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18/05/2022 | FRANCE | N°21/00317

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 18 mai 2022, 21/00317


ARRÊT DU

18 Mai 2022





CG/CR





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N° RG 21/00317

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C36C

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S.A. CNP ASSURANCES MFPREVOYANCE



C/



[R] [F]







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GROSSES le

à









ARRÊT n°











COUR D'APPEL D

'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



S.A. CNP ASSURANCES

[Adresse 2]

[Localité 5]



MFPREVOYANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentées par Me Gérard SEGUY, membre de la SCP SEGUY-DAUDIGEOS-LABORDE-BRU, avocat inscrit au barreau du GERS



APPELANTES d'un Jugement du TJ d'...

ARRÊT DU

18 Mai 2022

CG/CR

---------------------

N° RG 21/00317

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C36C

---------------------

S.A. CNP ASSURANCES MFPREVOYANCE

C/

[R] [F]

------------------

GROSSES le

à

ARRÊT n°

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

S.A. CNP ASSURANCES

[Adresse 2]

[Localité 5]

MFPREVOYANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentées par Me Gérard SEGUY, membre de la SCP SEGUY-DAUDIGEOS-LABORDE-BRU, avocat inscrit au barreau du GERS

APPELANTES d'un Jugement du TJ d'AUCH en date du 03 Mars 2021, RG 19/00973

D'une part,

ET :

Madame [R] [F]

née le 14 Mai 1959 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Virginie DANEZAN, membre de la SELARL CELIER-DANEZAN-SOULA, avocate inscrite au barreau du GERS

INTIMÉE

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 07 Février 2022 devant la cour composée de :

Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Cyril VIDALIE, Conseiller

Greffières : Lors des débats : Nathalie CAILHETON

Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

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FAITS ET PROCEDURE

[R] [F] exerçait la profession d'éducatrice spécialisée à l'hôpital d'[Localité 6]. Adhérente de la Mutuelle Générale des Affaires Sociales, elle bénéficiait de contrats de garanties collectives, dont une garantie invalidité, contrat facultatif ayant pour but de garantir le paiement d'indemnités journalières dans le cas de perte de salaire occasionnée par la maladie ou l'accident, avec trois options, et un contrat de prévoyance, contrat PREMUO M023 souscrit auprès de la MFPrévoyance.

Le 28 juillet 2013, [R] [F] a été victime d'un accident de la vie lui occasionnant d'importantes blessures.

Elle a été en arrêt de travail jusqu'au 27 juillet 2016, date à laquelle elle a été placée en invalidité.

Elle a perçu des indemnités journalières ainsi qu'une rente dont le versement a pris fin le 2 avril 2018 au motif qu'après révision médicale elle était de nouveau apte à exercer des activités rémunérées à temps partiel.

Par acte du 27 mars 2019, [R] [F] a fait assigner la SA MFPREVOYANCE devant le tribunal d'instance d'Auch pour obtenir sa condamnation au paiement de la rente viagère.

La SA CNP ASSURANCES est intervenue volontairement à l'instance se déclarant seul assureur tenu par le contrat, et [R] [F] a demandé la condamnation solidaire de la MFPREVOYANCE avec la CNP.

Par jugement du 3 juin 2019, le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance d'Auch.

Par jugement du 3 mars 2021 le Tribunal judiciaire d' Auch a :

- condamné la SA CNP ASSURANCES à verser à [R] [F] une rente d'un montant 963 ,33 euros à compter du mois d'avril 2018 et jusqu'au jugement ;

- condamné la SA CNP ASSURANCES à verser à [R] [F] la rente contractuelle jusqu'au décès de la demanderesse ;

- condamné la SA CNP ASSURANCES à verser à Maître Virginie Danezan, conseil de [R] [F], la somme de 2.000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- condamné la SA CNP ASSURANCES au paiement des entiers dépens ;

-ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a notamment retenu qu'il découle de l'article 5.6 du contrat prévoyance 7446T option 3 que [R] [F] aurait dû dans le cadre de la garantie 'incapacité temporaire totale de travail' bénéficier d'une prestation égale à la rente qui aurait été servie en cas d'invalidité permanente, dès lors qu'elle s'est retrouvée dans l'impossibilité de reprendre le travail à l'expiration de 365 jours à compter de la date de son accident, seule condition contractuelle prévue, sans qu'il ne puisse être exigé qu'elle remplisse les conditions liées à l'invalidité permanente. Cette rente devait être versée selon les mêmes modalités que l'invalidité permanente, l'article 3.2 du contrat ne conditionnant pas l'arrêt du versement de la rente à l'aptitude de l'adhérent à reprendre le travail mais à la reprise effective de celui-ci. Or en l'espèce la requérante n'a jamais repris le travail, justifiant que la SA CNP Assurances soit condamnée à lui verser la rente contractuelle jusqu'à son décès tel que prévu à l'article 7 de la notice d'information.

La SA MFPREVOYANCE n'étant pas partie à ce contrat, aucune condamnation n'a été mise à sa charge.

Par déclaration du 22 mars 2021, la SA CNP Assurances et la société MFPREVOYANCE ont interjeté appel de la décision en visant tous les chefs du dispositif du jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs premières conclusions du 15 juin 2021, la CNP Assurances et la Société MFPrévoyance demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement dont appel ;

- débouter [R] [F] de toutes ses demandes ;

- donner acte à CNP Assurances de qu'elle accepte de lui servir la prestation au titre de la garantie Incapacité Temporaire Totale de Travail dans les termes et limites contractuels jusqu'à son 65ème anniversaire sur production d'un certificat de vie qui lui parviendra en fin d'année ;

- condamner l'intimée aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 3 janvier 2022, la CNP Assurances et la société MFPREVROYANCE demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement dont appel.

- débouter [R] [F] de toutes ses demandes.

- très subsidiairement, dire que toute éventuelle prise en charge s'effectuera dans les termes et limites des dispositions contractuelles opposables à CNP ASSURANCES.

- condamner l'intimée aux dépens.

Elles font valoir:

Sur les documents contractuels opposables

* Le tribunal s'est appuyé en première instance sur un document produit par la partie adverse établie par la MGAS auquel elle était tiers, le contenu de ce règlement mutualiste a été élaboré par la mutuelle et ses dispositions ne lui sont donc pas opposables, le tribunal ne pouvant se fonder sur l'article 5.6 dudit document pour la condamner ;

* Seuls les documents contractuels établis par la CNP lui sont opposables conformément à l'article L. 141-4 du code des assurances à savoir les contrats d'assurance, la notice d'information du contrat PREMUO M023 et la notice d'information du contrat n° 1840A/4206X devenu 7446T ;

Sur les conditions d'application des garanties

*Conformément à l'article 7.5 de la notice d'information du contrat de prévoyance PREMUO M023 dont MFPrévoyance est l'assureur, relatif à la durée de versement de la garantie incapacité temporaire totale, celle-ci n'est versée que «jusqu'à la reprise du travail, y compris à temps partiel ou à mi-temps thérapeuthique, ...l'entrée en jouissance des droits à la retraite... d'une pension invalidité de la Sécurité sociale...» ;

* Selon le courrier du 24 septembre 2018 du conseil de l'intimée et le rapport du docteur [Y] du 3 avril 2018 confirmant le placement de l'assurée en invalidité CNRACL au 31 août 2016 avec un pourcentage d'invalidité de 20 %, c'est à bon droit que MFPrévoyance avait cessé en août 2016 le versement de la prestation incapacité temporaire totale de travail prévue au contrat PREMUO M023 en son article 7.5 ; la prise en charge au titre de cette garantie ne peut être considérée comme viagère ;

*En ce qui concerne le contrat de prévoyance 7446T, l'état de santé de [R] [F] ne correspond plus à la définition du risque Invalidité Permanente Totale de Travail garanti et/ou incapacité temporaire totale de Travail ; le tribunal s'est fondé à tort à un article 5.6 qui ne figure pas à la notice d'information produite par la CNP ;

* Les modalités de versement de la prestation au titre de l' incapacité temporaire totale de travail et de l' Invalidité Permanente Totale de Travail diffèrent selon les articles 3.2 et 7-b de la notice du contrat 7446T Option 3 : dès lors que l'intimée a fait l'objet le 3 avril 2018 d'un contrôle médical par le Docteur [Y] qui l'a considérée apte en partie à l'exercice d'une activité professionnelle adaptée, qu'il a fixé un taux d'incapacité fonctionnelle à 20 %, son état de santé, qui ne justifie ni de se trouver dans l'obligation de cesser toute activité professionnelle, ni a fortiori du caractère définitif d'une telle obligation d'une réduction de sa capacité de travail de 66 %, ne correspond plus à la définition de la garantie invalidité permanente totale de travail, c'est donc à bon droit qu'elle a cessé la prise en charge de la rente dès le 3 avril 2018, le versement viager de la prestation ne s'appliquant que si l'intimée justifie d'une invalidité permanente totale de travail tel que contractuellement définie, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;

* En toute hypothèse la garantie incapacité temporaire totale de travail de peut être servie que jusqu'au 65 ème anniversaire de l'assurée. ( argument et proposition retirés aux dernières conclusions).

**********************************

Aux termes de ses dernières conclusions du 7 janvier 2022, [R] [F] demande à la Cour de :

- confirmer en tous points le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'Auch le 3 mars 2021.

Subsidiairement,

- condamner solidairement la société MFP PREVOYANCE à verser à [R] [F] la somme de 963,33€ par mois, au titre de la rente due d'avril 2018 jusqu'à l'arrêt à intervenir ;

- condamner solidairement les sociétés MFP PREVOYANCE ET CNP ASSURANCE à verser à [R] [F] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Elle fait valoir l'argumentation suivante :

- elle bénéficie des dispositions contractuelles de deux contrats de mutuelle souscrits auprès de la MGAS, le contrat PREVOYANCE 7446T option 3 et le contrat PREMUO M023 ;

- depuis son accident survenu le 28 juillet 2013 elle a bénéficié jusqu'en 2016 des indemnités journalières et de la rente invalidité en exécution de ces deux contrats ainsi qu'en attestent les décomptes établis par la MFPREVOYANCE au 21 novembre 2016, puis jusqu'au 31 mai 2017 et la dernière régularisation intervenue le 2 avril 2018.

- pour justifier l'arrêt de toute prestation, la CNP Assurances effectue une confusion volontaire entre les deux contrats dont elle bénéficiait, évinçant sciemment le contrat Prévoyance 7446T, qui trouvait seul à s'appliquer s'agissant de la rente qui lui était due au titre de la garantie invalidité (article 5.6) et l'appelante entend faire seulement application des dispositions qui lui étaient accordées au titre de l'incapacité temporaire totale de travail découlant du contrat PREMUO MO23 dans son article 7 ;

- contrairement à ce que soutient l'appelante, l'article 5.6 du contrat Prévoyance 7446T Option 3, trouvait parfaitement à s'appliquer en l'espèce en ce qu'il définit la garantie accordée et non les notions d' incapacité temporaire totale de travail et d' Invalidité Permanente Totale contenues dans les articles 3.1 et 3.2 ;

- dès lors qu'il a été établi qu'elle avait effectivement bénéficié pendant les 365 jours qui avaient suivi l'accident, des indemnités journalières visées par cet article, qu'elle était dans l'incapacité de reprendre son activité au 366ème jour et que, partant, la rente invalidité avait pris « le relais » à hauteur de 40 % de son traitement, c'est par une application erronée du texte que la société CNP revendique la rente au titre d'une incapacité permanente ;

- pour la première fois dans leurs dernières écritures en appel, la CNP et MFPREVOYANCE allèguent que le document sur lequel s'est fondé le tribunal ne serait «qu'un règlement mutualiste» auquel la CNP serait tiers et non le contrat 7446T

- cet argument est contredit par le fait que la MFPrévoyance lui a versé l'indemnité au titre de l'incapacité temporaire de travail en exécution du contrat PREMUO M023 jusqu'au 30 août 2016 ainsi que la rente invalidité en exécution du contrat 7446T jusqu'au 2 avril 2018 ; elles ne peuvent désormais soutenir l'inopposabilité de tels contrats alors que leur exécution a été effective jusqu'en avril 2018 ;

- subsidiairement si la Cour devait considérer que le contrat 7446T n'était pas opposable à la CNP Assurances, elle devra constater qu'il est opposable à la MFPrévoyance qui l'a exécuté jusqu'en avril 2018 et la condamner partant au versement des sommes revendiquées, soit une prestation équivalente à 40 % de son traitement représentant la somme de 963,33 € par mois étant précisé qu'elle est toujours suivie et en soins au titre des séquelles résultant de l'accident du 28 juillet 2013.

La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2022 et l'affaire fixée au 7 février 2022.

MOTIFS

Selon l'article 9 du code de procédure civile, doivent être prouvés les faits nécessaires au succès des prétentions des parties et selon l'article 1315 du code civil devenu 1353, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Il appartient à l'assuré qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que les conditions requises par le contrat pour mettre en jeu la garantie sont remplies.

1/ Les documents contractuels

Les appelantes, et en particulier la SA CNP qui conteste le bien fondé des demandes de Madame [R] [F], se bornent à produire à l'appui de leurs écritures trois pièces, soit, outre le rapport d'expertise médicale (sollicité dans le cadre contractuel par l'assureur), et le règlement de la rente au titre de l'exécution provisoire à en tête MFPrima, une copie d'une «notice d'information du contrat souscrit par la MFP auprès de CNP ASSURANCES» ( pièce 2).

La CNP fonde son argumentation sur cette pièce.

Ce document s'intitule «notice d'information du contrat d'assurance collective n° 1840 A/4206 X souscrit par MFP SERVICES AUPRES DE CNP ASSURANCES». Il se présente sur quatre feuillets dont aucun ne comporte de signature, ni de date, et en particulier la référence «7446T OPTION 3» qui correspondrait selon la CNP au contrat de prévoyance applicable à [R] [F] ne figure nulle part. La CNP n'est intervenue volontairement aux débats en première instance qu'en tant qu'assureur concerné par ce contrat souscrit par MFP SERVICES.

[R] [F] verse aux débats une pièce 1, comportant deux documents, pièce qui correspond selon son bordereau au «contrat Prévoyance 7446T Option 3».

La CNP soutient dans ses dernières écritures que le tribunal s'est fondé à tort sur «ce» document en ce qu'il s'agit du règlement mutualiste qui régit les relations de la MGAS et ses membres, auquel elle est tiers.

Mais à un premier document intitulé «La Mutuelle générale des affaires sociales vous accueille» et qui définit effectivement de façon générale les conditions d'adhésion à cette mutuelle et les garanties offertes aux adhérents, est annexée une notice éditée en octobre 1995, sur quatre feuillets, listant les «Obligations et Droits de la MGAS» vis à vis de ses adhérents au titre notamment des garanties collectives souscrites. La référence «7446T OPTION 3» n'y figure pas davantage, ni aucune signature et ce document se présente de façon différente de celui produit par la CNP.

Mais par comparaison des deux «notices», elles prévoient l'une et l'autre trois options, la dernière étant le cumul des deux premières.

Le paragraphe «5.6 garantie invalidité» de la notice MGAS permet de constater qu'il reprend au titre des conditions de mise en oeuvre de celle-ci :

- En cas d' incapacité temporaire totale ( selon option) :

Paiement d'une indemnité journalière égale au maximum à 40% de la 365 ème partie du traitement garanti, à partir du 61e ou du 91e jour d'arrêt de travail et jusqu'au 365e jour de cessation d'activité.

En cas d'impossibilité de reprendre le travail à l'expiration des 365 jours, paiement d'une prestation égale à la rente qui serait servie en cas d'invalidité permanente.

- Incapacité permanente ( invalidité d'un taux égal ou supérieur à 66 % :

Paiement d'une rente fixée au maximum à 40% du traitement garanti à compter du 366 e jour d'arrêt de travail.

Suivent le détail du montant des prestations, avant et après 60 ans, et les conditions de radiation, d'office au moment de la mise à la retraite et au plus tard à l'âge de 65 ans ou en cours de contrat.

La lecture de la notice produite par la CNP qui serait elle aussi celle qui correspond au contrat «7446T OPTION 3» permet de constater que l'objet de l'assurance, la définition des garanties selon l'option choisie, sont identiques en ce que les indemnités journalières sont servies jusqu'au 365 ème jour d'incapacité de travail, puis est réglée une rente viagère du 366 ème jour si le taux d'incapacité est au moins égal à 66%, et dans le cadre de l'option 3 la rente viagère est servie mensuellement à compter du 1096 ème jour si le taux d'incapacité est au moins égal à 66%.

A ce stade rien ne permet d'exclure comme fondement contractuel aux demandes de [R] [F] le document dont elle a été en possession et qu'elle verse aux débats, et sur lequel la CNP, ni MFPREVOYANCE ne s'expliquent autrement que pour dire qu'il ne les engage pas. Il est difficilement compréhensible l'intérêt de diffuser auprès des adhérents de la MGAS un tel document si ce n'est pas précisément pour les informer des garanties dont ils peuvent bénéficier dans plusieurs domaines.

La CNP ne prouve pas que [R] [F] ait eu connaissance de sa propre notice qui serait le seul «contrat» applicable, ni du renouvellement annuel de ce contrat par une quelconque autre notification à l'assurée bénéficiaire depuis le 1 août 1996 selon une mention du rapport du Docteur [Y].

[R] [F] produit ensuite une «notice d'information du contrat PREMUO N° M023 souscrit par la MGAS, document contractuel à effet du 1 janvier 2011» portant le logo «MFPREVOYANCE».

L'objet de ce contrat est de faire bénéficier les adhérents de la MGAS de garanties collectives dont une «garantie incapacité temporaire totale de travail» ( §7) qui définit l'incapacité temporaire totale de travail comme étant «le fait de se trouver momentanément dans l'impossibilité physique ou psychique, constatée médicalement, d'exercer son activité professionnelle».

[R] [F] ne fonde ses demandes que sur le contrat 7446T OPTION 3 pour solliciter le paiement de la prestation équivalente à 40% de son traitement après son interruption en avril 2018.

En tout état de cause, au vu des deux notices produites par les parties, dont les termes se rejoignent, et que toutes les deux indiquent être le contrat 7446T OPTION3, le tribunal en a fait à juste titre application en retenant, et l'article 5. 6 et l'article 3. 2 de la notice «CNP» qui définit l' invalidité permanente totale de travail, pour dire que la rente doit être versée selon les mêmes modalités qu'en cas d'invalidité permanente qui n'est pas subordonnée à une reprise effective du travail.

2/ Les prestations versées :

[R] [F] produit aux débats les relevés des prestations servies desquels il résulte au vu des références portées qu'elle a perçu cumulativement :

- du 28/7/2014 au 30/06/2016 et du 1/01/2015 au 31/7/2016, pour la première période une rente «incapacité» en exécution du contrat 7446T, et pour la seconde en partie contemporaine, des «indemnités journalières» en exécution du contrat MO23 ;

- du 1/7/2016 au 30/8/2016 en exécution du contrat 7446T une prestation pour «incapacité temporaire totale de travail» puis du 31/8/2016 au 31/5/2017 une rente «invalidité» ;

- du 28/7/2016 au 30/8/2016 en exécution du contrat MO23 une prestation pour «incapacité temporaire totale de travail» ;

- du 1/12/2017 au 2/4/2018 en exécution du contrat 7446 T une rente «invalidité».

La Cour constate ainsi que [R] [F] a perçu des prestations au titre des deux contrats au cours des mêmes périodes, sous des dénominations peu cohérentes eu égard à la position développée par la CNP, puisque [R] [F] a cumulé des indemnités journalières et une rente dénommée rente incapacité de 2014 à juillet 2016. A compter d'août 2016 elle a perçu une rente «invalidité» conformément aux dispositions reprises plus haut de l'article 5.6 du contrat «en cas d'impossibilité de reprendre le travail à l'expiration des 365 jours, paiement d'une prestation égale à la rente qui serait servie en cas d'invalidité permanente».

Cette prestation a été interrompue le 2 avril 2018 au motif que [R] [F] n'était pas inapte à tout emploi selon les conclusions du Docteur [Y] mandaté par l'assureur.

Malgré les courriers de son conseil à la SA MFPREVOYANCE en septembre 2018 l'assurée n'a pas obtenu de celle-ci communication des dispositions contractuelles lui permettant de mettre un terme à ces prestations.

Force est de constater comme relevé ci-avant ( §1) qu'il en est de même dans la présente instance.

Comme le tribunal l'a à juste titre retenu qu'il s'agisse de l'application de la notice CNP ou de celle en possession de [R] [F], celle-ci a droit au «paiement d'une prestation égale à la rente qui serait servie en cas d'invalidité permanente» indépendamment de son aptitude partielle ou totale à reprendre une activité professionnelle.

La CNP se prévaut d'un courrier du conseil de [R] [F] du 24 septembre 2018 selon lequel sa cliente aurait été placée en retraite anticipée à compter de 2017. Le Docteur [Y] lors de son examen en 2018 a effectivement indiqué que [R] [F] a été placée «en invalidité CNRACL( Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales) pour inaptitude au 31 août 2016 au taux de 20%.» tout en concluant au jour de l'examen le 3 avril 2018 que : «l'assurée ne peut pas exercer sa profession d'éducatrice spécialisée qui nécessite des déplacements...peut exercer en partie une profession sans déplacements prolongés à pied ni conduite prolongée ( travail de bureau)» et il a retenu «un taux d'incapacité fonctionnelle barème de droit commun de 20 %».

Il en résulte une contradiction avec une situation de retraite anticipée qu'aucune pièce du dossier ne vient d'ailleurs corroborer, puisque [R] [F] est selon cette expertise encore apte à travailler de façon sédentaire.

[R] [F] revendique une rente au titre de la prestation succédant aux indemnités journalières équivalente à 40% de son traitement à compter d'avril 2018, soit 963,33 € par mois jusqu'à son décès tel qu'allouée par le tribunal, mais dès lors qu'elle peut encore travailler au vu du rapport d'expertise, cette prestation ne peut lui être versée que jusqu' à son 65 ème anniversaire, ce que la CNP avait admis dans ses premières écritures.

En conséquence le jugement déféré sera infirmé partiellement en ce sens et la CNP qui se reconnaît comme débitrice de cette prestation invalidité sera condamnée à verser à [R] [F] la rente d'un montant de 963,33 € jusqu'au 65 ans de celle-ci.

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la SA MFPREVOYANCE.

Succombant à l'instance d'appel la SA CNP ASSURANCES sera condamnée aux dépens et il n'y a pas lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu'il a condamné la SA CNP ASSURANCES à verser à [R] [F] la rente contractuelle jusqu'au décès de la demanderesse ;

STATUANT A NOUVEAU dans cette seule limite ;

CONDAMNE la SA CNP ASSURANCES à verser à [R] [F] la rente contractuelle de 963,33 € par mois jusqu'aux 65 ans de l'intéressée, née le 14 mai 1959 ;

DIT n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA CNP ASSURANCES aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00317
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;21.00317 ?
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