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27/07/2022 | FRANCE | N°21/00430

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 27 juillet 2022, 21/00430


ARRÊT DU

27 Juillet 2022





NE/CR





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N° RG 21/00430

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C4GY

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[B] [C]

[P]



C/



[K] [Z],

S.A. CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE

POITOU-CHARENTES









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GROSSES le

à









ARRÊT n° 318-2022











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



Monsieur [B] [C] [P]

né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 8]



Représenté par Me David LLAMAS, avocat inscrit au barreau d'AGEN



APPELANT ...

ARRÊT DU

27 Juillet 2022

NE/CR

---------------------

N° RG 21/00430

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C4GY

---------------------

[B] [C]

[P]

C/

[K] [Z],

S.A. CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE

POITOU-CHARENTES

------------------

GROSSES le

à

ARRÊT n° 318-2022

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur [B] [C] [P]

né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me David LLAMAS, avocat inscrit au barreau d'AGEN

APPELANT d'un Jugement du tribunal judiciaire d'Agen en date du 09 Mars 2021, RG 18/01907

D'une part,

ET :

Madame [K] [Z]

née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me François DELMOULY, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Marie-Caroline DELMOULY, avocate plaidante inscrite au barreau de PAU

S.A. CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES

RCS de Bordeaux n°353 821 028

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Betty FAGOT, avocate inscrite au barreau d'AGEN

INTIMÉES

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 11 Avril 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre lui-même de :

Claude GATÉ, Présidente de Chambre

Nelly EMIN, Conseiller

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon une offre de prêt acceptée le 4 novembre 2006, la SA CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE-NORD, aux droits de laquelle vient la SA CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES (la Caisse d' Epargne) a consenti à la SCI SAFRAN 01 un prêt immobilier d'un montant de 115.000 € sur 180 mois de 949,04 € au taux d'intérêt de 4,21% l'an.

Par acte séparé du même jour, [B] [P] et son épouse [K] [Z] se sont portés cautions solidaires et indivisibles dans la limite de la somme de 149.500 € pendant 204 mois.

En 2009 les époux [P] ont divorcé.

Des échéances demeurant impayées, la Caisse d'Epargne a sollicité l'intervention des cautions par lettres recommandées du 15 septembre 2011.

En l'absence de régularisation, la Caisse d'Epargne a prononcé la déchéance du terme du prêt par courrier recommandé du 17 octobre 2011.

Prenant note du retard des locataires de la SCI SAFRAN 01 pour régler leurs loyers, la Caisse d'Epargne a, par courrier recommandé du 7 novembre 2011, néanmoins accordé à cette société un délai supplémentaire jusqu'au 31 mars 2012 afin de régulariser cette situation.

Par jugement du 27 avril 2012, le tribunal de grande instance d'Agen a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SCI SAFRAN 01. La Caisse d'Epargne a déclaré sa créance le 11 juin 2012 auprès du mandataire judiciaire Me [I] [G].

Les cautions ont été mises en demeure de régler la somme de 107 879,01 € par lettres recommandées avec accusé de réception du 15 juin 2012.

L'établissement de crédit a perçu la somme de 86.383,86 € du liquidateur et la procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 4 mai 2017.

La Caisse d'Epargne a, par actes d'huissier du 13 novembre 2018, assigné [B] [P] et [K] [Z] devant le tribunal de grande instance d'Agen pour obtenir notamment leur condamnation à lui payer la somme de 44 223,56 €.

Suivant jugement du 9 mars 2021 le tribunal judiciaire a :

- condamné [B] [P] à payer à la SA CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES la somme de 44.223,56 € en exécution de son engagement de caution solidaire souscrit le 4 novembre 2006 concernant un prêt consenti à la SCI SAFRAN 01, et ce avec intérêts au taux contractuel de 4,21 % l'an à compter du 21 septembre 2018 et avec capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus par année entière à compter du 13 novembre 2018,

- constaté que la SA CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES a failli à son obligation d'information annuelle à l'égard de [K] [Z],

- condamné en conséquence [K] [Z], solidairement avec [B] [P] à exécuter son engagement de caution à l'égard de la SA CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES mais dans la limite de la somme de 7.504,71 €, avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2018 et avec capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus par année entière, également à compter du 13 novembre 2018,

- laissé les frais d'aide juridictionnelle exposés pour le compte de [B] [P] à la charge du Trésor Public,

- condamné [K] [Z] seule aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté le surplus des demandes.

Le tribunal a retenu notamment que les cautions ne démontraient pas que leurs engagements étaient disproportionnés à leurs capacités financières à la date où ils ont été souscrits, que la SCI SAFRAN 01 avait été avertie en temps utile de la déchéance du terme suite à l'envoi des mises en demeure par lettre recommandées aux associés sans réaction de la gérante Madame [Z] et du fait de la mise en liquidation judiciaire de la SCI laquelle constituait aussi une cause de déchéance du terme.

Le tribunal a également jugé que seule Madame [Z] avait soulevé la déchéance du droit aux intérêts en raison de l'absence d'information annuelle de la caution pour considérer qu'elle seule pouvait en profiter.

Par déclaration au greffe du 15 avril 2021 [B] [P] a relevé appel de la décision en citant les deux chefs du jugement qui ont prononcé des condamnations à paiement au profit de la Caisse d'Epargne.

La CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES a saisi le conseiller de la mise en état par conclusions d'incident du 1er octobre 2021 au visa des articles 524 et 526 du code de procédure civile aux fins d'obtenir la radiation de l'affaire du rôle pour défaut d'exécution et a sollicité la condamnation de [B] [P] à lui payer la somme de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 26 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a :

-débouté la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES de sa demande de radiation de l'affaire,

-dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que les dépens de l'incident suivront ceux du fond,

Et vu l'article 912 du code de procédure civile,

-dit que la clôture de l'instruction sera prononcée le 9 mars 2022 à 09 h 30

et l'affaire fixée à l'audience de plaidoiries du 11 avril 2022 à 14 heures.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 6 décembre 2021, et auxquelles il est expressément renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens, [B] [P] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Agen du 9 mars 2021, en ce que

le tribunal:

' l'a condamné à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES la somme de 44.223,56 euros en exécution de son engagement de caution solidaire souscrit le 4 novembre 2006 concernant un prêt consenti à la SCI SAFRAN 01, et ce avec intérêts au taux contractuel de 4,21 % l'an à compter du 21 septembre 2018 et avec capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus par année entière à compter du 13 novembre 2018,

' condamné [K] [Z], solidairement avec lui, à exécuter son engagement de caution à l'égard de la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES mais dans la limite de la somme de 7.504,71 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2018 et avec capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus par année entière également à compter du 13 novembre 2018,

- débouter la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES de ses demandes à son encontre;

- subsidiairement :

' déchoir la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES du droit à pénalité et intérêts conventionnels à son égard,

' condamner la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES à lui payer la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts,

- en toute hypothèse, condamner la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter [K] [Z] de sa demande à son encontre;

- condamner la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES au paiement des dépens .

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir:

La disproportion du cautionnement :

-la Caisse d'Epargne aurait dû demander aux cautions de remplir des fiches de

renseignements de leurs revenus et patrimoines respectifs et en omettant de le faire elle a manqué à son obligation de vérifier la situation des cautions,

-or, lors de l'engagement de caution litigieux, il percevait l'allocation de solidarité spécifique d'un montant mensuel de 441,75 €, son indemnité de licenciement avait permis l'acquisition des biens immobiliers par la SCI et la réalisation de travaux, il avait deux enfants à sa charge, de sorte que l'engagement de caution était manifestement disproportionné à ses revenus,

-le cautionnement était également supérieur à son patrimoine, la valeur de ses parts au sein de la S.C.I. SAFRAN 01 étant de l'ordre de 50.000 €,

Surabondamment, la prétendue déchéance du terme :

-le tribunal en considérant que la Caisse d'Epargne pouvait se prévaloir de la déchéance du terme malgré l'absence d'envoi d'une mise en demeure à la SCI SAFRAN 01 a méconnu les dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,

-l'intimée ne démontrant pas la déchéance du terme,doit, pour ce motif supplémentaire, être déboutée de ses demandes,

L'obligation d'information annuelle de la caution :

-en application de l'article 563 du code de procédure civile,les parties ont la faculté d'invoquer des moyens nouveaux devant la Cour,

-la demande de déchéance de la Caisse d'Epargne du droit aux intérêts, tend au rejet de la demande de la banque de ce chef et donc aux mêmes fins que la contestation générale des prétentions de la banque formulée en première instance, ce qu'autorise l'article 565 du code de procédure civile,

-cette demande tend à faire écarter une partie des prétentions de la banque et donc fait partie des exceptions énoncées par l'article 564 du code de procédure civile,

-en sa qualité de défendeur en première instance, il peut aussi former une demande reconventionnelle,

-la production de la copie d'une lettre simple d'information de la caution, ne justifie pas de son envoi et n'établit donc pas l'accomplissement de l'obligation d'information dont la sanction est la déchéance du droit aux intérêts,

-contrairement au calcul effectué par le tribunal à l'égard de Madame [Z], la banque ne peut réclamer à la caution une somme égale au capital restant dû à la date de la prétendue déchéance du terme, sous déduction du règlement de 86.383,86 € effectué par Maître [G],

-en vertu de l'article L 313-22 du code monétaire et financier, l'intégralité des paiements déjà effectués doit être imputée sur le capital, il ne peut être condamné, comme l'a décidé le tribunal à l'égard de Madame [Z] à une somme égale au capital restant dû sous déduction de la somme versée par Maître [G], la SCI avait auparavant effectué des règlements dont une partie a été imputée par la banque sur les intérêts avant la prétendue déchéance du terme,

La responsabilité de la banque :

-sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à

l'ordonnance du 10 février 2016, une jurisprudence bien établie met à la charge du

banquier une obligation de mise en garde de la caution sur le risque d'endettement, et en cas de manquement à cette obligation, la banque engage sa responsabilité et s'expose à une condamnation à des dommages et intérêts,

-le banquier devait examiner la situation financière de la S.C.I. et des cautions ainsi que leur aptitude, présente et à venir, à rembourser le crédit et attirer son attention sur les risques en découlant, en ne le faisant pas, il l'a privé de la chance de ne pas y souscrire.

La CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES, par conclusions reçues au greffe le 1er octobre 2021,et auxquelles il est expressément renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens, demande à la cour de :

-confirmer jugement dans son intégralité,

- juger que l'exception tirée de l'inobservation de l'information annuelle de la caution est personnelle,

-déclarer la demande nouvelle de Monsieur [P] au titre de l'inobservation de

l'information annuelle irrecevable,

-débouter Monsieur [P] de l'intégralité de ses demandes,

y ajouter,

-condamner Monsieur [P] au paiement de la somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens y compris d'appel.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir:

Concernant l'inopposabilité du contrat de cautionnement :

- comme en première instance, en cause d'appel, Monsieur [P] ne rapporte pas la preuve de la disproportion de l'engagement au regard de ses biens et revenus,

-il ressort des déclarations de Monsieur [P], la possession d'un patrimoine relativement important et c'est à tort qu'il indique qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des ressources de Madame [Z] pour apprécier la disproportion de l'engagement puisque lors de la souscription du contrat de cautionnement, ils étaient mariés sous le régime de la communauté,

Concernant la déchéance du terme :

-le jugement a bien motivé ce point de droit,

Concernant l'information annuelle de la caution:

-en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, cette demande nouvelle doit être déclarée irrecevable,

- l'exception tirée de l'inobservation par la banque de l'obligation d'information annuelle est personnelle au sens des dispositions de l'article 1208 du code civil,

-Concernant la responsabilité de la banque:

-Monsieur [P] peut difficilement se voir reconnaître la qualité de caution non avertie,préalablement à l'opération litigieuse, il avait déjà créé avec Madame [Z] la SCI SAFRAN 01 et acquis un local à usage d'habitation, sans emprunt, puis dans le cadre d'un montage visant à développer des revenus fonciers, ils ont créé la SARL SAFRAN 2, ils disposaient donc, par leur expérience, de la connaissance des risques attachés à l'acquisition d'un nouvel immeuble à visée locative,

- comme l'a relevé le jugement,Monsieur [P] « en était au moins à la troisième opération immobilière et avait les connaissances requises pour procéder à un montage de nature à optimiser ses revenus fonciers».

Dans ses uniques conclusions du 11 octobre 2021, Madame [Z], constatant qu'aucune demande n'ayant été formée en appel contre elle, demande la confirmation du jugement du 9 mars 2021, et, y ajoutant, condamner Monsieur [P] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de statuer ce que de droit sur les dépens d'appel.

MOTIVATION

A titre liminaire, la Cour constate que Madame [Z] ne critique pas la disposition du jugement l'ayant condamnée solidairement avec Monsieur [P] , à exécuter son engagement de caution à l'égard de la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES mais dans la limite de la somme de 7.504,71 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2018 et avec capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus par année entière également à compter du 13 novembre 2018.

Dès lors, nonobstant l'appel de Monsieur [P] sur ce point, cette disposition du jugement entrepris sera confirmée à l'égard de Madame [Z] et la solidarité de Monsieur [P] sera cantonnée à la somme de 7504,71 euros.

Sur la disproportion du cautionnement

L'article L.341-4 du Code de la consommation, en vigueur lors de la signature de son engagement de caution par Monsieur [P], prévoit un principe de proportionnalité de l'engagement de la caution.

La disproportion de l'engagement s'apprécie entre le montant de l'engagement de la caution et les biens et revenus de celle-ci et se fait à la date de la conclusion du contrat de cautionnement.

La disproportion des engagements des époux cautions s'apprécie au regard des revenus et charges de chacune d'elles, biens propres et communs.

C'est à la caution qui entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, de rapporter que son engagement avait un caractère disproportionné au regard de ses biens et revenus.

En cause d'appel, Monsieur [P] justifie de ses revenus lors de son engagement de caution en produisant :

- l'avis d'imposition du couple sur les revenus pour 2006, laissant apparaître un revenu de 5206 euros et un revenu foncier net de 16127 euros,

- les relevés de situation ASSEDIC mentionnant une indemnité mensuelle de 441,75 euros au cours de l'année 2006.

Il justifie également que la SCI SAFRAN 01, dont il détenait 50% des parts, avait acquis le 20 septembre 2004 un immeuble sis [Adresse 4] pour un prix payé comptant de 28 965,31 euros et que la SCI se trouvait déjà propriétaire d'un immeuble sis [Adresse 7] acquis en 2002 pour un montant de 74 700 euros.

En revanche, Monsieur [P] qui indique dans ses écritures avoir perçu suite à son licenciement en 2001 une indemnité d'un montant de 214 000 euros ne justifie pas de ce qu'il ne disposait plus de ce capital, en tout ou partie, lors de la souscription de son engagement de caution.

En particulier, il n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses affirmations d'emploi de ces fonds pour l'achat des biens immobiliers par la SCI ou pour la réalisation de travaux.

La Cour observe que le 22 mars 2010, Monsieur [P] a acquis de la SCI SAFRAN 01 un bien immobilier payé comptant 28 965 euros, ce qui nécessite la possession d'une épargne.

Du tout, et en l'absence de justificatif du montant de l'épargne de Monsieur [P] en 2006, il se déduit que son engagement de caution n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion et le jugement sera confirmé en ce sens.

Sur la déchéance du terme

Rappelant les stipulations de la clause «déchéance du terme» de l'article 20 du contrat de prêt du 4 novembre 2006: «la totalité du prêt deviendra immédiatement et de plein droit exigible,en capital, intérêts de toute nature ('.), primes d'assurance, frais et accessoires, après simple notification faite à l'emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception dans l'un ou l'autre des cas suivants»..... Monsieur [P] conteste l'exigibilité du prêt faisant valoir que la banque ne justifie pas avoir satisfait à l'exigence de l'envoi d'un courrier recommandé avec accusé de réception à la SCI SAFRAN 01pour l'informer de l'exigibilité des prêts.

Toutefois, en l'espèce, la mise en liquidation judiciaire dela SCI SAFRAN 01, débitrice, par jugement en date du 27 avril 2012, a emporté de plein droit l'exigibilité des prêts à l'encontre de celle-ci, indépendamment de toute manifestation de volonté du prêteur, et ce par application des dispositions d'ordre public de l'article L 643-1 du code de commerce qui énoncent que «le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues».

Il est par ailleurs stipulé au contrat en son article 13, qu'en tout état de cause, en cas de liquidation judiciaire du débiteur principal, la déchéance du terme interviendra à l'égard de la caution du fait même de l'arrivée de cet événement, de sorte que c'est vainement que l'appelant se prévaut de l'absence de lettre recommandée avec accusé de réception adressée à laSCI SAFRAN 01.

Dès lors, la déchéance du terme, et partant l'exigibilité du prêt souscrit par laSCI SAFRAN 01 est opposable à [P], en sa qualité de caution. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur l'obligation d'information annuelle de la caution

Il résulte des dispositions des articles 70 et 567 du code de procédure civile que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel dès lors qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Ainsi, dès lors qu'elle émane du défendeur originel, la demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts présente un lien suffisant avec la demande de la banque tendant au paiement des sommes dues en raison de l'engagement de caution ; elle tend d'ailleurs à écarter, en les restreignant, les prétentions adverses; elle est donc recevable.

Selon l'article L 313-22 du code monétaire et financier, en vigueur durant la relation contractuelle, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l'information.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

La Caisse d'Epargne n'allègue, ni a fortiori ne justifie de l'envoi des lettres d'informations établies au nom de [P] en qualité de caution depuis la date de son engagement ; elle n'établit donc pas qu'elle a satisfait à son obligation.

Il s'en déduit que [P] n'est pas tenu au montant des intérêts échus depuis la date de souscription de son engagement, ni des frais et pénalités, qui doivent être déduits des sommes réclamées, la caution n'étant tenue que de l'intérêt légal à compter de sa mise en demeure.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [P] à payer à la banque une somme de 44223,56 euros en exécution de son engagement de caution, avec intérêts au taux contractuel de 4,21 % l'an à compter du 28 septembre 2018.

La Caisse d'Epargne qui n'a produit aucune pièce permettant de calculer le montant de la somme restant due devra recalculer le montant de la créance en déduisant du capital restant dû toutes les sommes versées par la SCI SAFRAN 01depuis le début de l'amortissement du prêt , les frais et accessoires à l'exception de l'intérêt légal qui sera dû à compter de la mise en demeure de la caution.

Sur le devoir de mise en garde du banquier

Le premier juge, par des motifs pertinents que la Cour adopte, a conclu que la Caisse d'Epargne n'était pas tenue à un devoir de mise en garde vis à vis de Monsieur [P] considérant qu'à la date de souscription de l'engagement de caution ses capacités financières étaient adaptées, qu'il n'existait pas de risque d'endettement incontrôlable résultant de l'octroi du prêt, et que cette caution en était au moins à sa troisième opération immobilière et avait les connaissances requises pour procéder à un montage de nature à optimiser ses revenus fonciers.

Pour confirmer le jugement entrepris sur ce point, il suffira de rajouter qu'en sus de disposer de capacités financières adaptées, ainsi que précédemment démontré, les revenus du couple allaient immédiatement se trouver complétés par l'encaissement des loyers issus du nouvel immeuble acquis à but locatif par la SCI et que Monsieur [P] ne supportait aucun autre crédit ni à titre personnel, ni à titre de caution lors de son engagement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

En l'état de la solution donnée au litige, il y a lieu de condamner Monsieur [P], qui a intimé Madame [Z] sans formuler de demande à son encontre, au paiement d'une somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles et de le condamner à payer à la Caisse d'Epargne une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [P] qui succombe à titre principal sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire d'Agen du 9 mars 2021 en ce qu'il a condamné [B] [P] à payer à la SA CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES la somme de 44.223,56 € en exécution de son engagement de caution solidaire souscrit le 4 novembre 2006 concernant un prêt consenti à la SCI SAFRAN 01, et ce avec intérêts au taux contractuel de 4,21 % l'an à compter du 21 septembre 2018 et avec capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus par année entière à compter du 13 novembre 2018,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire d'Agen du 9 mars 2021 en ce qu'il a condamné [K] [Z], solidairement avec lui, à exécuter son engagement de caution à l'égard de la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES mais dans la limite de la somme de 7.504,71 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2018 et avec capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus par année entière également à compter du 13 novembre 2018,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la déchéance du droit à pénalité et aux intérêts conventionnels de la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES à l'égard de [B] [P] en sa qualité de caution,

CONDAMNE [B] [P] à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES la somme restant dûe au titre du prêt après que CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES ait recalculé le montant de sa créance en déduisant du capital restant dû toutes les sommes versées par la SCI SAFRAN 01depuis le début de l'amortissement du prêt, les frais et accessoires à l'exception de l'intérêt légal qui sera dû à compter de la mise en demeure de la caution,

DEBOUTE [B] [P] de sa demande de dommages et intérêts,

CONDAMNE [B] [P] à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [B] [P] à payer à [K] [Z] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE [B] [P] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [B] [P] aux dépens de la procédure d'appel.

Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, Conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière,Le Conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00430
Date de la décision : 27/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-27;21.00430 ?
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