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06/09/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006944705

France | France, Cour d'appel d'agen, 06 septembre 2004, JURITEXT000006944705


DU 06 Septembre 2004 -------------------------

F.C/S.B Raoutia X... C/ CREDIT FONCIER DE FRANCE Maître HélPne G. RG N : 03/00987 - A R R E X... N° - ----------------------------- Prononcé B l'audience publique du six Septembre deux mille quatre, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1Pre Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Raoutia X... représentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués assistée de Me Laurent COUZI de la SCP LAPUENTE N. - COUZI L., avocats APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'AUCH en date du 06 Juin 2003 D'u

ne part, ET : CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de...

DU 06 Septembre 2004 -------------------------

F.C/S.B Raoutia X... C/ CREDIT FONCIER DE FRANCE Maître HélPne G. RG N : 03/00987 - A R R E X... N° - ----------------------------- Prononcé B l'audience publique du six Septembre deux mille quatre, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1Pre Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Raoutia X... représentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués assistée de Me Laurent COUZI de la SCP LAPUENTE N. - COUZI L., avocats APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'AUCH en date du 06 Juin 2003 D'une part, ET : CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siPge Dont le siPge social est 19 rue des Capucines - 75001 PARIS représentée par la SCP Guy NARRAN, avoués assistée de la SCP SEGUY BOURDIOL DAUDIGEOS LABORDE, avocats Maître HélPne G., Mandataire Judiciaire, pris en qualité de liquidateur B la liquidation judiciaire de Mme Raoutia X... représenté par Me Jean-Michel BURG, avoué INTIMES D'autre part, a rendu l'arrLt contradictoire suivant aprPs que la cause ait été communiquée au MinistPre Public, débattue et plaidée en audience publique, le 07 Juin 2004, devant Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, François CERTNER et Francis TCHERKEZ, Conseillers, assistés de Dominique SALEY, GreffiPre, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siPge ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date B laquelle l'arrLt serait rendu. EXPOSE DU LITIGE

Dans des conditions de régularité de forme et de délai non discutées, Raouita X... a interjeté appel contre toutes parties du Jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'AUCH LE 06/06/03 ayant ordonné la réouverture des opérations de liquidation judiciaire B son égard et, pour ce faire, désigné les organes de la procédure ;

Les faits de la cause ont été relatés par le premier Juge en des

énonciations auxquelles la Cour se réfPre expressément ;

L'appelante conclut B la "réformation" de la décision entreprise en toutes ses dispositions et B l'allocation de la somme de 1.000 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Elle soutient que les conditions posées B l'art. 170 de la Loi du 25/01/85 dans sa rédaction antérieure B la modification survenue par l'effet de la Loi du 10/06/94 permettant la réouverture des opérations de liquidation judiciaires ne sont pas réunies ;

Elle fait valoir :

1 ) que l'actif constitué par l'immeuble situé B FLEURANCE n'a jamais été dissimulé; le CREDIT FONCIER DE FRANCE n'en méconnaissait pas l'existence puisqu'elle en a financé l'acquisition et a garanti son prLt par une hypothPque inscrite précisemment sur cette maison d'habitation ; le mandataire liquidateur en avait lui aussi parfaitement noté l'existence mais demeurant la nature communautaire de ce bien avait renoncé B sa réalisation trop complexe,

2 ) qu'aucune fraude ne peut lui Ltre reprochée dans le fait d'avoir consenti B l'apport en jouissance de l'immeuble en cause B la SCI TALAMARS -constituée notamment avec son mari- par un acte sous seing-privé du 22/10/94, soit postérieurement B l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire; l'apport en jouissance n'a en rien modifié sa qualité de propriétaire de cet immeuble dont la valeur n'a pas été le moins du monde affectée d'autant que, dans le mLme temps, un contrat de bail a été conclu aux termes duquel le locataire s'engageait B prendre B sa charge les échéances de l'emprunt souscrit ; le fait qu'elle ne serait porteur que de 10 parts sociales de la SCI est sans influence dPs lors qu'en raison du

régime matrimonial de communauté légale qui est le sien, elle détient aussi les droits indivis portant sur les parts sociales correspondant B l'apport du bien commun B la personne morale; elle argue de ce que les premiers Juges ont fait une appréciation erronée en estimant que l'opération aboutissait B un véritable démenbrement de propriété alors que la communauté a conservé la pleine propriété du bien ;

De son côté, le CREDIT FONCIER DE FRANCE conclut B la confirmation du Jugement querellé et B l'allocation de la somme de 1.000 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Il fait au contraire observer que les conditions de l'art. 170 de la Loi du 25/01/85 dans sa rédaction antérieure B la modification survenue par l'effet de la Loi du 10/06/94 sont entiPrement réalisées: il y a d'une part eu dissimulation d'actif, laquelle doit s'analyser, non pas vis B vis du créancier hypothPcaire qui en connait nécessairement l'existence, mais envers les organes de la procédure collective ; il y a d'autre part eu fraude car Raouita X..., dessaisie depuis l'ouverture de la procédure le 27/11/92 jusqu'B sa clôture par Jugement su 17/11/95, n'était pas en droit de réaliser un apport en jouissance d'un de ses biens B une société le 22/10/94 ; or, cet apport diminue considérablement la valeur de l'immeuble d'autant que le mari de l'appelante se trouve porteur de 3.780 parts de la SCI bénéficiaire sur 3.800 alors que l'appelante n'en détient que 10 et leur fille 10 autres, de sorte que la vente forcée du bien aurait nécessité des démarches judiciaires préalables lourdes et couteuses ayant découragé Me C. de les réaliser ; de plus, s'agissant de l'acquisition d'un immeuble B l'aide d'un prLt PAP, l'emprunteur avait l'obligation selon l'art. 7-3 de l'acte notarié de dénoncer immédiatement au prLteur tout fait de nature B diminuer la valeur du bien hypothéqué ou toute modification dans ses conditions d'occupation, ce que l'appelante s'est gardé de faire ;

Il rappelle encore que cette derniPre s'est aussi gardé de faire connaitre au liquidateur l'existence de la créance résultant de ce prLt dont, nonobstant la procédure collective, elle a momentanément continué B honorer les échéances afin de tromper les uns et les autres; il n'a pf faire admettre sa créance que le 08/07/94 aprPs s'Ltre fait relever de la forclusion ;

Pour sa part, adoptant la thPse défendue par le CREDIT FONCIER DE FRANCE, Me G., es-qualité de madataire liquidateur B la liquidation judiciaire de Raouita X..., conclut B la confirmation de la décision attaquée et B l'octroi de la somme de 1.500 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Elle ajoute que l'organisme financier a qualité pour agir étant une "personne intéressée" au sens de l'art. 170 de la Loi actuellement applicable -art. 622-34 du Code de Commerce- et qu'il y a bien fraude par le fait que l'existence de l'actif constitué par l'immeuble litigieux n'a pas été, de maniPre délibérée, porté B la connaissance des organes de la procédure ;

Le MinistPre Public s'en rapporte selon visa du 16/01/04 ; MOTIFS DE LA DECISION

Il n'est ni discuté, ni discutable, que les rPgles applicables B la présente espPce sont celles ainsi rédigées figurant B l'article 170 de la Loi du 25/01/85 dans sa rédaction antérieure B la Loi du 10/06/94: "si la clôture de la liquidation judiciaire est décidée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs ont été dissimulés ou, plus généralement, en cas de fraude commise par le chef d'entreprise ou les dirigeants sociaux, la procédure de liquidation peut Ltre reprise B la demande de tout intéressé, par

décision spécialement motivée du Tribunal, sur justification que les fonds nécessaires aux frais des opérations ont été consignés B la Caisse des dépôts et consignations" ;

Par la production d'une déclaration en date du 20/11/01, le CREDIT FONCIER DE FRANCE justifie de la consignation de la somme de 1.500 francs pour faire face aux frais nécessaires aux opérations de réouverture éventuelle de la procédure de liquidation judiciaire;

L'absence de toute dissimulation d'actif est incontestable tant B l'égard de l'appelante, qui en sa qualité de prLteur de deniers pour l'acquisition de l'immeuble en cause et de créancier ayant inscrit hypothPque en connaissait nécessairement l'existence, qu'envers les organes de la procédure, notamment Me C., B l'époque liquidateur judiciaire désigné dans cette procédure:

* dans sa déclaration de créance de 475.215,97 francs formalisée le 15/11/93, le CREDIT FONCIER DE FRANCE demandait son admission "en qualité de créancier hypothécaire dans le passif de la liquidation judiciaire de Mme X... en vertu d'un acte de prLt" joint,

* Me C. a nécessairement connu de l'instance ayant donné lieu au rejet de la créance du CREDIT FONCIER DE FRANCE par le Juge Commissaire dans une Ordonnance du 10/01/94,

* de mLme a-t-il nécessairement connu l'instance en opposition formée contre cette décision, procédure ayant abouti au Jugement d'infirmation rendu par le Tribunal de Commerce d'AUCH le 08/07/94 relevant l'organisme financier et bancaire de la forclusion encourue et disant que "sa créance sera admise au passif de la liquidation judiciaire de Mme X... en tant que créance hypothécaire pour la somme de 475.215,97 francs outre les intérLts (...)" ;

Les premiers Juges ont estimé que le chef d'entreprise, en l'occurence l'appelante, avait commis une fraude; il est vrai que demeurant la rédaction de l'article 170 de la Loi du 25/01/85 dans sa

rédaction antérieure B la Loi du 10/06/94, l'existence d'une fraude constitue un second cas de reprise de la procédure collective ; au reste, ce cas est trPs largement ouvert puisqu'il est indiqué dans ce texte qu'une telle reprise est possible lorsque "plus généralement" (par rapport au premier cas), une fraude est commise par le débiteur ;

Au regard des précisions apportées par le Législateur dans la nouvelle mouture de l'art. 170 dans sa rédaction issue de la Loi du 10/06/94 qui s'attache B des données purement objectives tenant B l'absence de réalisation d'actifs ou de défaut d'actions intentées dans l'intérLt des créanciers pour permettre la reprise de la procédure collective, il apparait que la notion de fraude doit Ltre considérée d'un point de vue subjectif ;

Le fait pour Raouita X... d'avoir réalisé un apport en jouissance d'un bien indivis B une société civile immobiliPre alors que la procédure de liquidation judiciaire était en cours et qu'elle se trouvait en sa qualité de débitrice entiPrement dessaisie par l'effet du Jugement prononcé est déja trPs démonstratif de la fraude exigée par la Loi ; La fraude n'existe pas exclusivement lorsque un débiteur a eu l'intention, en passant l'acte disputé, de causer un préjudice B ses créanciers, mais aussi lorsqu'il a conscience de porter atteinte aux droits de ces derniers ;

Tel est le cas en l'espPce: d'une part, l'apport réalisé s'apparente B un acte de disposition, mLme si le bien indivis n'est théoriquement pas sorti en propriété du patrimoine de la débitrice ; d'autre part, cette derniPre ne peut méconnaître qu'elle agit contre les droits de ses créanciers puisque non seulement elle est dessaisie mais qu'elle accepte, alors qu'elle réalise des apports rigoureusement identiques B ceux de son mari, de ne recevoir qu'un nombre de parts sociales

symbolique de la S.C.I. familiale créée avec lui et leur fille ;

Les droits des créanciers sont bafoués en ce que, pour réintégrer dans le patrimoine de la débitrice un élément d'actif dont elle n'était pas habile B se défaire ou B grever d'une charge, ces derniers, par leur représentant dans la procédure collective, auraient été obligés de procéder;

D'oj il suit que les motifs des premiers Juges doivent Ltre adoptés et que la décision déférée doit Ltre confirmée en toutes ses dispositions ;

L'équité et la situation économique ne commandent pas de faire application au profit de l'une ou l'autre des parties des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Les dépens d'appel doivent petre laissés B la charge de Raouita X... ; PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement aprPs débats en Chambre du Conseil, contradictoirement et en dernier ressort aprPs en avoir délibéré conformément B la Loi,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Dit n'y a voir lieu B application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Raouita X... aux entiers dépens d'appel,

Autorise les Avoués de la cause B recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrLt a été signé par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre et Dominique SALEY, Greffier.

Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944705
Date de la décision : 06/09/2004

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Clôture - Clôture pour extinction du passif - Reprise de la procédure - Conditions

Est constitutif de la fraude exigée pour la reprise de la procédure de liquidation judiciaire par l'article 170 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994, devenu l'article L. 622-34 du code de commerce, le fait pour le débiteur en liquidation judiciaire de réaliser un apport en jouissance d'un bien indivis à une société civile immobilière alors que la procédure de liquidation judiciaire était en cours et qu'il se trouvait, en sa qualité de débiteur, entièrement dessaisi par l'effet du jugement prononcé


Références :

Loi n°85-98 du 25 janvier 1985, article 170, dans sa rédaction antérieure à la loi n°94-475 du 10 juin 1994, devenu article L. 622-34 du code de commerce

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2004-09-06;juritext000006944705 ?
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