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07/10/2003 | FRANCE | N°02/821

France | France, Cour d'appel d'agen, 07 octobre 2003, 02/821


DU 07 Octobre 2003 -------------------------

C.L/S.B S.A. AXA ASSURANCES C/ ETABLISSEMENT DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN venant aux droits et obligations du CENTRE DEPARTEMENTAL DE TRANSFUSION SANGUINE D'AGEN Eric X... CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE Aide Juridictionnelle RG N : 02/00821 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du sept Octobre deux mille trois, par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, assistée d'Isabelle LECLERCQ, Greffière LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Société AXA FRANCE IARD ve

nant aux droits d'AXA ASSURANCES suite à fusion absorption d'A...

DU 07 Octobre 2003 -------------------------

C.L/S.B S.A. AXA ASSURANCES C/ ETABLISSEMENT DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN venant aux droits et obligations du CENTRE DEPARTEMENTAL DE TRANSFUSION SANGUINE D'AGEN Eric X... CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE Aide Juridictionnelle RG N : 02/00821 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du sept Octobre deux mille trois, par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, assistée d'Isabelle LECLERCQ, Greffière LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Société AXA FRANCE IARD venant aux droits d'AXA ASSURANCES suite à fusion absorption d'AXA COURTAGE et d'AXA CONSIEL, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège 370 rue Saint Honoré 75001 PARIS représentée par Me NARRAN, avoué assistée de la SCP DE CESSEAU GLADIEFF, avocats APPELANTE d'une ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance AGEN en date du 23 Mai 2002 D'une part, ET : ETABLISSEMENT DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN venant aux droits et obligations du CENTRE DEPARTEMENTAL DE TRANSFUSION SANGUINE D'AGEN prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Rue Grande Muraille 47000 AGEN représentée par Me Jean-Michel BURG, avoué assistée de Me Michel BOUFFARD, avocat Monsieur Eric X... représenté par la SCP A-L. PATUREAU P. RIGAULT, avoués assisté de Me Alexandre NOVION, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 02/3206 du 13/09/2002 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d' AGEN) CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Place de l'Europe 33084 BORDEAUX défaillante INTIMES D'autre part, a rendu l'arrêt réputé contradictoire. La cause a été communiquée au Ministère Public, débattue et plaidée en audience publique, le 09 Septembre

2003, devant Nicole ROGER, Président de Chambre, Georges BASTIER et Christian COMBES, Conseillers, assistés de Dominique SALEY, Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. FAITS ET PROCÉDURE Eric X..., victime le 9 juin 1986 d'un accident dont les conséquences ont nécessité, dans le cadre de son hospitalisation au Centre hospitalier de Marmande-Tonneins la transfusion massive de produits sanguins fournis par le Centre Départemental de Transfusion Sanguine de Pyrénées-Gascogne (CDTS) a fait l'objet le 29 octobre 1996 d'un examen de recherche sérologique du virus de l'hépatite C qui s'est avérée positif. Après avoir obtenu du Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de Marmande l'organisation d'une expertise judiciaire confiée au Docteur Y..., il a saisi le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance d'Agen, lequel par ordonnance du 23 mai 2002, a condamné l'Etablissement Français du Sang Aquitaine Limousin venant aux droits du CDTS sous la garantie de la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES à lui payer provisionnellement la somme de 6 100 ä à valoir sur son indemnisation et celle de 600 ä sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La compagnie d'assurances AXA ASSURANCES aux droits de laquelle vient désormais la SA AXA FRANCE IARD a relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables. Elle considère que la demande se heurte à une contestation sérieuse pour une raison de pur droit dés lors que si l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 permet d'opérer le renversement de la charge de la preuve, c'est à la condition que le demandeur apporte un certain nombre d'éléments laissant présumer l'origine transfusionnelle de la contamination, ces présomptions qui sont celles de l'article 1353 du Code civil devant être suffisamment

graves, précises et concordantes. Elle reproche d'ailleurs à l'expert, dont le rapport ne constitue que l'un des éléments de la réflexion du juge, d'avoir porter une appréciation d'ordre juridique en retenant l'existence de telles présomptions et au premier juge de faire sienne une telle affirmation alors que rien ne permet d'affirmer que les produits fournis et transfusés non identifiés étaient porteurs de vice, qu'il n'a pas été fait de bilans durant les périodes d'hospitalisation, que la découverte est survenue dix ans après la première intervention chirurgicale ce qui rend possible d'autres causes de contamination, notamment nosocomiales et iatrogènes, alors que sont ignorés le mode de vie d'Eric X... et son état de santé antérieur. Concluant au rejet des prétentions adverses y compris à celle contenue dans la demande complémentaire dont elle relève l'absence de fondement et au remboursement de la somme versée en application de l'exécution provisoire, elle émet les plus expresses réserves sur son obligation tirée du contrat la liant au CDTS du Lot et Garonne en vertu d'un contrat résilié le 31 décembre 1989 dont l'article 4 prévoit que sa garantie ne pouvait être recherchée postérieurement au 31 décembre 1994. Eric X... estime qu'il ressort du rapport d'expertise que la contamination est manifestement postérieure aux transfusions, qu'il ne présente pas de mode de

contamination qui lui soit propre et que certains des produits administrés n'ont pu faire l'objet d'une enquête transfusionnelle notamment les produits secs hautement contaminant puisque provenant au cas précis de plus de 1 000 donneurs. Il bénéficie en conséquence de la présomption découlant de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 alors que son adversaire ne démontre pas que les produits reçus ne sont pas à l'origine de la transfusion . Sollicitant sur son appel incident que la provision soit portée à 150 000 ä en raison des préjudices éprouvés notamment psychologiques, il conclut à la confirmation de l'ordonnance querellée et réclame la condamnation de ses adversaires à lui payer la somme de 2 000 ä sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. Monsieur le Procureur Général s'en rapporte. MOTIFS - sur la demande de condamnation provisionnelle Attendu que le Juge des Référés peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable accorder une provision au créancier ; Et que si en application des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de ladite loi, il appartient au demandeur d'apporter des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins habiles ou une injection de médicaments dérivés du sang, il incombe à la partie défenderesse de prouver, au vu de ces éléments que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile, étant précisé que le doute profite au demandeur ; Attendu qu'il découle au cas précis des faits

soumis à l'appréciation de la Cour comme des éléments tirés du rapport d'expertise judiciaire qu'Eric X... a reçu plusieurs produits sanguins au cours de son hospitalisation les 9, 11 et 16 juin 1986 provenant du CDTS de Pyrénées-Gascogne avant que la recherche de l'ARN viral C pratiquée le 3 décembre 1996 ne montre une négativation de la virémie C, laquelle s'observe selon l'expert chez certains patients après quelques années d'évolution de la maladie ; que si l'enquête post-transfusionnelle à laquelle a procédé l'Etablissement Français du Sang n'a pas mis en évidence de donneurs HCV positifs pour les concentrés globulaires et les flacons de plasma frais congelé transfusés, celle-ci reste incomplète sur les produits sanguins non identifiés et sur le concentré n° 67 126 ; et qu'il n'a pas été relevé l'existence d'un état antérieur pouvant avoir une conséquence sur la gravité et l'évolution de l'hépatite virale C comme des facteurs exogènes tels que la consommation régulière et importante d'alcool, la prise régulière de médicaments ou d'une autre maladie pouvant perturber les fonctions hépatiques ; Que le travail de l'expert, dont il convient de souligner le sérieux et la précision ne saurait être sérieusement remis en cause au motif que le Docteur Y... aurait porté une appréciation d'ordre juridique en concluant à l'existence d'une "présomption" très importante que l'hépatite C dont se trouve atteint l'intimé soit d'origine transfusionnelle, alors d'une part que ce terme, non exclusivement réservé au domaine judiciaire, a manifestement été utilisé dans son acception commune d'opinion fondée sur des indices et non sur des preuves, et que d'autre part et indépendamment de cet avis qui ne lie pas le juge, le rapport contient en réponse à la mission précédemment confiée les éléments objectifs d'information nécessaires à l'instruction de la demande ; Que figure au nombre de ceux-ci cet enseignement d'une contamination postérieure à la transfusion à une période où le virus

n'était pas connu, l'expert rappelant que celui-ci a été isolé à la fin de l'année 1989, que les premiers tests ont été disponibles au mois de janvier 1990 et rendus obligatoire au 1er mars 1990, qu'enfin la contamination par transfusion de produits sanguins a représenté une source d'infection très importante avant cette date ; et qu'au cas particulier la découverte de la maladie dix ans après la transfusion s'accorde avec son caractère plutôt asymptomatique en dehors d'une asthénie devenant progressivement permanente ; Que s'y ajoute ensuite le fait que parmi les lots utilisés n'ont pu être identifiés un concentré globulaire, un plasma frais congelé, un flacon de plasma sec et trois flacons de plasma frais lyophilisé - dont l'expert estime qu'il s'agit également de produits secs au vu de l'erreur reconnue par le CDTS ; et que selon les explications fournies ces lots de dessiccation ne permettent pas de connaître l'origine et le nombre de donneurs entrant dans la composition des plasmas secs mais seulement le type de production et en conséquence un nombre de donneurs compris en fonction des deux types susceptibles d'avoir été administrés à l'époque dans un groupe de 10 à 12 donneurs ou de 800 à 1200 donneurs selon le cas, ce qui constitue manifestement un facteur de risque dés lors qu'un seul de ces donneurs est capable de contaminer tout un lot ; qu'en tout état de cause aucune enquête n'est possible sur les produits sanguins non identifiés ; Qu'il n'a pas enfin été relevé au terme d'une enquête répondant à la mission confiée l'existence d'un risque étranger ; Qu'il n'est pas sérieusement contestable au résultat de ce qui précède qu'Eric X... satisfait aux conditions posées par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, permettant le renversement de la charge de la preuve souhaité par le législateur dans un domaine où cette preuve de l'imputabilité de la contamination transfusionnelle est difficile à rapporter avec certitude ; Attendu que l'appelant qui en sus des

critiques auxquelles il a déjà été répondu relève l'existence du délai de dix ans séparant la transfusion et le constat de la maladie, l'absence d'investigations approfondies permettant de révéler d'autres causes de contamination, notamment nosocomiales et iatrogènes, et l'incapacité d'affirmer que les produits transfusés sont porteurs de vice, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une origine étrangère alors qu'aucune enquête n'est possible sur les produits sanguins non identifiés, qu'aucun mode de contamination propre n'a pu être relevé et que la découverte de la maladie dix ans après la transfusion s'accorde avec son mode de développement, et ce alors même que le doute profite au demandeur ; Qu'il s'ensuit du tout que le lien de causalité entre la transfusion et la contamination ne peut être sérieusement discuté ; Que dés lors, l'obligation de l'Etablissement Français du Sang n'est pas sérieusement contestable au sens de l'article 809, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile, en sorte que le premier juge était fondé à allouer une provision à la victime dont le montant a été exactement apprécié au vu des éléments tirés du rapport d'expertise ; qu'il convient en l'absence d'éléments nouveaux de confirmer ce chef de la décision entreprise ; - sur la garantie due par la SA AXA FRANCE IARD Attendu qu'alors qu'elle n'avait aucunement remis en cause le contrat la liant à l'Etablissement Français du Sang et qu'ainsi le premier juge avait pu, afin de la condamner à relever et garantir ce dernier, retenir qu'AXA ASSURANCES ne déniait pas sa garantie, celle-ci sollicite désormais qu'il lui soit donné acte de ses plus expresses réserves ; Que cette demande, formée pour la première fois devant la Cour, n'est pas de la nature de celles visées aux articles 565 à 567 du Nouveau Code de Procédure civile ni ne peut être rattachée aux exceptions mentionnées à l'article

564 du même code ; Qu'elle est en conséquence irrecevable ; Attendu que les dépens sont à la charge de

la SA AXA FRANCE IARD qui succombe et qu'il convient d'allouer à l'intimé une indemnité de 600 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, Déclare les appels tant principal qu'incident recevables en la forme, Confirme l'ordonnance déférée, Y ajoutant, Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à Eric X... la somme de 600 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile, Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties, Condamne la SA AXA FRANCE IARD aux dépens, Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure civile, Maître BURG et la SCP PATUREAU-RIGAULT, avoués, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens d'appel dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de Chambre et Isabelle LECLERCQ, Greffière.

LA GREFFIERE

LA PRESIDENTE I. LECLERCQ

N. ROGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 02/821
Date de la décision : 07/10/2003

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Transfusions sanguines - Virus de l'hépatite C - Contamination - Doute - Portée - /

Satisfait aux conditions posées par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 et renverse la charge de la preuve le patient qui démontre que sa contamination par le virus de l'hépatite C peut résulter des transfusions massives réalisées lors de son hospitalisation, dans la mesure où il est établi que l'enquête post-transfusionnelle reste incomplète en présence de produits sanguins non identifiés et que l'expert conclut à l'existence d'une présomption très importante que la contamination soit d'origine transfusionnelle. Par ailleurs, le lien de causalité entre la transfusion et la contamination ne peut être sérieusement discuté dès lors qu'aucun mode de contamination propre n'a pu être relevé et que la découverte de la maladie dix ans après la transfusion s'accorde avec son mode de développement


Références :

Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, article 102

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-10-07;02.821 ?
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