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04/03/2003 | FRANCE | N°01/530

France | France, Cour d'appel d'agen, 04 mars 2003, 01/530


DU 04 Mars 2003 ------------------------- G.B/M.F.B

Guillaume X... Y.../ S.A. HAMECHER GARAGE (CONCESSIONNAIRE MERCEDES) MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD, Y... P A M DU LOT RG Z... : 01/00530 - A R R E T Z...° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du quatre Mars deux mille trois, par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Guillaume X... né le 23 Décembre 1976 à CAHORS (46000) Demeurant 46150 MONTGESTY représenté par Me TANDONNET, avoué assisté de la SCP CAMBON - SAINT PRIX, avocats

APPELANT d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de CAHORS e...

DU 04 Mars 2003 ------------------------- G.B/M.F.B

Guillaume X... Y.../ S.A. HAMECHER GARAGE (CONCESSIONNAIRE MERCEDES) MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD, Y... P A M DU LOT RG Z... : 01/00530 - A R R E T Z...° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du quatre Mars deux mille trois, par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Guillaume X... né le 23 Décembre 1976 à CAHORS (46000) Demeurant 46150 MONTGESTY représenté par Me TANDONNET, avoué assisté de la SCP CAMBON - SAINT PRIX, avocats APPELANT d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de CAHORS en date du 16 Mars 2001 D'une part, ET : S.A. HAMECHER GARAGE (CONCESSIONNAIRE MERCEDES) prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Zone Industrielle Sud - Parages 82000 MONTAUBAN représentée par Me Philippe BRUNET, avoué assistée de Me Suzanne BOURDIN, avocat MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège 19 - 21 rue de Chanzy 72030 LE MANS CEDEX 9 représentée par Me Philippe BRUNET, avoué assistée de Me Jean-Loup BOURDIN, avocat

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU LOT prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège 238 rue Hautesserre 46015 CAHORS CEDEX représentée par la SCP VIMONT J. ET E., avoués INTIMEES

D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 17 Décembre 2002, devant Nicole ROGER, Présidente de Chambre, Georges

BASTIER et Catherine LATRABE, Conseillers, assistés de Monique A..., Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

Guillaume X... a régulièrement relevé appel du jugement du tribunal de grande instance de CAHORS, prononcé le 16/03/2001, qui a retenu sa responsabilité partielle dans la survenance d'un accident de la route, le 14/03/1994 au cours duquel il a été gravement blessé, et en conséquence a laissé à sa charge les deux tiers de ses dommages ; un tiers étant mis à la charge du garage S.A. HAMECHER qui avait prêté une voiture ancienne à G. X..., équipée de pneumatiques en mauvais état, pour qu'il rentre chez lui après avoir déposé un véhicule dans ce garage;

Le tribunal a fixé à 1.771.689,80 F le montant de son préjudice soumis au recours de l'organisme social et à 159.250 F le montant de son préjudice personnel non soumis au recours; avant de procéder au partage ; la caisse primaire d'assurance maladie du LOT a été reçue en son intervention, et la société in solidum avec son assureur, a été condamnée à lui payer 590.563,26 F ;

L'appelant demande à la cour de déclarer le garagiste seul responsable de cet accident en raison du très mauvais état des pneumatiques de ce vieux véhicule soumis au contrôle technique trois ans avant l'accident ; et qui a glissé sur la chaussée mouillée, cette responsabilité résulte de l'obligation pour le professionnel de remettre dans le cadre du contrat de prêt à titre gratuit un véhicule exempt de vices cachés au profane et dont le professionnel pouvait s'apercevoir en raison même de sa qualité ;

Sur la réparation de ses préjudices Guillaume X..., âgé de vingt ans à l'époque de l'accident rappelle les certificats médicaux initiaux et les conclusions de l'expert avant de réclamer : 904.000 F pour 40 %

d'incapacité totale de travail avec répercussions professionnelles, du fait notamment des séquelles neurologiques, 251.600 F pour l'incapacité totale de travail de trois ans et un mois, sur la base du SMIC car il n'avait pas encore d'emploi ; 112.500 F pour perte des joies de la vie courante pendant la période d'incapacité ; outre les frais médicaux et frais futurs de la caisse primaire d'assurance maladie;

Pour le préjudice personnel il chiffre ainsi ses demandes : 90.000 F pour le pretium doloris quantifié à 5,5/7 ; 25.000 F pour le préjudice esthétique de 3/7 ; 30.000 F pour le préjudice d'agrément résultant de l'impossibilité où il se trouve de faire des sports de combat, il demande enfin 30.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La caisse primaire d'assurance maladie du LOT partie intervenante et intimée, demande le remboursement de ses débours à hauteur de 844.489,85 F et la condamnation des intimés à lui payer l'indemnité forfaitaire de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale qui s'élève en l'espèce à la somme de 5.000 F ;

La société anonyme HAMECHER et les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES, concluent au principal au rejet des demandes de l'appelant qui doit être déclaré seul responsable de son accident en raison de son inexpérience (titulaire du permis de conduire depuis un an) et non en raison de l'état des pneumatiques de la voiture, qui n'étaient pas si usés qu'il le soutient puisqu'un rapport BCA indiquait 50 % à l'arrière et 80 % à l'avant ; il n'y avait donc pas de vice caché de la chose prêtée, étant observé de plus que l'état des pneumatiques, quand il est mauvais est un vice apparent et non caché ;

A titre subsidiaire les intimés concluent à la confirmation du jugement, en ce qu'il a laissé les deux tiers de ses dommages au conducteur ; principal responsable de son accident;

Ces deux parties demandent 5.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La cour souligne que les parties s'accordent sur le texte du code civil en vertu duquel doit être jugé leur litige, c'est à dire l'article 1891 comme l'a retenu le premier juge ; et se réfère aux conclusions de chaque partie pour l'exposé détaillé de leurs arguments ; MOTIFS DE LA DÉCISION,

Le 15/03/1996 Guillaume X... a conduit la voiture d'un ami au garage de la société anonyme HAMECHER pour révision ou réparation, puis il est reparti vers son domicile au volant d'une voiture de marque MERCEDES mise en circulation pour la première fois le 28/11/1984 et soumise au contrôle technique le 04/11/1993 pour la dernière fois, cette voiture lui a été prêtée par la société ; en sortie de courbe sur la chaussée humide cette voiture a quitté la chaussée et percuté un arbre ; le conducteur a été très gravement blessé, l'accident n'a eu aucun témoin ; le blessé n'a pas pu s'expliquer ;

Les parties s'accordent sur l'application de l'article 1891 du code civile à leur litige selon lequel : "lorsque la chose prêtée a des défauts tels, qu'elle puisse causer du préjudice à celui qui s'en sert, le prêteur est responsable, s'il connaissait les défauts et n'en a pas averti l'emprunteur;"

Le contrat de prêt en contrepartie de la remise d'un véhicule à réviser n'est pas discuté, par contre la société se défend en invoquant la faute exclusive de l'automobiliste comme cause de l'accident et l'absence de défaut du véhicule prêté ;

Le premier juge a retenu une vitesse excessive du conducteur comme cause de l'accident, associée à l'état des pneumatiques, l'accident s'est produit en sortie de courbe à gauche, à grand rayon, mais aucun élément de quelque nature que ce soit ne permet d'évaluer la vitesse du véhicule à cet endroit et d'en déduire qu'elle était excessive ;

cette cause éventuelle de l'accident ne peut donc pas être retenue ; Sur l'état des pneumatiques la société prétend qu'il était bon selon un rapport BCA du 17/07/1996 où il est noté, sans indication de dimension ni de marque : "usure des pneus: AVD 80 % AVG 80 % ARD 50 % ARG 50 %" soit une usure excessive à l'avant mais tout à fait normale à l'arrière, ce rapport ou du moins la copie présentée à la cour n'est pas signé, il est indiqué qu'il annule et remplace celui du 31/05/1996, lequel n'a jamais été communiqué, enfin il doit être relevé que le véhicule a été conservé dans les locaux du garage HAMECHER et examiné dans ce garage quatre mois après l'accident, sans avoir fait l'objet d'une mise sous scellés ;

Au contraire sur les lieux de l'accident les gendarmes enquêteurs ont noté : tous les pneus sont de marque SEMPERIT, 175/70/14 AVG 100% d'usure ; AVD 90 % d'usure ; ARG 80 % d'usure, ARD 90 % d'usure ; ces constatations des gendarmes enquêteurs font foi jusqu'à preuve du contraire ; le rapport BCA cité plus haut ne rapporte pas cette preuve contraire alors que dans la procédure de gendarmerie figurent deux auditions : celle de M. Georges X... père de la victime qui déclare "avant de venir au bureau de votre brigade, je me suis présenté au garage de M. Y... à FRAYSSINET, où j'ai pu constater l'état du véhicule, j'ai remarqué que les deux pneus avant étaient complètement usés, ceux de derrière présentent une usure presqu'identique ;" et surtout une audition de M. B... qui déclarait " je suis un des responsables du garage MERCEDES à MONTAUBAN, ... suite à votre demande je me suis rendu au garage Y... pour constater l'état des quatre pneumatiques de cette voiture, j'ai remarqué que l'usure du pneu avant gauche était de 90 %, celle du pneu avant droit de 80 % ,le pneu arrière gauche est de 80 % et l'arrière droit de 80% également ; .. Je reconnais l'état d'usure

important des pneus qui allaient arriver aux témoins d'usure " ;

Il résulte donc de ces auditions et constatations que les quatre pneumatiques du véhicule présentaient une usure excessive au jour de l'accident, ce qui peut expliquer le mécanisme de l'accident :

dérapage et tête à queue, en sortie de courbe à gauche, sur chaussée mouillée ; alors que rien ne prouve une faute du conducteur et spécialement une vitesse excessive ;

En sa qualité de propriétaire depuis novembre 1989 du véhicule prêté, le garage HAMECHER devait le maintenir dans un état d'entretien correct, spécialement au regard des obligations du code de la route sur l'état des pneumatiques, et de plus en sa qualité de professionnel de l'automobile, il ne pouvait pas ignorer l'état de son véhicule, surtout sur un équipement visible et de sécurité ; et en conséquence ne pouvait pas le mettre en circulation sans remédier à ces défauts ; le client par contre n'avait pas l'obligation de procéder à des opérations de contrôle de ce véhicule avant de s'en servir, en raison de la confiance banale que tout client accorde au professionnel ;

La société HAMECHER sera donc condamnée à réparer tous les préjudices causés à Guillaume X... du fait des défauts qu'elle connaissait, de la chose prêtée;

à la suite de cet accident la victime, selon rapport d'expertise judiciaire du docteur C..., a présenté un important traumatisme crânio-facial, une contusion pulmonaire bilatérale, une fracture du péroné gauche, une fracture de la branche ischio-pubienne droite ; une fracture ouverte du fémur gauche, plus de trois ans après il persiste une parésie a minima du membre inférieur gauche, des troubles du goût et de l'olfaction, une épilepsie post-traumatique, un syndrome frontal post-traumatique ; l'expert précise en outre que les sports de combat sont interdits à G. X..., qu'il ne pourra pas

reprendre une activité professionnelle "normale" ;

Sur la réparation des préjudices de G. X..., la cour se réfère aux conclusions détaillées du rapport de l'expert qui ne sont pas techniquement discutées et fixe ainsi leurs réparations :

- Préjudices soumis au recours de l'organisme social :

Frais médicaux de soins et d'hospitalisation : 106.786,50 euros

incapacité totale de travail pendant trente sept mois : 38.300 euros ;

Incapacité permanente partielle avec retentissement professionnel, puisque les séquelles neurologiques décrites interdisent certaines activités et en contre-indiquent d'autres : 116.400 euros ;

Soit un total de 261.486,50 euros ;

Mais en outre la caisse primaire d'assurance maladie du LOT justifie de l'existence de frais futurs qu'elle a chiffrés à 144.016,30 F ou 21.955,14 euros ;

- Préjudice personnel non soumis au recours de l'organisme social ;

Perte des joies de la vie courante pendant les périodes d'hospitalisation : 5.000 euros ;

Au titre du pretium doloris compte tenu compte de la durée des soins et du préjudice moral résultant des conséquences des troubles neurologiques : 13.700 euros;

Au titre du préjudice esthétique résultant de plusieurs cicatrices au visage et au membre inférieur gauche : 3.800 euros ;

Au titre du préjudice d'agrément : il ne peut plus pratiquer les sports de combat qu'il pratiquait auparavant, il recevra 4.573 euros ;

Enfin au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile G. X... recevra une indemnité de 4.500 euros et la caisse primaire d'assurance maladie une indemnité forfaitaire de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale, d'un montant de 760 euros ; PAR CES

MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit l'appel de G. X... ; réforme le jugement,

Déclare la société anonyme HAMECHER responsable des dommages dont a souffert G. X... à la suite de l'accident du 15/03/1996 ;

Condamne in solidum la société anonyme HAMECHER et les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES à lui payer 154.700 euros (cent cinquante quatre mille sept cents Euros)au titre du préjudice corporel et 27.073 euros (vingt sept mille soixante treize Euros)au titre du préjudice personnel ; et 4.500 euros (quatre mille cinq cents Euros)au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne in solidum la S.A. HAMECHER et les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES à payer 106.786,50 euros (cent six mille sept cent quatre vingt six Euros cinquante Cents) à la caisse primaire d'assurance maladie du LOT au titre des débours exposés et 21.955,14 euros (vingt et un mille neuf cent cinquante cinq Euros quatorze Cents)au titre des frais futurs ; outre 760 euros (sept cent soixante Euros) à titre d'indemnité forfaitaire de l'article 376-1 alinéa 5 du code de la sécurité sociale ;

Condamne la S.A. HAMECHER et les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES aux dépens et autorise Maître TANDONNET avoué à les recouvrer, par application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de Chambre et Monique A..., Greffière. LA GREFFIERE

LA PRESIDENTE M. A...

Z... ROGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 01/530
Date de la décision : 04/03/2003

Analyses

PRET - Prêt à usage - Responsabilité du prêteur - Vices de la chose

Il résulte de l'article 1891 du Code civil que le garagiste qui prête un véhicule à un client doit s'assurer de son état d'entretien, spécialement au regard des obligations du Code de la route. La responsabilité du garagiste est engagée dès lors que l'accident survenu à l'emprunteur trouve sa cause dans l'usure excessive des pneumatiques du véhicule prêté


Références :

Code civil, article 1891

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-03-04;01.530 ?
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