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26/02/2003 | FRANCE | N°02/375

France | France, Cour d'appel d'agen, 26 février 2003, 02/375


DU 26 Février 2003 ------------------------- B.B/M.F.B

René Séraphin X... Y.../ Pierre B. RG N : 02/00375 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt six Février deux mille trois, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :

Monsieur René Séraphin X... représenté par Me NARRAN, avoué assisté de Me Frédéric ROY, avocat APPELANT d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 21 Février 2002 D'une part, ET : Pierre B. représenté par la SCP VIMONT J

. ET E., avoués assisté de la SCP BARRIERE-EYQUEM-LAYDEKER, avocats INTIME D'au...

DU 26 Février 2003 ------------------------- B.B/M.F.B

René Séraphin X... Y.../ Pierre B. RG N : 02/00375 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt six Février deux mille trois, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :

Monsieur René Séraphin X... représenté par Me NARRAN, avoué assisté de Me Frédéric ROY, avocat APPELANT d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 21 Février 2002 D'une part, ET : Pierre B. représenté par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assisté de la SCP BARRIERE-EYQUEM-LAYDEKER, avocats INTIME D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 22 Janvier 2003, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, François CERTNER et Arthur ROS, Conseillers, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. Par jugement du 21 février 2002, le tribunal de grande instance d'AGEN :

Décidait que Maître B. avait commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle vis à vis de Monsieur X... en omettant de respecter les délais procéduraux devant le tribunal administratif de PARIS,

Décidait que cette faute avait eu pour conséquence de faire perdre à Monsieur X... 50 % de chance de gagner son procès contre l'Assistance Publique des Hôpitaux de PARIS,

Condamnait Maître B. à réparer le préjudice subi par Monsieur X... du fait de sa contamination transfusionnelle pratiquée en 1986 dans la fraction des 50 % correspondant à la chance perdue,

Avant dire droit au fond sur l'indemnisation du préjudice, confiait au docteur Z... une mission d'expertise,

Condamnait Maître B. à payer à Monsieur X... une indemnité provisionnelle de 1829,39 ä à valoir sur l'évaluation définitive du préjudice corporel. Par déclaration du 18 mars 2002, dont la régularité n'est pas contestée, Monsieur X... relevait appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 23 décembre 2002, il soutient que si le tribunal a justement retenu la faute commise par Maître B., celle-ci a eu pour conséquence de le priver de 90 % de chance de gagner son procès. Le rapport d'expertise ayant été déposé, il demande à la Cour, évoquant le fond, de condamner Maître B. à lui régler : * 72000 ä au titre de l'IPP, * 6300 ä au titre du pretium doloris, * 540 ä au titre du préjudice d'agrément avant consolidation, * 13500 ä au titre de ce même préjudice après consolidation, * 137250 ä au titre du préjudice moral. Il conclut à la réformation du jugement en ce sens. A titre subsidiaire, il demande que la provision soit portée à la somme de 100.000 ä. Maître B., dans ses dernières écritures déposées le 07 novembre 2002, ne remet pas en cause la faute par lui commise mais estime qu'il n'en est résulté aucune perte de chance pour son client. Il conclut au débouté des demandes de celui-ci ainsi qu'au remboursement de la provision versée en exécution de l'ordonnance rendue le 25 juin 2002 par le conseiller de la mise en état. SUR QUOI, Attendu que les éléments du dossier révèlent que Monsieur X... était hospitalisé à PARIS, à l'hôpital PITIE SALPETRIERE du 09 au 15 septembre 1986 ; qu'il lui était administré six culots globulaires et douze plasmas frais congelés fournis par cet hôpital ; qu'au cours de sa convalescence, il s'avérait atteint d'une hépatite Y... puis qu'une cirrhose se déclarait en 1993 ; Qu'il chargeait Maître B. d'engager une procédure contre l'hôpital ; que le tribunal administratif de PARIS, le 28 octobre 1994, ordonnait une expertise ; qu'au vu du rapport déposé par le docteur A..., l'avocat demandait une

indemnisation à la direction de l'assistance publique ; qu'une décision de refus lui était opposée le 07 mai 1996 ; Que Maître B. saisissait le tribunal administratif le 22 juillet 1996 ; que cette juridiction déclarait ce recours irrecevable par jugement du 24 février 1998 ; que la Cour Administrative d'appel de PARIS confirmait cette décision et que le Conseil d'Etat, le 08 novembre 2000, rejetait le recours ; que Monsieur X... saisissait alors le tribunal qui rendait la décision déférée ; que Monsieur X... engageait alors une action en responsabilité civile contre son conseil ; que le jugement déféré était alors rendu ; que dans une ordonnance du 25 juin 2002, le conseiller de la mise en état ordonnait l'exécution provisoire du jugement ; Attendu que pour critiquer cette décision, Maître B. explique que s'il ne conteste pas sa faute pour ne pas avoir engagé le recours dans le délai prescrit, il n'en demeure pas moins que le rapport d'expertise ne dégageait aucune certitude, se contentant d'indiquer que l'hépatite Y... était vraisemblablement liée aux transfusions subies ; Que cet expert indique encore qu'il n'y avait aucune obligation, en 1986, pour les hôpitaux ou les centres de transfusions, de procéder à un dépistage sérologique systématique ; qu'il concluait enfin à un taux d'incapacité de 5 % ; qu'ainsi, les chances d'obtenir satisfaction devant les juridictions administratives était très aléatoires ; qu'il en déduit même qu'à l'époque, il y avait de fortes chances de voir le recours rejeté ; Attendu qu'à titre subsidiaire, il estime que le pré-rapport d'expertise ne permet pas à la Cour d'évoquer le fond de l'affaire, d'autant que le double degré de juridiction est un droit auquel il ne saurait renoncer ; Attendu que le premier juge relevait justement que l'avocat est tenu vis à vis de son client d'un devoir de conseil et d'information ainsi que d'une obligation de moyens qui lui impose de veiller à l'efficacité des actes qu'il accomplit pour la défense des

intérêts de son client ; qu'il doit notamment veiller à introduire les recours dans les délais impartis ; Que Maître B. ne conteste pas qu'en ne saisissant pas la juridiction compétente dans les deux mois du refus d'indemnisation opposé par la direction de l'assistance publique, il commettait une faute engageant sa responsabilité ; que cette faute a privé Monsieur X... de toute possibilité d'indemnisation du préjudice par lui subi ; que Maître B. doit donc indemniser ce préjudice ; Que c'est à bon droit que le tribunal relevait que le lien de causalité entre la faute et le préjudice devait être apprécié au regard des chances de succès dans sa saisine des juridictions administratives ; Attendu qu'en l'espèce, les pièces régulièrement communiquées démontrent :

Que Maître B. avait justement mis en cause l'Assistance Publique - Hôpitaux de PARIS dans la mesure où le centre de transfusion dépend de cette administration, sans aucune personnalité juridique distincte ;

Que la jurisprudence administrative, fournie par Maître B., démontre qu'à l'époque des faits (1980 - 1989), il appartenait à l'administration de démontrer que les produits fournis par elle n'étaient pas à l'origine de la contamination ; qu'il a été même décidé qu'elle était responsable, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Que le rapport du docteur A... relevait : " le délai d'apparition de l'hépatite après la transfusion et le caractère massif de la transfusion sont deux éléments en faveur de l'origine transfusionnelle très vraisemblable de l'hépatite de Monsieur B... est peu probable que l'on ait pu incriminer les transfusions de 1980 sur lesquelles nous n'avons d'ailleurs aucun détail, puisque les transaminases de Monsieur X... à l'entrée de l'hôpital de la Pitié

Salpetrière en 1986 étaient normales. " ; qu'il écartait enfin les autres causes de contamination connues ; Que ces trois éléments incontestés démontrent que le préjudice subi par Monsieur X... est en relation directe avec la faute commise par Maître B. et que les chances de succès de la procédure, menée si nécessaire jusqu'au Conseil d'Etat, ne pouvait pas être inférieures à 80 % ; que ce pourcentage sera retenu, par réformation du jugement, pour indemniser la victime de son préjudice ; Attendu sur cette indemnisation qu'il est constant que le docteur Y..., expert commis, a déposé son rapport définitif le 08 novembre 2002 ; que le principe du double degré de juridiction doit être mis en balance avec la nécessaire indemnisation de la victime ; Qu'en l'espèce, il est établi qu'à la suite du jugement rendu pat le tribunal administratif de PARIS le 24 février 1998 déclarant le recours de Monsieur X... irrecevable car intenté hors délai, Maître B. saisissait la Cour Administrative d'Appel qui confirmait ce jugement par arrêt du 25 mai 1999 et que le Conseil d'Etat, le 08 novembre 2000, rejetait le pourvoi ; Que les courriers de Monsieur X... à Maître B. démontrent que l'ensemble de cette procédure était diligentée sans que le client en soit véritablement informé et que surtout, en sa qualité de professionnel du droit, Maître B. ne pouvait ignorer que son recours devant le Conseil d'Etat était voué à l'échec, surtout en l'état du courrier de l'avocat aux Conseils du 04 mai 2000 ; Qu'il est ainsi démontré que l'indemnisation de Monsieur X... a tardé par la négligence de Maître B. et qu'ainsi, il convient d'évoquer le fond de l'affaire et de faire injonction à Maître B. de conclure au fond sur les demandes de la victime au vu du rapport définitif d'expertise ; Qu'il sera donc sursis à statuer sur les autres demandes des parties ; PAR CES MOTIFS, La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit en la forme l'appel jugé régulier, Infirme

le jugement rendu le 21 février 2002 par le tribunal de grande instance d'AGEN en ce qu'il fixait à 50 % la fraction d'indemnisation du préjudice que Maître B. devait à Monsieur X... à la suite de la faute par lui commise, Statuant à nouveau, Fixe à 80 % la part mise à la charge de Maître B., Confirme pour le surplus la décision entreprise, Vu l'article 568 du Nouveau Code de Procédure Civile, Ordonne l'évocation de l'affaire et fait injonction à Maître B. de conclure sur l'indemnisation du préjudice subi par Maître B. au vu du rapport déposé par l'expert commis par le tribunal avant le 15 avril 2003, Surseoit à statuer sur les autres demandes, Dit que l'affaire sera appelée pour plaidoiries à l'audience du 14 mai 2003 et fixe au 06 mai 2003 la date de l'ordonnance de clôture, Le présent arrêt a été signé par Monsieur BOUTIE, Président et par Madame FOUYSSAC, greffier présent lors du prononcé. Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 02/375
Date de la décision : 26/02/2003

Analyses

AVOCAT - Responsabilité - Dommage - Réparation - Evaluation du préjudice - Perte d'une chance - Action en justice - Chances de succès

L'avocat est tenu vis à vis de son client d'un devoir de conseil et d'information ainsi que d'une obligation de moyens qui lui impose de veiller à l'efficacité des actes qu'il accomplit pour la défense des intérêts de son client. Il doit notamment veiller à introduire les recours dans les délais impartis. En ne saisissant pas la juridiction compétente dans les deux mois du refus d'indemnisation opposé par la direction de l'assistance publique, l'avocat d'une victime ayant contracté à l'hôpital une hépatite C puis une cirrhose à la suite de l'administration de culots globulaires et de plasmas frais congelés fournis par cet hôpital, commet une faute engageant sa responsabilité, faute privant l'appelant de toute possibilité d'indemnisation du préjudice par lui subi. Les éléments incontestés du dossier démontrent que le préjudice subi par l'appelant est en relation directe avec la faute commise par l'avocat intimé et que les chances de succès de la procédure, menée si nécessaire jusqu'au Conseil d'Etat, ne pouvaient pas être inférieures à 80 % . En conséquence, ce pourcentage doit être retenu, par réformation du jugement, pour indemniser la victime de son préjudice


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-02-26;02.375 ?
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