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05/07/2022 | FRANCE | N°21/00185

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 05 juillet 2022, 21/00185


ARRÊT DU

05 JUILLET 2022



NE/CO**



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N° RG 21/00185 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C3RG

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[S] [B]





C/





SAS STEF TRANSPORT [Localité 3]





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 84 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à d

isposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le cinq juillet deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMB...

ARRÊT DU

05 JUILLET 2022

NE/CO**

-----------------------

N° RG 21/00185 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C3RG

-----------------------

[S] [B]

C/

SAS STEF TRANSPORT [Localité 3]

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 84 /2022

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le cinq juillet deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

[S] [B]

né le 28 juillet 1988 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Hélène GUILHOT, avocat inscrit au barreau d'AGEN

APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - formation paritaire d'AGEN en date du 25 janvier 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G.19/00180

d'une part,

ET :

La SAS STEF TRANSPORT [Localité 3] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Camille GAGNE, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Arielle DUCHENE substituant à l'audience Me Stéphane LEPLAIDEUR, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 01 mars 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre et Nelly EMIN, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les parties ayant été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 10 mai 2022 lequel délibéré a été prorogé ce jour par mise à disposition. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 2 mai 2017, M. [B] a été recruté par la société STEF Transports [Localité 3] SAS, qui exerçait son activité au site Agropole d'[Localité 3], en qualité de cariste, moyennant un salaire mensuel brut de 1 540,92 euros.

La convention collective nationale applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires de transport.

Le 9 janvier 2018, le salarié a fait l'objet d'un rappel à l'ordre pour comportement agressif vis à vis de l'un de ses collègues, pour non respect des règles relatives à l'utilisation du dispositif de contrôle du temps de travail (badgeuse) et pour utilisation de son téléphone portable à des fins personnelles.

A compter du 1er juillet 2018, le salarié a été promu agent de quai.

Le 29 août 2018, un avertissement lui a été notifié pour absence non justifiée le 13 août 2018, sanction qu'il a contesté aussitôt.

Le 19 juillet 2019, il a été impliqué dans une altercation sur son lieu de travail et a déposé plainte pour ces faits le 22 juillet 2019. Une composition pénale et un stage de citoyenneté ont été prononcés contre son agresseur.

A la suite de ces faits, il a été placé en arrêt de travail du 19 juillet au 25 août 2019. Par courrier du 23 septembre 2019, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de l'accident.

Le 22 juillet 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire, fixé au 1er août 2019 et était assisté par un représentant du personnel.

Le 6 août 2019, une mise à pied disciplinaire de 4 jours lui a été notifiée dans les termes suivants :

' (...) Le 19 juillet, vers 16 h vous avez eu une altercation avec M. [R] [J] qui travaillait au service emballage, en tant qu'intérimaire. Le jour de l'incident vous me rappelez que vous effectuiez un remplacement brigadier.

Vous vous êtes aperçu que M. [J] avait une discussion houleuse avec M. [L] [O]. Vous vous êtes approché avec votre autoporté et vous êtes entré dans la discussion, que M. [O] a quitté à votre arrivée.

Vous étiez donc seul avec M. [J] qui, selon vos dires, montrait de l'énervement concernant votre décision de venir reprendre l'aide que lui avait accordé M. [O]. Vous rapportez que cette aide accordée devait l'être pour 10 minutes maximum et que vous êtes allé rechercher l'agent de quai au bout de30 minutes .Vous constatez d'ailleurs que M. [J] n'était plus là et que l'agent de quai était seul à travailler. Vous rapportez que vous avez signalé à M. [J] que vous aviez besoin de cet agent sur ces tâches habituelles et que si lui avait besoin d'aide, il n'avait qu'à aller voir son responsable.

Vous rapportez de nouveau que M. [J] avait un comportement agressif et faisait preuve de beaucoup d'énervement.

Vous reconnaissez cependant avoir fait preuve d'une grande fermeté et certainement d'avoir parlé trop sèchement ce qui n'a pas servi à apaiser la situation. Vous reconnaissez avoir rapproché votre tête trop près de la sienne afin, comme vous le dites 'qu'il comprenne mieux ce que je lui expliquais'. Vous reconnaissez donc ne pas avoir agi correctement et vous vous engagez à ne plus agir de la sorte. Vous m'expliquez que vous vouliez juste que les gens fassent bien leur travail et que le quai fonctionne.

Vous avez effectivement joué votre rôle de brigadier remplaçant en récupérant l'agent de quai qui n'était pas à la tâche souhaitée.

Vous n'avez pas su néanmoins prendre le recul nécessaire et n'avez pas su calmer cette conversation agressive, ni fait le choix d'aller chercher un supérieur afin d'apaiser et régler le différend. Au contraire vous avez fait preuve d'une ardeur inappropriée en vous rapprochant de lui de façon anormale, envenimant ainsi la situation. Votre geste n'a fait qu'accentuer la tension déjà existante.

Vous avez su cependant faire preuve de sang froid face à la violence physique de la réaction de M. [J] en ne rentrant pas dans son jeu.

Nous ne pouvons pas accepter que des salariés aient des comportements agressifs envers leurs collègues de travail.

Nous vous rappelons que l'article 9 de notre règlement intérieur prévoit que 'Chaque salarié doit respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de savoir-être en collectivité. Toute rixe, injure, insulte, comportement agressif, incivilité est interdit dans l'entreprise.

Dans ce cadre, il est notamment interdit de manquer de respect aux clients, aux visiteurs, aux supérieurs hiérarchiques et aux collègues de travail'.

Force est de constater que vous n'avez pas respecté ces consignes, pourtant connues de tous.

L'ensemble des faits évoqués sont donc clairement incompatibles avec les règles de l'entreprise.

Nous accordons en effet une attention toute particulière au respect de chacun de nos collaborateurs et ne pouvons que déplorer votre attitude agressive. En tant qu'employeur, nous avons une obligation de sécurité de résultat envers nos collaborateurs, nous nous devons donc de faire respecter une certaine discipline dans l'entreprise et de sanctionner les comportements agressifs.

Au regard de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions une mise à pied disciplinaire d'une durée de 4 jours.

Nous vous informerons par courrier ultérieur des dates d'exécution de cette sanction'.

Par lettre recommandée du 17 septembre 2019 avec avis de réception, l'employeur l'a avisé de la date de la mise à pied : du 7 au 10 octobre 2019.

M. [B] a été placé en arrêt de travail du 25 octobre 2019 au 25 janvier 2020 pour accident du travail mais le 17 février 2020, la CPAM rejette le caractère professionnel de l'arrêt.

Contestant l'avertissement du 29 août 2018 et la mise à pied du 6 août 2019, M. [B] a saisi par requête enregistrée le 26 décembre 2019 le conseil de prud'hommes d'Agen en sollicitant la condamnation de son employeur à lui payer les sommes de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanctions prononcées abusivement, 1 500 euros au titre du préjudice moral, 311,68 euros au titre du salaire indûment retenu durant la mise à pied, 2 500 euros au titre de la prime sur salaire de novembre 2019, 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.

Par courrier daté du 19 mai 2020, M. [B] a démissionné de ses fonctions en invoquant des faits de harcèlement.

Par écritures déposées à l'audience du 9 novembre 2020, M. [B] a complété ses demandes en sollicitant la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et les indemnités rattachées à un tel licenciement.

Par jugement du 25 janvier 2021, le conseil de prud'hommes d'Agen a :

- déclaré irrecevables les demandes supplémentaires ne figurant pas dans sa requête introductive soit la requalification de sa démission en prise d'acte portant effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, harcèlement moral et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et harcèlement moral ;

- invité le demandeur à saisir une autre juridiction en ce qui concerne les réparations de son préjudice physique lié l'accident du travail du 19 juillet 2019 ;

- débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes portant sur :

- l'annulation des sanctions du 29 août 2018 et 6 août 2019

- le paiement des salaires pendant la mise à pied du mois d'octobre

- les dommages et intérêts pour l'annulation des sanctions

- la demande au titre des frais irrépétibles de procédure

- débouté la société STEF Transports [Localité 3] SAS de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [B] aux dépens.

Dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées et par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 25 février 2021, M. [B] a relevé appel limité du jugement, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes relatives à l'annulation des sanctions du 29 août 2018 et 6 août 2019, au paiement des salaires pendant la mise à pied disciplinaire, au payement de dommages et intérêts pour l'annulation des sanctions et pour préjudice moral résultant de ces sanctions, en payement d'une indemnité de procédure, et en ce qu'il l'a condamné aux entiers dépens de première instance.

La clôture de la procédure de mise en état a été ordonnée le 3 février 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience de la Cour du 1er mars 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

I. Moyens et prétentions de M. [B], appelant principal

Par dernières conclusions d'appelant enregistrées au greffe le 27 janvier 2022 expressément visées pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. [B] demande à la Cour :

1°) d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de ses demandes relatives à l'annulation des sanctions du 29 août 2018 et 6 août 2019, au paiement des salaires pendant la mise à pied disciplinaire, au payement de dommages et intérêts pour l'annulation des sanctions et pour préjudice moral résultant de ces sanctions, en payement d'une indemnité de procédure, et en ce qu'il l'a condamné aux entiers dépens de première instance

2°) Statuant à nouveau, d'annuler les sanctions disciplinaires notifiées par la société STEF Transport [Localité 3] les 29 août 2018 et 06 août 2019 et de condamner celle-ci à lui verser les sommes de 5 000.00 euros en réparation du préjudice moral subi et de 311.68 euros bruts correspondant aux salaires retenus durant la mise à pied disciplinaire en faisant valoir :

- que son absence du 13 août 2019, ayant donné lieu à l'avertissement du 29 août 2018, est justifiée par la force majeure ' qu'il a prévenu son employeur deux heures au moins avant l'embauche et conteste la désorganisation du service ;

- qu'il sollicite en ce sens application de l'article 15 de la convention collective applicable pour absence dite 'régulière', l'annulation, au dernier moment, du co-voiturage prévu depuis [Localité 4] pour rentrer à [Localité 3], étant à l'origine de son impossibilité de rejoindre son poste le 29 août ;

- que la mise à pied disciplinaire du 6 août 2019 est injustifiée, dès lors qu'il s'est interposé au cours d'une altercation entre deux collègues, qu'il a été victime des violences exercées par M. [J], qui a été déclaré coupable des violences et a accepté la mesure de composition pénale et le stage de citoyenneté proposé par le ministère public ;

- que la lecture de l'ordonnance de validation de la composition pénale démontre que M. [J] est effectivement l'auteur des violences ;

- que M. [O] a attesté du déroulement des faits et de son intervention pour tempérer les protagonistes et que l'accident du travail a été reconnu par la CPAM ;

- qu'il s'agit en fait d'une manoeuvre de l'employeur qui cherchait à se défaire de lui comme en attestent M. [K] et M. [Y] ;

- qu'il a subi un préjudice moral en étant placé en arrêt de travail du 28 février 2020 au 24 mai 2020 pour troubles anxieux, que deux médecins, le docteur [Z] et le docteur [T], ont constaté un syndrome d'épuisement professionnel ainsi que sa compagne Mme [X] qui en atteste.

3°) de condamner la société STEF Transport [Localité 3] aux entiers dépens et à lui verser 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

II. Moyens et prétentions de la société STEF TRANSPORT [Localité 3], intimée principale

Par dernières conclusions enregistrées au greffe le 1er février 2022, expressément visées pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société STEF Transport [Localité 3] demande à la cour de confirmer, dans les limites de l'appel, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Agen le 25 janvier 2021 et de condamner M. [B] aux entiers dépens et au payement d'une indemnité de procédure de 1000 euros en exposant :

- que les deux sanctions disciplinaires sont parfaitement justifiées ;

- que M. [B] ne justifie ni d'avoir averti son employeur de son absence du 13 août 2018, ni de de l'annulation du co-voiturage, qui au surplus ne présente pas les caractères de la force majeure, ni de ses recherches pour trouver un autre moyen de transport ;

- que son absence a désorganisé le service de l'entreprise ;

- que M. [B] a reconnu le déroulement des faits qui sont à l'origine de la mise à pied disciplinaire, retranscrit dans le procès verbal produit et confirmé par la video surveillance ;

- que l'intervention du salarié, qui a aggravé la situation, justifie la sanction prononcée, le fait que M. [J] ait reconnu s'être rendu coupable de violences à son encontre dans le cadre de la procédure ayant abouti à la composition pénale n'est pas incompatible avec le maintien d'une sanction disciplinaire ;

- que la mise à exécution de la sanction n'est pas tardive car aucune disposition n'impose un délai et qu'en l'espèce elle a du être différée en raison de l'arrêt de travail du salarié ;

- que son objectif n'était nullement de voir le salarié quitter l'entreprise, les attestations produites n'étant pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile et étant dépourvues de valeur probante ;

- que les demandes indemnitaires ne sont pas fondées, puisque les sanctions sont justifiées, et que de plus le lien entre les sanctions disciplinaires et le préjudice moral allégué n'est absolument pas démontré ;

MOTIVATION DE L'ARRÊT

A titre liminaire il convient de relever que les dispositions du jugement entrepris déclarant irrecevables les demandes supplémentaires relatives à la requalification de sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au harcèlement moral et aux dommages et intérêts afférents ne sont pas visées par la déclaration d'appel et ne font pas non plus l'objet d'un appel incident.

Dès lors la Cour n'en est pas saisie.

I. SUR L'AVERTISSEMENT

L'article 1331-1 du code du travail dispose que : 'Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.'

Pour confirmer le rejet de la demande d'annulation de l'avertissement délivré le 29 août 2018, il suffira de relever :

- que, contrairement à ce qu'a soutenu l'appelant et qu'ont retenu les premiers juges, M. [B] n'établit pas avoir informé son employeur de son absence, le courrier de l'employeur du 19 septembre 2018 ne contenant nullement reconnaissance par l'employeur d'avoir reçu une telle information, celui-ci ayant simplement repris dans la formule 'vous m'indiqué(sic) avoir été immobilisé à [Localité 4] par manque de transport le lundi 13 août et avoir prévenu l'entreprise à 11 heures pour une embauche à 13h00" les explications fournies par le salarié dans son courrier recommandé de contestation de la sanction disciplinaire adressé le 17 septembre 2018 à l'employeur ;

- que M. [B] ne justifie pas davantage de la réalité du motif invoqué et ne produit pas la moindre pièce pour établir qu'il avait prévu un covoiturage sur le site intrenet de Blablacar pour se rendre de [Localité 4] à [Localité 3] le 13 août 2018, respectivement pour démontrer que le co-voiturage a été annulé au dernier moment ;

- que dès lors que le fait prétendument justificatif n'est pas établi dans sa matérialité, M. [B] ne peut utilement soutenir qu'il présenterait les caractéristiques de la force majeure ;

- qu'une absence non autorisée, non portée à la connaissance de l'employeur en temps utile et non justifiée même à posteriori, constitue un manquement du salarié à ses obligations contractuelles ;

- que la sanction prononcée apparaît proportionnée à la faute commise.

II. SUR LA MISE À PIED DISCIPLINAIRE

La mise à pied disciplinaire est une mesure de suspension temporaire du contrat de travail. Elle fait cesser pendant sa durée l'obligation de payer le salaire et corrélativement l'obligation de fournir le travail.

Aux termes de la lettre de notification de la sanction disciplinaire et de ses écritures, la société STEF Transports [Localité 3] a mis à pied disciplinairement M. [B] pour 'avoir parlé trop séchement à M. [J]', et pour avoir 'approché sa tête trop près de celle de M. [J]'.

Force est de constater tout d'abord qu'il s'agit là d'allégations qui sont contestées par M. [B] et que strictement rien ne vient confirmer, notamment pas l'attestation de M. [O] qui indique n'avoir pas entendu la conversation, mais évoque seulement un mouvement de tête de M. [B] en direction de M. [J], l'imprécision de cette formule ne permettant pas de caractériser un mouvement agressif de M. [B]. Par ailleurs aucun mouvement de cette nature n'est perceptible sur la vidéo du système de surveillance prise au moment des faits, produite par l'employeur et visionnée par la Cour, qui met au contraire en évidence que jusqu'au moment oû il a été frappé par M. [J] et que des collègues sont intervenus pour maitriser celui-ci et l'éloigner, M. [B] était resté sur son autoporté et qu'à aucun moment il n'a agrippé M. [J], ni ne lui a porté un coup.

En outre la plainte déposée par M.[B] contre M. [J] a abouti à la condamnation de ce dernier pour violences ayant entraîné une incapcité de travail de 4 jours.

C'est ensuite non seulement de manière gratuite que l'employeur affirme que l'intervention de M. [B] a envenimé la situation, mais également de manière totalement contradictoire, puisqu'il a précisément indiqué dans la lettre de notification de la mise à pied que M. [B] 'a joué son rôle de brigadier remplaçant en récupérant l'agent de quai qui n'était pas à la tâche souhaitée'.

C'est enfin vainement que la sociérté STEF Transports [Localité 3] cherche encore à justifier la sanction prononcée par le fait que M. [B] n'a pas su calmer une conversation agressive et n'a pas cherché un supérieur hiérarchique, sans même se donner la peine d'expliquer en quoi de tels comportements, qui ne contreviennent à aucune obligation contractuelle, à aucun réglement intérieur, à aucune obligation légale, seraient constitutifs d'une faute pouvant légitimer une quelconque sanction disciplinaire.

Au vu de l'ensemble de ces éléments qui mettent en évidence l'absence d'une quelconque faute de M. [B], il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris, d'annuler la mise à pied disciplinaire prononcée et par voie de conséquence de condamner la société STEF Transports [Localité 3] à payer à M. [B] le salaire indûment retenu durant les 4 jours de mise à pied, soit la somme non discutée dans son montant de 311, 68 euros bruts.

Par ailleurs, l'imputation à M. [B] d'une faute imaginaire sanctionnée d'une mesure de mise à pied qui par sa nature a été connue de l'ensemble des collègues de celui-ci, a causé à l'appelant un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 2500 euros.

III. SUR LES FRAIS NON-RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS

La société STEF Transports [Localité 3], dont la succombance est dominante, sera déboutée de sa demande en payement d'une indemnité de procédure et condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité justifie l'allocation à M. [B] d'une indemnité de procédure de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions déboutant M. [B] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 29 août 2019 ;

INFIRME, dans les limites de la saisine de la cour, le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

statuant à nouveau des chefs infirmés,

PRONONCE l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 6 août 2019 ;

CONDAMNE la société STEF Transports [Localité 3] à payer à M. [B] les sommes de :

- 311, 68 euros bruts au titre du salaire indûment retenu durant la période de mise à pied disciplinaire ;

- 2500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

y ajoutant ;

DÉBOUTE la société STEF Transports [Localité 3] de sa demande en payement d'une indemnité de procédure ;

CONDAMNE la société STEF Transports [Localité 3] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00185
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;21.00185 ?
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