL Gascogne Traiteur ne peut être admise à se prévaloir du renouvellement de son titre de navigation et, par suite, la clause d'exclusion de garantie lorsque 'les papiers de bords de l'unité ne sont pas (...) en cours de validité' lors du sinistre doit recevoir application.

Le jugement doit être infirmé et l'action en paiement de l'indemnité d'assurance rejetée, ce qui rend sans objet le manquement à l'obligation de conseil imputé par la SARL Gascogne Traiteur à l'assureur du fait du caractère limité de certaines garanties.

Il n'y a toutefois pas lieu d'ordonner la restitution des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire dont le jugement était assorti.

En effet, le présent arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution.

Enfin, l'équité nécessite d'allouer à la société Allianz la somme de 5 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- Statuant dans les limites de la cassation partielle,

- INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

- STATUANT A NOUVEAU,

- REJETTE l'action en indemnisation du sinistre survenu dans la nuit du 29 au 30 juillet 2013 intentée par la SARL Gascogne Traiteur à l'encontre de société de droit étranger Allianz Global Corporate & Specialty SE ;

- CONDAMNE la SARL Gascogne Traiteur, prise en la personne de Me [G] [P], à payer à la société de droit étranger Allianz Global Corporate & Specialty SE la somme de 5 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SARL Gascogne Traiteur, prise en la personne de Me [G] [P], aux dépens de 1ère instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement par la Selarl Action Juris pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.

- Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00476
Date de la décision : 10/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-10;21.00476 ?
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