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04/05/2022 | FRANCE | N°21/00252

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 04 mai 2022, 21/00252


ARRÊT DU

04 Mai 2022





CV/CR





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N° RG 21/00252

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C3XS

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[C] [W] [R] SA, S.A. MMA IARD



C/



[E] [T]

[M]







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GROSSES le

à









ARRÊT n°











COUR D'

APPEL D'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



Monsieur [C] [W] [R] SA

né le 18 Mai 1978 à MOGADOURO (PORTUGAL)

de nationalité Portugaise

Lieu dit [Localité 7]

[Localité 3]



S.A. MMA IARD

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentés par Me Hélène GUILHOT, membre de la SCP TANDONNET & A...

ARRÊT DU

04 Mai 2022

CV/CR

---------------------

N° RG 21/00252

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C3XS

---------------------

[C] [W] [R] SA, S.A. MMA IARD

C/

[E] [T]

[M]

------------------

GROSSES le

à

ARRÊT n°

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur [C] [W] [R] SA

né le 18 Mai 1978 à MOGADOURO (PORTUGAL)

de nationalité Portugaise

Lieu dit [Localité 7]

[Localité 3]

S.A. MMA IARD

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Hélène GUILHOT, membre de la SCP TANDONNET & ASSOCIES, avocate inscrite au barreau d'AGEN

APPELANTS d'un Jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 26 Janvier 2021, RG 18/01603

D'une part,

ET :

Monsieur [E] [T] [M]

né le 18 Janvier 1969 à SEDILOS (PORTUGAL)

de nationalité Portugaise

Lieu dit [Localité 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Laurent BRUNEAU, avocat inscrit au barreau d'AGEN

INTIMÉ

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 07 Février 2022 devant la cour composée de :

Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

Greffières : Lors des débats : Nathalie CAILHETON

Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

Faits et procédure :

M. [E] [T] [M] exploite une entreprise de gavage de canards située lieudit [Localité 5], commune de [Localité 2] (47).

Le 1er septembre 2016, il a fait intervenir M. [C] [R] Sa, afin de malaxer le lisier solidifié de la fosse de son exploitation, puis, lui reprochant d'avoir lors de cette opération déchiré la géomembrane recouvrant les parois de l'excavation, l'a assigné devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Agen, afin de voir ordonner une expertise judiciaire qui a été confiée par ordonnance du 28 novembre 2017 à M. [Y] [L], lequel a déposé son rapport le 13 juin 2018.

Par actes des 27 septembre et 8 octobre 2018, M. [E] [T] [M] a assigné M. [C] [R] Sa et son assureur la SA MMA Iard (la MMA) devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, d'Agen sur le fondement des articles 1147 ancien et suivants du Code civil, en réparation de ses préjudices.

Par jugement du 26 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Agen a :

- condamné M. [C] [R] Sa à payer à M. [E] [T] [M] la somme de 159 073 euros à titre de dommages-intérêts,

- débouté M. [E] [T] [M] de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral,

- débouté M. [C] [R] Sa et la MMA de leur demande d'expertise complémentaire,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- condamné in solidum M. [C] [R] Sa et la MMA aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire,

- condamné in solidum M. [C] [R] Sa et la MMA à payer à [E] [T] [M] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit y avoir lieu à déclarer le présent jugement opposable a la MMA.

Le tribunal a retenu qu'il résultait de l'expertise que M. [C] [R] Sa avait percé la géomembrane de la fosse à lisier avec sa pelle mécanique, qu'il ne s'était pas suffisamment renseigné sur sa position exacte avant d'effectuer les travaux, et que cette abstention comme la manoeuvre inadaptée lors de la conduite de la pelle caractérisaient une faute contractuelle.

Le tribunal a écarté les griefs formulés à l'encontre de M. [E] [T] [M], notamment pour avoir omis de renseigner précisément l'entrepreneur, et ne pas démontrer le bon état antérieur de la membrane, retenant qu'elle avait été endommagée aux endroits où M. [C] [R] Sa situait les trous occasionnés, et qu'elle ne présentait que de très rares trous sur son rebord.

Considérant que le préjudice était constitué par le coût de remise en état de la fosse et la perte économique liée à l'arrêt de l'activité, le tribunal a déterminé le montant des indemnités allouées en tenant compte de la durée de l'arrêt et des revenus moyens de l'exploitation.

En l'absence de justification d'un préjudice moral, la demande présentée à ce titre a été rejetée.

M. [C] [R] Sa et la MMA ont formé appel le 9 mars 2021, désignant en qualité d'intimé M. [E] [T] [M] et visant dans leur déclaration la totalité des dispositions du jugement à l'exception de celle rejetant la demande d'indemnisation du préjudice moral de M. [E] [T] [M].

Prétentions :

Par dernières conclusions du 27 octobre 2021, et abstraction faite des 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions, M. [C] [R] Sa et la MMA demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement et, statuant à nouveau,

- à titre principal,

- débouter M. [E] [T] [M] de l'intégralité de ses demandes et de son appel incident,

- subsidiairement,

- fixer le préjudice économique à 10 023 euros + 30 069 euros + 2 505 euros,

- très subsidiairement,

- ordonner une nouvelle expertise,

- en tous cas,

- débouter M. [E] [T] [M] des demandes accessoires, condamnations au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et frais,

- condamner M. [E] [T] [M] aux dépens de première instance d'appel.

M. [C] [R] Sa et la MMA présentent l'argumentation suivante :

- le sinistre étant intervenu le 1er septembre 2016, le tribunal a visé par erreur l'article 1231 du Code civil entré en vigueur 1er octobre 2016,

- une part de responsabilité de moitié incombe à M. [E] [T] [M] :

- il n'avait pas retiré la croûte du lisier depuis la mise en place de la fosse,

- l'intervention nécessitait une pelle mécanique et [C] [R] Sa était inexpérimenté,

- la géomembrane installée le 31 août 2005 aurait du être remplacée 15 ans après soit le 31 août 2020,

- le constat amiable qui a été établi est incomplet, seul le recto a été versé aux débats,

- M. [E] [T] [M], éleveur professionnel et expérimenté, aurait du donner des directives et signaler l'existence de la membrane,

- M. [E] [T] [M] ne démontre pas le bon état antérieur de la bâche, alors qu'un ensemble de présomptions laisse penser qu'elle était détériorée,

- l'expert auquel la facture de la géomembrane a été communiquée n'a pas recherché ses caractéristiques et sa durée d'utilisation dans une fosse à lisier, il l'a estimée à 15 années or ses constatations laissent penser qu'elle était de 11 années,

- l'expert n'a pas approfondi les questions sur :

- l'impact des épidémies aviaires, qui ont conduit à des mesures de prophylaxie prévoyant la désinfection des locaux et du lisier, assorties de contrôles des services sanitaires ; M. [E] [T] [M] ne disposait pas de plan d'épandage pourtant obligatoire ; il est permis de penser que son arrêt d'activité était en relation avec les épidémies et les prescriptions multiples imposées aux éleveurs,

- les conditions dans lesquelles M. [E] [T] [M] a rompu son contrat avec la coopérative Vivadour, au mois d'avril 2018,

- le préjudice économique n'est pas justifié :

- l'expert judiciaire a mal rempli sa mission et le tribunal devait prendre en compte le rapport produit par les appelants, et non se fonder sur une moyenne des quatre derniers exercices sans prendre en compte l'impact des épidémies de grippe aviaire, et la situation réelle de l'entreprise à la date du sinistre, qui, deux mois auparavant, était fortement endettée et dans l'incapacité de faire face au moyen de ses capitaux propres,

- il n'est pas justifié d'un préjudice moral, les appelants n'ont eu aucune volonté de retarder le dossier,

- les lacunes du rapport d'expertise justifient une nouvelle expertise confiée à un vétérinaire admis à s'adjoindre un sapiteur.

Par uniques conclusions du 29 juillet 2021, M. [E] [T] [M] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Agen en date du 26 janvier 2021 sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande en réparation du préjudice moral,

- y ajouter,

- condamner in solidum, M. [C] [R] Sa et la MMA à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral,

- condamner in solidum, M. [C] [R] Sa et la MMA à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 3 483 euros.

M. [E] [T] [M] présente l'argumentation suivante :

- l'expertise a mis en évidence une faute contractuelle de M. [C] [R] Sa, qui a percé la géomembrane lors de l'utilisation de la pelle mécanique, et ne s'est pas suffisamment renseigné au préalable sur sa situation exacte,

- son inexpérience n'est pas exonératoire,

- l'expert a observé qu'aux endroits endommagés lors des travaux la bâche ne paraissait pas être en mauvais état à l'exception de très rares trous présents sur le rebord de la géomembrane, qui n'auraient pas nécessité un remplacement rapide,

- les constatations de l'expert ne sont pas combattues par des éléments étayés,

- l'analyse des fiches de visite des vétérinaires et le bilan sanitaire du 1er juin 2015 reflètent un bilan sanitaire satisfaisant, malgré une non-conformité n'appelant ni observation ni mesure corrective,

- si l'entreprise pouvait travailler avant le sinistre, les dommages causés ont eu pour conséquence de rendre la fosse inutilisable,

- l'épidémie de grippe aviaire est étrangère à la question de la faute commise, et M. [E] [T] [M] aurait du reprendre son activité au cours de la semaine 33 de 2016,

- le préjudice est justifié :

- le préjudice de jouissance de la fosse est démontré,

- la perte d'exploitation a été déterminée par l'expert, et le rapport produit par les appelants émane d'un expert commis par eux, qui a été défaillant lors de la phase amiable de règlement du litige et a établi un rapport favorable aux appelants en dehors de tout contradictoire,

- il est justifié d'un préjudice moral, résultant de la situation de blocage de la situation par le refus de la MMA de participer aux opérations d'expertise amiable, alors que son assuré y était présent.

La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2022, et l'affaire a été fixée pour être examinée le 7 février 2022.

Motifs

Sur la responsabilité de l'entrepreneur de travaux :

L'action en responsabilité engagée par M. [E] [T] [M] est fondée sur l'article 1147 du Code civil en vigueur à la date du contrat, selon lequel le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il n'est pas contesté par M. [C] [R] Sa et son assureur la MMA qu'il est intervenu le 1er septembre 2016 pour procéder au malaxage de la fosse à lisier de M. [E] [T] [M], et qu'au cours de cette opération, il a utilisé une pelle mécanique et troué la bâche géotextile revêtant la paroi de la fosse destinée à assurer son étanchéité.

Les parties ont rempli un formulaire de constat amiable d'accident automobile, sur lequel M. [C] [R] Sa a indiqué 'En nettoyant une fosse à lisier j'ai accroché la membrane d'étanchéité de celle-ci. Personne ne m'avait indiqué la présence de cette membrane'.

Une expertise non judiciaire réalisée par le Cabinet [A] [U] le 9 février 2017 à la demande de la SA Groupama, assureur de M. [E] [T] [M], a retenu que la bâche a été 'enfourchée' à plusieurs endroits, provoquant un déchirement récurrent sur 1/4 de sa surface, qu'elle était trop endommagée pour être réparée au coup par coup et qu'une réfection complète devait être envisagée. La conclusion du rapport daté du 16 février 2017 indiquait M. [D] [X], représentant la MMA, présenterait rapidement son rapport de reconnaissance auprès de cet assureur, évoquerait les travaux de réparation et les préjudices annexes, qu'il trouvait les devis présentés très élevés, et qu'il assurerait une contre-proposition à partir de devis d'entreprises régionales.

M. [D] [X] a adressé à son mandant, la MMA, un rapport daté du 26 avril 2017 relevant que le sinistre n'avait pas pour seule origine les travaux de curage de la fosse à lisier, qui était précédemment endommagée. Il relevait qu'en l'absence de dispositif de traitement du lisier, les installations n'étaient plus conformes aux directives sanitaires en matière d'élevage de canards. Il retenait que, même s'il n'avait pas été informé de l'existence de la membrane, l'assuré de la MMA aurait dû, en qualité de professionnel, s'assurer de l'environnement de la fosse. Il ajoutait toutefois que la coopérative Vivadour, partenaire exclusif de M. [E] [T] [M] avait confirmé que la bâche présentait déjà des dommages en août 2016. Dès lors, l'intervention de M. [C] [R] Sa n'était pas à l'origine de l'ensemble des dommages constatés sur la bâche qui devait être remplacée avant le sinistre.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire établi le 12 juin 2018 par [Y] [L], auquel les parties ont adressé la totalité des documents en leur possession, qui les a réuni, a visité les lieux en leur présence, diffusé un pré-rapport qui n'a pas été suivi de dires, puis établi son rapport définitif, que la bâche a été percée et déchirée à plusieurs endroits, essentiellement du côté opposé au bâtiment de gavage, ce qui correspond aux deux endroits où M. [C] [R] Sa situe les trous qu'il a pu faire dans la bâche avec sa pelle mécanique. Ce constat est illustré de photographies réalisées contradictoirement.

L'expert ajoute que la bâche ne paraît pas être en mauvais état, à l'exception de très rares trous présents sur le rebord de la géomembrane, qui n'auraient pas nécessité son remplacement rapide.

Les travaux de reprise nécessitent la dépose de l'ancienne géomembrane, le déblaiement, l'acquisition et la pose d'une géomembrane neuve.

L'expert relève que l'intervention était délicate car M. [C] [R] Sa, au volant de sa pelle mécanique, ne voyait pas le fond de la fosse, ni n'avait l'expérience de ce type de travaux. L'expert estime que M. [E] [T] [M] aurait du le renseigner précisément sur la conformation précise de la fosse à lisier ; il retient la responsabilité de M. [C] [R] Sa pour ne pas s'être informé suffisamment sur la position exacte de la géomembrane avant d'effectuer les travaux, et avoir effectué une manoeuvre inadaptée lors de la conduite de sa pelle mécanique.

Il ressort de ces éléments qu'en mettant en oeuvre sa pelle mécanique, M. [C] [R] Sa, professionnel qualifié pour l'utilisation d'un tel engin, ce que n'était pas M. [E] [T] [M], devait d'une part recueillir les renseignements appropriés sur la fosse afin de s'assurer qu'il utilisait un outil adapté à l'opération envisagée, d'autre part utiliser avec prudence son matériel et s'abstenir d'entrer en contact avec les parois de la fosse dont il devait malaxer le contenu.

Le manquement à son obligation contractuelle est donc avéré.

M. [C] [R] Sa ne peut utilement reprocher à M. [E] [T] [M] une absence d'information sur la présence de la géomembrane, qu'il a déplorée sur le constat amiable, car de première part, c'est à lui qu'il appartenait de se renseigner auprès de son client ainsi que l'ont retenu l'expert judiciaire et l'expert de la MMA, de seconde part, la membrane qui recouvrait le fond de la fosse, mais également ses parois inclinées, était apparente ainsi que le montrent les diverses photos versées aux débats, de sorte que sa présence ne pouvait être ignorée, et de troisième part, la présence de la géomembrane n'est pas à l'origine du sinistre, puisque l'éventualité d'un décollement du fond a été envisagée mais non démontrée, et il a été constaté qu'elle ne présentait pas un état anormal justifiant d'avertir l'entrepreneur de travaux.

La préexistence d'une dégradation, ou la nécessité de remplacer la membrane avant le sinistre ne peut davantage être opposée, puisqu'il ressort de l'expertise judiciaire qu'à l'exception des dégâts occasionnés par M. [C] [R] Sa, elle était en bon état, hormis quelques rares trous en bordure dépourvus de conséquences, et ce bien qu'elle ait été installée depuis 11 ans, de sorte que son remplacement ne s'est imposé qu'à la suite du sinistre du 1er septembre 2016.

En outre, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, les services vétérinaires ont effectué plusieurs visites de l'exploitation de M. [E] [T] [M] au cours des années 2011 à 2013, et relevé une unique non-conformité tenant à un défaut d'adhésion à la charge sanitaire en 2013 et 2015, n'appelant aucune mesure corrective.

C'est donc par une exacte analyse des éléments soumis à son appréciation que le tribunal a déclaré M. [C] [R] Sa seul responsable du sinistre.

Sur l'indemnisation du dommage

L'expert judiciaire, [Y] [L], a retenu que la réparation de la fosse nécessitait la dépose de l'ancienne géomembrane, un déblaiement, l'acquisition et l'installation d'une géomembrane neuve soit pour l'enlèvement et le déblaiement et suivant devis de l'entreprise Tricot du 18 avril 2018, 6 200 euros, et pour la pose d'une nouvelle géomembrane suivant devis de l'entreprise Aquitaine Géomembrane du 17 avril 2018, 5 861,93 euros, l'ensemble s'élevant à une somme de 13 061,93 euros.

Considérant que la membrane ayant été installée le 31 août 2005, et qu'elle aurait du être renouvelée le 31 août 2020, l'expert a retenu une privation de jouissance de 4 années et appliqué un prorata de 4/15 pour retenir une base d'indemnisation de 3 483 euros qui n'est pas contestée par M. [E] [T] [M].

Les appelants soutiennent que l'expert ne justifie pas la durée d'utilisation de la membrane de 15 années qu'il retient, sans étayer leur allégation contraire par la production d'éléments probants, alors que l'expert a disposé de la facture d'achat et examiné l'installation en présence des parties qui n'ont pas émis de dire sur ce point lors de la diffusion du pré-rapport.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

L'expert a en outre considéré qu'il était justifié de reconnaître l'existence d'un préjudice économique car l'installation de gavage était fonctionnelle avant le sinistre, la coopérative Vivadour ayant prévu un calendrier de mise en production à compter de la 33e semaine de l'année 2016, et il était nécessaire de permettre une remise en production rapide pour permettre à M. [E] [T] [M] de mener à bonne fin son redressement judiciaire.

L'évaluation de ce préjudice a été basée sur :

- l'analyse de la production entre 2011 et le 1er septembre 2016, soit 102 bandes représentant un effectif de 188 988 canards et une moyenne de 1 853 canards par bande,

- une production moyenne de 25,6 bandes par an au cours des années pleines 2012, 2013, et 2014,

- une perspective de reprise au cours de la 33e semaine de 2016 ce qui représentait une prévision de production de 9 bandes,

- l'analyse des résultats comptables des années 2011 à 2015 faisant ressortir une marge nette de 1,855 € par canard,

permettant de retenir un préjudice annuel de :

- 25,6 bandes X 1 853 canards X 1,855 euros par canard = 87 995 euros

soit, pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2016 un préjudice de 30 936 euros, puis pour chaque mois suivant un préjudice de 7 332 euros.

M. [E] [T] [M] verse aux débats une attestation de la [Adresse 6] de laquelle il résulte que la reprise d'activité est intervenue le 23 mai 2018.

En conséquence, le préjudice calculé sur ces bases s'élève à :

- 30 936 euros pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2016

- 87 995 euros pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2017

- 36 660 pour la période du 1er janvier au 23 mai 2018

soit une somme totale de 155 591 euros, le tribunal ayant retenu une somme totale de 155 590 euros dont M. [E] [T] [M] sollicite la confirmation.

Les appelants soutiennent, sans le démontrer, que la production aurait été affectée par l'épidémie du virus H5N1 dit grippe aviaire après le 1er septembre 2016.

Il ressort, à cet égard, de l'échange de correspondances annexé à la note n°1 de l'expert [Y] [L] que le Groupe Vivadour a, par la voix de [S] [I], responsable technique palmipèdes du service de productions animales, indiqué dans un courriel du 26 février 2018 que M. [E] [T] [M] avait reçu des indemnités pour la période allant de la semaine n°17 à la semaine n°32 incluse de l'année 2016, et qu'il était prévu ensuite une reprise d'activité.

L'expert a donc pris en considération de manière appropriée les effets de l'épidémie sur la production en excluant l'année 2016 de ses calculs et en considérant que la capacité de production était normale à partir du 1er septembre 2016.

Les appelants, qui n'ont émis aucun dire critiquant son évaluation à la suite de la diffusion de son pré-rapport alors qu'ils avaient, dès la première expertise amiable, émis des observations portant sur le montant du préjudice, et étaient par conséquent en mesure de soumettre à l'expert dans un cadre contradictoire leurs éventuelles objections, ne sont pas fondés à opposer en cause d'appel une analyse unilatérale établie pour les besoins de la cause.

En outre, la note qu'ils versent aux débats, établie le 5 avril 2019 par le cabinet GM consultant à la demande de la MMA, se réfère à tort à l'impact de la grippe aviaire dont l'absence d'influence a été démontrée, et reproche à l'expert une absence de prise en compte de la santé financière de l'exploitation de M. [E] [T] [M], alors qu'il était en redressement judiciaire à la date de l'expertise, ce qui démontre que son entreprise n'était pas vouée à cesser son activité, que la marge nette a été déterminée par l'expert sur la base de données comptables objectives, et que l'évaluation de la situation financière de l'exploitation au cours de l'année 2016 ne saurait se fonder exclusivement sur la période antérieure au sinistre, qui a fait obstacle à toute reprise de la production durant le dernier quadrimestre.

Le jugement sera par conséquent confirmé sur l'évaluation du dommage matériel et économique.

Le tribunal a écarté par des motifs pertinents, que la cour adopte, la demande présentée au titre d'un préjudice moral dont l'existence n'a pas davantage été démontrée en cause d'appel.

Sur les autres demandes :

En application de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, M. [C] [R] Sa et la MMA, qui ont succombé en première instance, ont été à juste titre condamnés à supporter les dépens.

Le jugement sera confirmé sur ce point, sauf à ajouter que les dépens incluront les frais d'expertise judiciaire, ce qui a été mentionné dans ses motifs mais non dans son dispositif.

L'appel étant injustifié, M. [C] [R] Sa et la MMA seront tenus d'en supporter les dépens.

L'artiche 700 du Code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

M. [C] [R] Sa et la MMA seront condamnés à payer à M. [E] [T] [M] 3 000 € en application de ces dispositions.

Par ces motifs,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Agen du 26 janvier 2021,

Y ajoutant,

Dit que les dépens de première instance comprendront les frais d'expertise judiciaire,

Condamne in solidum M. [C] [R] Sa et SA MMA Iard aux dépens d'appel,

Condamne in solidum M. [C] [R] Sa et SA MMA Iard à payer à M. [E] [T] [M] 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00252
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;21.00252 ?
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