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19/05/2004 | FRANCE | N°02/1756

France | France, Cour d'appel d'agen, 19 mai 2004, 02/1756


DU 19 Mai 2004 ----------------------

F.C/S.B X..., Marie Y... épouse Z.... Y.../ Christiane Z.... épouse A.... B..., Jean, Arthur A.... E.A.R.L. CASSOU RG N : 02/01756 - A C... C... E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du dix neuf Mai deux mille quatre, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame X..., Marie Y... épouse Z.... représenté par la SCP A.L. PATUREAU etamp; P. RIGAULT, avoués assisté de Me Christian HUON, avocat APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Gran

de Instance d'AUCH en date du 27 Novembre 2002 D'une part, ET : M...

DU 19 Mai 2004 ----------------------

F.C/S.B X..., Marie Y... épouse Z.... Y.../ Christiane Z.... épouse A.... B..., Jean, Arthur A.... E.A.R.L. CASSOU RG N : 02/01756 - A C... C... E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du dix neuf Mai deux mille quatre, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame X..., Marie Y... épouse Z.... représenté par la SCP A.L. PATUREAU etamp; P. RIGAULT, avoués assisté de Me Christian HUON, avocat APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 27 Novembre 2002 D'une part, ET : Madame Christiane Z.... épouse A.... Monsieur B..., Jean, Arthur A.... représentés par la SCP Henri TANDONNET, avoués assistés de la SCP MOULETTE-ST YGNAN-VAN HOVE, avocats E.A.R.L. CASSOU prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Dont le siège social est Cassou - 32330 GONDRIN représentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués assistée de la SCP MOULETTE-ST YGNAN-VAN HOVE, avocats INTIMES D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 17 Mars 2004, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, François CERTNER et Dominique NOLET, Conseillers, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. EXPOSE DU LITIGE

Dans des conditions de régularité de forme et de délai non discutées, X... Z.... née Y... a interjeté appel contre toutes parties du Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH le 27/11/02 l'ayant : * déclaré dépourvue de qualité à agir en demande de révocation de la

donation des biens ayant appartenu en propre à son défunt époux et irrecevable en ses prétentions de ce chef,

[* débouté pour le surplus,

*] condamné à payer aux consorts A.... la somme de 7.622,45 Euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 4.573,47 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Les faits de la cause ont été relatés par le premier Juge en des énonciations auxquelles la Cour se réfère expressément ;

Vu les conclusions déposées par l'appelante le 27/01/04 et celles déposées par les consorts A.... et l'E.A.R.L. de CASSOU le 06/10/03, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties ; MOTIFS DE LA DECISION

Par acte notarié en date du 19/04/86, les époux Z..., à l'époque mariés sous le régime de la séparation des biens avec clause de société d'acquêts, ont fait "donation entre vifs, à titre de partage anticipé, conformément aux articles 1075 et suivants du Code Civil et 1438 du même Code, conjointement et par moitié entre eux" à chacun de leurs deux enfants, donataires pour la même quotité et "ce en avancement d'hoirie", de divers biens précisément énumérés mais avec interdiction d'aliéner aux termes d'une clause contractuelle ainsi rédigée:

"Les donateurs déclarent interdire formellement à Madame A.... de vendre, d'aliéner ou d'hypothéquer sans leur consentement tout ou partie des biens attribués à ladite dame sous peine de nullité des ventes, aliénations ou hypothèques ou de révocation des présentes" ;

La décision entreprise doit être confirmée en ce qui concerne la recevabilité de l'action engagée par X... Z.... sans que Marie-Hélène Z.... épouse C... ait été appelée en cause en sa qualité de co-donataire; en effet, la révocation de la donation n'est pas poursuivie à son égard par l'appelante qui fait griefs à Christiane A.... exclusivement d'avoir méconnu les charges et conditions de l'acte de partage anticipé précité ;

Par Jugement prononcé le 16/09/87, le Tribunal de Grande Instance d'AUCH homologuait l'acte dressé le 24/03/87 par Maître SS., notaire, portant changement du régime matrimonial des époux Z.../Y... et adoption par eux du régime de la communauté universelle des art. 1524 et suivants du Code Civil ;

Dans cet acte, il est indiqué d'une part que "tous les biens meubles et immeubles sans exception qui composeront le communauté au décès de l'un d'eux appartiendront en pleine propriété au survivant sans que les héritiers du précédé puissent prétendre y avoir aucun droit", d'autre part que "sont exclus de la communauté (...) tous les biens meubles qui auront un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne" ;

Nul ne conteste que l'interdiction d'aliéner faite par les époux Z.... avait un caractère temporaire limité à la vie des donateurs et était justifiée par un intérêt légitime et sérieux ;

Nul ne prétend non plus que cette clause d'inaliénabilité aurait été levée, soit par le consentement des donateurs autorisant un acte de disposition en dépit de l'interdiction stipulée, soit par autorisation judiciaire ;

Il ne ressort de rien que les intimés auraient recherché de telles autorisations ni auraient tenté de critiquer la validité de la clause d'inaliénabilité pour obtenir que son application soit écartée ;

Les statuts de l'E.A.R.L. du CASSOU comportent deux dispositions intéressant le présent litige ;

En premier lieu, au chapitre consacré aux apports et notamment ceux en nature, il est détaillé le matériel agricole apporté par les époux A...; il n'est pas nié que certains de ces biens font partie de ceux donnés par les époux Z.... à leur fille Christiane par l'acte notarié en date du 19/04/86 ; l'invocation par les intimés des dispositions de l'art. 948 du Code Civil est inopérante : d'une part, l'apport a été réalisé en pleine propriété à défaut de stipulation d'apport en jouissance ; d'autre part, encore que ce point soit indifférent dès lors que l'acte en question ne fait aucun départ entre meubles et immeubles, il ne s'agit pas de biens meubles mais d'immeubles par destination en vertu des règles figurant à l'art. 524 du Code Civil s'agissant de cuves et d'ustensiles aratoires -cuves, pressoirs, tracteurs, etc...- placés pour le service et l'exploitation du fonds par leurs propriétaires ;

En second lieu, au chapitre intitulé "biens mis à dispositions", il est précisé que les époux A.... mettent à disposition de l'E.A.R.L. du CASSOU "l'entière propriété rurale sise sur les communes de GONDRIN, COURRENSAN, LAGRAULET DU GERS, LA FRECHE et LABASTIDE D'ARMAGNAC" même s'il est prévu qu'"une convention fixant les conditions et les modalités de la mise à disposition sera établie ultérieurement" ; on ne sait rigoureusement rien de l'existence et de la consistance d'une telle convention mais il ressort de diverses pièces produites que l'alinéation a bien eu lieu : pour preuve notamment l'attestation de la direction générale des Douanes de demande de prime d'abandon définitif de superficies viticoles sur laquelle seule est mentionnée l'E.A.R.L. du CASSOU en qualité de "propriétaire en faire valoir direct" de différentes parcelles situées commune de LAGRAULET DU GERS dont les numéros correspondent à l'acte de donation-partage ;

Il est par ailleurs produit aux débats un bail à ferme consenti le 19/01/01 par Christiane A.... à Erick A. portant sur des parcelles incluses dans ledit acte de donation-partage ;

Ces apports, "mises à dispositions" et bail à ferme, équivalent à des aliénations et constituent autant d'infractions à la clause d'inaliénabilité précitée ;

Il est vain d'invoquer le fait que l'E.A.R.L. du CASSOU est exclusivement constituée des époux A.... dès lors que le transfert de propriété ou de droits a eu lieu au profit de la structure morale qui jouit d'un patrimoine propre et dont il peut être procédé à la cession par négociation des parts sociales ;

Dans l'acte de donation-partage anticipé, les époux Z.... ont pris soin de préciser qu'il dotait chacun pour moitié leurs deux héritières, pour moitié chacune, de sorte qu'en réalité, le visa de l'art. 1438 du Code Civil se trouve dénué d'influence ;

L'appelante n'a qualité à réclamer la révocation que de la moitié de la donation et la reprise des seuls droits dont elle était titulaire et qu'elle a personnellement transmis selon l'acte en cause ;

En effet, nonobstant l'adoption de la communauté universelle, il apparaît que le droit de requérir la révocation de la part de donation -la moitié des biens en cause- consentie par Mr Z..., conjoint précédé de l'appelante :

* soit constitue une action à caractère strictement personnel ou exclusivement attaché à la personne du donateur -au sens de l'acte notarié homologué dressé le 24/03/87 portant changement de régime matrimonial des époux Z.../Y... et adoption par eux du régime de la communauté universelle- tenant au fait que celui-ci était le seul à

même d'exercer le choix que lui offrait la clause d'inaliénabilité d'exercer l'action révocatoire, ce qu'il n'a pas fait sachant qu'il est décédé le 30/04/92, soit postérieurement aux premières alinéations litigieuses remontant au mois d'août 1990 ainsi qu'il résulte de la lecture des statuts de l'E.A.R.L. du CASSOU,

* soit constitue le simple accessoire du droit de créance principal qu'est la donation assortie de la clause d'inaliénabilité, droit de créance principal qui s'est trouvé éteint par l'effet du décès du donateur sans que le changement de régime matrimonial intervenu entre temps ait pu de quelque manière que ce soit venir interférer dans le mécanisme puisqu'aussi bien, seuls les meubles, immeubles, droits et actions existant au décès du mari de l'appelante ont pu entrer dans la composition de la communauté universelle et le droit patrimonial principal, éteint à ce même moment, n'a pû laisser survivre le droit de révocation accessoire -et dénué de toute autonomie- défini comme l'interdiction faite à la donataire de vendre ou d'aliéner les biens donnés au risque de cette peine ;

Il convient en conséquence de réformer la décision entreprise ;

La restitution en nature étant en toute hypothèse impossible d'autant qu'il est statué en révocation par quote-part faute de pouvoir être autrement décidé, il convient de recourir à une mesure d'expertise à l'effet d'évaluer l'indemnité due par Christiane A..., aux frais avancés de cette dernière ;

Il faut constater qu'aucune demande de règlement de cette indemnité n'est formée par l'appelante à l'encontre de B... A... qui doit être mis hors de cause et que la demande de condamnation solidaire dirigée contre l'E.A.R.L. du CASSOU n'est pas clairement justifiée dans son fondement juridique, étant cependant précisé qu'en application de la dernière phrase de l'art. 954 du Code Civil, le donateur dispose

contre les tiers détenteurs des biens donnés de tous les droits qu'il aurait contre le donataire lui-même ;

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande formée par B... A... sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La demande formée par l'appelante sur le fondement de ce même texte doit être réservée tout comme le sort des dépens de première instance et d'appel, sauf en ce qui concerne ceux de B... A... qui doivent être supportés par l'appelante ; PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, contradictoirement, par Arrêt mixte en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Réforme la décision déférée,

Dit recevable l'action intentée par X... Z... née Y... nonobstant l'absence de mise en cause de Marie-Hélène Z... épouse C...,

Dit que X... Z... née Y... n'a pas qualité pour réclamer la révocation de la moitié de la donation consentie par son défunt mari et le retour des droits de ce dernier,

Révoque la donation entre vifs à titre de partage anticipé réalisée par acte notarié en date du 19/04/86 en ce qui concerne les seuls biens et droits transmis par X... Z... née Y... à Christiane A..., soit à hauteur de moitié des biens et droits figurant dans l'acte en question,

Constate que la restitution en nature est en toute hypothèse impossible,

Avant dire droit sur les conséquences financières de cette révocation, ordonne une mesure d'expertise à l'effet d'évaluer l'indemnité due par Christiane A... en remplacement des biens dont la restitution en nature originaire n'est plus possible,

Commet pour y procéder Mr le Président de la Chambre Départementale des Notaires sans faculté de délégation mais avec possibilité de

s'adjoindre tous sapiteurs utiles de son choix à l'effet de proposer une estimation de l'indemnité due par Christiane A... en remplacement des biens dont le restitution en nature originaire n'est plus possible,

Dit que l'Expert devra déposer son rapport dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine,

Commet François CERTNER, Conseiller, pour surveiller l'exécution de la mesure,

Dit que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par Christiane A... qui devra consigner la somme de 1.000 Euros à valoir sur la rémunération de l'Expert entre les mains du Régisseur d'Avances et de Recettes de la COUR dans le délai de 60 jours à compter de la présente décision, étant précisé que la charge définitive en incombera, sauf transaction, à la partie condamnée aux dépens, ou que désignera spécialement la Juridiction en fin d'instance,

Dit que l'Expert devra faire connaître sans délai au Conseiller chargé du contrôle de l'Expertise son acceptation, et devra commencer ses opérations dès que le Greffe l'aura averti de la consignation de la provision (article 271 du Nouveau Code de Procédure Civile),

Dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'Expert sera caduque, sauf décision contraire du Conseiller en cas de motif légitime, et qu'il sera tiré toutes conséquences de l'abstention ou du refus de consigner (article 271 du Nouveau Code de Procédure Civile),

En cas de carence de versement de la provision par la partie désignée, autorise toute autre partie diligente à procéder à cette consignation,

Dit que l'Expert, au moment d'achever ses opérations, pourra solliciter un complément de consignation afin de lui permettre d'être

aussi proche que possible de sa rémunération définitive, et que le défaut de consignation de l'éventuel complément de consignation entraînera la dépôt par l'Expert de son rapport en l'état (articles 269 et 280 du Nouveau Code de Procédure Civile),

Dit que l'Expert procédera selon la méthode du pré-rapport afin de provoquer les dires des parties dans tel délai de rigueur raisonnablement fixé et y répondre avec la plus grande précision,

Dit n'y avoir lieu à condamnation de l'E.A.R.L. du CASSOU solidairement avec Christiane A...,

Met B... A... hors de cause,

Le déboute de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne X... Z... à supporter des dépens de première instance et d'appel de B... A..., avec distraction au profit de la SCP TANDONNET, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Réserve les plus amples demandes notamment fondées sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que le sort des dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre et Dominique SALEY, Greffier.

Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 02/1756
Date de la décision : 19/05/2004

Analyses

DONATION - Clause d'inaliénabilité - Effets

Si dans les apports de la société intimée, et notamment ceux en nature, est inclus le matériel agricole faisant partie des biens donnés par les parents à leur fille par acte notarié avec interdiction d'aliéner sans leur consentement sous peine de nullité des ventes, aliénations ou hypothèques ou de révocation de la donation, ces apports équivalent à des aliénations et constituent autant d'infractions à la clause d'inaliénabilité


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2004-05-19;02.1756 ?
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