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11/02/2008 | FRANCE | N°147/08

France | France, Cour d'appel d'agen, Ct0055, 11 février 2008, 147/08


ARRÊT DU 11 Février 2008

R. M / S. B**
--------------------- RG N : 06 / 01321---------------------

Evelyne X... épouse Y...
Frédéric Y...
Blanche Z... épouse A...
Louis A...
C /
Christiane B... épouse C...,
Jacques C...
E. U. R. L. T. P. Y...
------------------
ARRÊT no147 / 2008
COUR D' APPEL D' AGEN
Chambre Civile
Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l' article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le onze Février deux mille huit,
LA COUR D' APPEL D' AGEN, 1ère

Chambre dans l' affaire,
ENTRE :
Madame Evelyne X... épouse Y... née le 07 Mars 1969 à AGEN (47000) de nationalit...

ARRÊT DU 11 Février 2008

R. M / S. B**
--------------------- RG N : 06 / 01321---------------------

Evelyne X... épouse Y...
Frédéric Y...
Blanche Z... épouse A...
Louis A...
C /
Christiane B... épouse C...,
Jacques C...
E. U. R. L. T. P. Y...
------------------
ARRÊT no147 / 2008
COUR D' APPEL D' AGEN
Chambre Civile
Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l' article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le onze Février deux mille huit,
LA COUR D' APPEL D' AGEN, 1ère Chambre dans l' affaire,
ENTRE :
Madame Evelyne X... épouse Y... née le 07 Mars 1969 à AGEN (47000) de nationalité française, profession : secrétaire de direction Demeurant... 47310 AUBIAC

Monsieur Frédéric Y... né le 10 Août 1967 à AGEN (47000) de nationalité française, profession : gérant entreprise TP Demeurant... 47310 AUBIAC

Madame Blanche Z... épouse A... née le 08 Février 1921 à CORNUDA (ITALIE) de nationalité française Demeurant... 47310 AUBIAC

Monsieur Louis A... né le 04 Juillet 1916 à CALCINATO (ITALIE) de nationalité française Demeurant... 47310 AUBIAC

représentés par Me Jean- Michel BURG, avoué assistés de Me Didier RUMMENS, avocat

APPELANTS d' un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d' AGEN en date du 06 Juillet 2006
D' une part,
ET :
Madame Christiane B... épouse C... née le 21 Décembre 1947 à DECAZEVILLE (12300) de nationalité française

Monsieur Jacques C... né le 03 Février 1947 à RODEZ (12000) de nationalité française Demeurant ensemble... 47310 AUBIAC

représenté par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assisté de Me GAUTHIER de la SELARL AVOCATS- SUD, avocats

E. U. R. L. T. P. Y..., prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Dont le siège social est...

ASSIGNÉE SUR APPEL PROVOQUÉ, n' ayant pas constitué avoué
INTIMÉS D' autre part,

a rendu l' arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 12 Novembre 2007, devant Raymond MULLER, Président de Chambre (lequel a fait un rapport oral préalable), François CERTNER, Conseiller et Dominique MARGUERY, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu' il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l' issue des débats, que l' arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu' il indique.
* * *

FAITS ET PROCÉDURE
Les époux C... sont propriétaires à AUBIAC au lieudit " La Garenne " de deux parcelles de terre (cadastrées B 26 et 547) sur lesquelles est édifiée une maison d' habitation.
Monsieur et Madame Y... sont propriétaires des parcelles B22, B23 et B24 et Monsieur Y... est nu- propriétaire des parcelles B20, 25, 35 et 36 dont les époux A... sont usufruitiers.
En 1999, Monsieur Y... a implanté son entreprise de travaux publics, l' EURL T. P. Y..., sur ces derniers terrains, en violation des règles d' urbanisme (construction sans aucune autorisation), implantation concrétisée par l' édification de divers bâtiments et la réalisation d' un parking après enrochement.
Se plaignant de nuisances sonores, visuelles et olfactives, les époux C... ont assigné les consorts Y...- A... devant le Tribunal de grande instance d' AGEN pour voir, à titre principal, ordonner la démolition de l' ensemble des constructions édifiées en violation des règles d' urbanisme et la remise en état des lieux et condamner les consorts Y...- A... à leur payer la somme de 20. 000 € à titre de dommages et intérêts ; à titre subsidiaire, condamner les consorts Y...- A... à mettre fin au ruissellement provenant du talus aménagé sur leur terrain, sous astreinte, et à leur payer une indemnité de 50. 000 € en réparation des troubles de voisinage occasionnés.
* * *
Les consorts Y...- A... ont conclu au rejet de l' intégralité des prétentions des époux C....
***
Par jugement du 6 juillet 2006, le Tribunal de grande instance d' AGEN a rejeté la demande tendant à la démolition des constructions, mais a condamné les consorts Y...- A... à payer aux époux C... une somme de 30. 000 € en réparation des troubles anormaux de voisinage subis, à mettre fin au ruissellement provenant du talus, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai d' un mois à compter du jugement, à payer une indemnité de procédure de 2. 000 €.
Les consorts Y...- A... ont interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée au greffe le 14 septembre 2006.
Le 14 juin 2007, ils ont signifié à l' EURL T. P. Y... un appel provoqué de ce même jugement.
L' instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 23 octobre 2007.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les consorts Y...- A... sollicitent tout d' abord la confirmation des dispositions du jugement écartant la demande de démolition des constructions, pour les motifs retenus par le premier juge.
Ils concluent ensuite à la réformation du jugement et au rejet des prétentions des époux C... en faisant valoir :
- que les nuisances alléguées par les époux C... ne sont nullement établies, et ne peuvent en tout cas être qualifiées d' anormales au regard de la licéité de l' installation de l' entreprise sur les parcelles litigieuses, et de sa conformité aux normes réglementaires ;
- que le dépérissement du chêne et le ruissellement des eaux provenant du talus ne sont pas du fait des installations de l' EURL T. P. Y..., ainsi que le confirme le rapport de l' expert G... ;
- que les époux C... ont diligenté une procédure vexatoire et abusive ;
Ils ont par ailleurs fait plaider que l' activité commerciale de l' EURL T. P. Y... ne s' exercent plus sur les parcelles litigieuses, ayant été transférée au courant de l' été 2007 dans la Commune D' ESTILLAC.
* * *
Les époux C... ont sollicité avant dire droit un transport sur les lieux afin que la Cour puisse constater les désordres allégués.
A défaut, ils concluent à la réformation du jugement en demandant à la Cour :
1o) d' ordonner la démolition de l' ensemble des constructions édifiées en violation des règles d' urbanisme et la remise en état des lieux, suivant les préconisations et sous le contrôle d' un expert, dans un délai de 4 mois à compter de l' arrêt, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé ce délai, faisant valoir que les consorts Y...- A... jouent sur les mots, mais qu' il n' est pas contestable que la violation par ceux- ci des règles d' urbanisme et la construction de bâtiments dans une zone inconstructible leur a causé un préjudice autorisant la démolition ;
2o) de condamner les consorts Y...- A... à mettre fin au ruissellement d' eau et d' hydrocarbures provenant du talus, sous astreinte ;
3o) d' ordonner la remise en état du remblai qui s' est affaissé, sous astreinte de 200 € par jour de retard ;
4o) de condamner les consorts Y...- A... et l' EURL T. P. Y... à leur payer la somme de 73. 000 € à titre de préjudice patrimonial, résultant de la perte de valeur de leur propriété en raison des nuisances causées et de la dégradation du site ;
5o) de condamner les consorts Y...- A... et l' EURL T. P. Y... à leur payer la somme de 40. 000 € au titre des troubles anormaux de voisinage subis depuis 1999 et 10. 000 € au titre du préjudice moral résultant de la situation imposée avec violence par ses voisins.

* * *
L' EURL T. P. Y..., qui s' est vue signifier l' appel provoqué des époux C..., par acte de Maître Jean- Philippe I..., Huissier de Justice, du 14 juin 2007 délivré à personne habilitée, n' a pas constitué avoué.
MOTIFS DE L' ARRÊT
I- Sur la recevabilité de l' appel provoqué
Pour déclarer recevable l' appel provoqué des époux C... à l' encontre de l' EURL T. P. Y..., il suffira de relever :
- que l' EURL T. P. Y... n' a pas constitué avoué et ne conteste donc pas la recevabilité de l' appel provoqué ;
- que si les consorts Y...- A..., sans contester expressément la recevabilité de cet appel provoqué auquel ils sont étrangers, mentionnent incidemment que l' EURL T. P. Y... n' était pas partie à la procédure en première instance, force est de constater qu' il résulte des " conclusions récapitulatives " déposées par Maître J... en vue de l' audience de mise en état du 15 mars 2006 qu' il représentait non seulement les consorts Y..., mais également " L' EURL T. P. Y... Frédéric, INTERVENANT VOLONTAIRE " ;
- que dès lors le fait que l' EURL T. P. Y..., intervenante volontaire et représentée dans la procédure de première instance par Maître J..., ait été omise dans le jugement querellé est sans incidence sur sa qualité de partie à la procédure, qui découle suffisamment des écritures de Maître J... ;
- que l' EURL T. P. Y... ayant été partie à la procédure de première instance, l' appel provoqué dirigé contre elle est recevable.
II- Sur la démolition
Les époux C... critiquent le jugement qui a rejeté leur demande en démolition de l' ensemble des constructions en soutenant qu' elles ont été réalisées en violation des règles d' urbanisme et qu' elles génèrent des nuisances multiples :
- le bruit résultant du sur- régime des moteurs des camions de l' entreprise dans la rampe d' accès vers la zone de stationnement et de l' immobilisation des camions pendant une trentaine de seconde devant le portail automatique ouvrant sur la route ;
- les odeurs liées aux gaz d' échappement des poids lourds et aux hydrocarbures en raison de la puissance de pompes à carburant sur l' aire de stationnement des véhicules de l' entreprise ;
- le ruissellement des eaux pluviales ;
- l' éboulement du talus survenu en février 2007 ;
- les actes de malveillance des consorts Y...- A... qui se sont appliqués à faire déféquer leur chien le long de la clôture de leurs voisins.
* * *
A titre liminaire, il convient de rappeler, en droit :
1o) que l' action civile en réparation d' un dommage causé par un délit se prescrit selon les règles du Code civil lorsqu' elle est exercée devant la juridiction civile ;
2o) que la victime d' un trouble de voisinage trouvant son origine dans l' immeuble donné en location peut en demander la réparation au propriétaire, qui dispose ensuite d' une recours contre son locataire lorsque les nuisances résultent d' un abus de jouissance ou d' un manquement aux obligations nées du bail ;
3o) qu' un particulier ne peut invoquer, devant les Tribunaux de l' ordre judiciaire, la violation des règles d' urbanisme qu' à la condition d' établir l' existence d' un préjudice personnel en relation directe avec l' infraction, et non pas avec la seule présence de constructions environnantes, et de démontrer le caractère anormal des troubles de voisinage qu' elle a généré.
En l' espèce, il convient de rappeler tout d' abord, et les consorts Y...- A... ne le contestent pas, que ceux- ci ont laissé la société Y... édifier sans permis de construire des bâtiments d' exploitation en 1999 et que dès lors l' action en responsabilité introduite par les époux C... devant la juridiction civile n' est pas prescrite, ainsi que l' a justement retenu le premier juge.
Pour confirmer le jugement entrepris en ses dispositions déboutant les époux C... de leur demande de démolition, il suffira de rappeler que le premier juge a relevé de manière pertinente que les nuisances invoquées par ceux- ci sont la conséquence de l' activité et du fonctionnement de l' entreprise et non de l' infraction de construction sans permis de bâtiments d' exploitation et qu' en l' absence de relation directe entre l' infraction et les nuisances la démolition ne s' impose pas.
III- Sur les troubles anormaux de voisinage
Si la société Y... est une entreprise de travaux publics dont l' activité s' exerce essentiellement sur des chantiers extérieurs, elle n' en génère pas moins des nuisances pour les époux C..., liées au bruit des moteurs de ses véhicules, tôt le matin lorsqu' ils sont récupérés par les conducteurs, et lors des entrées et sorties de l' entreprise qui impliquent un arrêt prolongé dans l' attente de l' ouverture du portail automatique, liées également aux odeurs d' hydrocarbure perceptibles dans le jardin des époux FRAYSSE, liées encore au dépérissement d' un chêne et au ruissellement d' eau en provenance du talus.
En outre l' odeur pestilentielle dégagée par les déjections canines déposées contre la clôture séparative, de manière telle que le caractère volontaire du dépôt, ou à tout le moins du défaut d' évacuation, est évident constitue, comme celles citées plus haut une nuisance excédant les troubles normaux du voisinage, dont les époux C... sont fondés à solliciter indemnisation du préjudice qu' elle leur cause, préjudice qui a été justement évalué par le premier juge.
IV- Sur le ruissellement et la remise en état du remblai
Si le dispositif condamnant les consorts Y...- A... à mettre fin au ruissellement d' eau en provenance du talus mérite confirmation dans son principe, force est de constater :
- que la demande portant sur le ruissellement d' hydrocarbure et la pollution du terrain des époux C... par ces hydrocarbures est recevable, dès lors qu' elle ne constitue qu' une actualisation des dommages résultant des troubles dont se plaignaient les époux C... dans la présente procédure depuis la première instance ;
- qu' il en est de même en ce qui concerne le remblaiement du talus ;
- qu' en l' état la Cour ne dispose pas des éléments suffisants pour statuer et qu' une consultation s' impose pour déterminer si la propriété des époux C... est polluée par des hydrocarbures, et dans l' affirmation d' en déterminer la cause et l' ampleur.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Déclare l' appel principal et l' appel incident réguliers en la forme et recevables ;
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions :
- rejetant la demande en démolition des constructions ;
- condamnant les consorts Y...- A... à payer aux époux C... une somme de 30. 000 € en réparation des troubles anormaux de voisinage ;
- condamnant les consorts Y...- A... à mettre fin au ruissellement des eaux provenant du talus, sous astreinte.
Dit et juge que les demandes relatives au ruissellement des hydrocarbures et au remblaiement du talus formulées devant la Cour sont recevables ;
Sursoit à statuer sur le surplus,
Ordonne une consultation et commet pour y précéder Monsieur François K..., demeurant...- Tél : ...- Fax : ..., avec pour mission de :

- se rendre sur les lieux,
- dire si la propriété des époux C... est polluée par des hydrocarbures,
- dans l' affirmative décrire la pollution (nature, surface, profondeur) et fournir toutes indications pour en déterminer l' origine ; décrire et chiffrer sommairement, si possible, les travaux nécessaires pour supprimer la pollution ou fournir son avis sur l' opportunité d' une expertise ;
Dit que le consultant devra accomplir sa mission contradictoirement en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs observations et, après avoir notifié ses pré- conclusions aux parties et avoir recueilli leur avis dans les 15 jours de cette notification et y avoir répondu, déposer rapport de ses opérations avec son avis dans un délai de TROIS MOIS à compter du règlement de l' avance sur rémunération prévue ci- après ;
Dit que dans le délai d' UN MOIS à compter du présent arrêt les époux C... devront adresser directement au consultant acceptant la mission une somme de 1. 000 € en compte et à valoir sur la rémunération du consultant, faute de quoi la mesure d' instruction sera caduque ;
Renvoie l' affaire à la première date de mise en état du mois de juin 2008 ;
Réserve tous droits et moyens des parties autres que ceux tranchés par le présent arrêt, ainsi que les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Raymond MULLER, Président de Chambre et par Dominique SALEY, Greffière.
La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Ct0055
Numéro d'arrêt : 147/08
Date de la décision : 11/02/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Agen, 06 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2008-02-11;147.08 ?
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