ARRÊT DU
05 JUILLET 2022
NE/CO**
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N° RG 21/00114 -
N° Portalis DBVO-V-B7F-C3KE
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SARL SECURITE PREVENTION PROTECTION (SPP)
C/
[R] [G]
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 80 /2022
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le cinq juillet deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
La SARL SÉCURITÉ PRÉVENTION PROTECTION (SPP) prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Guy NARRAN, avocat postulant inscrit au barreau D'AGEN et par Me Frédéric COIFFE, avocat plaidant inscrit au barreau de PERIGUEUX
APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - formation paritaire d'AGEN en date du 19 janvier 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00031
d'une part,
ET :
[R] [G]
né le 06 mai 1970 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 7]
[Localité 3]
Représenté par Me Charlotte DE BASTOS VALENTE, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Emilie GRELLETY, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 08 février 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre et Nelly EMIN, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier, les parties ayant été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 03 mai 2022, lequel délibéré a été prorogé ce jour par mise à disposition. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société SÉCURITÉ PRÉVENTION PROTECTION (ci-après SPP) spécialisée dans les activités de protection et de sécurité a embauché Monsieur [R] [G] par contrat à durée déterminée du 6 au 28 février, puis du 20 au 27 mars et enfin du 4 au 25 avril 2016, avant de l'embaucher par contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er juin 2016, avec reprise d'ancienneté au 4 avril 2016, en qualité d'agent de sécurité et de prévention SSIAP, niveau 2, afin d'intervenir sur différents sites.
À compter du 1er août 2016 [R] [G] a été affecté notamment au centre hospitalier de [Localité 5] ainsi qu'à Isigeac. Puis à compter du 1er septembre 2016 il a été affecté à temps complet en qualité d'agent de prévention et de sécurité, niveau SSIAP 2, au Centre hospitalier de [Localité 5].
Par message électronique du 9 juillet 2018, faisant référence à un entretien téléphonique antérieur relatif à la réclamation par le salarié du payement d'heures supplémentaires, Madame [U], responsable des relations humaines au sein de l'entreprise, a informé [R] [G] du virement d'une somme de 1000 € à titre d'acompte sur les sommes dues à ce titre en l'invitant a attendre une régularisation à intervenir.
Considérant que les rectifications nécessaires n'avaient pas été faites, [R] [G] a invité son employeur par courrier du 6 août 2018 à régulariser la situation sous 10 jours.
Par message électronique du 7 août Madame [U] lui a répondu qu'elle s'en occupait mais qu'elle était surchargée et qu'elle reviendrait vers lui lorsqu'elle aurait eu le temps de reprendre l'ensemble de la situation.
Le 23 novembre 2018, Me [E], avocate mandatée par [R] [G], a adressé à l'employeur un courrier mentionnant qu'un nombre important d'heures supplémentaires n'avaient pas été réglées, réclamant des informations sur la prime d'habillage et la majoration pour heures de nuit et travail le dimanche.
Par courrier du 3 décembre 2018 la société SPP a répondu au conseil de [R] [G] qu'elle cherchait à rencontrer celui-ci depuis plusieurs mois pour calculer les sommes lui restant dues, qu'elle restait dans l'attente de la transmission par celui-ci du relevé qu'il avait reçu de la CPAM à la suite de son accident du travail, qu'elle régulariserait la situation avec la paie de décembre.
Le 24 décembre 2018 la société SPP a reçu du directeur adjoint du centre hospitalier de [Localité 5] un message électronique intitulé « courrier de signalement et de défaillance » ainsi rédigé « je vous adresse en pièce jointe une lettre demandant de ne plus affecter un agent SSIAP 2 de votre entreprise au centre hospitalier de [Localité 5], suite à un non-respect des missions définies dans le cahier des charges du marché n°2016/006 (refus de faire des rondes)...».
Par un second courrier du 7 janvier 2019, adressé au conseil de Monsieur [R] [G], la société SPP a annoncé la régularisation des paiements des heures supplémentaires à hauteur de 1997,33 euros bruts et a indiqué à celui-ci qu'un salarié ne pouvait se faire justice à lui-même en refusant d'exécuter les missions auxquelles il était contractuellement astreint et que ce comportement l'exposait à un licenciement pour faute. Elle a précisé dans ce courrier que dans un souci d'apaisement, elle proposait à [R] [G] de travailler à proximité de [Localité 4] ou de [Localité 9] et qu'à défaut d'acceptation de sa part, il y aurait lieu de trouver une issue dans le cadre d'une rupture conventionnelle.
Le 10 janvier 2019, [R] [G] rejetait les propositions de travail à [Localité 4] et à [Localité 9] faites par l'employeur.
Par courrier du 23 janvier 2019 la société SPP a convoqué [R] [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 4 février 2019.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 18 février 2019 la Sarl SPP a notifié à [R] [G] son licenciement pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :
« (...)
Nous faisons suite à notre entretien du 4 février, et sommes au regret par la présente de devoir vous notifier votre licenciement.
Vous avez été affecté sur le site du centre hospitalier de [Localité 5] sur lequel vous aviez en charge, notamment de procéder à un contrôle visuel et aux vérifications des différents éléments et en particulier du SSI, de réaliser les rondes définies, en rédigeant s'il y a lieu un rapport au sujet des anomalies constatées, de gérer les alarmes et les pannes constatées sur les installations techniques surveillées, et à intervenir sur les systèmes anti- intrusion de l'hôpital, ainsi qu'à la suite de tous problèmes sur la sécurité incendie ou la sécurité des biens et des personnes.
Or, le 21 décembre, le directeur du centre hospitalier de [Localité 5] nous a contacté afin de nous préciser que vous ne vouliez plus exécuter les rondes obligatoires de sorte qu'il était contraint de nous demander de ne plus vous affecter sur son centre. Il semblerait, bien que nous n'en ayons pas eu confirmation, que vous ayez à cette occasion invoquer un litige qui nous opposait.
Par la suite, et par courrier recommandé AR réceptionné le 24 décembre, le directeur du centre hospitalier nous a confirmé sa position, visant directement vos défaillances personnelles comme étant à l'origine de sa demande. Il s'appuyait sur une signalisation du responsable du service de sécurité incendie en date du 20 décembre selon laquelle vous refusiez d'exécuter vos rondes au prétexte que cela n'était pas votre rôle.
Quel que puisse être le motif invoqué, en aucune manière vous n'étiez autorisé à refuser d'exécuter votre prestation de travail. En effet, les rondes constituent un élément essentiel de la prestation de sécurité dont vous aviez personnellement la charge.
Maintenant, et comme annoncé à votre conseil, dans un souci d'apaisement, nous vous avons proposé le 7 janvier d'être rattaché, soit sur notre site des tours Incite de [Localité 4], soit au centre militaire [6] de [Localité 9], précision faite que dans l'hypothèse où vous refuseriez l'une ou l'autre de nos propositions, et sauf à convenir de la rupture conventionnelle de votre contrat de travail, nous nous réservions de tirer les conséquences disciplinaires de votre refus d'effectuer la totalité de vos fonctions au centre hospitalier de [Localité 5].
Il faut savoir dans ce cadre que nous avons reçu par la suite de la part du centre hospitalier de [Localité 5] une fiche d'événements indésirables dont il ressort qu'une aide-soignante a déclaré le 7 janvier avoir relevé plusieurs problèmes avec vous dans la mesure où elle avait relevé que vous ne vous étiez pas positionnés au IS2 et au MR 3, restant la nuit dans la tisanerie.
Le week-end au cours duquel vous avez annoncé votre refus de faire des rondes, elle a relevé votre humeur très euphorique, relevant que le personnel de nuit aurait constaté votre haleine alcoolisée sachant que le même jour, l'agent du bionettoyage vous aurait surpris en train de prendre du pain dans la panière du IS2 sans rien demander à personne.
De votre côté le 10 janvier 2019 vous avez expressément refusé nos deux propositions.
En conséquence, vous vous êtes volontairement placé dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de votre contrat de travail et la proposition de rupture conventionnelle du contrat de travail est restée sans réponse.
Aussi, et en considération des événements s'étant produit au sein du centre hospitalier de [Localité 5], nous vous avons convoqué à l'entretien qui s'est tenu le 4 février dernier.
Au cours de celui-ci, vous n'avez pas contesté les faits et vous n'avez avancé aucun argument pour tenter de justifier votre position.
Cette posture n'a pas été sans nous surprendre, dans la mesure où en votre qualité d'agent de sécurité, il est incompréhensible que vous puissiez assumer de ne pas avoir respecté les régles essentielles de préservation de la sécurité des biens et des personnes, au point que nous en sommes arrivés à la conclusion que vous étiez prêts à réitérer si bon vous semble.
Nous relevons également que vous n'avez pas contesté les accusations portées contre vous par l'aide-soignante.
C'est pourquoi, et en conséquence des événements qui se sont produits, nous sommes contraints aujourd'hui de prononcer votre licenciement.
Celui-ci sera effectif au terme de votre préavis de deux mois dont vous êtes dispensés d'exécution.
(...) ».
Par requête déposée au greffe le 28 mars 2019, [R] [G] a saisi le conseil des prud'hommes d'Agen pour solliciter dans le dernier état de ses prétentions des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.
Par jugement en date du 19 janvier 2021, expressément visé pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil des prud'hommes d'Agen a dit et jugé que le licenciement de [R] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société SPP, outre aux dépens, à lui verser les sommes de 6 370 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement, de 302,98 euros à titre de solde de congés payés, de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée au greffe de la 9 février 2021, la société SPP à relevé appel de l'ensemble des dispositions de ce jugement, expressément énumérées dans ladite déclaration.
La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 2 décembre 2021 et l'affaire fixée à l'audience du 8 février 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
I. Moyens et prétentions de la société SPP, appelente principale et intimée sur appel incident
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 29 octobre 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante principale, la société SPP conclut à la réformation de l'ensemble des dispositions du jugement entrepris et demande à la cour :
1°) de débouter [R] [G] de sa demande en reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande corrélative en paiement de dommages-intérêts en faisant valoir :
- que la décision du conseil des prud'hommes est difficilement compréhensible dès lors que celui-ci s'est interrogé sur des points que personne n'avait contesté et qu'il est allé au-delà des affirmations et des écritures des parties ;
- qu'il a été plus particulièrement reproché au salarié de ne plus accomplir à compter de la nuit du 7 au 8 décembre les rondes de sécurité obligatoire, celui-ci se contentant de réaliser la ronde de fermeture de l'établissement ;
- que le marché prévoyait expressément que des rondes devaient être réalisées au sein de l'hôpital selon un parcours variable en considération du risque incendie engendré par l'activité ;
- que la preuve de l'absence de rondes régulières résulte du message adressé à l'employeur par la direction du centre hospitalier de [Localité 5] le 24 décembre 2018 ;
- que les fonctions essentielles d'un agent de sécurité incendie et assistance à personne sont de réaliser toutes les rondes de sécurité nécessaires à la préservation du site et que le fait pour un agent de surveillance de ne pas effectuer les rondes prévues constitue un motif de licenciement ;
- que quelle que soit sa motivation et l'éventuel bien-fondé de ses réclamations, Monsieur [R] [G] ne pouvait refuser d'exécuter l'une de ses missions fondamentales, ce refus constituant un manquement grave aux impératifs de sécurité auxquels il devait veiller ;
- que le second motif de licenciement est établi par la fiche d'événements indésirables du 7 janvier 2019 dans laquelle Madame [Z] [M], aide-soignante, a relevé trois griefs, l'absence de positionnement de [R] [G] au lieu convenu, la constatation d'une haleine alcoolisée lors d'un week-end de décembre et le vol d'un demi-pain dans une panière, manquements justifiant aussi le licenciement prononcé ;
- que c'est vainement que [R] [G] soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir exécuté ses rondes le 21 décembre puisqu'il ne travaillait pas ce jour-là ,dès lors que la lettre de licenciement ne concerne pas des faits constatés le 21 décembre 2018 et ne vise pas un jour en particulier, mais un comportement général à partir du 7 décembre 2019 ;
- subsidiairement, que la demande en paiement d'une indemnité de 11'259,66 euros n'est pas fondée, non seulement du fait que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse mais d'une part, parce que le salaire pris pour référence par le salarié est erroné et doit être ramené à 1871,95 euros, d'autre part, parceque, en application de l'article L.1235-3 du code du travail [R] [G] ne peut obtenir qu'une indemnité comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire brut ;
2°) de débouter [R] [G] de sa demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en exposant :
- que [R] [G] n'explique pas en quoi il se serait vu attribuer un coefficient inférieur à celui contractualisé ;
- que c'est vainement que celui-ci soutient que l'exécution déloyale du contrat de travail résulte du fait qu'il n'a pas été réglé de la totalité de ces heures supplémentaires en temps utile dès lors qu'elle a cherché vainement à le rencontrer pour procéder à une analyse contradictoire des heures supplémentaires accomplies par ce dernier et qu'en raison de sa carence elle a du les évaluer seule et les a régularisé, comme en atteste le bulletin de paye du mois de décembre 2018, régularisation qui n'est pas contestée par le salarié ;
- que si [R] [G] s'était rendu disponible, le problème aurait été réglé beaucoup plus rapidement et qu'il ne peut arguer d'une quelconque mauvaise foi de son employeur ;
- qu'au surplus [R] [G] ne justifie d'aucune manière le préjudice dont il réclame réparation ;
3°) de débouter [R] [G] de sa demande en payement d'un solde au titre de ses droits à congés payés en exposant :
- qu'elle reconnaît devoir à [R] [G] un complément au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de 1350,68 euros bruts, somme qui a été réglée au salarié ;
- que le solde des repos compensateurs, s'élevant à 3,69 heures et non à 3,69 jours comme l'a retenu à tort le conseil des prud'hommes, le solde a été réglé à [R] [G] avec la paye du mois de février 2019, à hauteur de 43,28 euros bruts ;
4°) de débouter [R] [G] de ses autres demandes et de le condamner aux dépens et au payement d'une indemnité de procédure de 1500 euros au titre des frais non répétitibles exposés en première instance et de 1500 euros au titre des frais non répétitibles exposés à hauteur d'appel.
II. Moyens et prétentions de Monsieur [R] [G], intimé sur appel principal et appelant incident
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 2 août 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de [R] [G], intimé sur appel principal et appelant incident, celui-ci conclut à la confirmation du jugement entrepris dans son principe mais à son infirmation quand aux montants alloués et à la condamnation de l'appelante principale aux entiers dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 2500 euros, en faisant valoir :
1°) qu'outre le caractère risible de plusieurs griefs, il apparaît que certains sont irrecevables dès lors qu'à l'exception du refus d'effectuer des rondes, aucun des autres griefs n'a été abordé avec le salarié lors de l'entretien préalable du 4 février 2019 ;
- qu'il n'a pas manqué de souligner cette irrégularité auprès de son employeur par courrier circonstancié du 28 février 2019 ;
- que c'est vainement qu'il lui est reproché de s'être refusé à effectuer ses rondes dès lors que ce refus n'est pas établi, les faits dénoncés n'étant ni datés, ni justifiés ;
- qu'à la date des faits qu'on lui impute, il ne travaillait pas, que ce premier grief est inventé de toute pièce, et en tout cas est au moins totalement infondé ;
- qu'en soutenant, pour ajustement de cause, que la lettre de licenciement ne vise pas un jour particulier, mais un comportement, l'employeur reconnaît qu'en réalité la lettre de licenciement est imprécise, ce qui rend le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- que c'est vainement que l'employeur soutient qu'il s'agirait d'une mission inhérente aux agents de sécurité de niveau SSIAP 2 dès lors que l'article 2 de l'arrêté du 2 mai 2005 relatif aux missions du personnel permanent des services de sécurité incendie des établissements recevant du public et des immeubles de grande hauteur ne prévoit pas que les chefs d'équipe doivent assurer des rondes, dont l'exécution incombe seulement aux agents de services de sécurité placés sous leurs ordres ;
- que c'est tout aussi vainement que l'employeur invoque la fiche d'événements indésirables du 7 janvier 2019 rédigé par Madame [M], aide-soignante, qui ne fait que relater des choses qui lui auraient été dites, en utilisant de surcroît le conditionnel ;
- qu'en réalité l'employeur n'a pas apprécié de recevoir un courrier du conseil du salarié le menaçant d'un contentieux pour obtenir le règlement de ses heures supplémentaires et que la procédure disciplinaire n'est qu'une mesure de représailles ;
2°) qu'à la date de son licenciement, il cumulait une ancienneté de trois années, avait un enfant à charge et était âgé de 49 ans, circonstances rendant difficile la possibilité de retrouver rapidement un emploi pérenne ;
- que ses allocations-chômage de l'ordre de 1100 euros pour un mois étaient d'un montant bien inférieur à sa rémunération ;
- qu'il y a lieu d'écarter l'article L.1235-3 du code du travail et de procéder à une appréciation in concreto du préjudice et de lui allouer une juste indemnité de 11'259,66 euros correspondant à six mois de salaire ;
3°) qu'il lui reste dû un solde de congés payés, l'employeur ayant chiffré celui-ci sur la base de 5,83 heures de travail par jour alors qu'il y a lieu de retenir sept heures de travail par jour ;
4°) que l'employeur a très gravement manqué à ses obligations contractuelles en lui attribuant lors de la conclusion du contrat à durée indéterminée un coefficient inférieur à celui contractualisé auparavant, et en ne lui réglant que tardivement ses heures supplémentaires ;
- qu'en effet lorsqu'il travaillait dans le cadre de contrats à durée déterminée il y a toujours été embauché comme chef de poste sécurité au coefficient 150 alors que lorsque la relation de travail a été pérennisée en CDI il a été embauché en qualité d'agent de sécurité de prévention coefficient 140 ;
- que c'est quelques mois après son embauche en contrat à durée indéterminée qu'il s'est rendu compte que le temps de travail effectué dépassait les 35 heures par semaine sans que l'intégralité de ces heures supplémentaires ne lui soit payée et que ce n'est que tardivement, au mois de décembre 2018, que de la somme de 1997,33 euros lui a été versée au titre des heures supplémentaires réalisées en 2016 et 2017 ;
- que de surcroît lorsqu'il s'est présenté chez son employeur pour récupérer ses documents de fin de contrat, celui-ci a refusé de les lui remettre parce qu'il ne voulait pas signer le reçu pour solde de tout compte, ce qui était parfaitement son droit.
MOTIVATION DE L'ARRÊT
I. SUR L'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL
A. Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
L'article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Cette disposition recouvre un devoir de loyauté dans l'exécution du contrat. Dès lors que la bonne foi est présumée, c'est à celui qui entend la contester de rapporter la preuve d'un comportement déloyal de l'autre partie dans l'exécution du contrat de travail.
En l'espèce, M. [G] soutient que la mauvaise foi de l'employeur est caractérisée par le fait qu'alors que dans le cadre des contrats à durée déterminée, il avait été embauché en qualité de chef de poste, il a été embauché à un niveau de classification inférieur lors de la conclusion du contrat à durée indéterminée.
Pour écarter cette argumentation, il suffira de rappeler que si M. [G] avait effectué plusieurs contrats à durée déterminée de remplacement en qualité de chef de poste, il n'avait aucun droit acquis au maintien de cette qualification lors de la conclusion du contrat à durée indéterminée, dont les conditions sont le fruit de la négociation intervenue entre les parties avant sa conclusion, ce qui explique d'ailleurs qu'il ne revendique pas la reclassification de son emploi à ce niveau dès l'origine.
M. [G] invoque ensuite tout aussi vainement les erreurs commises par l'employeur lors den l'établissement des documents de fin de contrat, dès lors qu'il n'établit pas que ces erreurs, pour aussi regrettables qu'elles aient pu être, procéderaient d'une volonté délibérée de l'employeur.
Par contre il apparaît que les retards de l'employeur pour procéder au réglement des heures supplémentaires, qui n'est intervenu, après plusieurs réclamations et mises en demeure, qu'en juillet 2018 pour partie (1000 euros) et en décembre 2018 pour le solde de 1997,33 euros, soit avec près de 15 mois de réflexion !!, traduisent une exécution déloyale du contrat de travail.
En effet, les explications fournies par l'employeur pour tenter d'écarter ce grief, tenant à la prétendue carence du salarié à lui fournir des rensignements , ne peuvent justifier ce manquement à l'une de ses obligations essentielles qui est de rémunérer au fur et à mesure de son exécution le travail fourni par le salarié.
Ce manquement a causé à M. [G] un préjudice financier dans la mesure où le retard de payement a été supérieur à une année et qu'il a été contraint de recourir à l'assistance d'un avocat - Me [S] - pour obtenir enfin le règlement de son dû, et donc de rémunérer cet avocat.
Ce préjudice a été justement évalué par les premiers juges, dont la décision prononçant condamnation de SPP à payer une indemnité de 1000 euros sera confirmée.
B. Sur le solde des congés payés
Les premiers juges ont condamné SPP à payer à M. [G] une indemnité compensatrice de repos compensateurs non-pris d'un montant de 302,98 euros bruts.
M. [G] demande à la cour de réformer le jugement et de porter le solde restant dû au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés à la somme de 310,54 euros bruts.
Cette demande est justifiée dès lors que l'indemnité de 1350,68 euros brut versée par l'employeur a été calculée sur la base d'un horaire journalier de 5,83 heures, alors que le salarié travaillant 151,67 heures par mois c'est un horaire journalier de 7 heures qui doit servir à l'évaluation de l'indemnité de congés payés, aboutissant en application des articles L.3141-21 et suivants, à une indemnité de 1661, 22 euros, soit un solde de (1 661,22 - 1350,68 =) 310,54 euros.
II. SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
A. Sur le licenciement
Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du Code du Travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche à [R] [G], d'une part, d'avoir refusé d'exécuter les rondes obligatoires, d'autre part, d'avoir été surpris en train de prendre du pain dans une panière le soir où le personnel de nuit avait constaté son haleine alcoolisée et son humeur très euphorique.
S'agissant du second grief, il suffira pour l'écarter de relever que l'employeur le justifie par la production d'une ' fiche d'évènements indésirables' rédigée par Mme [Z] [M] dont la simple lecture met en évidence que celle-ci - qui utilise d'ailleurs le conditionnel - n'a fait que relater des faits auxquels elle n'a pas assisté et qui lui ont rapporté par des personnes dont l'identité n'est même pas indiquée, que dès lors cette pièce est dépourvue de toute valeur probante et que l'employeur ne rapporte par aucun autre moyen pas la preuve des manquements imputés au salarié, qui les conteste énergiquement, les multiples attestations de MM. [W] et [C], qui ne font état d'aucun fait que ceux-ci auraient constatés personellement, étant également dépourvus de toute valeur probante.
Le grief tiré du prétendu refus de M. [R] [G] d'exécuter les rondes obligatoires n'est pas davantage établi et ne peut donc pas non plus constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En effet, aucune des pièces produites (et notamment pas le CCTP conclu entre SPP et le centre Hospitalier de [Localité 5]) ne détermine la fréquence et le nombre des rondes à effectuer, dont il est simplement mentionné dans un document produit par l'employeur qu'elles doivent être effectuées selon un parcours variable et selon les nécessités de service, et être consignées sur la main courante. Or, ainsi que l'ont justement énoncé les premiers juges, les copies des mains courantes produites concernant 6 nuits entre le 7 et le 17 décembre mentionnent toutes une ronde de [R] [G] lors de la prise de service, d'une durée de 50 minutes environ, ce qui contredit le refus allégué.
Il suffira d'ajouter que si l'employeur est en droit d'expliciter un grief formulé dans la lettre de licenciement, par exemple en détaillant les refus ou manquements du salarié à exécuter les rondes, force est de constater qu'il n'est justifié par aucun document du nombre de rondes obligatoires, qu'il n'est pas davantage justifié - alors que l'employeur est en possession de l'ensemble des mains courantes relatives à la surveillance du centre hospitalier de [Localité 5] à l'époque - du nombre et de la fréquence des rondes effectuées par M. [R] [G] avant le 7 décembre, et notamment pas de ce qu'il effectuait plus d'une ronde par nuit avant cette date.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le refus de [R] [G] d'effectuer les rondes obligatoires n'est pas démontré, de sorte que son licenciement apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse.
A titre surabondant, la Cour observe que les missions des agents de sécurité de niveau SSIAP 2 sont définis par l'article 2 de l'arrêté du 2 mai 2005, qui ne vise pas les rondes, qui incombent aux agents de service placés sous leurs ordres.
B. Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
Aux termes de l'article 1235-3 du code du travail, le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse alors qu'il a au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés et dont la réintégration n'est pas sollicitée, a droit à une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est fixé en fonction de l'ancienneté entre un minimum et un maximum.
C'est vainement que [R] [G] demande à la Cour d'écarter ces dispositions dès lors , d'une part, qu'elles permettent une réparation adéquate et dissuassive et ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 10 de la convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail, d'autre part, que les dispositions de l'article 24 de la Charte Sociale Européenne ne sont pas d'application directe en France dans les litiges entre particuliers.
[R] [G] ayant été embauché avec reprise d'ancienneté au 4 avril 2016 par la société SPP, entreprise employant habituellement plus de 11 salariés, le montant de l'indemnité à laquelle il peut prétendre s'élève, selon les dispositions de l'article précité au minimum à 3 mois et au maximum à 3,5 mois de salaire brut pour une ancienneté de 2 ans et 10 mois.
Compte tenu de l'âge de M. [G], né en mai 1970, de son salaire brut moyen de 1871 euros et de ses difficultés à retrouver un emploi, il apparaît que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce préjudice en le chiffrant à un peu moins de 3,5 mois de salaire brut. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ces dispositions condamnant SPP à verser cette somme à M. [G] à titre de dommages et intérêts.
III. SUR LES DÉPENS ET LES FRAIS NON-RÉPÉTIBLES
SPP, qui succombe ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et devra supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
L'équité justifie l'allocation à M. [G] d'une indemnité de procédure de 2000 euros à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions condamnant la société SPP à payer à M. [G] la somme de 302,98 euros bruts ;
statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE la société SÉCURITÉ PRÉVENTION PROTECTION à payer à M. [G] la somme de 310,54 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;
y ajoutant,
DÉBOUTE la société SÉCURITÉ PRÉVENTION PROTECTION de sa demande en payement d'une indemnité de procédure ;
CONDAMNE la société SÉCURITÉ PRÉVENTION PROTECTION à payer à M. [G] une indemnité de procédure de 2500 euros ;
CONDAMNE la société SÉCURITÉ PRÉVENTION PROTECTION aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT