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28/01/2004 | FRANCE | N°02/791

France | France, Cour d'appel d'agen, 28 janvier 2004, 02/791


DU 28 Janvier 2004 -------------------------

C.S/S.B Elisabeth X... C/ S.A. PROVENDES VIALLET Me Pascal P. RG N : 02/00791 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt huit Janvier deux mille quatre, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :

Madame Elisabeth X... représentée par Me Jean-Michel BURG, avoué assistée de Me Jean-Luc MARCHI, avocat APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 30 Avril 2002 D'une part, ET : S.A. PROVENDE

S VIALLET prise en la personne de son représentant légal actuellemen...

DU 28 Janvier 2004 -------------------------

C.S/S.B Elisabeth X... C/ S.A. PROVENDES VIALLET Me Pascal P. RG N : 02/00791 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt huit Janvier deux mille quatre, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :

Madame Elisabeth X... représentée par Me Jean-Michel BURG, avoué assistée de Me Jean-Luc MARCHI, avocat APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 30 Avril 2002 D'une part, ET : S.A. PROVENDES VIALLET prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Dont le siège social est "Badefols" 24150 LALINDE représentée par Me Henri TANDONNET, avoué assistée de la SCP ISSANDOU - TANDONNET - BASTOUL, avocats Me Pascal P., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. FERME DE PECH REDON dont le siège social est "Badefols" 24150 LADINDE prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Demeurant 8 rue Saint Martin 24100 BERGERAC représenté par Me Henri TANDONNET, avoué assisté de la SCP ISSANDOU - TANDONNET - BASTOUL, avocats INTIMES D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 17 Décembre 2003, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, Catherine LATRABE, Conseiller et Christophe STRAUDO, Vice-Président placé désigné par ordonnance du Premier Président en date du 05 mars 2003, assistés de Dominique SALEY, Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Mme X..., qui possède une propriété sur le commune de Bourlens, est

entré en relation commerciale avec les sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON afin de développer un élevage de canetons et de canard prêts à gaver.

A la suite d'un litige relatif au paiement de deux factures d'un montant total de 27.435,43 francs, Mme X... a fait assigner le 17 mai 2000 les sociétés précitées aux fins de :

- voir reconnaître que les sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON l'avaient intégré dans un système de production de canards prêts à gaver en violation des dispositions des articles L.326-1 et L.326-2 du Code Rural, et annuler en conséquence les opérations intervenues entre les parties.

- au principal de voir ordonner une expertise aux fins d'établir les comptes entre les parties.

Par jugement rendu la 30 avril 2002 auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposés des faits, des moyens et prétentions développés par les parties, le Tribunal de Grande Instance d'Agen a :

- débouté Mme X... de sa demande tendant à établir l'existence d'un contrat d'intégration et en obtenir l'annulation ainsi que la paiement de diverses sommes,

- dit que le contrat liant les parties est un contrat de fourniture comportant des obligations réciproques et ayant pour objet l'élevage de canetons prêts au gavage,

- constaté la volonté des parties de rompre leurs relations contractuelles,

- avant dire droit ordonné une expertise afin d'établir les comptes entre les parties

Par déclaration enregistrée le 14 juin 2002, Mme X... a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délais et de forme non contestées.

Aux termes de ses ultimes conclusions, et en raison de la liquidation judiciaire de la société FERME DU PECH REDON en cours de procédure, elle sollicite l'entière réformation de la décision déférée et demande à la Cour :

- de dire et juger que les sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON l'ont intégrée dans un système de production de canards prêts à gaver, et annuler en conséquences les opérations intervenues entre les parties en violation des articles L.326-2 et suivants du Code Rural,

- au principal de condamner la société PROVENDES VIALLET au paiement d'une provision de 4.589,98 euro à valoir sur sa rémunération d'élevage dans l'attente de l'établissement des comptes entre les parties, et de fixer à cette somme sa créance sur la société FERME DU PECH REDON,

- de condamner la société PROVENDES VIALLET au paiement d'une somme de 11.654,42 euro à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice constitué par l'aménagement d'une salle de gavage qui n'a jamais produit en raison du refus de ses cocontractants de respecter leurs engagements, et de fixer à cette somme sa créance sur la société FERME DU PECH REDON, - d'ordonner aux sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON de venir récupérer tout le matériel des salles de gavage déposé sur sa propriété dans le mois du prononcé de l'arrêt et ce sous astreinte de 150,00 euro par jour de retard,

- de condamner la société PROVENDES VIALLET au paiement d'une somme de 5.000,00 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice complémentaire lié à l'entretien des parcs et des salles de gavage, et de fixer à cette somme sa créance sur la société FERME DU PECH REDON,

- d'ordonner une expertise afin d'établir les comptes définitifs entre les parties après annulation de toutes les factures, sur la

base d'une rémunération minimale de 1,37 euro par animal sorti,

- de condamner la société PROVENDES VIALLET au paiement des entiers dépens et d'une somme de 2.000,00 euro en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et de fixer à cette somme sa créance sur la société FERME DU PECH REDON.

Au soutien de ses prétentions, Mme X... expose qu'elle a répondu favorablement à une offre faite par un représentant des sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON lui proposant d'installer avec leur assistance un élevage de canards prêts à gaver.

Qu'au terme de celle-ci, et sans qu'aucun contrat ne soit signé, les dites sociétés se sont engagées à prendre en charge pour chaque cycle d'élevage la totalité des frais d'exploitation, en mettant à sa disposition des canetons de trois semaines qu'elle devait élever durant douze semaines avant que ceux-ci ne soient repris pour le gavage, et ce moyennant une rémunération nette de 9 francs par animal outre le remboursement des frais.

Que l'opération devait se traduire par l'élevage de deux bandes de 1.500 canetons surveillé par des techniciens des sociétés précitées ; qu'elle a nécessité de surcroît des investissements importants résultant notamment de l'acquisition de matériel pour la création de parcs et la mise en place de locaux permettant à terme l'installation de salles de gavage.

En réplique, la société PROVENDES VIALLET et Me P., agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société la FERME DU PECH REDON, concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il écarté l'existence d'un contrat d'intégration. Ils sollicitent pour le surplus la condamnation de Mme X... à leur verser une somme de 9.587,78 euro au titre du remboursement des cages de gavage qui lui ont été fournies, 1.524,49 euro à titre de dommages et intérêts outre une somme identique en application de l'article 700 du Nouveau Code

de Procédure Civile.

A l'appui de leurs prétentions, elles soutiennent que la convention les liant à Mme X... doit s'analyser comme un simple contrat de fourniture que leur cocontractante a entendu rompre de manière unilatérale.

Ils précisent en outre que la convention relative à l'élevage de canetons doit être distinguée de la fourniture à Mme X... d'une station de gavage.

A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la présente juridiction retiendrait l'existence d'un contrat d'intégration, ils sollicitent qu'une expertise soit ordonnée aux fins d'établir les comptes entre les parties.

Au cours des plaidoiries, Me TANDONNET a entendu par ailleurs renoncer à se prévaloir du moyen tiré de l'absence de déclaration de créance de Mme X... à la liquidation judiciaire de la société la FERME DU PECH REDON.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2003. MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les moyens et prétentions des parties tels que développés dans leurs ultimes conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour de plus amples informés ;

Attendu qu'aux termes des articles L.326-1 et L.326-2 du Code Rural sont réputés contrats d'intégration tous contrats ,accords ou conventions conclus entre un producteur agricole et une ou plusieurs entreprises industrielles ou commerciales comportant des obligations réciproques de fournitures de produits ou de services; que dans le domaine de l'élevage, est réputé contrat d'intégration la convention par laquelle le producteur s'engage envers une ou plusieurs entreprises à élever ou à engraisser des animaux, et à se conformer à des règles concernant la conduite de l'élevage, l'approvisionnement

en moyens de production ou l'écoulement des produits finis ;

Qu'il est de jurisprudence constante qu'un tel contrat , dont l'objet est d'obtenir une production déterminée, prive en fait l'éleveur de toute liberté professionnelle et le place dans une situation économique de dépendance vis à vis de l'entreprise industrielle ou commerciale;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contestable que les sociétés PROVENDES VIALLET et sa filiale la FERME DU PECH REDON ont noué avec Mme X..., en sa qualité de productrice agricole, des relations contractuelles dans la perspective de créer un élevage de canetons et une station de gavage ;

Que les animaux, fournis exclusivement par les dites sociétés, étaient retirés à l'issue de plusieurs semaines d'élevage par ces mêmes sociétés ;

Que si Mme X... a engagé à ses frais un certain nombre d'investissements afin notamment de créer des parcs et d'installer une salle de gavage, il ressort des pièces versées au débat que les sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON ont participé de manière active à la conception de l'opération et ont fourni à la productrice , novice dans l'élevage de canard, une assistance permanente et constante sur le plan technique ;

Qu'il résulte en effet des fiches d'élevages produites en cause d'appel que M.PI. employé des sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON , s'est rendu régulièrement sur la propriété de Mme X... aux fins d'assurer un suivi technique de l'élevage ;

Qu'il ressort de ces mêmes documents et d'une attestation versée aux débats que M.PI. a procédé également aux vaccinations et rappels de vaccinations des 2.700,00 canetons fournis à Mme X... ;

Qu'il a été présent lors des débectages de canards aux fins d'aider cette dernière ;

Que les vaccins utilisés ont été prescrits par un vétérinaire agrée par la société PROVENDES VIALLET et fabriqués par cette même société, laquelle a fourni également divers produits alimentaires à Mme X... tel que cela résulte de bons de livraison versés aux débats ;

Qu'il est en outre incontestable que ces sociétés sont intervenues directement auprès d'un agriculteur, M.G., afin qu'il cède du matériel de gavage à Mme X... ;

Que les cages nécessaires à la réalisation d'une station de gavage ont été acquises directement par ces sociétés auprès des établissements M. et vendues à Mme X... ;

Que l'objet de la convention initiale, les obligations réciproques des parties et la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvait Mme X... vis à vis des sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON relèvent indiscutablement des dispositions de l'article L.326-2 du Code Rural ;

Que la convention liant les parties doit dès lors être qualifiée de contrat d'intégration et la décision déférée être réformée ;

Attendu qu'aux terme de l'article L.326-6 du Code Rural les contrats d'intégration doivent à peine de nullité contenir obligatoirement la nature, les prix et les qualités des fournitures réciproques, des produits ou des services, le rapport entre la variation des prix des fournitures faites ou acquises par la producteur ainsi que les conditions de durée , de renouvellement, de révision et de résiliation ;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contestable que la convention liant les parties, n'ayant fait l'objet d'aucun écrit, ne comporte aucune des mentions éxigées ;

Qu'elle doit dès lors être anulée en application du texte précité et considérée comme n'ayant jamais été conclue ;

Attendu qu'en l'absence d'élément permettant d'apprécier réellement

la valeur des prestations fournies par chacune des parties à la date des opérations, et en conséquence d'apurer leurs comptes, il convient avant dire droit d'ordonner une mesure d'expertise aux fins de déterminer les créances et dettes réciproques des parties ;

Que dans l'attente il convient de surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes. PAR CES MOTIFS:

La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

En la forme, reçoit les appels jugés réguliers de Mme X... et des sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON,

Au fond , infirme la décision déférée en toutes ses dispositions;

Et statuant de nouveau,

Dit que la convention liant les parties doit être qualifiée de contrat d'intégration au sens des dispositions de l'article L.326-2 du Code Rural,

Vu l'article 326-6 du Code Rural,

Prononce la nullité de ce contrat,

Avant dire droit sur les autres chefs de demandes ,

Ordonne une expertise confiée à Guy MT., avec pour mission:

- de rechercher poste par poste, la valeur des prestations fournies

par chacune des parties aux fins de déterminer les dettes et créances réciproques de Mme X... et des sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON

- de recueillir l'ensemble des documents et factures se rapportant à la livraison, à l'élevage et à l'entretien des lots de canetons, ainsi qu' à la fourniture du matériel de gavage, aux fins de déterminer avec le plus de précision possible à la date de ces opérations :

- la valeur réelle des aliments, des produits vétérinaires et plus généralement de tout produit ou matériel de quelque nature que ce soit fournis par les sociétés PROVENDES VIALLET et la FERME DU PECH REDON à Mme X... aux fins de déterminer le montant des sommes dues par l'agricultrice intégrée ;

- la valeur des services fournis par Mme X... durant les périodes d'élévage et de mise en place de la station de gavage comprenant notamment la rémunération du travail accompli par l'éleveur ou par de la main d'oeuvre recrutée à cet effet, la fourniture de locaux, l'achat de matériel et le paiement de frais divers aux fins de déterminer le mo


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 02/791
Date de la décision : 28/01/2004

Analyses

AGRICULTURE - Contrat d'intégration - Absence d'écrit

Dés lors que l 'objet de la convention initiale, les obligations réciproques des parties et la situation de dépendance économique dans laquelle se trouve un producteur agricole vis-à-vis d'une société relèvent indiscutablement des dispositions de l'article L. 326-2 du Code rural, la convention liant les parties doit être qualifiée de contrat d'intégration. Aux termes de l'article L. 326-6 du même Code, les contrats d'intégration doivent, à peine de nullité, contenir obligatoirement la nature, les prix et les qualités des fournitures réciproques, des produits ou des services, le rapport entre la variation des prix des fournitures faites ou acquises par le producteur ainsi que les conditions de durée, de renouvellement, de révision et de résiliation. La convention liant les parties n'ayant fait l'objet d'aucun écrit, ne comportant aucune des mentions exigées, doit dès lors être annulée en application du texte précité et considérée comme n'ayant jamais été conclue


Références :

Code rural, articles L326-1 et suivants

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2004-01-28;02.791 ?
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