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13/05/2003 | FRANCE | N°01/1197

France | France, Cour d'appel d'agen, 13 mai 2003, 01/1197


DU 13 Mai 2003 ------------------------- N.R/M.F.B

Daniel X..., Marie-Madeleine Y... épouse X... Z.../ Maurice A... RG N : 01/01197 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du treize Mai deux mille trois, par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, assistée de Nicole GALLOIS, Greffière. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Daniel X... Madame Marie-Madeleine Y... épouse X... représentés par Me Solange TESTON, avoué assistés de Me Anne REMY-MALTERRE, avocat APPELANTS d'un jugement du Tribunal de Grande Instanc

e de MARMANDE en date du 06 Juillet 2001 D'une part, ET :

Monsieu...

DU 13 Mai 2003 ------------------------- N.R/M.F.B

Daniel X..., Marie-Madeleine Y... épouse X... Z.../ Maurice A... RG N : 01/01197 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du treize Mai deux mille trois, par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, assistée de Nicole GALLOIS, Greffière. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Daniel X... Madame Marie-Madeleine Y... épouse X... représentés par Me Solange TESTON, avoué assistés de Me Anne REMY-MALTERRE, avocat APPELANTS d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 06 Juillet 2001 D'une part, ET :

Monsieur Maurice A... représenté par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assisté de la SCP BARRIERE-EYQUEM-LAYDEKER, avocats INTIME D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 01 Avril 2003, devant Nicole ROGER, Présidente de Chambre, Catherine LATRABE et Christian COMBES, Conseillers, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. FAITS ET PROCEDURE

La cour se réfère à l'exposé des faits de la procédure qui est contenu dans le jugement du tribunal de grande instance de Marmande du 6.07.2001;

Ce jugement a débouté les époux X... de leur action en responsabilité dirigée contre leur avocat lors d'une procédure les ayant exposés au fisc. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les époux X... font valoir à titre principal que Maître A... ne rapporte pas la preuve de ce qu'il les a informés de ce que le contentieux

qu'ils poursuivaient avait peu de chance de prospérer en l'état de la jurisprudence dont il ne cite aucune décision dans ses différents mémoires et qu'en cas d'échec, ils devraient outre les majorations de 50%, acquitter des intérêts moratoires dont le montant a augmenté la dette fiscale de 1.036.700F;

Ils ajoutent que s'ils ont été informés par les notifications de redressement du taux de la base de calcul des majorations prévu par les articles 1727 et suivants du Code Général des Impôts, il n'en a pas été de même des intérêts moratoires qui doivent être payés lorsque le contribuable a demandé à bénéficier du sursis de paiement et que le tribunal administratif a rendu une décision qui leur est défavorable, intérêts visés à l'article L 209 du livre des procédures fiscales;

Ils demandent à la cour de dire que l'avocat ne justifie pas les avoir informés du caractère aléatoire de leur contestation, du fait qu'ils seraient en cas d'échec de cette contestation redevables d'intérêts moratoires et enfin qu'il existait une possibilité de mettre fin à ce litige par voie de transaction; ils font valoir en conséquence que Maître A... a gravement manqué à son devoir de conseil; Ils demandent à la cour de réparer le préjudice qu'ils ont subi par l'allocation de la somme de 300.000ä outre 2.500ä sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.

[*

*]

Maître A..., après avoir rappelé les faits, réplique qu'aucun manquement professionnel ne peut lui être imputé; que notamment il n'a commis aucune faute en n'invoquant pas un détournement de procédure par l'utilisation d'une perquisition économique dans un but exclusivement fiscal; Maître A... s'explique sur ce point en précisant qu'il a volontairement négligé cet argument car il n'existe aucune chance avec la juridiction administrative ainsi que le démontre l'arrêt de la cour administrative de la cour de Bordeaux du 26.05.1998;

S'agissant de l'obligation de conseil, Maître A... estime essentiel de souligner que les époux X... étaient assistés par leur expert-comptable de Royan, que c'est avec lui qu'il a toujours correspondu, qu'il a constamment tenu informés les époux X... de l'évolution des procédures qui lui étaient confiées ainsi qu'en témoignent les lettres versées aux débats;

L'intimé fait valoir que les époux X... n'indiquent pas qu'un mauvais conseil leur aurait été prodigué ni quel bon conseil aurait dû leur être donné conclut au débouté pur et simple des demandes formées par

ses clients qu'il taxe de fantaisistes;

Il ajoute que, chargé d'une procédure, il a légitimement mis en oeuvre tous les arguments qu'il croyait devoir exposer, que lui faire le reproche de ne pas avoir dit à ses clients que certains arguments étaient voués à l'échec relève en fait de l'obligation de résultat; que les époux X... voulaient gagner du temps et que ce n'est pas parce qu'ils ont procédé contre l'administration que celle-ci a refusé la remise des intérêts moratoires;

Il fait valoir qu'il a eu la loyauté de ne jamais leur dire que leur procès était gagné d'avance, ce qui au demeurant n'est jamais vrai puisque l'aléa judiciaire est une constante de toute procédure; Maître A... conclut à la confirmation du jugement du 6.07.2001 et à la condamnation des époux X... au paiement de la somme de 2.500ä à titre d'indemnisation complémentaire sur le fondement des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C .

[*

*] MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que l'avocat est tenu d'une obligation particulière d'information et de conseil vis à vis de son client et qu'il doit prouver qu'il a exécuté cette obligation.

Attendu que les époux X... renoncent devant la cour à invoquer un manquement technique de leur avocat dans la conduite des procès intentés à leur initiative devant les juridictions administratives et qu'un tel manquement n'est d'ailleurs nullement établi, ainsi que cela résulte des décisions rendues;

Mais attendu que rien dans la correspondance adressée par l'avocat soit à l'expert comptable des époux X..., soit à ses clients eux-mêmes ne contient la moindre allusion au risque grave encouru par ceux-ci dans l'hypothèse de leur échec dans leurs différents recours;

Que pourtant, Maître A... fait valoir qu'il avait parfaitement connaissance de la faiblesse de la position des époux X... et ce, quelque soit la qualité des conseils qu'il aurait pu leur prodiguer; qu'ainsi, il est établi qu'il ne pouvait ignorer, en raison de sa connaissance parfaite de la matière fiscale, que l'argument de procédure soulevé ne pouvait être accueilli, pas plus que celui tenant au détournement de procédure;

Attendu, précisément, qu'il apparaît de la correspondance échangée, qu'il a gardé un silence total sur l'absence presque totale de chance de gagner le procès dont l'avaient chargé les époux X...; que la référence à l'aléa judiciaire ne peut expliquer ce silence que rien ne justifie;

Attendu que Maître A... indique : " lui faire le reproche de ne pas avoir dit à ses clients que certains arguments étaient voués à l'échec relève en fait de l'obligation de résultat".

Mais attendu que cet argument ne peut être retenu; qu'il relève du devoir de conseil de l'avocat d'informer son client de l'estimation qu'il porte sur les chances de succès de la procédure qu'il est chargé d'entreprendre, ce qui est différent de l'obligation de résultat consistant à s'engager à gagner le procès;

Attendu, que dans les lettres échangées aucune allusion n'est faite aux éventuels risques de perte du procès;

Attendu, en second lieu que Maître A... ne prétend même pas avoir informé ses clients de la possibilité d'une transaction avec le fisc qui aurait mis fin au litige dans des conditions moins défavorables pour eux;

Attendu, enfin que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les époux X... étaient suffisamment informés de l'existence des intérêts moratoires et des pénalités à régler en cas d'échec, ces informations figurant sur les imprimés adressés par les services fiscaux;

Attendu en effet que ces imprimés faisaient état de l'application des majorations et amendes prévues aux articles 1729 et 1731 du Code Général des Impôts mais non des intérêts moratoires visés à l'article L 209 du livre des procédures fiscales;

Attendu qu'en tout état de cause, qu'il appartenait à l'avocat, dans

le cadre de son obligation de conseil, d'attirer précisément leur attention sur l'importance des sommes qu'ils risquaient d'avoir à régler;

Attendu que Maître A... n'oppose aucun argument à ce reproche, pas plus qu'à celui visant une possibilité de transaction et que celui opposé au reproche touchant à l'absence d'information sur le peu de chances du procès a été écarté;

Qu'il convient en conséquence de dire et juger que Maître A... a gravement manqué à son devoir de conseil, et que cette faute a entraîné l'aggravation considérable de la situation de ses clients qui, n'ayant pas été en mesure faute d'information d'apprécier le bien fondé et les conséquences de la procédure entreprise, l'ont poursuivie pendant plusieurs années, leur dette augmentant d'un montant supérieur à un million de francs; qu'ils n'ont pas davantage été informés qu'une possibilité de transaction leur était ouverte; que sur ce point aucun élément n'est produit par Maître A... sur lequel repose la charge de la preuve.

Attendu en conséquence qu'il convient de condamner Maître A... à régler aux époux X... la somme de 150.000ä.

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais non compris dans les dépens dont ils ont fait l'avance; qu'il convient de condamner Maître A... à leur payer la somme de 2.500ä sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.

Attendu que Maître A... devra en outre supporter la charge des dépens d'instance et d'appel. PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire publiquement et en dernier ressort; Réforme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Dit et juge que Maurice A... a commis une faute dans l'exercice de son devoir de conseil à l'égard des époux X... et leur a causé un préjudice;

Le condamne à payer aux époux X... la somme de 150.000Euros (cent cinquante mille Euros) outre celle de 2.500Euros (deux mille cinq cents Euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne Maurice A... en tous les dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de Chambre et Nicole GALLOIS, Greffière. LA GREFFIERE

LA PRESIDENTE N. GALLOIS

N. GALLOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 01/1197
Date de la décision : 13/05/2003

Analyses

AVOCAT - Responsabilité - Obligation de conseil - Etendue

Il relève du devoir de conseil de l'avocat d'informer son client de l'estimation qu'il porte sur les chances de succès de la procédure qu'il est chargé d'entreprendre, ce qui est différent de l'obligation de résultat consistant à s'engager à gagner le procès. L'avocat, qui ne pouvait ignorer, en raison de sa connaissance parfaite de la matière fiscale, que l'argument de procédure soulevé ne pouvait être accueilli, pas plus que celui tenant au détournement de procédure, devait dans le cadre de son obligation de conseil attirer précisément l'attention de ses clients sur l'importance des sommes qu'ils risquaient d'avoir à régler, aucune allusion n'ayant été faite aux éventuels risques de perte du procès. L'avocat ne pré- tend même pas avoir informé ses clients de la possibilité d'une transaction avec le fisc qui aurait mis fin au litige dans des conditions moins défavorables pour eux. De plus, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les époux appelants étaient suffisamment informés de l'existence des intérêts moratoires et des pénalités à régler en cas d'échec, du fait que ces informations figuraient sur les imprimés adressés par les services fiscaux. Il convient en conséquence de dire et juger que l'avocat intimé a gravement manqué à son devoir de conseil, et que cette faute a entraîné l'aggravation considérable de la situation de ses clients, leur causant un préjudice qui devra être réparé par l'allocation d'une somme d'argent


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-05-13;01.1197 ?
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