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14/06/2022 | FRANCE | N°20/00918

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 14 juin 2022, 20/00918


ARRÊT DU

14 JUIN 2022



NE/CO**



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N° RG 20/00918 -

N° Portalis DBVO-V-B7E-C2VR

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[I] [B] [F]





C/





SARL LR FOOD DEVELOPPEMENT





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 59 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à dispos

ition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze juin deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE S...

ARRÊT DU

14 JUIN 2022

NE/CO**

-----------------------

N° RG 20/00918 -

N° Portalis DBVO-V-B7E-C2VR

-----------------------

[I] [B] [F]

C/

SARL LR FOOD DEVELOPPEMENT

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 59 /2022

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze juin deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

[I] [B] [F]

né le 11 mai 1992 à [Localité 2]

demeurant [Localité 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Aurélia BADY substituant à l'audience Me Camille GAGNE, avocat inscrit au barreau d'AGEN

APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - formation paritaire d'AGEN en date du 09 novembre 2020 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 18/00115

d'une part,

ET :

La SARL LR FOOD DEVELOPPEMENT prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Mathieu LAJOINIE, avocat inscrit au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 04 janvier 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre et Nelly EMIN, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier, les parties ayant été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 08 mars 2022, lequel délibéré a été prorogé ce jour par mise à dispostion. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE

Faisant suite à une formation financée par Pôle Emploi qui s'est déroulée au sein de l'entreprise du 2 novembre au 27 décembre 2016, Monsieur [I] [B] [F] a été embauché par la société LR FOOD DEVELOPPEMENT selon contrat à durée déterminée du 28 décembre 2016 au 27 novembre 2017 en qualité de préparateur en sushi, vente livraison, niveau 1, échelon 1 de la classification fixée par la convention collective nationale de la restauration rapide.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, la rémunération mensuelle brute d'[I] [B] [F] s'élevait à 1480,30 euros pour 151,75 heures de travail.

[I] [B] [F] a été placé en arrêt de travail du 11 au 30 septembre 2017.

Le 20 septembre 2017, [I] [B] [F] et trois autres salariés de l'entreprise ont adressé un courrier à l'inspection du travail en invoquant diverses irrégularités, portant notamment sur le non payement d'heures supplémentaires ou complémentaires, le non-respect des repos hebdomadaires, le non payement des jours fériés, le non respect du délai de prévenance pour les changements d'horaire, l'absence de chaussures de sécurité, l'existence d'un système de vidéo-surveillance permettant une surveillance permanente des salariés par l'employeur depuis son domicile.

Par courrier du 9 octobre 2017 l'employeur a proposé à [I] [B] [F] la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Cette proposition a été laissée sans réponse par le salarié.

À compter du 6 novembre et jusqu'au terme du contrat, le 27 novembre 2017, [I] [B] [F] a été de nouveau placé en arrêt de travail pour maladie.

Invoquant de nombreuses irrégularités dans la relation de travail, Monsieur [B] [F] a saisi le conseil des prud'hommes d'[Localité 2] par requête du 18 juillet 2018 pour solliciter la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et obtenir paiement de diverses indemnités, de requalification et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 9 novembre 2020, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil des prud'hommes d'[Localité 2] a :

- condamné la société LR FOOD DÉVELOPPEMENT à verser à [I] [B] [F] la somme de 43,92 € bruts au titre du paiement du 1er mai ;

- débouté [I] [B] [F] de ses demandes en requalification du contrat de travail et en paiement de dommages et intérêts et de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- débouté [I] [B] [F] de ses demandes en payement d'indemnité de rupture du contrat de travail, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté [I] [B] [F] de sa demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ;

- condamné la société LR FOOD DÉVELOPPEMENT aux entiers dépens et à payer à [I] [B] [F] une indemnité de procédure de 500 €.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 1er décembre 2020, [I] [B] [F] a relevé appel des dispositions de ce jugement le déboutant de ses demandes.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 4 novembre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 4 janvier 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

I. Moyens et prétentions d'[I] [B] [F], appelant principal

Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 19 juillet 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, Monsieur [I] [B] [F] conclut à l'infirmation partielle du jugement entrepris et demande à la cour :

1°) de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de condamner la société LR FOOD DEVELOPPEMENT à lui payer la somme de 1480,30 euros au titre de l'indemnité de requalification en faisant valoir :

- qu'il a été embauché en contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité mais que le contrat de travail n'apporte aucune précision sur ce prétendu accroissement d'activité ;

- que l'employeur ne justifie pas d'un lien entre le motif invoqué (la mise en place d'un food truck) et son embauche par contrat à durée déterminée ;

- que l'embauche, six mois plus tard, de sa s'ur pour le même motif permet de douter de la réalité du motif allégué, l'employeur ne daignant même pas produire le registre du personnel ;

- qu'il est donc en droit d'obtenir paiement de l'indemnité de requalification prévue par l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ;

2°) de condamner la société LR FOOD DEVELOPPEMENT à lui payer les sommes de 1480,30 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 148,03 euros au titre des congés payés sur préavis, de 338,99 € au titre de l'indemnité de licenciement et de 4500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir :

- que le contrat de travail étant devenu à durée indéterminée, sa rupture équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il est donc fondé à obtenir paiement des indemnités de rupture, sur la base d'un salaire brut de référence d'un montant de 1480,30 € ;

- que le barème d'indemnisation fixé par l'article L.1235-3 du code du travail doit être écarté car il viole les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne, 4 et 10 de la convention 158 de l'organisation internationale du travail et le droit à un procès équitable ;

- qu'en effet l'article L.1235-3 du code du travail plafonne le droit à indemnisation et ne permet pas de couvrir l'ensemble des préjudices et d'assurer une indemnisation adéquate en fonction des différents paramètres de la situation individuelle des salariés licenciés ;

- que dès lors que le contrôle du juge est limité, le droit au procès équitable est atteint dans sa substance, l'office du juge ne pouvant se résumer à « une liberté de circulation dans une cour de prison » ;

3°) subsidiairement pour le cas où le barème ne serait pas écarté, de condamner l'employeur à lui verser la somme de 1480,30 € à titre de dommages-intérêts en application de l'article L.1235-3 du code du travail ;

4°) de condamner la société LR FOOD DEVELOPPEMENT à lui payer la somme de 1411,53 € au titre de l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L.1243-8 du code du travail, en indiquant que la dégradation de la relation contractuelle et les multiples violations commises par l'employeur justifient cette demande, cette indemnité étant due même en cas de requalification en contrat à durée indéterminée ;

5°) de condamner la société LR FOOD DEVELOPPEMENT à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail résultant du non-respect par l'employeur des dispositions relatives au repos hebdomadaire, du non-paiement par l'employeur des astreintes, des heures supplémentaires, de l'indemnité complémentaire relative au travail le 1er mai, du non-respect du délai de prévenance pour la remise des plannings, en ajoutant que durant la relation contractuelle son pouvoir d'achat aura nécessairement été impacté, tout comme les risques sur sa santé en raison de l'organisation mise en place ;

6°) de condamner la société LR FOOD DEVELOPPEMENT à lui payer la somme de 311,10 € au titre des heures supplémentaires et 31,11 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires, en indiquant d'une part que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande en relevant qu'il n'aurait pas opéré de compensation entre les différentes semaines travaillées dès lors que la durée du travail se calcule à la semaine et qu'à défaut d'organisation d'un système de modulation du temps de travail les heures complémentaires ou supplémentaires se calculent à la semaine, d'autre part qu'il justifie de l'ensemble de ses demandes et que l'employeur se borne à rappeler les règles de preuve sans élever aucune contestation du décompte qu'il produit ;

7°) d'ordonner la remise de l'attestation Pôle Emploi rectifiée ainsi que d'un bulletin de salaire récapitulatif des sommes versées au titre des condamnations prononcées par la cour ;

8°) de condamner la société LR FOOD DEVELOPPEMENT aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une indemnité de procédure de 2000 €.

II . Moyens et prétentions de la société LR FOOD DEVELOPPEMENT, intimée

Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 19 mai 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'intimée, la société LR FOOD DEVELOPPEMENT conclut :

1°) à la confirmation des dispositions du jugement déboutant l'appelant de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et de paiement de l'indemnité de requalification en soutenant qu'elle a eu recours à un contrat à durée déterminée pour faire face à un surcroît temporaire d'activité, ayant décidé en septembre 2017 de lancer le concept de food-truck, afin de sillonner les routes de la région pour faire découvrir son offre de cuisine japonaise à une clientèle plus large, ce concept nouveau ayant engendré un surcroît temporaire d'activité ;

2°) à la confirmation des dispositions du jugement déboutant l'appelant de sa demande en payement d'indemnités de rupture, en exposant d'une part, qu'en l'absence de requalification la rupture des relations contractuelles résulte de la survenance du terme qui n'ouvre pas droit aux indemnités de rupture réclamés par [I] [B] [F], d'autre part et subsidiairement, que la légalité du barème imposé par l'article 1235-3 du code du travail ne peut être contestée ni sur le terrain de la constitutionnalité, ni sur celui de la conventionnalité ;

3°) à la confirmation des dispositions du jugement déboutant l'appelant de sa demande en payement d'heures supplémentaires, en exposant que celui-ci n'a jamais revendiqué l'exécution d'heures supplémentaires et produit un document établi à postériori et dépourvu de toute valeur probante ;

4°) à la confirmation des dispositions du jugement déboutant l'appelant de sa demande en payement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en indiquant que [I] [B] [F] ne produit aucun document probant, qu'il n'a jamais sollicité ses plannings, n'a jamais revendiqué des heures supplémentaires et produit un document établi à postériori et dépourvu de toute valeur probante ;

5°) à la condamnation de [I] [B] [F] aux dépens de première instance et d'appel et au payement d'une indemnité de procédure de 2500 euros.

MOTIFS DE L'ARRÊT

I. SUR LA REQUALIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

L'article L.1242-12 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

En cas de litige sur le motif du recours à un contrat à durée déterminée, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat, la cause du recours au contrat à durée déterminée s'appréciant à la date de conclusion de celui-ci.

En l'espèce, le motif de recours au contrat à durée déterminée mentionné dans le contrat de travail signé le 28 décembre 2016 est un surcroît temporaire d'activité.

Pour en justifier, la société LR FOOD DEVELOPPEMENT invoque le lancement d'une activité de Food Truck, consistant à sillonner le département avec un véhicule adapté pour faire découvrir à une clientèle plus large la cuisine japonaise.

Pour infirmer le jugement entrepris et requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, il suffira de relever :

- que l'expression 'accroissement temporaire d'activité' recouvre une augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise, notamment en cas de commande exceptionnelle, de travaux urgents ou d'exécution d'une tâche précisément définie et non durable ;

- que le développement par une entreprise d'une nouvelle activité, ne constitue pas un accroissement temporaire dès lors qu'elle s'inscrit dans le cadre de l'activité normale et permanente de l'entreprise et répond aux besoins de celle-ci ;

- que la création de l'activité nouvelle de Food Truck est certes de nature à entraîner un accroissement d'activité, mais constitue pour la société LR FOOD DEVELOPPEMENT une activité permanente et non occasionnelle, n'autorisant pas le recours au contrat à durée déterminée ;

- que le contrat ayant été conclu en violation des disposition de l'article L.1242-2 du code du travail il y a lieu de le requalifier en contrat à durée indéterminée.

Cette requalication ouvre droit pour [I] [B] [F] au payement de l'indemnité prévue par l'article L.1245-2 du code du travail, dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire. Par suite la société LR FOOD DEVELOPPEMENT sera condamnée à lui payer une indemnité égale à 1480,30 euros.

Par contre il ne peut lui être allouée l'indemnité de fin de contrat dès lors que par courrier du 9 octobre 2017 l'employeur lui avait proposé la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, proposition qu'il a laissée sans réponse.

II. SUR LA MAJORATION DU SALAIRE POUR TRAVAIL LE 1ER MAI

Si la société LR FOOD DEVELOPPEMENT sollicite la réformation de la disposition du jugement la condamnant à payer à [I] [B] [F] la somme de 43,92 euros au titre de la majoration des heures travaillées le premier mai, force est de constater que dans ses écritures elle n'invoque aucun argument pour remettre en cause les motifs pertinents énoncés par les premiers juges pour justifier leur décision, motifs que la Cour s'approprie intégralement pour confirmer le jugement de ce chef.

III. SUR LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES

A titre liminaire, il convient de rappeler :

- qu'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

- que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

- que l'article 33.1 de la convention collective nationale de la restauration rapide dispose que la durée conventionnelle de travail visée à l'article 29 est répartie sur la semaine, de manière égale ou inégale, dans le respect des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail et aux jours de repos, que sous cette réserve, elle pourra notamment être organisée sur moins de 5 jours ;

- qu'il s'en déduit que la convention collective ne déroge pas aux dispositions de l'article L.3121-20 du code du travail selon lesquelles les heures supplémentaires se décomptent dans le cadre de la semaine civile.

[I] [B] [F] produit des tableaux précis, hebdomadaires, des heures de travail qu'il prétend avoir accompli en 2017 soit :

- du 16 au 22 janvier, 38 heures de travail, soit 3 heures supplémentaires ;

- du 27 février au 5 mars, 40 heures 30mn, soit 5h30 supplémentaires ;

- du 6 au 12 mars, 38 heures 30mn de travail, soit 3 heures 30 supplémentaires ;

- du 27 mars au 2 avril, 39 heures de travail, soit 4 heures supplémentaires ;

- du 3 au 9 avril, 36 heures de travail, soit 1 heure supplémentaire ;

- du 10 au 16 avril, 36 heures de travail, soit 1 heure supplémentaire ;

- du 15 au 21 mai, 36 heures de travail, soit 1 heure supplémentaire ;

- du 22 au 28 mai, 37 heures de travail, soit 2 heures supplémentaires ;

- du 11 au 17 septembre, 36 heures de travail, soit 1 heure supplémentaire ;

- du 2 au 8 octobre, 35 heures 30 de travail, soit 30 mn supplémentaires ;

- du 16 au 22 octobre, 36 heures de travail, soit 1 heure supplémentaire ;

- du 23 au 29 octobre, 36 heures 05 mn de travail, soit 1heure 05 mn supplémentaire ;

- du 30 octobre au 5 novembre, 35 heures 55 mn de travail, soit 55 mn supplémentaires ;

Le décompte produit par le salarié est suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre et force est de constater que celui-ci n'apporte aucun élément de nature à contredire ce décompte.

Dès lors il y a lieu d'infirmer le jugement et de condamner la société LR FOOD DEVELOPPEMENT à payer au salarié la somme de 311,10 heures au titre des heures supplémentaires et celle de 31,11 euros au titre des congés payés afférents.

IV. SUR L'EXÉCUTION DÉLOYALE DU CONTRAT DE TRAVAIL

L'obligation, inhérente à tout contrat, d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, d'abord dégagée par la jurisprudence, a été codifiée par l'article L.1222-1 du code du travail qui énonce que 'le contrat de travail est exécuté de bonne foi'.

Au soutien de sa demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, [I] [B] [F] invoque différents griefs qu'il convient d'examiner successivement.

a. Sur le non respect des délais de prévenance pour la remise des plannings

L'article L.3123-11 du code du travail énonce que « toute modification de la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois est notifiée au salarié en respectant un délai de prévenance.»

L' article L.3123-24 du même code précise qu' une « convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu peut déterminer le délai dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail est notifiée au salarié ».

L'article 29.5 de la convention nationale de la restauration rapide relatif à la planification des horaires dispose enfin que :

«La fixation des horaires d'une semaine donnée ainsi que la modification éventuelle de la répartition de la durée du travail sont notifiées au salarié au moins 10 jours calendaires avant le début de la semaine concernée.

La notification est opérée par affichage du programme de travail. Cet affichage précise chaque jour l'horaire de travail (heure de début et de fin de service) pour chaque salarié ou pour l'équipe avec, dans ce dernier cas, la composition nominative de celle-ci.

Ce programme ne peut être modifié qu'avec l'accord du salarié au plus tard 3 jours calendaires avant le début de la semaine civile de travail ».

[I] [B] [F] soutient que l'employeur lui communiquait par SMS les plannings le dimanche soir pour le lundi matin, de sorte qu'il n'était jamais en mesure de prévoir son emploi du temps pour la semaine à venir.

En l'espèce, le contrat de travail du 24 juin 2017 liant les parties se bornait à mentionner la durée mensuelle de travail (151,67 heures, soit 35 heures par semaine) et non l'horaire journalier. Les plannings produits par l'intimée, dont l'authenticité n'apparaît pas douteuse au regard de leurs précisions quant aux salariés concernés et aux horaires, mettent en évidence de fréquents changements d'horaire imposés par l'employeur à [I] [B] [F].

Force est de constater que l'employeur, sur qui pèse la charge de la preuve du respect des dispositions conventionnelles ne justifie ni de la notification régulière de ces changements d'horaire au salarié, ni de l'affichage du programme de travail dans les locaux de l'entreprise.

Le grief formulé par le salarié apparaît donc fondé.

b. Sur le non respect des repos hebdomadaires

Aux termes de l'article 34 de la convention nationale de la restauration rapide, « le repos hebdomadaire est de 2 jours. Le repos hebdomadaire n'est pas obligatoirement pris à jour fixe.

Les modalités d'application seront définies au niveau de chaque entreprise par l'employeur en tenant compte des besoins de la clientèle sur la base de :

- pour les établissements ouverts 7 jours sur 7 : 2 jours consécutifs.

Il pourra être dérogé à la règle des 2 jours de repos consécutifs soit sur accord des deux parties, soit sur décision de l'employeur en référence à l'article L.221-12 du code du travail, dérogeant au repos hebdomadaire, en cas de travaux urgents dont l'exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage, pour prévenir des accidents imminents ou réparer des accidents survenus au matériel, aux installateurs, ou aux bâtiments de l'établissement ».

En l'espèce,[I] [B] [F] soutient que le restaurant étant ouvert 7 jours sur 7, il devait bénéficier en vertu de la convention collective de deux jours consécutifs de repos hebdomadaire et qu'à de multiples reprises ces dispositions ont été violées par l'employeur, citant à titre d'exemple les périodes :

- du 8 au 16 août 2017 soit 9 jours consécutifs sans repos

- du 10 au 22 avril 2017 soit 13 jours consécutifs sans repos

Force est de constater que si la société LR FOOD DEVELOPPEMENT sollicite le débouté de l'ensemble des demandes de la salariée et donc celui de la demande en dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, elle ne formule dans ses écritures d'appel pas la moindre observation ou contestation des faits avancés par le salarié.

Ce second grief apparaît donc également établi.

c. Sur le non respect des astreintes

Selon l'article L.3121-9 du code du travail, une période d' astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d' astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

En l'espèce, [I] [B] [F] soutient avoir été d' astreinte le 4 mars 2017 et le dimanche 21 mai 2017, mais n'avoir reçu de la part de l'employeur aucune compensation à ce titre.

Les plannings produits par le salarié mentionnent ces astreintes et les bulletins de salaire des mois de mars et de mai 2017 ne portent pas trace d'une compensation financière de ces astreintes.

Ce grief est donc également établi.

d. Sur l'absence de rémunéraration des heures supplémentaires et de majoration du salaire pour travail le 1er mai

Il résulte des motifs énoncés ci-dessus, que ce grief est également fondé.

e. Sur l'indemnisation

Le caractère systématique de la violation par l'employeur de ses obligations caractérise suffisamment un comportement déloyal de celui-ci dans l'exécution du contrat de travail.

C'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'aucun préjudice n'était établi. En effet ce comportement déloyal a causé au salarié un préjudice dans la mesure où, d'une part, prévenu tardivement des modifications de ses horaires, par un procédé ne respectant pas les régles conventionnelles, il devait s'adapter et était donc perturbé dans sa vie personnelle, d'autre part, il était fréquement privé du repos hebdomadaire ayant pour finalité de préserver sa santé.

Ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 500 euros.

V. SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Du fait de la requalification en contrat à durée indéterminée, la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit pour le salarié disposant d'une ancienneté de 11 mois au jour de la rupture et d'une rémunération brute de 1480,30 euros à cette date, au payement :

- d'une indemnité de licenciement, dont le montant, chiffré conformément aux dispositions légales s'élève à 338,99 euros ;

- d'une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire brut, soit 1480,30 euros, et d'une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis de 148,03 euros.

S'agissant de la demande en dommages et intérêts présentée par [I] [B] [F] au titre de la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail il convient de relever que c'est vainement qu'il demande à la Cour d'écarter les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail.

En effet, en l'état de la jurisprudence de la cour de cassation, ces dispositions, qui ne violent pas l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme, sont de nature à permettre le versement au salarié d'une indemnité adéquate ou d'une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation Internationale du Travail, qui ne peut donc être utilement invoqué par l'appelant pour voir écarter les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail.

De même les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale Européenne ne peuvent être invoquées pour s'opposer à l'application de l'article L.1235-3, dès lors qu'elles n'ont pas d'effet direct en droit interne dans les litiges entre particuliers.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié (11 mois) dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés, il y a lieu, en application de l'article L.1235-3, de fixer les dommages et intérêts réparant le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail à 1480, 30 euros.

VI. SUR LES FRAIS NON-RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS

La société LR FOOD DEVELOPPEMEENT, dont la succombance est dominante ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité justifie l'allocation d'une indemnité de procédure de 1250 euros à l'appelant.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions déboutant [I] [B] [F] de ses demandes en requalification du contrat de travail, en payement de l'indemnité de requalification, d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés afférents, d'une indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ;

statuant à nouveau de ces chefs,

REQUALIFIE la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée ;

CONDAMNE la société LR FOOD DEVELOPPEMENT à payer à [I] [B] [F] les sommes de :

- 1480,30 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 311,10 euros au titre des heures supplémentaires ;

DIT et JUGE que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société LR FOOD DEVELOPPEMENT à payer à [I] [B] [F] les sommes de :

- 338,99 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 1480,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-148,03 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 1480,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société LR FOOD DEVELOPPEMENT à remettre à [I] [B] [F] une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire rectifiés ;

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions déboutant [I] [B] [F] de sa demande en payement de l'indemnité de fin de contrat, condamnant la société LR FOOD DEVELOPEMENT aux dépens de première instance et à payer à [I] [B] [F] la somme de 43,92 euros au titre des heures travaillées le 1er mai 2017et celle de 500 euros à titre d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE la société LR FOOD DEVELOPPEMENT à payer une indemnité de procédure de 1250 euros à [I] [B] [F] ;

DÉBOUTE la société LR FOOD DEVELOPPEMENT de sa demande en payement d'une indemnité de procédure ;

CONDAMNE la société LR FOOD DEVELOPPEMENT aux entiers dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00918
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.00918 ?
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