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26/03/2008 | FRANCE | N°07/01086

France | France, Cour d'appel d'agen, 26 mars 2008, 07/01086


COUR D'APPEL D'AGEN 1ère Chambre MATRIMONIAL

DU 21 Mai 2008-------------------------

D. N. / I. L.
Jeanne X... épouse Y...
C /
Bruno Y...

RG N : 07 / 01086
- A R R E T No 482 / 08

Prononcé à l'audience publique du vingt et un Mai deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :
Madame Jeanne X... épouse Y... née le 17 Juillet 1962 à AGEN (47000) De nationalité française ingénieur demeurant... 47480 PONT DU C

ASSE

représentée par la SCP A. L. PATUREAU et P. RIGAULT, avoués assistée de Me Dominique REMY, avocat

APPE...

COUR D'APPEL D'AGEN 1ère Chambre MATRIMONIAL

DU 21 Mai 2008-------------------------

D. N. / I. L.
Jeanne X... épouse Y...
C /
Bruno Y...

RG N : 07 / 01086
- A R R E T No 482 / 08

Prononcé à l'audience publique du vingt et un Mai deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :
Madame Jeanne X... épouse Y... née le 17 Juillet 1962 à AGEN (47000) De nationalité française ingénieur demeurant... 47480 PONT DU CASSE

représentée par la SCP A. L. PATUREAU et P. RIGAULT, avoués assistée de Me Dominique REMY, avocat

APPELANTE d'un jugement du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance d'AGEN, décision attaquée en date du 29 Juin 2007, enregistrée sous le no 04 / 01326
D'une part,

ET :
Monsieur Bruno Y... né le 28 Janvier 1962 à TULLE (19000) de nationalité française médecin généraliste demeurant... 19100 BRIVE LA GAILLARDE

représenté par la SCP HENRI TANDONNET, avoués assisté de Me Hervé SOL, avocat

INTIME

D'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en Chambre du Conseil, le 26 Mars 2008 devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, Dominique NOLET, Conseiller (laquelle désignée par le Président de Chambre a fait un rapport oral préalable) et Dominique MARGUERY, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, greffier et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

* * *

Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, Jeanne X... a interjeté appel le 12 / 07 / 2007 d'un jugement rendu le 29 juin 2007 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance d'Agen ayant notamment :
- fixé la résidence des enfants chez le père-organisé le droit de visite et d'hébergement de la mère-constaté que le père, au vu de la modicité des ressources de la mère ne demandait pas la fixation d'une contribution à l'entretien des enfants.
L'appelante conclut à la réformation de la décision entreprise et demande que résidence des enfants soit fixée chez elle, et que soit fixé la contribution du père à leur entretien à la somme de 150 € par enfants.
L'intimé conclut à la confirmation du jugement déféré.
Par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat 14 janvier 2008, Madame X... a été déboutée de ses demandes.
Vu les dernières conclusions de l'appelante en date du 13 septembre 2007 ;
Vu les dernières conclusions de l'intimé en date du 28 janvier 2008 ;

SUR QUOI,
Les parties se sont mariées le 26 avril 1991. De leur union sont nées trois filles, Séverine en 1992, Aloïse en 1994 et Berthe en 1998.
Par jugement du 17 novembre 2006, le divorce des époux a été prononcé aux torts de l'épouse et un examen psychologique des enfants, avec audition des parents, a été ordonné et confié à Monsieur Z..., Monsieur Y... condamné à payer à son épouse une prestation compensatoire d'un montant de 20 000 €.
Une enquête sociale avait été ordonnée et l'enquêteur, Monsieur A... avait déposé son rapport le 26 / 01 / 2005.
Monsieur Z... a déposé son rapport le 15 janvier 2007. La décision entreprise fait suite au dépôt du rapport.
Les enfants ont été entendues le 21 juin 2007 par le Juge aux Affaires Familiales.

Monsieur Y... est docteur en médecine. Madame X... est ingénieur en agronomie et en agriculture, mais n'a pu trouver qu'un emploi à temps partiel d'aide ménagère. Ils vivent tous les deux avec leur mère depuis que Monsieur Y... est parti s'installer à Uzerche, Madame X... ayant quitté le domicile conjugal avec ses trois filles pour rejoindre sa mère en Lot et Garonne, où elle vit dans une grande propriété de 27 ha, avec une grande maison, mais qui ne dispose ni de la télévision ni d'ordinateur.
Du rapport de Monsieur A..., en 2005, il résulte les éléments suivants.
Les enfants n'ont jamais été scolarisés, Madame X... assurant leur éducation, aidée de sa mère enseignante à la retraite. Les enfants suivent des cours par correspondance édités par un établissement catholique privé. Leurs résultats scolaires sont excellents.
La famille pratique au quotidien la religion catholique, la seule activité extra-scolaire pratiquée à l'époque de l'enquête sociale étant la participation à la chorale de la paroisse.
Les voisins de Madame B..., la mère de Madame X..., relevaient que cette dernière vivait en recluse et se désolaient de l'isolement des trois petites filles, pourtant en demande de communication avec l'extérieur. C'est ainsi que lorsqu'elles sont venues chez eux, elles se sont émerveillées devant les couleurs du poste de télévision !
L'enquêteur concluait dans les termes suivants :
- Madame X... a toujours eu une relation fusionnelle avec sa mère. Cela l'a empêchée de prendre ses distances avec elle, afin de réaliser sa vie de couple. Il doit d'ailleurs être relevé que dès la naissance de Séverine, Madame B... est venue s'installer près de sa fille et a loué un petit appartement.
- le couple est opposé sur le mode d'éducation des enfants, le père ayant toujours souhaité les scolariser. La mère souhaitant une protection totale des enfants dans un mode éducatif dans la seule foi chrétienne.
- l'enquêteur déclarait se poser des questions sur l'éducation donnée par le duo mère et grand-mère maternelle, et " l'enfermement éducatif et religieux dans lequel elles font vivre les enfants. "
- les enfants sont obéissantes, dociles, polies, bonnes élèves et très pieuses. En dehors de cela, elles vivent en dehors du monde qui les entoure, n'ont pas accès aux médias, ne connaissent pas le cinéma, voient peu d'enfants. Elles vivent en complet décalage avec les enfants de leur âge. Leur environnement ressemble à une communauté religieuse, leur grand-mère maternelle ayant le rôle d'une mère supérieure.
Il est d'ailleurs noté dans le rapport que bien que la maison soit immense, elle était d'intérieure assez vétuste, et en 2005, les trois filles étaient installées dans la même chambre, avec un mobilier identique s'apparentant à un dortoir.
- les enfants ont un emploi du temps millimétré et sans aucune possibilité de choix personnel.
- Monsieur Y... propose de meilleures garanties d'ouverture et de mode éducatif à offrir aux enfants.
Du rapport de Monsieur Z..., il résulte les éléments suivants.
* Sur la mère :
Interrogée sur la non scolarisation de ses filles, Madame X... répond : " c'est un choix de notre part. C'était mon rêve, mon idéal ". Il conclut s'agissant de la mère : " on a le sentiment d'une fuite de contacts avec autrui, d'une certaine phobie sociale. Les trois filles sont associées à cette vision des choses, à ce déficit social, voire culturel au sens large. "
* Sur le père :
C'est un homme affable et d'allure joviale. On sent beaucoup de frustration chez lui, plus que de la peine de ne pas vivre auprès de ses filles. Il sait qu'elles ne veulent pas vivre chez lui. Il n'a jamais su se positionner face à sa femme, sa mère et sa belle-mère. Cependant, il accepte mal le départ de sa famille. Sa paternité est remise en cause, d'où son action en justice.
* Sur Berthe âgée de huit ans :
Berthe s'identifie massivement à sa mère, ce qui la gêne dans son approche vers l'autre sexe. Les relations avec les deux images parentales sont froides. Notamment, celle de la mère. Berthe se sent seule, voire abandonnée. L'agressivité, la sexualité sont refoulées. Elle a d'excellents résultats.
* Sur Aloïse âgée de 12 ans :
Concernant l'organisation de sa structure, Monsieur Z... indique qu'elle ira vers une névrose hystérique en formation. L'enfant décrit l'influence omnipotente des grands-mères sur leur fils et fille. Elle ne souhaite pas vivre chez son père à la ville. Elle décrit sa vie quotidienne avec une joie de vivre. Elle se situe bien dans son âge... mais est pénalisée par rapport à l'ensemble des enfants de son âge par le manque de contact et de relations avec ses pairs. La vision qu'elle donne des garçons est assez négative.
* Sur Séverine âgée de 15 ans :
L'image paternelle est peu présente. La sexualité est décrite comme source d'inquiétude. L'image maternelle archaïque a été vécue comme étouffante et toute puissante. Séverine s'identifie massivement à sa mère.
Ce qui pose problème, c'est que Séverine vit le monde extérieur comme dangereux, voir inquiétant. Elle utilise des mécanismes de défense de type isolation et refoulement ce qui situe sa structure psychique dans le champ de la névrose. Ses angoisses sont de type abandonnique de la part de la mère.
Séverine ne veut pas retourner chez son père en ville.
Monsieur Z... conclut : les enfants, a priori, ne vivent pas mal la séparation. Rien n'indique qu'elles souhaiteraient rompre cet équilibre.
On peut, dit-il, regretter l'absence des enfants dans le tissu social. C'est une donnée qui pèsera lourd dans l'entrée des fillettes dans l'âge adulte. Il n'est pas possible de les séparer du duo maternel... elles se sont crées un petit monde social associé à la voisine faisant office de grande soeur.

Les constations de ces deux expertises conduisent à confirmer l'appréciation faite à la fois par la premier juge et le conseiller de la mise en état de la situation des enfants.
Certes, elles sont polies, obéissantes et pieuses.
Mais au delà de l'apparence, ce sont des enfants qui sont isolées du monde actuel et il n'est pas possible de renoncer, alors qu'elles sont encore si jeunes, ainsi que le fait remarquer Monsieur Z..., à leur permettre d'intégrer notre société. Ces enfants sont psychologiquement en danger : Aloïse développe une névrose hystérique, la structure psychique de Séverine est identique, et si l'on ne modifie pas le fonctionnement des enfants, Berthe développera les mêmes symptômes.
Certes, l'éducation nationale ne propose pas un enseignement toujours parfait.
Certes, la vie moderne peut être ressentie comme dangereuse.
Pour autant, les enfants vivent au 21o siècle. Elles doivent pouvoir être éduquées de façon à leur permettre de s'insérer dans la société qui les entoure. Que deviendront-elles lorsque leur grand-mère ne sera plus là.
Mais surtout, le choix éducatif fait par Madame X... n'est pas partagé par son mari. Si les deux parents s'accordaient sur le mode d'éducation à donner à leurs filles, jamais nous n'aurions été saisis.
Dès lors, en considération de tous les facteurs de risque pour l'avenir des enfants que celles-ci encoureraient en restant chez leur mère, il convient de confirmer la décision déférée en en adoptant les motifs, comme ceux développés par l'ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement après débats en chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au fond, confirme le jugement rendu le 29 juin 2007 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance d'AGEN,
Condamne Madame X... aux entiers dépens de l'appel,
Autorise les avoués de la cause à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, greffier présente lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 07/01086
Date de la décision : 26/03/2008
Sens de l'arrêt : Délibéré pour prononcé en audience publique

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Agen, 29 juin 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2008-03-26;07.01086 ?
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