DU 16 Octobre 2006
C.A./S.BAS.C.I. SEGALA représentée par sa gérante Mme Brigitte X... domiciliée ès-qualités audit siège social C/Me Christian Y... ès-qualités d'administrateur de la SA AYMARD et d'administrateur de la SCI SEGALA, Me Jean Pierre Z..., ès-qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SCI SEGALA Aide juridictionnelle RG N : 05/01621 - ARRET no 993 - 06 -Prononcé à l'audience publique du seize octobre deux mille six, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, GreffierLA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,ENTRE :S.C.I. SEGALA représentée par sa gérante Mme Brigitte X... domiciliée ès-qualités audit siège socialdont le siège est ... 46270 BAGNAC SUR CELEreprésentée par la SCP HENRI TANDONNET, avouésassistée de Me Jérôme SOLLIER, avocat (Mme X... bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005/5025 du 25/11/2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN) APPELANTE d'un jugement du Tribunal de Commerce de CAHORS en date du 17 octobre 2005D'une part,ET :Maître Christian Y... ès-qualités d'administrateur judiciaire de la SA AYMARD et de la SCI SEGALA domicilié ... 31000 TOULOUSE représenté par Me Jean-Michel BURG, avoué assisté de Me MARFAING- DIDIER, avoat Maître Jean Pierre Z..., ès-qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SCI SEGALA domicilié ... 46000 CAHORS n'ayant pas constitué avouéINTIMÉSD'autre part,
A rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause ait été communiquée au Ministère Public, débattue et plaidée en audience publique, le 18 septembre 2006, devant Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, François CERTNER, Conseiller et Chantal AUBER, Conseiller (laquelle désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport
oral préalable), assistés de Isabelle LECLERCQ, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.*FAITS ET PROCÉDURE :
Par jugement du 21 mars 2005, le tribunal de commerce de CAHORS a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la S.A. AYMARD et a nommé Maître Y... en qualité d'administrateur judiciaire.
Par jugement du 17 octobre 2005, le tribunal de commerce de CAHORS, saisi par Maître Y... ès-qualités d'administrateur judiciaire de la S.A. AYMARD, a étendu le redressement judiciaire régime général de la S.A. AYMARD à la S.C.I. SEGALA et dit que la procédure de redressement judiciaire de la S.C.I. SEGALA sera commune et confondue avec la procédure de redressement judiciaire de la S.A. AYMARD.
La S.C.I. SEGALA a relevé appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2006.
Le dossier a été communiqué au Ministère Public qui, par mention écrite du 27 juin 2006, a indiqué s'en rapporter. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La S.C.I. SEGALA fait valoir, à l'appui de son appel, que l'extension de procédure collective est une mesure exceptionnelle qui exige des conditions rigoureuses et que, notamment, la confusion des patrimoines ne peut pas seulement résulter de la simple identité des dirigeants, ni de l'enrichissement de l'un des groupements au détriment de l'autre, ni de la communauté du siège social ou de la centralisation des moyens.
Elle soutient que selon la jurisprudence, la confusion des patrimoines ne peut pas être retenue en l'absence d'imbrication des comptabilités.
Or, elle considère qu'en l'espèce, la confusion des patrimoines n'est pas caractérisée, que c'est à tort qu'a été retenue l'existence de flux anormaux et sans contrepartie, ce qui, en toutes hypothèses, serait inopérant à défaut d'imbrication inextricable des comptabilités respectives. Elle ajoute que pour retenir de tels flux financiers anormaux, le tribunal s'est fondé uniquement sur la comptabilité de la S.C.I. et qu'il en a donné une interprétation erronée.
Elle conclut en conséquence à l'infirmation du jugement entrepris et au débouté de Maître Y... de ses demandes.*
Maître Y..., ès-qualités d'administrateur judiciaire de la S.A. AYMARD et de la S.C.I. SEGALA, indique que dans l'exercice de sa mission d'administrateur judiciaire, il a constaté des transferts de fonds anormaux et sans contrepartie entre les sociétés AYMARD et SEGALA.
Il relève notamment qu'alors que ces sociétés n'auraient dû entretenir que des relations découlant du contrat de bail, plusieurs transferts de fonds apparaissent injustifiés et qu'en outre, la S.A. AYMARD a continué d'exploiter le fonds dans les mêmes locaux après la résiliation du bail, c'est-à-dire sans contrepartie.
Il fait valoir que cet abus confirme la notion de confusion de patrimoines et de transferts d'actifs anormaux et a été réalisé par l'entremise de Mme X... en sa qualité de gérante de la S.C.I. et de directeur général délégué de la S.A. AYMARD.
Il conclut donc à la confirmation du jugement déféré et à la
condamnation de la S.C.I. SEGALA au paiement de la somme de 5.000 ç à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et de la somme de 5.000 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.*
Maître Z..., assigné en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la S.C.I. SEGALA, par acte du 18 janvier 2006, n'a pas constitué avoué. Il y a lieu de statuer par arrêt réputé contradictoire.MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le redressement judiciaire d'une société peut être étendu à une autre en cas de confusion de leurs patrimoines.
La confusion de patrimoines de deux sociétés peut être caractérisée, notamment, par l'existence de flux financiers anormaux entre elles ou de relations financières anormales.
En l'espèce, l'examen du grand livre clients de la S.C.I. SEGALA, relatif à la période du 1er janvier 2004 au 26 novembre 2004, montre l'existence de nombreux mouvements financiers entre elle et la S.A. AYMARD tant en débit qu'en crédit. De plus, un extrait de son grand livre général concernant l'année 2004 mentionne plusieurs sommes figurant au débit du compte d'associé de Brigitte X... et du compte d'attente de la S.C.I. et ce, au bénéfice de la S.A. AYMARD.
Si la S.C.I. SEGALA soutient que c'est à tort que des flux anormaux ont été retenus et que le tribunal a donné une interprétation erronée de sa comptabilité, elle ne donne néanmoins aucune explication sur les mouvements de fonds sans contrepartie ainsi constatés.
Or, les relations des deux sociétés n'auraient dû concerner que l'exécution du bail en vertu duquel la S.C.I. SEGALA avait donné des
locaux en location à la S.A. AYMARD moyennant le paiement d'un loyer.
Au vu des mouvements financiers susvisés, tel n'a manifestement pas été le cas et ce, d'autant plus que les débits mentionnés sur le grand livre général de la S.C.I. au bénéfice de la S.A. AYMARD sont datés des mois de juillet, août et septembre 2004 et sont donc postérieurs à la résiliation du bail décidée par les deux sociétés à effet du 1er juillet 2004 sans indemnité de part et d'autre.
De plus, la S.C.I. SEGALA ne conteste pas que la société AYMARD a continué à exploiter son fonds dans les mêmes locaux après la résiliation du bail et sans contrepartie. Elle lui a ainsi consenti un avantage financier incontestable sur lequel elle ne fournit pas la moindre explication.
Ces éléments non expliqués ni justifiés, à savoir les apports financiers effectués au bénéfice de la S.A. AYMARD et l'absence de versement de loyers ou d'indemnités de sa part en contrepartie de l'occupation des locaux de la S.C.I. SEGALA après la résiliation du bail, caractérisent l'existence de relations financières anormales entre ces deux sociétés, constitutives d'une confusion des patrimoines.
Si l'identité de dirigeant et de sièges sociaux des deux sociétés et le fait qu'elles aient été créées à la même époque ne suffiraient pas à eux seuls à révéler une confusion de leurs patrimoines, ces circonstances ont cependant permis ou facilité la mise en oeuvre de ces relations financières anormales.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont étendu le redressement judiciaire de la S.A. AYMARD à la S.C.I. SEGALA. Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
L'exercice d'une voie de recours constitue en principe un droit et ne
peut donner lieu à une dette de dommages et intérêts qu'en cas d'abus caractérisé dont la preuve n'est pas apportée en l'espèce.
Compte tenu de la situation des parties, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens seront passés en frais privilégiés de redressement judiciaire. PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 octobre 2005 par le tribunal de commerce de CAHORS,
Rejette la demande de dommages et intérêts présentée par Maître Y... ès-qualités d'administrateur judiciaire,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Dit que les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective et qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Le présent arrêt a été signé par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, Greffier présente lors du prononcé.
Le Greffier,
Le Président,