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14/06/2022 | FRANCE | N°21/00352

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 14 juin 2022, 21/00352


ARRÊT DU

14 JUIN 2022



NE/CO



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N° RG 21/00352 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C4A5

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S.C.A. VAL DE GASCOGNE





C/





[W] [C]





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 66 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au g

reffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze juin deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, da...

ARRÊT DU

14 JUIN 2022

NE/CO

-----------------------

N° RG 21/00352 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C4A5

-----------------------

S.C.A. VAL DE GASCOGNE

C/

[W] [C]

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 66 /2022

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze juin deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

La Société Coopérative Agricole (SCA) VAL DE GASCOGNE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Carine LAFFORGUE, avocat inscrit au barreau du GERS

APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - formation paritaire d'AUCH en date du 24 mars 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F 20/00034

d'une part,

ET :

[W] [C]

né le 19 mars 1985 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Marie-Laure SOULA substituant à l'audience Me Valérie DOUAT, avocat inscrit au barreau du GERS

INTIMÉ

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 12 avril 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller rapporteur, assisté de Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la cour composée outre lui-même de Jean-Yves SEGONNES, conseiller et de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

* *

*

FAITS, PROCÉDURE

Monsieur [W] [C] a été embauché à compter du 1er septembre 2012 par la

Coopérative agricole TERRES DE GASCOGNE, en qualité d'agent d'exploitation en céréales sur le site de [Localité 8].

Il a été placé en arrêt de travail du 8 janvier au 15 février 2015.

A compter de l'année 2015, il a été affecté sur le site de [Localité 6].

A compter du mois de février 2018, [W] [C] a été placé en arrêt de travail suite à une crise d'angoisse avec spasmophilie qui a eu lieu le 8 février 2018.

Un avis d'inaptitude a été émis par le médecin du travail le 6 juillet 2018, l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

Il a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement qui lui a été notifié le 4 août 2018.

[W] [C] a saisi le conseil des prud'hommes d'Auch par requête du 28 novembre 2018 aux fins de voir prononcer la nullité du licenciement pour des faits de harcèlement moral dont il aurait été victime, et voir condamner l'employeur à lui verser diverses sommes découlant de la nullité du licenciement qu'il invoque.

Par jugement du 24 mars 2021, le conseil des prud'hommes d'Auch a :

- prononcé la nullité du licenciement de Monsieur [W] [C],

En conséquence,

- condamné la SCA VAL DE GASCOGNE à payer à Monsieur [W] [C] les

sommes suivantes :

- 11.517,00 € à titre de réparation du préjudice subi pour les faits de harcèlement ayant provoqué les arrêts de travail de plusieurs mois,

- 11.517,00 € à titre de réparation du préjudice subi du fait de la perte d'emploi,

- 1.900,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis soit un mois de salaire,

- 190,00 € au titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

-1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné à la SCA VAL DE GASCOGNE de délivrer à Monsieur [W] [C] une attestation Pôle emploi et les bulletins de paie conformes au jugement,

- débouté le demandeur du surplus de ses demandes,

- débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle,

- condamné le défendeur aux éventuels dépens.

La SCA VAL DE GASCOGNE a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions le 30 mars 2021,dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 avril 2022, date à laquelle elle a été examinée.

* * *

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 02 mars 2022, la SCA VAL DE GASCOGNE demande à la cour de :

- déclarer son appel principal recevable en la forme et bien fondé au fond,

- déclarer l'appel incident interjeté par Monsieur [W] [C] recevable en la forme mais mal fondé au fond,

- annuler le jugement entrepris pour défaut de motivation,

- juger que Monsieur [C] ne rapporte pas le moindre élément factuel laissant présumer l'existence d'un quelconque harcèlement moral subi par lui à compter de l'année 2015,

- juger qu'aucun agissement de harcèlement moral ne peut être retenu à son encontre ni d'aucun de ses subordonnés,

- débouter Monsieur [W] [C] de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du licenciement de Monsieur [W] [C],

- l'a condamnée à lui verser les sommes de 11.517 € à titre de réparation du préjudice subi pour les faits de harcèlement ayant provoqué les arrêts de travail de plusieurs mois, 11.517 € à titre de réparation du préjudice subi du fait de la perte d'emploi, 1.900 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (1 mois de salaire), 190 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis et 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter Monsieur [W] [C] de l'ensemble de ses demandes,

- En tout état de cause, condamner Monsieur [W] [C] à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de l'instance.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- le conseil des prud'hommes n'a pas motivé sa décision,

- contrairement à l'appréciation que semble en avoir faite le conseil des prud'hommes lorsqu'il évoque les collègues de travail de Monsieur [C], celui-ci a reconnu que l'employeur avait remédié au harcèlement dont il avait été victime avant 2015,

- elle démontre que dès que les événements liés au licenciement de Monsieur [Y] sont survenus, et notamment dans le cadre de sa mutation, elle a tout mis en 'uvre pour permettre à M. [C] de travailler dans de bonnes conditions : il a été affecté à une équipe différente avec son accord,

- il produit principalement un document (pièce adverse n°17) qui est exclusivement écrit et rédigé par ses soins, sous la forme d'affirmations non corroborées par des éléments objectifs de preuve, or, conformément aux dispositions du code de procédure civile, nul ne peut se constituer de preuve à lui-même, et les griefs dénoncés ne sont en outre nullement étayés par des pièces extérieures aux seules déclarations du salarié,

- Monsieur [C] produit ensuite le dossier médical ouvert auprès de la médecine du travail mais y sont principalement consignés les propos qu'il a rapportés au médecin du travail, nécessairement subjectifs et sujets à caution,

- le médecin du travail n'a lui-même jamais alerté l'employeur d'une quelconque difficulté après la mutation de [W] [C] sur le site de [Localité 6] en 2015, mutation qui avait été mise en 'uvre pour protéger Monsieur [C],

- lors de ses entretiens annuels de 2016, Monsieur [C] ne s'est plaint d'aucune pression ni harcèlement moral qu'il subirait,

- Monsieur [C] lui reproche de ne pas justifier qu'il était « resté référent sur le site de [Localité 7] » et de ne pas produire « la liste des référents maintenance annoncée dans le mail reçu de Monsieur [B] en date du 10.02.2017 » mais elle produit au contraire la liste de tous les salariés formés et habilités à la maintenance 1er niveau en silo, de 2012 à 2020 qui prouve qu'il faisait partie des salariés formés donc habilités à faire de la maintenance préventive sur les sites, et ses accès CMAO n'ont jamais été coupés,

- Monsieur [C] prétend que ses signalements de panne n'étaient pas pris en compte, or, en 2017, il a participé au contrôle des équipements et des procédures de sécurité sur site et au plan d'aménagement sécurité et il est ressorti de ces documents : « une échelle bois à détruire »'

- si par ailleurs, il y a effectivement eu un problème de cumulus sur le site, qui a duré quelques temps ; l'eau n'a jamais été coupée, elle était simplement froide le temps de la réparation et ce problème n'a pas duré assez longtemps pour être indiqué dans la GMAO,

- le problème de rambarde de sécurité de la fosse, qui apparaît sur la photographie en page 7 du document est bien plus ancien puisqu'il a été soulevé en 2015 dans le cadre de l'audit interne du 16 février 2015, dont la réparation a été effectuée en mars 2016,

- la barrière de sécurité à l'entrée du site côté bureaux, pour laquelle une demande de réparation a été faite en septembre 2016 sur la GMAO, ne présentait aucun danger imminent ; lors de l'audit interne en mars 2017, le problème n'était pas résolu, mais cela a été fait le 11/05/2017,

- les photos produites au soutien d'un mauvais entretien du site à son retour de congés ne permettent de tirer aucune conclusion (elles ne sont ni horodatées, ni révélatrices du lieu où elles ont été prises), et les collègues de [W] [C] disent strictement l'inverse : le site de [Localité 7] était mal entretenu lorsque Monsieur [C] était présent,

- elle produit un courriel du service qualité contenant les résultats de l'audit mené en mars 2018 : le site est propre mais les points à améliorer et les points faibles sont anormalement nombreux et démontrent un non-respect des procédures applicables par [W] [C], référent du site de [Localité 7],

- [W] [C] prétend que [S] [P] et [R] [B] lui auraient demandé de falsifier des entrées ce qui est impossible car copie du bon est remise à l'agriculteur et à celui qui achète la marchandise,

- [W] [C] produit la copie de son entretien annuel du 1er décembre 2016 en prétendant avoir été obligé de signer les pages 9 et 10 alors qu'elles étaient vierges mais il omet sciemment de produire les pages 5, 6 et 8, dans lesquelles le supérieur hiérarchique relève la nécessité pour [W] [C] de mieux connaître les procédures, où Il demande la mise en place d'un cahier de liaison car lorsque [W] [C] partait en congés, il ne faisait pas de passation avec ses collègues et les adhérents étaient mécontents, où en page 8, on voit apparaître l'écriture de [W] [C],

- plus globalement, sur la fiche d'entretien de 2016, on peut facilement voir les pavés

renseignés par [W] [C], aucune signature « en blanc » n'est en réalité possible,

- [W] [C] se plaint d'une « rétention volontaire » de la clé du transformateur de la part de son supérieur hiérarchique,or, si [R] [B] avait demandé à tous les référents des sites de sa zone de remettre les clés de leur transformateur au responsable maintenance, c'est tout simplement parce qu'il est interdit pour les salariés sans habilitation d'entrer dans le local électrique ;

- il n'y a aucune trace en interne de transfert de big bag au départ d'[Localité 5] le 17 février 2017, ces affirmations sont fausses,

- il existe des règles très strictes en matière de fumigation car les produits utilisés sont toxiques, ce produit est manipulé par les salariés formés à la fumigation, la liste des salariés autorisés et formés est déposée chaque année et [W] [C] n'en faisait pas partie ; donc il n'a pas été en contact direct ou indirect avec ce produit pendant son contrat ;

- il est strictement impossible d'ouvrir une cellule en plein gazage et encore moins possible qu'un salarié non formé y ait accès,

- lorsqu'un salarié part seul sur un site, il a obligation avoir un moyen d'urgence sur lui et sur le site de [Localité 7], il y avait un DORO vérifié chaque année lors des audits sécurité, [W] [C] formé à la sécurité, avait l'habitude de travailler seul, il était de sa responsabilité de faire remonter d'éventuelles anomalies sur le DORO entre 2 vérifications, non seulement cela n'a jamais été le cas, mais à plusieurs reprises, [R] [B] avait constaté que [W] [C] ne se servait pas du DORO et lui avait demandé de s'en servir ;

- [W] [C] se plaint de ne pas avoir obtenu de réponse au mail du 12 juin 2017 par lequel il demandait le transfert de l'ammonitrate présent à [Localité 7] vers [Localité 4] ; et d'avoir dû reporter ses congés au profit de [S] [P] : c'est faux, Madame [J] l'avait appelé pour lui répondre et concernant les congés, les responsables de région exploitation laissent toujours leurs équipes s'organiser pour les dates des congés et interviennent uniquement en cas de désaccord,

- [W] [C] ne plaint de ne pas avoir pu effectuer le nettoyage après saison en raison de l'absence de l'aspirateur mais en aucun cas un petit aspirateur « classique » n'a été donné à [W] [C] pour nettoyer le silo de [Localité 7], ce serait considéré comme une faute grave,

- concernant les doléances d'utilisation de la pompe de traitement sans contrôle préalable, de 2013 à 2017, le contrôle de la pompe de traitement n'a pas été effectué car les traitements ont été arrêtés en raison du passage de la cellule en bio, en 2017, le « conventionnel » a été repris sur le site de [Localité 7] mais en conservant les même types de traitement qu'avec le bio, il n'y a pas eu de traitement,

- [W] [C] se plaint également d'avoir effectué des dépassements d'horaires importants, c'est faux,

- [W] [C] se plaint également d'avoir été empêché de conserver correctement le grain, si le problème de pannes de sondes était récurrent sur plusieurs sites, à [Localité 7], il n'a pas été relevé de présence de de charançons, ce qui signifie que le travail était correctement réalisé,

- [W] [C] fait référence à l'incendie des archives dont il suggère qu'il s'agissait d'un acte volontaire destiné à lui nuire, il procède par affirmations pures et simples ; il indique avoir été obligé à tout recommencer sur 3 ans avec les talons de ticket de pesées et les bons informatiques, cette consigne ne lui a jamais été donnée car ce sont les bons des six derniers mois qui étaient à contrôler, ceux des mois et années précédentes étaient déjà contrôlés et archivés.

* * *

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 1er mars 2022, Monsieur [W] [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes en ce qu'il a :

- prononcé la nullité de son licenciement et en conséquence,

- condamné la SCA VAL DE GASCOGNE à lui payer les sommes suivantes :

- 11.517 € à titre de réparation du préjudice subi pour les faits de harcèlement ayant provoqué les arrêts de travail de plusieurs mois,

- 11.517 € à titre de réparation du préjudice subi du fait de la perte d'emploi,

- 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la SCA VAL DE GASCOGNE de lui délivrer une attestation Pôle emploi et les bulletins de paie conformes au jugement.

- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il lui a alloué la somme 1.900 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis soit un mois de salaire et 190,00 € au titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- condamner la SCA VAL DE GASCOGNE à lui payer la somme équivalente à deux mois de salaire soit de 3.800 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 380 € à titre de congés payés sur préavis,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour annulait le jugement rendu par le conseil des

prud'hommes pour absence ou insuffisance de motivation :

- constater que les agissements de son responsable et de ses collègues sont à l'origine de son inaptitude physique et donc de son licenciement,

- prononcer la nullité de son licenciement,

- condamner la SCA VAL DE GASCOGNE à lui payer :

o la somme de 11.517,00 € à titre de réparation du préjudice subi pour les faits de harcèlement ayant provoqué les arrêts de travail de plusieurs mois,

o la somme de 11.517,00 € à titre de réparation du préjudice subi du fait de la perte d'emploi,

o la somme de 3.800,00 au titre de l'indemnité compensatrice de préavis soit un mois de salaire,

o la somme de 380,00 € au titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- ordonner à la SCA VAL DE GASCOGNE de lui délivrer une attestation Pôle emploi et les bulletins de paie conformes.

- en tout état de cause, il sollicite la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

- dans ses conclusions devant le conseil des prud'hommes et devant la Cour, la SCA VAL DE GASCOGNE reconnaît qu'il a été victime de faits de harcèlement moral de son responsable et de ses collègues mais prétend, sans en apporter la preuve, y avoir remédié en 2015 alors que certains de ses collègues ont été promus au lieu d'être sanctionnés,

- il n'a jamais demandé à travailler sur le site de [Localité 7] mais uniquement à ne plus travailler sur celui de [Localité 6],

- l'employeur affirme qu'à compter de 2015 et de sa nouvelle affectation, le médecin du travail ne l'a plus alerté, or il y a eu un entretien entre la DRH et le médecin du travail en 2016 au sujet des difficultés qu'il rencontrait,

- il a détaillé dans un document à l'attention du médecin du travail ce qu'il a vécu : brimades, reproches injustifiés, pannes ou dysfonctionnements signalés à Monsieur [P] qui ne faisait pas le nécessaire pour que les réparations soient faites (pas de chasse d'eau depuis 1 an et demi, plus de chauffage dans le bureau depuis 2 ans, barrière de sécurité endommagée),

- sont joints à son descriptif, les mails adressés à Monsieur [P] (pièce 17 pages 3,5,6) au vu desquels certaines réparations, pourtant urgentes et pouvant mettre en péril sa sécurité, n'ont été faites que plus d'un an après sa demande,

- le 7 février 2017, il lui a été demandé de transférer un big bag sur le site d'[Localité 5], il a découvert dans le véhicule des poubelles et un bidon de phosphine ouvert,

- suite à un contrôle il devait vérifier des mouvements avant le 2 février 2018, comme par hasard, lorsqu'il est arrivé le 2 février 2018, les archives avaient été brûlées et il a été obligé de tout reprendre sur 3 ans avec talons de pesée, bons informatiques'

- il verse un photo du DORO qui prouve qu'il ne captait pas,

- Monsieur [P] refusait de lui donner ses dates de congés afin d'éviter de poser les mêmes dates, puis il était obligé de décaler ses congés quand Monsieur [P] avait choisi des jours communs avec lui,

- durant les étés 2016 et 2017, il a été soumis à des amplitudes de travail que ses collègues ne connaissaient pas (8h-22h, soit 14h de travail par jour) alors que la durée maximale quotidienne absolue autorisée était de 12h, et il en justifie en versant le planning de juillet 2016 et des mails relatifs à ses horaires,

- il maintient qu'à partir du 10/02/2017, date à laquelle Monsieur [P] est devenu son référent maintenance, il ne pouvait plus enregistrer les réparations sur le GMAO et ce dernier ne transmettait pas ses demandes, l'employeur ne justifie pas de ce qu'il était resté référent pour le site de [Localité 7], ne produit pas la liste des référents maintenance mais uniquement une liste de formation maintenance qui n'a aucun rapport,

- il maintient que Messieurs [B] et [P] lui demandaient de falsifier les bons d'entrées non sur le poids comme l'indique l'employeur dans ses écritures mais sur les analyses censées être faites,

- il maintient avoir signé la page 9 de l'entretien annuel alors qu'elle était vierge, d'ailleurs les mentions de cette page sont écrites de la même main,

- l'employeur lui impute dans le cadre de la présente procédure la responsabilité du mauvais état du site de [Localité 7] et de nombreux manquements, or, depuis son embauche, il n'a jamais fait l'objet de reproches quant à la qualité de son travail,

- le comportement de ses collègues et les faits de harcèlement dont il a été victime de la part de Monsieur [P] ont conduit à une dégradation de ses conditions de travail et à une altération de sa santé physique puisqu'ils ont justifié les arrêts de travail du 08/01/15 au 25/02/15 et du 08/02/18 au 05/07/18,

- le lien de causalité entre les conditions de travail subies et l'altération de sa santé résulte du dossier de la médecine du travail, du courrier du médecin du travail à l'attention de VAL DE GASCOGNE en date du 24/07/15, des certificats médicaux du Dr [V] du 08/02/18 et du 08/04/18, du courrier adressé par le médecin du travail à la psychologue du travail le 28/05/18, de la réponse de la psychologue au médecin du travail en date du 5 juin 2018,

- il n'a pas retrouvé un emploi dans le cadre d'un contrat pérenne à durée indéterminé, il a été agent contractuel dans un lycée dans le cadre d'un contrat à durée déterminé du 01/09/2020 eu 28/02/2021.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation du jugement

L'article 455 alinéa 1er, du code de procédure civile prévoit que le jugement doit être motivé. Ce principe général est sanctionné par la nullité de la décision conformément à l'article 458 du code de procédure civile.

La cour rappelle que la motivation oblige le juge à vérifier la pertinence de son raisonnement, permet au justiciable de savoir si les arguments qu'il a présentés ont été bien compris et de connaître les raisons pour lesquelles il est débouté. Elle fournit la preuve que le juge a sérieusement examiné ses prétentions et les moyens invoqués. Aussi, la motivation n'est pas simplement une obligation pour le juge, elle est également un droit pour le justiciable.

En l'espèce, les premiers juges, qui ont rappelé les prétentions de chacune des parties, ont omis de mentionner dans le jugement déféré l'énoncé, même succinct, des moyens des deux parties.

Le conseil des prud'hommes, après avoir énoncé les dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, 1353 du code civil et visé les article L.1152-1, L.1152-2, L.1152-3, L.1152-4, L.4121-1 du code du travail a « constaté et jugé que les agissements de son responsable et de ses collègues de travail sont à l'origine de l'inaptitude physique et du licenciement de Monsieur [C] » et que « l'état dépressif de Monsieur [C] est dû aux mêmes causes ».

Les premiers juges, bien qu'ayant rappelé les règles de droit applicables, ont ainsi procédé par voie d'affirmations péremptoires sans répondre aux moyens et argumentations développées par la SCA VAL DE GASCOGNE.

Les mentions du jugement ne permettent pas de vérifier que les premiers juges ont examiné les pièces produites par l'employeur dans le but de prouver que les agissements établis n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement et que les décisions prises à l'égard du salarié étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le défaut de motivation du jugement est ainsi caractérisé et conduit la Cour à en prononcer la nullité.

Toutefois, conformément aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, la cour se trouve saisie du litige en vertu de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur le harcèlement moral

Il convient au préalable de rappeler que :

- en application des dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, et notamment prévenir les faits de harcèlement moral

- dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés

- le harcèlement moral d'un salarié, défini par l'article L.1152-1 du code du travail, est constitué dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel

- le salarié est tenu, en application de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de la cause, d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son égard

- le juge, après s'être assuré de leur matérialité, doit analyser les faits invoqués par le salarié dans leur ensemble, en ce compris les certificats médicaux, et les apprécier dans leur globalité afin de déterminer s'ils permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral

- il incombe alors à l'employeur de prouver que les agissements établis ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que les décisions prises à l'égard du salarié sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de ses demandes au titre du harcèlement dont il prétend avoir été victime, Monsieur [C] invoque plusieurs faits énumérés dans un courrier (pièce 17) de 46 pages comportant ses doléances dactylographiées entrecoupées de documents scannés.

Monsieur [C] invoque :

- avoir subi un harcèlement de la part de Monsieur [P] après qu'il ait eu dénoncé les agissements de certains collègues de travail et précise que Monsieur [P] l'a rabaissé, insulté, lui a ordonné de faire des tâches pour lesquelles il ne connaissait pas les risques.

Aucun justificatif n'est produit au soutien de cette affirmation.

- que Monsieur [P], son référent GMAO (logiciel d'enregistrement des pannes), n'enregistrait jamais ses demandes et qu'en conséquence aucune intervention n'était faite (avec pour conséquence ni eau ni de toilettes pendant presque un an de mars 2017 à janvier 2018, et une absence de chauffage dans les bureaux durant deux ans)

L'employeur produit des éléments sur la matérialité de ce grief :

- 19 demandes faites sur le GMAO par Monsieur [C] entre le 17/05/2016 et le 01/02/2018, dont aucune n'était relative à l'absence d'eau au fonctionnement des toilettes ou du chauffage.

- une fiche de contrôle des équipements et des procédures de sécurité sur site pour 2017, signée par Monsieur [C] avec mention «radiateur de l'ancien bureau local phyto à déplacer au bureau silo », ( aucune référence n'est faite à une absence d'eau, au fonctionnement des toilettes ou du chauffage.)

- un audit interne réalisé au mois de mars 2017 dans le cadre du plan d'aménagement de sécurité en présence de Monsieur [C] sur le site de [Localité 7] ne rapporte pas ces dysfonctionnements, seul est noté «une échelle à détruire»

Ainsi, l'employeur fournit des éléments de preuve qui viennent contredire les griefs formulés par Monsieur [C] sur ces points, lequel avait accès au GMAO et n'a jamais articulé de doléances quant à l'eau ou au chauffage.

- avoir laissé le site propre lors de ses départs en congés et l'avoir retrouvé sale à ses retours, en particuliers au cours de l'été 2017 où Monsieur [P] n'aurait pas nettoyé de l'orge laissée parterre et Monsieur [C] aurait trouvé un rat attaché sur la poignée de la porte du bureau.

Si Monsieur [C] a versé des photographies, ces seuls clichés ne permettent pas de vérifier ni les lieux où ils sont prises, ni leur date.

- avoir dû effectuer des remplacements de dernière minute et ne pas avoir eu communication du travail à temps pour Saint Sauzy,

Le salarié n'étaye ce grief par aucune pièce.

- Monsieur [P] et Monsieur [B] lui demandaient de falsifier les entrées,

Le salarié n'étaye ce grief par aucune pièce.

- avoir été obligé de signer les pages 9 et 10 de son entretien annuel du 1er décembre 2016 alors qu'elles étaient vierges.

Pour autant il ne conteste pas avoir paraphé et renseigné les autres pages de l'entretien, comme il ne conteste pas avoir signé les entretiens des autres années, ceux-ci dûment remplis. Aucun élément ne vient donc corroborer cette affirmation.

- Monsieur [P] refusait de lui rendre la clé du transformateur de [Localité 7].

Il produit une fiche d'enregistrement mentionnant que le 10/03/17 le responsable de la société SECURIS est venu prendre la clé du transformateur de [Localité 7].

- avoir transféré le 7 février 2017 un big bag sur le site d'[Localité 5] et avoir trouvé dans le véhicule un bidon ouvert de phosphine.

Il verse une photographie d'une bouteille de phosphine et de sacs poubelle avec une bouteille de phosphine posée à côté. Ces éléments ne suffisent pas à établir que Monsieur [C] aurait transporté le produit.

- avoir dû ouvrir une cellule en plein gazage à la phosphine le 11 mars 2016 à la demande de M. [B], à [Localité 7], et avoir subi une inflammation pulmonaire.

Il produit une ordonnance du 9 mai 2016 prescrivant la location d'un appareil à nébulisation, du beclospin et de l'acide borique. Ce certificat médical daté deux mois après les faits supposés, n'établit pas à lui seul la réalité des faits dénoncés qui sont contestés.

- avoir dû travailler en hauteur alors que les barrières de sécurité sont cassées.

Le salarié produit trois photographies montrant une barrière endommagée mais ces clichés ne sont pas datés.

- avoir été obligé de travailler seul à [Localité 7] alors que le DORO (téléphone de sécurité) était en panne.

Il joint une photographie de l'appareil sur laquelle est affiché la mention « aucun service» mais qui ne permet pas de savoir où se trouve ce téléphone lorsqu'il ne capte pas de signal.

- avoir été réprimandé par Madame [J] sur l'état de l'Amonitre alors qu'il lui avait envoyé un mail pour l'informer qu'il ne pouvait être conservé dans de bonnes conditions à [Localité 7].

Si Monsieur [C] produit ce mail, il ne justifie en rien de la réprimande alléguée.

- avoir eu des difficultés à poser ces congés par Monsieur [P] refusait de lui communiquer les jours que lui même posait.

Il produit un mail du 17/10/17 par lequel il demande à Monsieur [P] de lui indiquer ses dates de congés. Ce seul fait n'établit pas une récurrence dont pourrait se plaindre Monsieur [C].

- Monsieur [P] et Monsieur [B] lui ont demandé de passer le balai, ce qui est interdit.

Il produit une fiche de consignes de sécurité mais ne justifie pas des ordres qu'il prétend avoir reçu.

- avoir été obligé par Monsieur [Z] d'utiliser la pompe de traitement de [Localité 7] au mois de novembre 2018 alors qu'elle n'avait pas eu de contrôle depuis 2013.

Outre l'absence de tout justificatif versé par le salarié, l'employeur produit une fiche informatique laissant apparaître une des opérations de nettoyage des cellules sans traitement.

- que le 2 février 2018 quelqu'un ait mis le feu aux archives qu'il devait justement contrôler ce jour là, l'obligeant à recommencer le travail sur trois ans avec les talons de ticket de pesée et des bons informatiques, sans que l'employeur n'ait déposé plainte ou se soit interroger sur l'origine de l'incendie.

Si la réalité de l'existence d'un incendie n'est pas contesté par l'employeur, en revanche aucune pièce de la procédure ne vient accréditer l'éventualité au travers de ce fait d'un acte de malveillance envers le salarié.

Par ailleurs, un courrier de la psychologue du pôle souffrance au travail du 5 juin 2018 indique que Monsieur [C] a été muté, avec son accord sur le site de [Localité 6], selon ses dires, à titre de mesure de protection, après qu'il ait dénoncé des méfaits commis par d'autres salariés sur le site de [Localité 8] où il travaillait alors.

Ainsi, l'examen des griefs allégués soient ne sont pas étayés soient leur matérialité est contredite par les éléments de preuve versés par l'employeur.

Seules deux doléances sont justifiées par les pièces versées par le salarié :

- qu'il ait effectué des heures supplémentaires au-delà des durées légales (ainsi que cela résulte du contenu du mail du 27 juin 2017)

- qu'il n'ait pas obtenu du matériel demandé (dans son bilan individuel du 1er décembre 2016, Monsieur [C] mentionne cette difficulté)

Pour autant, ces deux griefs ne sauraient à eux seuls présumer de l'existence d'un harcèlement moral et l'exament des éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Dès lors, Monsieur [C] sera débouté de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et des demandes financières formées en conséquence.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité conduit à écarter les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [C] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

ANNULE le jugement rendu le 24 mars 2021 par le conseil de prud'hommes d'Auch,

Et statuant au fond, en application des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes,

DÉBOUTE la SCA VAL de GASCOGNE de sa demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur [C] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00352
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;21.00352 ?
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