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08/09/2004 | FRANCE | N°03/189

France | France, Cour d'appel d'agen, 08 septembre 2004, 03/189


DU 08 Septembre 2004 -------------------------

S.N.C. GALLEGO C/ S.A. D.H.L. INTERNATIONAL RG N : 03/00189 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé B l'audience publique et solennelle du huit Septembre deux mille quatre, par Bernard LANGLADE, Premier Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1Pre Chambre dans l'affaire, ENTRE : S.N.C. GALLEGO prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siPge 22 rue Docteur Guinier X... 01 65601 SEMEAC CEDEX représentée par Me Solange TESTON, avoué DEMANDERESSE sur a

rrLt de renvoi de cassation, cassant et annulant l'arrLt rendu ...

DU 08 Septembre 2004 -------------------------

S.N.C. GALLEGO C/ S.A. D.H.L. INTERNATIONAL RG N : 03/00189 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé B l'audience publique et solennelle du huit Septembre deux mille quatre, par Bernard LANGLADE, Premier Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1Pre Chambre dans l'affaire, ENTRE : S.N.C. GALLEGO prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siPge 22 rue Docteur Guinier X... 01 65601 SEMEAC CEDEX représentée par Me Solange TESTON, avoué DEMANDERESSE sur arrLt de renvoi de cassation, cassant et annulant l'arrLt rendu par la Cour d'Appel de PAU en date du 16 Mars 2000, renvoyant la cause et les parties devant la Cour d'Appel d'Agen, D'une part, ET : S.A. D.H.L. INTERNATIONAL prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siPge Rue de la Belle Etoile Zone Industrielle Paris Nord II - X... 50252 95957 ROISSY CHARLES DE GAULLE CEDEX représentée par la SCP A.L. PATUREAU etamp; P. RIGAULT, avoués assistée de Me Jean louis ROINE, avocat DEFENDEUR, D'autre part, a rendu l'arrLt contradictoire suivant aprPs que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique et solennelle tenue en robes rouges, le 02 Juin 2004, devant Bernard LANGLADE, Président de Chambre, Nicole ROGER, et Bernard BOUTIE, Jean Louis BRIGNOL, Président de Chambre, Chantal AUBER, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, GreffiPre, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siPge ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date B laquelle l'arrLt serait rendu.

FAITS ET PROCÉDURE :

Pour répondre B un appel d'offres lancé par la société des Autoroutes du Sud de la France, la SA GALLEGO, dont le siPge est B SEMEAC (65), a confié le 7 décembre 1994 B 14 heures B la SA DHL INTERNATIONAL un pli qui contenait une offre pour la construction d'un centre

d'entretien et d'une gare de péage B Saint Gaudens aux fins d'acheminement par avion jusqu'aux bureaux de la société des Autoroutes B PARIS.

Ce pli a été remis B son destinataire le vendredi 9 décembre 1994, alors que la date limite de remise des offres était le 8 décembre 1994 avant 12 heures.

Par acte du 29 mars 1995, la SA GALLEGO a fait assigner la SA DHL INTERNATIONAL devant le tribunal de commerce de TARBES pour obtenir réparation du préjudice résultant de son défaut de participation B l'appel d'offres de la société des Autoroutes du Sud de la France et de la perte de chance d'obtenir le marché.

Le tribunal de commerce de TARBES, par jugement du 22 janvier 1996, constatant que l'action avait été introduite par la SA GALLEGO non sur le plan contractuel mais sur le plan quasi-délictuel, a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la SA DHL INTERNATIONAL.

Puis, par jugement du 6 janvier 1997, ce tribunal, aprPs avoir estimé que "la SA DHL INTERNATIONAL ne pouvait ignorer l'urgence de la prestation, qu'elle avait en toute connaissance de cause contracté une obligation de résultat dans une affaire d'une importance particuliPre pour la SA GALLEGO" et qu'il y avait eu de sa part "une faute lourde caractérisée", a dit que "la SA DHL INTERNATIONAL se trouve engagée dans sa responsabilité quasi-délictuelle sur le préjudice subi par la SA GALLEGO", a ordonné une expertise pour l'évaluation de ce préjudice, a commis pour y procéder M. Y.... et a réservé les dépens.

La société DHL INTERNATIONAL ayant relevé appel de cette décision, par arrLt du 16 mars 2000, la cour d'appel de PAU, l'a confirmée en toutes ses dispositions.

Sur le pourvoi formé par la société DHL International SA, la chambre

commerciale de la Cour de Cassation, par arrLt du 15 octobre 2002, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions cet arrLt de la cour d'appel de PAU, au visa de l'article 1382 du code civil, en rappelant que ce texte est inapplicable B la réparation d'un dommage se rattachant B l'exécution d'un engagement contractuel et en énonçant les motifs suivants :

"Attendu que pour dire que la responsabilité de la société DHL était engagée sur le fondement quasi-délictuel, la cour d'appel a retenu que cette société, qui avait indiqué B la société GALLEGO qu'elle acceptait d'acheminer un pli pour le remettre B la société Autoroutes du Sud le 8 décembre 1994 n'avait pas rempli cette obligation ce qui avait privé la société GALLEGO de la possibilité de participer B un appel d'offres ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'elle constatait qu'un contrat avait été passé entre les parties pour l'acheminement d'un pli et qu'elle retenait que le dommage invoqué avait été subi au cours de l'exécution de ce contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé"; La Cour de Cassation a remis en conséquence la cause et les parties dans l'état oj elles se trouvaient avant ledit arrLt et les a renvoyées devant la présente Cour.

La SA GALLEGO a saisi la cour par acte du 31 janvier 2003 et l'affaire a été enrôlée sous le n°03/189. La SA DHL INTERNATIONAL a également saisi la cour le 4 février 2003 ; cette instance a été enrôlée sous le n°03/196. La jonction de ces procédures a été ordonnée par le conseiller de la mise en état le 11 mars 2003.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2004.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SA DHL INTERNATIONAL fait valoir que l'action de la société GALLEGO est irrecevable en ce qu'elle est fondée sur les dispositions

de l'article 1382 du code civil, en application du principe du non cumul des responsabilités réaffirmé par la Cour de Cassation, dPs lors que l'inexécution d'une obligation contractuelle est alléguée et quand bien mLme l'inexécution du débiteur présenterait un caractPre dolosif ou frauduleux.

Elle soutient d'autre part que la société GALLEGO, qui a choisi de rechercher sa responsabilité quasi-délictuelle pour éluder l'exception d'incompétence territoriale et la limitation de responsabilité prévue par la convention de Varsovie, ne peut plus rechercher sa responsabilité contractuelle, cette action devant Ltre intentée, aux termes de l'article L 321-5 du code de l'aviation civile, dans les deux ans du jour oj l'aéronef est arrivé ou aurait df arriver B destination. Elle ajoute que selon la jurisprudence, l'action engagée sur un plan quasi-délictuel ne peut pas interrompre une action qui aurait df Ltre engagée sur un plan contractuel.

Subsidiairement sur le fond, elle conteste toute faute de sa part en soutenant que les seuls renseignements en sa possession étaient ceux portés sur la lettre de transport rédigée par l'expéditeur lui-mLme, qu'elle ignorait le contenu exact du pli et qu'aucun délai n'étant stipulé, elle n'a pas souscrit l'obligation de le livrer le 8 décembre 1994 avant 12 heures, la date limite n'étant connue que de l'expéditeur. Elle estime que c'est donc B tort que les premiers juges ont retenu un accord verbal entre les parties dont la preuve n'est pas apportée.

Elle souligne de plus qu'aux termes des conditions générales du contrat de transport, les délais ne sont donnés qu'B titre indicatif et qu'elle n'est responsable d'aucun retard, qu'enfin sa proposition de rembourser B la société GALLEGO le coft du transport et sa lettre adressée B la société ASF le 9 décembre 1994 ne peuvent Ltre

considérées comme une reconnaissance de responsabilité.

Elle fait valoir B titre trPs subsidiaire que sa responsabilité ne saurait excéder les limites prévues par l'article 22 de la convention de VARSOVIE qui, selon l'article L 321-3 du code de l'aviation civile, régit la responsabilité du transporteur de marchandises ou de bagages en cas de transport par air. Elle relPve enfin que la perte de chance alléguée par la société GALLEGO n'est pas prouvée.

Elle demande en conséquence B la cour :

- de réformer le jugement déféré, de juger irrecevable l'action en responsabilité quasi-délictuelle initiée par la société GALLEGO et de la débouter de toutes ses demandes,

- subsidiairement, de dire que l'action en responsabilité contractuelle que la société GALLEGO aurait pu engager contre elle est irrecevable comme prescrite en application de l'article L 321-5 du code de l'aviation civile,

- plus subsidiairement, de juger qu'aucune faute, et a fortiori, aucune faute inexcusable au sens de l'article 25 de la convention de Varsovie, ne peut lui Ltre reprochée et de débouter la société GALLEGO de ses demandes,

- encore plus subsidiairement, de débouter la société GALLEGO aux motifs que sa responsabilité est limitée, conformément aux dispositions de l'article 22 de la convention de Varsovie, en fonction du poids de l'envoi mentionné sur la lettre de transport, soit 0,5 kg, et que, par ailleurs, la société GALLEGO n'apporte pas la preuve du préjudice allégué,

- de condamner la société GALLEGO au paiement de la somme de 6.000 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens de premiPre instance et d'appel.

*

La SA GALLEGO fait valoir que si l'inexécution d'une obligation contractuelle ne peut entraîner l'application de l'article 1382 du code civil, comme l'a retenu la Cour de Cassation, ses demandes ne peuvent cependant Ltre écartées.

Elle indique en effet qu'il est possible de passer d'un régime de responsabilité B l'autre et que mLme si en l'espPce la responsabilité contractuelle peut seule Ltre retenue, la société DHL ne peut lui opposer une limitation contractuelle de l'indemnisation.

Invoquant la jurisprudence selon laquelle la clause limitative de responsabilité qui contredit la portée de l'engagement doit Ltre réputée non écrite s'il y a eu manquement B cet engagement essentiel, elle estime que la clause limitative invoquée par la société DHL INTERNATIONAL doit Ltre réputée non écrite.

Elle soutient que tout au moins la faute commise dans l'exécution du contrat a un caractPre de faute lourde permettant d'exiger l'entiPre réparation du préjudice subi et d'écarter les limitations de garantie tirées de l'article L 321-3 du code de l'aviation civile et des articles 22-2-a et 22-2-b de la convention de Varsovie.

Elle indique que, de mLme, l'article 25 de la convention de Varsovie prévoit que le transporteur ne peut se prévaloir des dispositions de cette convention qui excluent ou limitent sa responsabilité, si le dommage provient de son dol ou d'une faute équipollente au dol.

Or, elle estime que le tribunal de commerce a justement retenu l'existence d'une carence injustifiée et fort lourde de la part de la SA DHL INTERNATIONAL et que les notions de dol et de faute lourde doivent Ltre appliquées en l'espPce.

Elle explique B ce sujet que pour répondre B l'appel d'offres lancé par la société Autoroutes du Sud de la France, elle a confié B la société DHL le 7 décembre B 14 heures un pli qui devait Ltre remis B son destinataire le 8 décembre 1994 avant 12 heures. Elle souligne que la SA DHL se présente comme le numéro un mondial du transport express international et qu'elle ne lui a confié cette mission que parce qu'elle lui a garanti la faisabilité de l'opération, que le pli remis B DHL mentionnait qu'il était destiné B l'appel d'offres du 8 décembre 1994, qu'elle a rempli le bordereau selon les indications fournies par la représentante de la société et que sur instructions de cette derniPre, elle a posé sur l'enveloppe remise B la société DHL un "post-it" sur lequel figurait la mention "B distribuer d'urgence".

Elle soutient donc que la société DHL connaissait parfaitement le caractPre impératif et l'étendue de sa mission qui comportait l'obligation de livrer le pli le 8 décembre 1994. Elle estime ainsi établi que la société DHL l'a trompée en lui faisant croire B la possibilité de l'opération et en déduit qu'il y a dol et, B tout le moins, faute lourde.

En ce qui concerne son préjudice, elle invoque la perte de chance de participer B l'appel d'offres et d'obtenir le marché, soulignant que sa chance était réelle et importante car elle avait déjB conclu des marchés avec la société des Autoroutes du Sud de la France et obtenu les gares de péage de Tarbes Est, Tournay et Capvern et qu'elle était la moins disante. Elle affirme ainsi avoir été privée, par le fait de la société DHL, de ce marché dont la perte est considérable pour elle.

Elle demande en conséquence B la cour de débouter la SA DHL

INTERNATIONAL de ses moyens et demandes, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société DHL B réparer l'intégralité du préjudice qu'elle a subi et ordonné une expertise pour chiffrer ce préjudice et de condamner la SA DHL INTERNATIONAL B lui payer la somme de 2.500 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur la recevabilité de l'action de la société GALLEGO :

Il est désormais constant que la responsabilité de la SA DHL INTERNATIONAL ne peut Ltre recherchée par la SA GALLEGO que sur le fondement contractuel et non sur celui de l'article 1382 du code civil qui est inapplicable B la réparation d'un dommage se rattachant B l'exécution d'un engagement contractuel et ce, alors que la faute et le préjudice invoqués par la société GALLEGO ont pour origine les conditions d'exécution du contrat de transport conclu entre les parties.

Aux termes de l'article L 321-5 du code de l'aviation civile, l'action en responsabilité contre le transporteur (aérien)de marchandises et de bagages doit Ltre intentée, sous peine de déchéance, dans les deux ans du jour oj l'aéronef est arrivé ou aurait df arriver B destination.

En l'espPce, l'action de la société GALLEGO a été engagée par assignation du 29 mars 1995, soit dans le délai de deux ans suivant la date d'arrivée de l'aéronef, la livraison du pli litigieux ayant été effectuée le 9 décembre 1994. Cette assignation a interrompu le délai susvisé conformément aux dispositions de l'article 2244 du code civil, mLme si la société GALLEGO a initialement agi de maniPre erronée sur le fondement quasi délictuel car son action tendait au mLme objet que celui qui est actuellement poursuivi, B savoir la

réparation du préjudice causé par la faute reprochée B la SA DHL et la SA GALLEGO invoquait l'inexécution de l'obligation contractuelle de DHL de sorte que les éléments d'une responsabilité contractuelle étaient dans la cause. De plus, il s'agit de la mLme instance et non d'actions distinctes dont la premiPre aurait été définitivement écartée.

L'exception de prescription soulevée par la SA DHL INTERNATIONAL doit donc Ltre rejetée et l'action de la société GALLEGO Ltre déclarée recevable sur le fondement contractuel.

- Sur la responsabilité de la SA DHL INTERNATIONAL :

Selon la lettre de transport aérien versé aux débats, la SA GALLEGO dont l'adresse est située B SEMEAC - TARBES, a confié B la SA DHL INTERNATIONAL, le 7 décembre 1994 B 14 heures, des documents qui devaient Ltre remis B la société des Autoroutes du Sud de la France B PARIS pour un appel d'offres du jeudi 8 décembre 1994.

Ces documents ne sont parvenus B leur destinataire que le 9 décembre 1994 B 15 heures 23, comme cela est mentionné sur l'enveloppe qui comporte aussi la mention : "offre hors délai". De ce fait, pour ne pas affecter l'égalité entre les soumissionnaires, la société Autoroutes du Sud de France a rejeté le dossier de la SA GALLEGO.

La lettre de transport ne précise aucun délai d'acheminement des documents et elle ne porte pas elle-mLme l'indication de la date du 8 décembre 1994. En outre, les conditions générales applicables aux prestations fournies par la SA DHL stipulent que celle-ci fera de son mieux pour livrer l'envoi de l'expéditeur conformément B ses délais habituels de livraison, que cependant ces derniers ne sont donnés qu'B titre indicatif et ne font pas partie du présent contrat et qu'elle n'est responsable d'aucun retard.

Toutefois, la SA DHL INTERNATIONAL n'ignorait pas que le pli de la SA

GALLEGO devait Ltre remis B la société des Autoroutes le 8 décembre 1994 avant 12 heures et elle avait accepté de le livrer pour cette date.

En effet, par lettre du 9 décembre 1994 adressée B la société des Autoroutes du Sud, elle a expliqué qu'elle avait été contactée par la société GALLEGO le 7 décembre sur la possibilité d'acheminer un pli de ses locaux situés B TARBES jusqu'au bureau du destinataire B PARIS le 8 décembre, qu'elle avait "indiqué B cette société la faisabilité de cette opération", que l'enlPvement avait alors été effectué le 7, que cependant la livraison n'avait pas pu Ltre effectuée le 8 décembre suite B un retard df B ses services au sein de son réseau et n'avait pu Ltre réalisée que le 9 décembre malgré la demande de la société GALLEGO.

De mLme, par lettre du 15 décembre 1994, elle a confirmé B la société GALLEGO que le pli confié le 7 décembre, destiné B la société des Autoroutes du Sud, avait été livré le 9 décembre, suite B un retard dans l'un de ses centres de service et elle lui a présenté ses excuses en regrettant cet incident et en lui adressant un chPque de 235 F en remboursement des frais de transport.

Si la SA DHL affirme que ces lettres ne constituent pas une reconnaissance de responsabilité, il en résulte cependant qu'elle avait garanti la faisabilité d'une livraison le 8 décembre 1994 et que cette condition étant déterminante pour la société GALLEGO, cette derniPre l'avait chargée d'effectuer cette opération.

DPs lors, mLme si la lettre de transport ne mentionnait aucun délai, il apparaît incontestable qu'en l'espPce, la date de remise des documents B leur destinataire était un élément essentiel du contrat sans lequel la SA GALLEGO n'aurait pas contracté avec la SA DHL et que cette derniPre s'était donc engagée B respecter la date de livraison considérée.

D'autre part, si la SA DHL soutient que les indications de la lettre de transport ne lui permettaient pas de connaître le contenu du pli et la date B laquelle il devait Ltre livré, il y a lieu de constater que l'enveloppe contenant les documents destinés B la société des Autoroutes du Sud, comportait une vignette sur laquelle était portée la mention : "Appel d'offres du jeudi 08/12/1994". Or, cette mention était bien de nature B renseigner sur la date de livraison requise et les services de la SA DHL, qui ont pu en prendre connaissance avant que cette enveloppe ne soit insérée dans leur propre emballage, auraient df prendre les mesures nécessaires pour qu'elle soit respectée.

Il est ainsi établi que la SA DHL, qui avait indiqué B la SA GALLEGO la faisabilité de l'opération de remise du pli le 8 décembre 1994 et qui n'a pas mis en oeuvre tous les moyens permettant de réaliser effectivement cette mission, a commis un manquement fautif B ses obligations contractuelles.

Par ailleurs, la clause des conditions générales du contrat de transport, selon laquelle la SA DHL n'est responsable d'aucun retard, doit en l'espPce Ltre réputée non écrite, en ce qu'elle contredit la portée de l'engagement de délai que le transporteur avait pris B l'égard de la SA GALLEGO et qui constituait un élément essentiel de la convention.

La SA DHL INTERNATIONAL doit en conséquence Ltre déclarée responsable du dommage résultant pour la SA GALLEGO du retard apporté dans le transport des documents destinés B l'appel d'offres de la société des Autoroutes du Sud.

Cependant, en vertu de l'article L 321-3 code de l'aviation civile, la responsabilité du transporteur de marchandises ou de bagages est régie, au cas de transport par air, par les seules dispositions de la Convention de Varsovie, mLme si le transport n'est pas international.

L'article 22.2. a de la Convention de Varsovie dispose que dans le transport de bagages enregistrés et de marchandises, la responsabilité du transporteur est limitée B la somme de 250 F par kilogramme, sauf déclaration spéciale d'intérLt B la livraison faite par l'expéditeur au moment de la remise du colis au transporteur et moyennant le paiement d'une taxe supplémentaire éventuelle. Le paragraphe b de ce texte ajoute qu'en cas de perte, d'avarie ou de retard d'une partie des bagages enregistrés ou des marchandises, ou de tout objet qui y est contenu, seul le poids total du ou des colis dont il s'agit est pris en considération pour déterminer la limite de responsabilité du transporteur.

L'article 25 de la convention de Varsovie, modifié par le protocole de La Haye du 28 septembre 1955, énonce toutefois que "les limites de responsabilité prévues B l'article 22 ne s'appliquent pas s'il est prouvé que le dommage résulte d'un acte ou d'une omission du transporteur ou de ses préposés fait soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement"...

En l'espPce, si la SA DHL n'a pas mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour que le pli confié par son cocontractant le 7 décembre 1994 parvienne B la société des Autoroutes du Sud avant le 8 décembre 1994 B 12 heures, il s'agit manifestement d'une négligence de ses services, d'un défaut d'attention dans l'acheminement d'un pli urgent, mais ce manquement ne revLt aucun caractPre intentionnel.

D'autre part, cette négligence commise par les services de la SA DHL ne peut pas Ltre assimilée B un acte ou une omission téméraire faite avec la conscience de la probabilité du dommage.

En effet, il ne résulte pas des circonstances de la cause que la défaillance de DHL a eu un caractPre délibéré et réfléchi. Il

apparaît en outre que si la date de livraison du 8 décembre 1994 était connue de DHL, en revanche il n'est pas prouvé par la lettre de transport ou tout autre document que celle-ci savait qu'un retard de livraison d'une journée priverait la SA GALLEGO de la possibilité de participer B l'appel d'offres et lui causerait le préjudice dont cette derniPre demande réparation. Ainsi, la conscience et l'acceptation du dommage qui résulterait probablement de sa négligence ne sont pas établies B l'encontre de la SA DHL. La preuve d'une faute du transporteur, au sens l'article 25 de la Convention de Varsovie, n'est donc pas apportée.

DPs lors, les limitations de responsabilité prévues par l'article 22 de la convention de Varsovie doivent recevoir application. Il en découle que la SA GALLEGO ne peut pas obtenir une indemnisation équivalente B la valeur de son préjudice, mais que le dommage ne peut Ltre réparé que conformément aux rPgles édictées par l'article 22. Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris qui a ordonné une expertise pour l'évaluation de ce préjudice et de débouter la SA GALLEGO de sa demande tenant B la réparation de l'intégralité de son préjudice.

En considération de la situation des parties et de l'équité, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de le société appelante dont la demande présentée sur le fondement de ce texte sera rejetée.

La SA GALLEGO, qui succombe pour l'essentiel, doit supporter les dépens de premiPre instance et d'appel et ne peut prétendre au bénéfice de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS ,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'arrLt de la Chambre Civile de la Cour de Cassation en date du 15 octobre 2002,

Infirme le jugement rendu le 6 janvier 1997 par le tribunal de commerce de TARBES,

Et statuant B nouveau :

Déclare recevable l'action de la SA GALLEGO sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

Dit et juge que la SA DHL INTERNATIONAL est responsable du préjudice subi par la SA GALLEGO du fait du retard d'acheminement du pli destiné B la société Autoroutes du Sud,

Dit cependant que le préjudice de la SA GALLEGO ne peut Ltre réparé

que conformément aux rPgles et limitations édictées par l'article 22 de la Convention de Varsovie,

Déboute la SA GALLEGO de ses demandes contraires ou plus amples,

Dit n'y avoir lieu B application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la SA GALLEGO aux dépens de premiPre instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément B l'article 699 du nouveau code de procédure civile. La minute de l'arrLt a été signé par Monsieur LANGLADE, Premier Président et Dominique SALEY, Greffier. Le Greffier,

Le Premier Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 03/189
Date de la décision : 08/09/2004

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 - Transporteur aérien - Responsabilité.

Les conditions générales applicables aux prestations fournies par la société de transport intimée stipulent que celle-ci fera de son mieux pour livrer l'envoi de l'expéditeur conformément à ses délais habituels de livraison, mais que, ces derniers n'étant donnés qu'à titre indicatif, ils ne font pas partie du présent contrat et qu'elle n'est, du fait, responsable d'aucun retard. Toutefois, elle n'ignorait pas que le pli de la société appelante devait être remis à son destinataire à une date précise et elle avait accepté de le livrer pour cette date, même si la lettre de transport ne précise aucun délai d'acheminement des documents. Elle avait garanti la faisabilité d'une livraison à cette date, condition qui était déterminante pour l'expéditrice, qui l'en avait en conséquence chargée. Dès lors, même si la lettre de transport ne mentionnait aucun délai, il apparaît incontestable qu'en l'espèce, la date de remise des documents à leur destinataire était un élément essentiel du contrat sans lequel la société appelante n'aurait pas contracté avec l'intimée et que cette dernière s'était donc engagée à respecter la date de livraison considérée. Par ailleurs, la clause des conditions générales du contrat de transport, selon laquelle la société de transport n'est responsable d'aucun retard, doit en l'espèce être réputée non écrite, en ce qu'elle contredit la portée de l'engagement de délai que le transporteur avait pris à l'égard de la société appelante et qui constituait un élément essentiel de la convention. Elle sera en conséquence déclarée responsable du dommage résultant pour l'intimée du retard apporté dans le transport des documents destinés à un appel d'offres. Cependant, en vertu de l'article L. 321-3 Code de l'aviation civile, la responsabilité du transporteur de marchandises ou de bagages est régie, au cas de transport par air, par les seules dispositions de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, même si le transport n'est pas

international. Son article 22-2.a dispose que dans le transport de bagages enregistrées et de marchandises, la responsabilité du transporteur est limitée à la somme de deux cent cinquante francs par kilogramme, sauf déclaration spéciale d'intérêt à la livraison faite par l'expéditeur au moment de la remise du colis au transporteur et moyennant le paiement d'une taxe supplémentaire éventuelle. Le paragraphe b de ce texte ajoute qu'en cas de perte, d'avarie ou de retard d'une partie des bagages enregistrés ou des marchandises, ou de tout objet qui y est contenu, seul le poids total du ou des colis dont il s'agit est pris en considération pour déterminer la limite de responsabilité du transporteur. L'article 25, modifié par le protocole de La Haye du 28 septembre 1955, énonce toutefois que les limites de responsabilité prévues à l'article 22 ne s'appliquent pas s'il est prouvé que le dommage résulte d'un acte ou d'une omission du transporteur ou de ses préposés fait soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement. En l'espèce, si la société de transport n'a pas mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour que le pli confié par son cocontractant parvienne à son destinataire avant la date convenue, il s'agit manifestement d'une négligence de ses services, d'un défaut d'attention dans l'acheminement d'un pli urgent mais ce manquement ne revêt aucun caractère intentionnel. Cette négligence ne peut pas être assimilée à un acte ou une omission téméraire faite avec la conscience de la probabilité du dommage. Dès lors, les limitations de responsabilité prévues par l'article 22 de la Convention de Varsovie doivent recevoir application. Il en découle que la société intimée ne peut pas obtenir une indemnisation équivalente à la valeur de son préjudice, mais que le dommage ne peut être réparé que conformément aux règles édictées par l'article 22


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2004-09-08;03.189 ?
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