DU 04 Mai 2004 -----------------------
F.T/S.B Association L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS "QUE CHOISIR" C/ S.A. COFIDIS RG N : 02/01351 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du quatre Mai deux mille quatre, par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :
Association L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS "QUE CHOISIR" prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Dont le siège social est ... représentée par Me Solange TESTON, avoué assistée de Me Matthieu X..., avocat APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 05 Septembre 2002 D'une part, ET : S.A. COFIDIS prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Dont le siège social est ... représentée par la SCP A.L. PATUREAU etamp; P. RIGAULT, avoués assistée de Me Y..., avocat INTIMEE D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 02 Mars 2004, devant Nicole ROGER, Présidente de Chambre, Catherine Z... et Christian COMBES, Conseillers, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Durant le mois de juillet 2000, à l'occasion du Tour de France Cycliste, la SA COFIDIS, sponsor d'une des équipes engagées dans l'épreuve, a diffusé sur des panneaux implantés notamment à VILLENEUVE SUR LOT et VITRE, une publicité représentant des coureurs arrêtés, regardant vers le sol avec l'inscription de la phrase "Où ça un chèque de 10 000 francs ä" suivie d'un slogan "Le Crédit par
Téléphone" et du numéro de téléphone de COFIDIS.
Par exploit du 8 février 2001, l'Union Fédérale des Consommateurs (UFC) "Que Choisir" a assigné la SA COFIDIS pour :
- être déclarée recevable et bien fondée en son action conformément aux dispositions des articles L 421-1, L 121-1, L 311-2 et suivants du code de la consommation et 46 du nouveau code de procédure civile, - dire et juger illicite la publicité dénoncée pour violation des articles L 311-4 et L 121-1 du code de la consommation,
- ordonner sous un mois à compter de sa signification, la publication du jugement par communiqué sous le titre "Publication Judiciaire" aux frais de la SA COFIDIS et ce sous astreinte de 100 000 francs par jour de retard dans les quotidiens Libération et Le Figaro,
- ordonner sous un mois à compter de la signification du jugement l'affichage d'un message approprié sur 10 panneaux 4m x 3m à chaque étape du tour 2001-2002 selon la date du caractère définitif de la décision,
- condamner la SA COFIDIS à lui verser la somme de 200 000 francs en réparation du préjudice direct et indirect causé à l'intérêt des consommateurs par la diffusion de la publicité dénoncée,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner la SA COFIDIS à lui verser la somme de 30 000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, y compris le coût d'un constat d'huissier du 5 juillet 2000. au motif principal que la publicité en cause est illicite pour n'avoir pas mentionné les informations imposées par l'article L 311-4 du code de la consommation alors qu'elle vise une opération de crédit prévue à l'article L 311-2 dudit code.
La SA COFIDIS s'est opposée à la demande aux motifs que :
- la publicité en cause est une publicité de notoriété qui n'a pas à
être soumise aux prescriptions de l'article L 311-4 du code de la consommation
- et qu'elle n'est pas trompeuse.
Saisi du litige le tribunal de grande instance d'AGEN au motif principal que la publicité en cause ne faisait que promouvoir l'activité de prêteur de fonds de la SA COFIDIS et à ce titre n'avait pas à être soumise aux prescriptions du code de la consommation en matière de crédit, a par décision du 5 septembre 2002 :
- déclaré l'UFC "Que Choisir" recevable en son action,
- l'a débouté de ses demandes, non fondées,
- débouté la SA COFIDIS de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,
- condamné l'UFC "Que Choisir" à payer à la SA COFIDIS la somme de 4 600 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- l'a condamnée aux dépens.
L'UFC a formé appel de cette décision dans des conditions qui ne sont pas critiquées.
Dans ses dernières écritures devant la cour (30 mai 2003), elle demande en cause d'appel :
- de la déclarer recevable et bien fondée en son action,
- de réformer le jugement dont appel :
- de dire et juger illicite la publicité dénoncée pour violation des articles L 311-4 et L 121-1 du code de la consommation,
- de dire et juger illicite la publicité dénoncée pour violation des textes suivants : arrêté du 3 décembre 1987, décret n° 84-406 du 30 mai 1984, ordonnance du 1er décembre 1986, faute de mention lisible du numéro de RCSS de la SA COFIDIS sur la publicité dénoncée,
- d'ordonner sous un mois à compter de la signification de l'arrêt, la publication du jugement par communiqué sous le titre "publication
judiciaire", aux frais de la SA COFIDIS, et ce, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, astreinte dont le tribunal se réservera la liquidation, dans les quotidiens Libération, le Figaro,
- d'ordonner sous un mois à compter de la signification de l'arrêt l'affichage d'un message approprié aux frais de la SA COFIDIS, et sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, sur 10 panneaux quatre mètres fois trois à chaque étape du tour 2004 ou 2005 ,
- de condamner la SA COFIDIS à verser à l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir une somme de 30 489,80 euros afin de réparer le préjudice direct et indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs par la diffusion de la publicité dénoncée,
- de condamner la SA COFIDIS à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- de condamner la SA COFIDIS aux dépens au motif principal de l'absence des mentions obligatoires de l'article L 311-4 du code de la consommation sur la publicité en cause.
Pour sa part la SA COFIDIS dans ses écritures du 17 septembre 2003 demande à la cour :
- de dire que la publicité contestée est une "publicité de notoriété".
En conséquence,
- de dire et juger que ladite publicité n'est pas soumise aux prescriptions de l'article L 311-4 du code de la consommation, et qu'en tout état de cause ladite publicité n'était pas trompeuse et au demeurant parfaitement lisible,
- de dire et juger que l'article 72 du décret du 30 mai 1984 n'est pas applicable aux publicités réalisées par voie d'affichage en agglomération et visibles d'une voie ouverte à la circulation,
- de confirmer le jugement du tribunal de grande instance d'AGEN
rendu le 5 septembre 2002 sur ces points.
En conséquence,
- de débouter l'UFC Que Choisir de l'intégralité de ses chefs de demande,
- de dire n'y avoir lieu à l'allocation d'une quelconque somme à titre de dommages et intérêts au bénéfice de l'UFC Que Choisir.
A titre reconventionnel, réformant partiellement le jugement du 5 septembre 2002,
- de dire et juger que la procédure engagée par l'UFC Que Choisir à l'encontre de la SA COFIDIS est manifestement abusive.
Et en conséquence,
- condamner l'UFC QUE CHOISIR à lui payer la somme de 30 500 euros sur le fondement de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile,
- ordonner sous un mois à compter de la signification du jugement la publication du jugement par communiqué sous le titre "Publication judiciaire" aux frais avancés de l'UFC Que Choisir, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, astreinte dont le tribunal se réservera la liquidation, dans les quotidiens "LIBERATION", "LE FIGARO", et dans les revues mensuelles "60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS" et "QUE CHOISIR" ä
- condamner enfin l'UFC QUE CHOISIR à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamner aux dépens au motif principal qu'il ne s'agit pas d'une opération de crédit ou d'une offre de telle nature rentrant dans les prescriptions du code de la consommation alléguées au soutien de l'action de l'UFC mais d'une publicité de marque. * * * MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des éléments contradictoirement débattus devant la cour, qu'est en litige une affiche largement diffusée, de la SA COFIDIS
-société spécialisée dans le crédit à la consommation- laquelle affiche offerte à la vue du public indique indépendamment de son substrat iconographique son identité et son n° de téléphone sous la rubrique le "le crédit par téléphone" l'offre "d'un chèque de 10 000 F" -sans conditions précises- sauf à s'adresser au n° de téléphone indiqué.
Ces mentions générales n'ont d'une part aucune relation logique avec des coureurs du Tour de France, figurant en arrière plan de l'affiche, et d'autre part ne vantent pas la société "COFIDIS" sous sa dénomination générique ou ses activités sportives mais sa spécialité de "crédit par téléphone" et indiquent spécialement à cet égard :
1) la possibilité d'un "chèque" de 10 000 F sous forme interrogative (où ça ä) vis à vis du lecteur ; ce qui constitue une offre
2) de la part d'une société identifiée de "crédit par téléphone"
3) pour un "crédit par téléphone" justement par le rapport du 1) et 2) ci-dessus
4) avec le n° de téléphone à composer pour ce faire, n° de téléphone indiqué en très gros caractères, très visibles
Ces éléments constituent donc à l'évidence une publicité comportant l'offre -indifférenciée- de fournir un crédit. Selon les dispositions (d'ordre public) de l'article L 311-4 du code de la consommation :
toute publicité faite, reçue ou perçue en France qui, "quel que soit son support", porte sur l'une des opérations de crédit visées à l'article L 311-2 doit :
1° préciser l'identité du prêteur, la nature, l'objet et la durée de
l'opération proposée ainsi que le coût total et, s'il y a lieu, le taux effectif global (L. n° 98-657 du 29 juillet 1998) "mensuel et annuel" du crédit et les perceptions forfaitaires ;
2° préciser le montant, en francs, des remboursements par échéance ou, en cas d'impossibilité, le moyen de le déterminer. Ce montant inclut le coût de l'assurance lorsque celle-ci est obligatoire pour obtenir le financement et, le cas échéant, le coût des perceptions forfaitaires ;
3° indiquer, pour les opérations à durée déterminée, le nombre d'échéances.
L'article L 311-2 précise que les dispositions du présent chapitre (crédit à la consommation) s'appliquent à toute opération de crédit, ainsi qu'à son cautionnement éventuel, consentie à titre habituel par des personnes physiques ou morales, que ce soit à titre onéreux ou gratuit.
C'est donc à juste raison que l'UFC fait observer que cette publicité globalement limitée aux indications rappelées ci-dessus n'est pas conforme aux dispositions protectrices édictées par la loi en faveur des consommateurs, et, que ce manquement aux obligations posées par celle-ci dans l'intérêt bien compris des consommateurs, spécialement protégés sur ce point, manquement effectué par une société spécialisée en la matière qui se doit d'avoir une connaissance raisonnable et raisonnée des obligations qui conditionnent son activité est constitutif d'une faute génératrice d'un préjudice pour les consommateurs que l'UFC représente car, les agissements de la SA COFIDIS constituent en réalité une publicité interdite légalement sous la forme ainsi relevée, susceptible malgré tout, par son caractère attractif et réducteur d'attirer des consommateurs mal informés aux fins d'une souscription de crédit dont l'offre ne leur permet pas d'apprécier la véritable réalité objective que la loi pose
comme conditions essentielle "ab initio" pour être régulière et valable,
Les agissements en question étant illicites au sens de l'article L 421-2 du code de la consommation dans les conditions précisées par l'article L 421-2 dudit code confrontées aux dispositions rappelées ci-dessus.
L'illicéité constatée étant de nature à porter préjudice aux consommateurs concernés visés par la publicité, l'action de l'UFC est donc recevable et bien fondée.
Ceci étant les circonstances de l'espèce permettent à la cour d'apprécier le préjudice subi par l'UFC -à ce titre- à la somme de 5 000 euros.
La diffusion de la décision rendue s'effectuera dans les deux journaux indiqués au dispositif pour un coût de 10 000 euros.
Le surplus des demandes de l'UFC n'est pas justifié -notamment- il n'est pas établi que l'indication du RC de la société COFIDIS sur ses affiches en caractères relativement restreints constitue un préjudice pour les consommateurs, lecture effectuée des dispositions de l'article 72 du décret du 30 mai 1984.
Le surplus des demandes de l'UFC sera donc écarté.
L'appel incident de la société COFIDIS sera en conséquence de ce qui précède rejeté.
Une allocation fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile est équitable à hauteur de 3 000 euros en faveur de l'appelante.
La société COFIDIS supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit en la forme l'appel principal de l'UFC et l'appel incident de la société COFIDIS.
Réforme la décision entreprise et statuant à nouveau,
Condamne la société COFIDIS à payer à l'UFC la somme de 5 000 euros, Dit que le présent arrêt sera publié par extrait dans les journaux "LE FIGARO" et "LIBERATION", aux frais de la société COFIDIS, pour un coût maximum de 10 000 euros pour l'ensemble de ces insertions par voie de presse,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes en cause d'appel,
Condamne la société COFIDIS à payer à l'UFC la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne la société COFIDIS aux dépens de première instance et d'appel et pour ces derniers, avec distraction au profit de Maître TESTON, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de Chambre et Dominique SALEY, Greffier.
Le Greffier
La Présidente