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03/06/2003 | FRANCE | N°02/862

France | France, Cour d'appel d'agen, 03 juin 2003, 02/862


DU 03 Juin 2003 ------------------------- N.R/M.F.B

Philippe C. C/ Frédéric P., S.A. AVIVA ASSURANCES RG N : 02/00862 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du trois Juin deux mille trois, par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, assistée de Dominique SALEY, Greffière. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Philippe C. représenté par la SCP A-L. PATUREAU P. RIGAULT, avoués assisté de Me Jean-Christophe LAURENT, avocat APPELANT de deux jugements du Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 22 Mai 2002

et du 11 décembre 2002 D'une part, ET : Monsieur Frédéric P. S.A. ...

DU 03 Juin 2003 ------------------------- N.R/M.F.B

Philippe C. C/ Frédéric P., S.A. AVIVA ASSURANCES RG N : 02/00862 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du trois Juin deux mille trois, par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, assistée de Dominique SALEY, Greffière. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Philippe C. représenté par la SCP A-L. PATUREAU P. RIGAULT, avoués assisté de Me Jean-Christophe LAURENT, avocat APPELANT de deux jugements du Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 22 Mai 2002 et du 11 décembre 2002 D'une part, ET : Monsieur Frédéric P. S.A. AVIVA ASSURANCES INCENDIE ACCIDENT ANCIENNEMENT ABEILLE ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège 52 rue de la Victoire 75455 PARIS CEDEX 09 représentés par Me TANDONNET, avoué assistés de la SCP MOUTOU etamp; ASSOCIES, avocats INTIMES D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 06 Mai 2003, devant Nicole ROGER, Présidente de Chambre, Christian COMBES, Conseiller et Christophe STRAUDO, Vice Président placé, désigné par ordonnance du Premier Président en date du 5 mars 2003, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

FAITS ET PROCÉDURE

Philippe C. est exploitant horticole à GIMONT (Gers).

Dans le cadre de son exploitation, il a accueilli Frédéric P., étudiant à l'institut universitaire de technologie départementale technique de commercialisation à TARBES aux termes d'une convention

de stage du 16 mars 2000 qui s'effectuait du 17 avril au 10 juin 2000.

Au cours de ce stage, Philippe C. a reproché au stagiaire d'avoir le 20 avril 2000, sulfaté une production d'oeillets ; la sulfateuse utilisée contenait un produit désherbant dénommé GRAMOXONE et la planche d'oeillets a été perdue.

Le 25 mai 2000, Frédéric P. a rédigé une attestation dans laquelle il a reconnu avoir effectivement sulfaté les oeillets.

Le 20 juin 2000, Philippe C. par la voie de son assureur protection juridique a adressé à la compagnie ABEILLE ASSURANCES, garantissant notamment la responsabilité civile de Frédéric P., une convocation à une réunion d'expertise contradictoire pour laquelle Jacques PO. expert, a été mandaté.

Le 22 juillet 2000, la SCP ROUGE-MENGELLE, huissiers de justice a dressé un procès- verbal établissant que la production florale sulfatée par le stagiaire avait complètement séché.

Le 10 juillet 2000, Jacques PO. a organisé une réunion contradictoire en vue d'évaluer le montant des dommages subis par l'exploitant ; aux termes d'un rapport établi le même jour, il a évalué le montant de la production endommagée à la somme de 50.960 francs (7.768,80 euros).

Le 9 janvier 2001, par lettre recommandée avec avis de réception, Philippe C., par la voie de son conseil, a mis en demeure la compagnie ABEILLE ASSURANCES d'avoir à régler ladite somme ; cette dernière ne l'a pas fait.

Au termes d'une seconde lettre recommandée avec avis de réception du 29 mars 2001, Philippe C. a réitéré sa mise en demeure auprès de la compagnie.

Le 19 février 2002, l'employeur a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'AUCH Frédéric P. et la SA ABEILLE ASSURANCE en vue d'entendre prononcer, au visa des dispositions de l'article 1382 du Code Civil leur condamnation solidaire à lui verser les sommes en réparation du préjudice subi.

Par jugement du 22 mai 2002, le tribunal de grande instance d'AUCH a :

- mis hors de cause la SA ABEILLE ASSURANCE,

Avant dire droit sur le surplus, a sursis à statuer, a révoqué l'ordonnance de clôture et a invité le demandeur à fournir des chiffres plus précis et des justificatifs concernant la production d'oeillets,

- a renvoyé l'affaire à l'audience de la mise en état du 26 juin 2002,

- a réservé les dépens.

Le 24 juin 2002, Philippe C. a relevé appel de cette décision.

Le 11 décembre 2002, le tribunal de grande instance d'AUCH a statué à

la suite de la première décision sans que Frédéric P. et la SA ABEILLE ASSURANCES devenue SA AVIVA ne comparaissent ; ce jugement a :

- condamné Frédéric P. à payer à Philippe C. la somme de 6 526,65 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 février 2002 et a rejeté la demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné Frédéric P. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître LAURENT.

Le 21 janvier 2003, Frédéric P. a relevé appel de cette décision.

Par décision du 28 janvier 2003, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux procédures d'appel.

L'appel des deux jugements prononcés par le tribunal de grande instance d'AUCH, l'ordonnance de jonction ayant été prononcée, a replacé le litige devant la cour dans sa totalité entre toutes les parties. Un élément nouveau est intervenu au vu de l'instruction du dossier, la SA AVIVA précise qu'elle assure la garantie de Frédéric P. si sa responsabilité est engagée.

Or , Frédéric P. et sa compagnie d'assurances AVIVA contestent toute responsabilité dans le sinistre que Philippe C. a dit avoir subi.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Au soutien de son appel, Philippe C. soutient qu'il n'a commis aucune faute de surveillance, ou d'organisation, que seule la responsabilité de Frédéric P. doit être retenue puisqu'il a passé la sulfateuse de sa propre initiative..

Il souligne avoir versé au débat une attestation d'assurance responsabilité civile au nom de Gilbert P. et émanant de la SA ABEILLE couvrant la responsabilité civile privée, assurant ses descendants célibataires et ascendants vivant de manière habituelle à son foyer ; il déclare qu'il résulte de la copie du livret de famille versée au débats que Frédéric P. est le fils de Gilbert P., que le contrat d'assurance ainsi souscrit a vocation à garantir les conséquences dommageables du comportement fautif du stagiaire.

Il explique que sa demande d'évaluation de préjudice a été fondée sur la production d'un procès verbal de constat établi par le ministère de la SCP ROUGE-MENGELLE, huissiers de justice et d'un compte rendu d'expertise ; il estime que la compagnie ABEILLE devra l'indemniser du préjudice matériel subi à hauteur de la somme de 6. 526,65 euros, qu'il ne doit pas supporter les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer.

En conséquence, il demande à la cour :

Vu l'article 1382 du Code Civil,

Vu les conditions générales et particulières de la police d'assurance n° 71516675,

- de réformer le jugement entrepris,

Et y ajoutant,

- condamner la SA ABEILLE ASSURANCES à indemniser les conséquences dommageables du sinistre du 29 avril 2000,

- En conséquence, condamner la SA ABEILLE ASSURANCES à lui verser la somme de 6.526,65 euros,

- Condamner la SA ABEILLE ASSURANCES à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP PATUREAU P. RIGAULT, avoué, sur son offre de droit.

*

*

La SA AVIVA ASSURANCES et Frédéric P. répliquent que le stagiaire

était sous la responsabilité et la garde directe de son maître de stage, qu'il ne peut être considéré comme tiers vis à vis de ce dernier et bénéficier de la garantie responsabilité civile souscrite auprès d'ABEILLE devenue SA AVIVA.

Ils soulignent que l'erreur de manipulation rentre dans le risque de l'entreprise qui est assurée par GROUPAMA, et que cette dernière ne peut tenter de rechercher la garantie du stagiaire qui était sous la responsabilité de la garde de Philippe C. conformément aux dispositions de l'article 1384 du Code Civil.

Ils exposent que le maître de stage a commis une faute importante dans l'organisation et dans la surveillance du travail, qui est à l'origine du dommage et qui exclut toute indemnisation.

En conséquence, ils demandent à la cour :

- de dire et juger que Frédéric P. était employé dans le cadre de son stage sous la responsabilité et la garde de Philippe C. en application de l'article 1384 du Code Civil, Subsidiairement,

- de constater la faute d'organisation et de surveillance de Philippe C. excluant toute indemnisation,

En conséquence,

- de réformer les jugements du tribunal de grande instance d'AUCH des 22 mai et 11 décembre 2002,

- débouter le maître de stage de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner Philippe C. au paiement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel avec distraction au profit de la SCP J.H TANDONNET, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que c'est à tort que la société AVIVA soutient que les dispositions de l'article 1382 du Code Civil ne peuvent s'appliquer aux circonstances de la cause et qu'en application de l'article 1384 du Code Civil Philippe C. est responsable du dommage causé par le fait des personnes dont on doit répondre et des choses que l'on a sous sa garde ce qui était le cas en l'espèce puisqu'à l'occasion de son activité Frédéric P. a accompli une mauvaise manoeuvre dans le traitement des oeillets alors qu'il était sous la responsabilité et la garde directe de Philippe C. ; qu'en effet Frédéric P. ne peut être considéré comme un tiers vis à vis de Philippe C.;

Attendu en effet que le commettant lorsqu'il a été victime d'un dommage, dispose du droit appartenant à toute victime d'un préjudice d'en demander en principe réparation à son auteur, fut-il son préposé;

Attendu en outre que la convention de stage exclut l'existence d'un contrat de travail et précise à l'article 6 que pendant toute la durée du stage le stagiaire demeure étudiant; qu'en l'absence de contrat de travail l'existence d'une faute lourde n'est pas requise pour retenir la responsabilité de Frédéric P. à l'égard de Philippe C.;

Attendu qu'il y a donc bien lieu à application de l'article 1382 du

Code Civil;

Attendu qu'il n'est pas contesté, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que Frédéric P. a commis une faute en administrant à une planche d'oeillets un sulfatage qui les a détruits, sans s'informer auprès de Philippe C. de l'opportunité de ce traitement;

Attendu que les conditions de l'article 1382 du Code Civil sont donc réunies;

Qu'en effet l'erreur de manipulation commise par Frédéric P. de sa propre initiative, s'analyse bien en une faute génératrice du préjudice subi par Philippe C.;

Que rien n'établit que ce dernier ait commis une faute quelconque de négligence qui serait à l'origine exclusive du sinistre;

Attendu, sur la garantie de la société AVIVA ASSURANCES, qu'il résulte des éléments de la cause que Frédéric P. est bien le fils de Gilbert P., qu'il avait moins de vingt cinq ans au moment des faits et qu'il est établi qu'il vivait de manière habituelle au foyer de ses parents; que c'est d'ailleurs à l'adresse de ses parents qu'il a été assigné par Philippe C. ; que le domicile de Frédéric P. a été attesté par les voisins et par la mairie;

Que dans ces conditions la responsabilité civile souscrite par Gilbert P., père de Frédéric P. prévoit les dommages matériels causés aux tiers par ses enfants à l'école ou en cours de trajet;

Attendu dès lors que la société ABEILLE ASSURANCES devenue société

AVIVA ASSURANCES doit sa garantie;

Attendu que Philippe C. ne conteste pas l'appréciation qui a été faite par les premiers juges de son préjudice; qu'il convient en conséquence de confirmer sur ce point le jugement entrepris.

Que la SA AVIVA ASSURANCES devra régler en conséquence à Philippe C. la somme de 6.526,65ä avec les intérêts au taux légal à compter du 19.02.2002, qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Philippe C. ceux des frais non compris dans les dépens dont il a fait l'avance et qu'il convient de condamner la société ABEILLE ASSURANCES devenue SA AVIVA ASSURANCES à lui payer la somme de 1.500ä sur le fondement des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de Frédéric P. sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil et a fixé le préjudice de Philippe C. à la somme de 6.526,65ä avec les intérêts au taux légal à compter du 19.02.2002;

Le réformant pour le surplus

Dit et juge que la société ABEILLE ASSURANCES devenue SA AVIVA ASSURANCES doit sa garantie à Philippe C..

Condamne en conséquence cette société à payer à Philippe C. la somme de 6.526,65ä (six mille cinq cent vingt six Euros soixante cinq Cents) avec les intérêts au taux légal à compter du 19.02.2002 outre celle de 1.500ä (mille cinq cents Euros) sur le fondement de

l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne la SA AVIVA ASSURANCES en tous les dépens.

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de Chambre et Dominique SALEY, Greffière. LA GREFFIERE

LA PRESIDENTE D. SALEY

N. ROGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 02/862
Date de la décision : 03/06/2003

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute

Sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, le commettant, lorsqu'il a été victime d'un dommage causé par son préposé, dispose du droit d'en demander réparation à ce dernier, dès lors que rien n'établit qu'il ait commis une faute de négligence dans l'organisation et dans la surveillance du travail, qui soit l'origine exclusive du sinistre. En outre, la convention de stage ne requiert pas, contrairement au contrat de travail, l'existence d'une faute lourde pour retenir la responsabilité de l'intimé à l'égard de son employeur, appelant. Doit dès lors répondre du dommage causé par son fait l'intimé ayant administré à une planche d'oeillets un sulfatage qui les a détruits, sans s'informer auprès de son maître de stage de l'opportunité de ce traitement.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-06-03;02.862 ?
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