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14/06/2022 | FRANCE | N°21/00361

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 14 juin 2022, 21/00361


ARRÊT DU

14 JUIN 2022



NE/CO



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N° RG 21/00361 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C4BP

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[O] [M]





C/





S.A.S. VPH



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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 68 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'a

ppel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze juin deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
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ARRÊT DU

14 JUIN 2022

NE/CO

-----------------------

N° RG 21/00361 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C4BP

-----------------------

[O] [M]

C/

S.A.S. VPH

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 68 /2022

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze juin deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

[O] [M]

née le 09 février 1994 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laura CHIAPPINI substituant à l'audience Me Julie CELERIER, avocat inscrit au barreau d'AGEN

APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - formation paritaire d'AGEN en date du 01 Mars 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00149

d'une part,

ET :

La SAS VPH prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Véronique L'HOTE, avocat inscrit au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 12 avril 2022 sans oppostion des parties devant Nelly EMIN, conseiller rapporteur, assisté de Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré rendu compte à la cour composée outre lui-même, de Jean-Yves SEGONNES, conseiller et de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame [O] [M] a été embauchée par la société VPH qui commercialise des cigarettes électroniques et les produits qui y sont associés sous le nom commercial de VAPOR HOME, d'abord par contrat de travail à durée déterminée du 8 janvier au 7 avril 2018, puis par contrat de travail à durée indéterminée à compter de cette date. Elle occupait le poste de gestionnaire administrative, statut employée, niveau I, soumis à la convention collective des commerces de détail non alimentaires.

La société VPH est gérée par deux associés,Madame [U] [I] et Monsieur [T] [B].

A compter du 25 avril 2019, Madame [O] [M] s'est trouvée en arrêt maladie.

Par courrier du 3 juin 2019, elle a dénoncé des faits de harcèlement moral.

Le 22 juillet 2019, suite à une visite médicale de reprise, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise.

Par courrier du 2 août 2019, Madame [O] [M] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé le 13 août suivant.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 août 2019, Madame [O] [M] a été licenciée dans les termes suivants :

« Par avis en date du 22 juillet 2019, après étude de poste le 16 juillet 2019, le médecin du travail a conclu à votre inaptitude définitive à occuper votre emploi de gestionnaire administrative-vendeuse au sein de la société VPH.

Le médecin du travail a indiqué que vous étiez inapte à votre poste de travail.

Il a également précisé que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » et que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans cet emploi.

Ainsi, en application des dispositions de l'article L.1226-2-1 du code du travail nous sommes dispensés de notre obligation de recherche de reclassement en raison de votre état de santé...»

Madame [O] [M] a saisi le conseil des prud'hommes d'Agen le 13 novembre 2019 aux fins notamment de voir requalifier son licenciement en licenciement nul et voir condamner la société VPH à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel, pour exécution déloyale du contrat de travail et du licenciement nul.

Par jugement du 1er mars 2021, le conseil des prud'hommes d'Agen a :

- jugé que le licenciement pour inaptitude physique de Madame [O] [M] n'était pas en causalité avec son emploi au sein de la société VPH,

- débouté Madame [O] [M] de sa demande pour licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Madame [O] [M] du surplus de ses demandes,

- condamné Madame [O] [M], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 700 euros à la société VPH, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 31 mars 2021, Madame [O] [M] a interjeté appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2022 et l'affaire fixée pour plaidoiries à l'audience du 12 avril 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 1er décembre 2021, et auxquelles il est expressément renvoyé pour une parfaite connaissance de la motivation, Madame [O] [M] demande à la cour d' infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Agen en toutes ses dispositions ;

En conséquence :

- requalifier le licenciement notifié le 20 août 2019 en licenciement nul ;

- condamner la société VPH à lui verser les sommes suivantes :

- 5000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel ;

- 2000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 5,28 € au titre du reliquat d'indemnité légale de licenciement ;

- 1980,52 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 198,04 € au titre des congés payés y afférents ;

- 11883,12 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- condamner la société VPH à lui verser une indemnité de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la communication des documents de fin de contrat rectifiés avec la date d'ancienneté au 8 janvier 2018 sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- condamner la société VPH aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :

Concernant le harcèlement moral et sexuel :

- le harcèlement moral et sexuel dont elle a été victime tout au long de sa relation de travail avec la société VPH a pris la forme, de la part de Madame [I] et de Monsieur [B], de pressions, menaces, violences morales et verbales, propos dévalorisants, comportements vexatoires et déstabilisants en lien avec son homosexualité,

- elle a dénoncé des faits bien précis dans son courrier du 3 juin 2019,

- la société VPH n'a pas pris la mesure de la gravité de ses manquements et s'est contentée de nier les faits, se retranchant derrière la proposition d'un contrat à durée indéterminée acceptée, les primes versées, évoquant des relations cordiales reconnaissant toutefois des « plaisanteries ou blagues » dans un « cadre bienveillant »,

- d'anciens salariés de la société VPH, M. [R], Madame [D], Madame [W], ont attesté des mêmes faits et Madame [A] atteste des confidences qu'elle lui a faites,

- Monsieur [J] et Monsieur [X] qui témoignent ont été embauchés postérieurement à son arrêt maladie,

- les autres attestations produites par l'appelante émanant de prétendus clients qui attestent d'une ambiance agréable au sein de la société sont soit fournisseurs, amis, employée d'une autre société dirigée par Monsieur [B], des employées de la compagnies d'assurance de la société ou des clients très occasionnels,

- conséquence directe de ces agissements de harcèlement moral, son état de santé s'est fortement dégradé (vomissements, pertes d'appétit, maux de tête, etc'), elle a été suivie par le Docteur [H], psychiatre, pendant plusieurs mois et s'est vue prescrire des anxiolytiques,

Concernant l'exécution déloyale du contrat de travail :

- elle dénonce ses conditions de travail abusives : absence de pause déjeuner, la boutique restant ouverte le midi, amplitude horaire éprouvante sans jour de repos complet, contrainte d'accepter de revenir pendant ses congés ou durant un arrêt maladie pour une réunion et de prendre les appels tardifs reçus les dimanches ou pendant ses congés,

- elle dénonce également le flicage des salariés par le système de vidéosurveillance mis en place,

- elle était obligée de travailler très régulièrement en boutique, alors qu'elle avait été recrutée en qualité de gestionnaire administrative et ne souhaitait pas faire de la vente, ne se sentant pas à l'aise avec les clients.

Dans ses uniques conclusions reçues au greffe le 26 juillet 2021, et auxquelles il est expressément renvoyé pour une parfaite connaissance de la motivation, la société VPH sollicite de la cour :

- la confirmation du jugement du conseil des prud'hommes d'Agen en ce que :

- il dit que les faits dénoncés par [O] [M] ne constituent pas des faits de harcèlement moral et sexuel ;

- il rejette la demande de nullité du licenciement de la salariée ;

- il rejette la demande de dommages et intérêts de la salariée pour harcèlement moral et pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- il rejette la demande d'indemnité légale de licenciement ;

- il rejette la demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;

- il a condamné [O] [M] à une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence la société VPH demande à la cour de :

- débouter [O] [M] :

- de sa demande de 11883,12 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- de sa demande de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel ;

- de sa demande de 2000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- de sa demande de 5,28 € au titre du reliquat d'indemnité légale de licenciement ;

- de sa demande de 1980,52 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- de sa demande de 198,04 € au titre des congés payés y afférents ;

- de l'intégralité de ses demandes ;

- de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner [O] [M] à lui verser la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner [O] [M] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

Concernant l'absence de harcèlement moral et sexuel :

- la demande d'[O] [M] tendant à faire reconnaître une situation de harcèlement moral et sexuel se fonde uniquement sur des arrêts de travail ordinaires, sans lien avec son emploi et sur des attestations critiquables ne permettant pas de caractériser un quelconque harcèlement,

- [O] [M] prétend être victime de harcèlement tout au long de sa relation de travail avec la société VPH pourtant après avoir travaillé plus de trois mois en contrat de travail à durée déterminée, elle a librement fait le choix de conclure un contrat de travail à durée indéterminée afin de pérenniser ses relations avec la société VPH, ce qui serait un choix étonnant pour un salarié se disant harcelé,

- pendant près de deux ans de relation contractuelle, elle n'a jamais signalé à ses collègues ou sa hiérarchie le moindre agissement fautif de la part de [U] [I] et [T] [B],

- [O] [M], parfaitement consciente qu'aucune situation de harcèlement moral et sexuel ne peut être caractérisée à son encontre, tente de se greffer à la situation d'[L] [W] et au jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'Agen le 14 décembre 2020 dont elle a interjeté appel,

- en aucun cas, les anciens salariés ne témoignent précisément des agissements dont aurait été victime [O] [M], leurs propos sont vagues, imprécis, et ne relatent aucun événement récurrent,

- les nombreux avis « Google business » témoignent du professionnalisme et de la sympathie des salariés de la société, mais également de [U] [I] et [T] [B],

- des salariés et clients témoignent de l'ambiance agréable et sympathique qui existe au sein de la société,

- les arrêts de travail communiqués par [O] [M] sont des arrêts de droit commun qui ne font aucun lien entre l'état de santé de la salariée et ses conditions de travail et n'évoquent aucun état dépressif ni aucune souffrance au travail,

- [O] [M] n'a jamais contesté l'avis d'inaptitude de la médecine du travail, ni même les motifs de son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle,

Concernant l'exécution loyale du contrat de travail :

- [O] [M] ne produit aucun élément qui viendrait étayer son argumentaire,

- elle reconnaît qu'exceptionnellement [O] [M] s'est occupée de clients, mais cela de sa propre initiative et lorsque [U] [I] n'était pas disponible,

- la salariée ne fournit aucune fiche de poste et son contrat de travail énonce en son article 2 les principales fonctions de la salariée en mentionnant que « cette liste n'est pas exhaustive » et que « les missions et tâches confiées à la salariée sont susceptibles d'évoluer et/ ou être modifiées en fonction des impératifs',

- les heures supplémentaires ont toujours été rémunérées et ce dans le respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires autorisées, elle n'en revendique d'ailleurs pas le paiement,

- le système de vidéo surveillance est installé pour des raisons de sécurité dans le respect des dispositions légales et une clause informant de l'existence de ce système figure dans le contrat de travail d'[O] [M].

MOTIVATION :

Sur le harcèlement moral et sexuel

Il sera rappelé que :

- il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail que «aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

- en vertu de l'article L. 1153-1 alinéa 1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

D'après l'article L.1153-5 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner.

Concernant le régime probatoire, il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1, L.1153-1 et L.1154-1 du code du travail que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement sexuel, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Le conseil de prud'hommes, dans sa décision du 1er mars 2021 a estimé que Madame [O] [M] ne produisait aucun élément de preuve et d'éléments circonstanciés précis sur sa période d'activité et a notamment écarté les attestations d'anciens salariés produites comme n'apportant aucun élément de preuve et d'éléments circonstanciés précis portant sur l'activité de Madame [M].

La cour observe en premier lieu qu'il n'appartient pas au salarié de rapporter la preuve du harcèlement allégué mais d'établir des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel.

Madame [O] [M] produit :

- une attestation de Madame [D], salariée de l'entreprise VPH du 28 février au 28 avril 2019 qui rapporte avoir été choquée par les propos homophobes tenus par Monsieur [B] envers [O] [M] ( «fait gaffe [O] broute du minou»)

- une attestation d'[L] [W], collègue de travail, qui témoigne de propos répétés humiliants et discriminatoires tenus par Madame [I] et Monsieur [B] envers [O] [M] ( «la grosse», «elle a dû prendre les t shirt XXL» «broute minou», «viens bosser pendant tes vacances, j'ai envie de te faire chier»)

Le seul fait que Madame [W] ait saisi le conseil des prud'hommes à l'encontre de la société VPH, notamment pour des faits de harcèlement, ne suffit pas à discréditer le contenu de son attestation, lequel est d'ailleurs similaire dans ses observations avec les autres attestations produites.

Ces attestations établissent avec suffisance l'existence de propos à connotation sexuelle répétés portant atteinte à la dignité de la salariée en raison de leur caractère humiliant ainsi que de propos répétés désobligeants sur le physique de la salariée portant eux aussi atteinte à sa dignité.

La salariée justifie aussi d'un arrêt maladie à compter du 25 avril 2019, d'un suivi psychiatrique depuis le 14 mai 2019 et avoir a été déclarée inapte à tous postes dans l'entreprise suite à la visite médicale de reprise du 22 juillet 2019 et ainsi que les faits de harcèlement moral et sexuel ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible d'altérer sa santé physique ou mentale.

L'employeur, pour prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement verse au débat plusieurs attestations.

Les contrats de travail des deux salariés, Monsieur [J] et Monsieur [X], qui attestent, ne sont pas contemporains avec la période de travail au sein de l'entreprise de Madame [O] [M] et n'apportent aucun élément propre à contredire les faits rapportés par la salariée.

Les autres attestations qui émanent de clients ou de partenaires de l'entreprise, et se bornent à évoquer un accueil chaleureux à la boutique ou un ressenti de bonne ambiance, ne sont pas utiles à combattre les agissements dénoncés par la salariée.

Du tout il résulte que la présomption de harcèlement moral et sexuel largement étayée par la salariée n'est pas utilement combattue par les éléments de preuve rapportés par l'employeur.

La décision du conseil des prud'hommes d'Agen sera donc infirmée.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Madame [O] [M] reproche à l'employeur, l'absence de pause déjeuner, l'amplitude horaire éprouvante sans jour de repos complet, des retours sur des temps de congés ou durant un arrêt maladie pour assister à des réunions, et un «flicage» des salariés par le système de vidéo surveillance mis en place.

Le contrat de travail signé par la salariée :

- arrêtait une durée de travail de 35 heures par semaine, avec possibilité d'effectuer des heures supplémentaires au delà de ce forfait,

- prévoyait que si elle avait pour fonction essentielle la gestion du SAV, des stocks et des colis, cette liste n'était pas exhaustive les missions ou tâches confiées étant susceptibles d'évoluer et/ou d'être modifiées en fonction des impératifs de l'entreprise,

- l'informait de l'existence d'un système de vidéo surveillance.

Force est de constater que les attestations produites sont imprécises quant aux horaires d'embauche et de débauche de Madame [O] [M], au temps consacré à la pause méridienne. Aucun élément probant n'est produit pour étayer les autres griefs.

Madame [O] [M] échoue à rapporter la preuve d'une exécution déloyale par l'employeur du contrat de travail, distincte du harcèlement moral et sexuel précédemment retenu.

La décision du conseil des prud'hommes d'Agen qui a débouté l'appelante de cette demande sera confirmée en ce sens.

Sur les effets de la rupture du contrat de travail

Le harcèlement moral et sexuel étant établi, il en résulte que le licenciement prononcé pour inaptitude est entâché de nullité.

Madame [O] [M] peut prétendre au paiement par l'employeur d'une indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés y afférents, une indemnité légale de licenciement et une indemnité pour licenciement nul .

Il n'est pas contesté que Madame [O] [M] percevait un salaire mensuel moyen de 1980,52 euros bruts et qu'elle bénéficiait d'une ancienneté de 1 an et 7 mois.

La société VPH sera en conséquence condamnée à payer les sommes sollicitées au titre de l'indemnité légale de licenciement soit un reliquat de 5,28 euros, de l'indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire et les congés payés y afférents, qui ne sont pas contestées en leur montant.

Le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul, compte tenu de l'ancienneté de la salariée qui n'a pas justifiée de sa situation postérieurement à la fin de la relation contractuelle, sera plus justement évalué à la somme de 3000 euros.

Il conviendra d'ordonner en conséquence la communication des documents de fin de contrat rectifiés sans qu'il soit nécessaire d'assoritir cette condamnation d'une astreinte.

Sur les dommages et intérêts

Il est certain que le comportement de l'employeur et les propos humiliants qu'il a tenus à l'égard de sa salariée sont à l'origine des troubles pour lesquels elle a été suivie par un psychiatre et lui ont occasionné un préjudice moral qui sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 2500 € à titre de dommages-intérêts.

La déloyauté de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail n'étant pas démontrée, la demande de dommages et intérêts formée en réparation de ce préjudice ne peut prospérer. Le jugement du conseil de prud'hommes qui a débouté Madame [O] [M] de cette demande sera ainsi confirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société VPH succombant en son appel, il y a lieu d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a condamné Madame [O] [M] à payer à la société VPH une somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société VPH sera ainsi condamnée à payer à Madame [O] [M] une somme de 3000 euros sur ce fondement pour les frais liés à la procédure de première instance et d'appel.

La société VPH sera également tenue au paiement des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du conseil des prud'hommes d'Agen du 1er mars 2021 sauf en ce qu'il a qu'il a débouté Madame [O] [M] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE nul le licenciement de Madame [O] [M],

CONDAMNE la société VPH à payer à Madame [O] [M] une somme de 5,28 euros au titre du reliquat d'indemnité légale de licenciement,

CONDAMNE la société VPH à payer à Madame [O] [M] une somme de 1980,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et une somme de 198,04 euros au titre des congés payés y afférent,

CONDAMNE la société VPH à payer à Madame [O] [M] une somme de 3000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

CONDAMNE la société VPH à payer à Madame [O] [M] une somme de 2500 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

DÉBOUTE la société VPH de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société VPH à payer à Madame [O] [M] une somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société VPH à remettre les documents de fin de contrat rectifiés,

CONDAMNE la société VPH aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00361
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;21.00361 ?
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