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24/02/2003 | FRANCE | N°01/1018

France | France, Cour d'appel d'agen, 24 février 2003, 01/1018


DU 24 Février 2003 ------------------------- C.L/M.F.B

Jacques X... Y.../ Huguette X... épouse Y... Aide Juridictionnelle RG Z... : 01/01018 - A R R E T Z...° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt quatre Février deux mille trois, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Jacques X... représenté par Me Solange TESTON, avoué assisté de la SCP FAUGERE etamp; ASSOCIÉS, avocats (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 01/2620 du 01/02/2002 accordée par le b

ureau d'aide juridictionnelle de AGEN) APPELANT d'un jugement du Tribu...

DU 24 Février 2003 ------------------------- C.L/M.F.B

Jacques X... Y.../ Huguette X... épouse Y... Aide Juridictionnelle RG Z... : 01/01018 - A R R E T Z...° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt quatre Février deux mille trois, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Jacques X... représenté par Me Solange TESTON, avoué assisté de la SCP FAUGERE etamp; ASSOCIÉS, avocats (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 01/2620 du 01/02/2002 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN) APPELANT d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de CAHORS en date du 08 Juin 2001 D'une part, ET : Madame Huguette X... épouse Y... représentée par Me TANDONNET, avoué assistée de Me Henry TOUBOUL, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 01/2786 du 26/09/2001 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN) INTIMEE D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 27 Janvier 2003, devant Jean-Louis BRIGNOL , Président de Chambre,Catherine LATRABE et Christian COMBES, Conseillers, assistés de Monique A..., Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

Jeanne CT. veuve X... est décédée le 14 mai 1997, laissant pour seuls héritiers ses deux enfants Huguette X... épouse Y... et Jacques X...

Le partage a été effectué le 22 février 1999 suivant acte de Maître AUZIE, notaire à GOURDON et ce en considération du testament authentique en date du 11 août 1994 par lequel Jeanne X... avait légué à son fils Jacques, la quotité disponible, de sorte que Huguette Y... a recueilli à la succession de sa mère la somme de 8 500 Francs et

Jacques X... la somme de 17 000 Francs.

Faisant état de ce qu'elle avait appris postérieurement à ce partage que son frère avait bénéficié le 9 mai 1997, soit cinq jours avant le décès de sa mère, d'une procuration générale de cette dernière qu'il avait utilisée pour se faire rembourser, le 13 mai 1997, le plan d'épargne populaire qui avait été souscrit par leur mère à hauteur d'une somme de 339 704,49 Francs, Huguette Y... a fait assigner par acte du 8 décembre 1999, Jacques X... devant le Tribunal de Grande Instance de CAHORS pour lui voir appliquer les règles du recel successoral.

Suivant jugement en date du 8 juin 2 001, cette juridiction a ordonné la réouverture des opérations de partage de la succession de Jeanne X..., commis Maître LAPORTE, notaire à GOURDON pour y procéder, dit que Jacques X... est tenu de rapporter à la succession de Jeanne X... la somme de 339 704,49 Francs, dit que Jacques X... est privé de toute part sur ladite somme, renvoyé les parties devant le notaire commis et débouté les parties de leurs autres demandes.

Jacques X... a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

Il soutient pour l'essentiel que :

- la demande de partage de sa soeur ne peut prospérer, les parties n'étant plus en indivision du fait du partage précédent et ne pouvant plus contester les termes et le contenu de ce partage amiable auquel elles ont librement consenti, de sorte que la demande de Huguette Y... aurait dû être déclarée irrecevable par le premier juge, sans examen du fond.

- il ne saurait être tenu de rapporter la somme litigieuse à la succession de sa mère ; en effet, la procuration notariée qui lui a

été consentie par cette dernière constitue un acte de tradition permettant de retenir la qualification de don manuel puisque sa mère qui entendait le gratifier ainsi dans la mesure où il lui avait tout sacrifié, à la fois sa vie privée et professionnelle, a bien eu, par cet acte, l'intention de se dessaisir de manière irrévocable des fonds qu'elle possédait ; il prétend également que l'héritier n'a pas à rapporter les dons manuels qui lui ont été régulièrement faits par le défunt par préciput et hors part ou avec dispense de rapport.

- il ajoute qu'il n'a jamais caché à sa soeur le don manuel dont il a bénéficié en 1997 et que l'intention frauduleuse n'est pas démontrée, en l'espèce, de sorte que le Tribunal a retenu à tort le recel successoral.

Il demande, par conséquent, à la Cour, de réformer la décision déférée, de juger les demandes de Huguette Y... irrecevables et mal fondées et de la condamner au paiement de la somme de 1 525 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Huguette Y... demande, au contraire, à la Cour de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et y ajoutant de condamner Jacques X... au paiement d'une somme de 2 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir, pour l'essentiel, que le recel successoral justifie d'ordonner la réouverture des opérations de partage afin de permettre

au notaire liquidateur d'accomplir les nouvelles diligences qui s'imposent du fait de ce recel.

Elle ajoute que la qualification de don manuel ne peut être retenue ; en effet, la proximité entre la signature de la procuration et le décès de Jeanne X... ne peut que jeter la suspicion sur les conditions d'établissement de l'acte et ne permet pas d'établir la volonté de leur mère de se dessaisir des fonds au profit de son fils ; de plus, la possession dont se prévaut ce dernier est clandestine et équivoque dans la mesure où il a occulté le transfert à son profit des sommes en cause, prélevées à l'insu du notaire liquidateur.

Elle rappelle que, par application des dispositions de l'article 844 du Code Civil, les dons faits par préciput ou avec dispense de rapport ne peuvent être retenus ni les legs réclamés par l'héritier venant à partage que jusqu'à concurrence de la quotité disponible, l'excédent étant sujet à réduction si bien que les sommes prélevées par Jacques X... qui dépassaient largement la somme de 45 734, 71 Euros portaient atteinte à sa réserve héréditaire.

Elle souligne, enfin, que l'élément essentiel du recel est la clandestinité du comportement de l'héritier ce qui est bien le cas en l'espèce puisque, ce n'est qu'au bout d'une longue procédure ayant nécessité une ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de CAHORS pour pouvoir obtenir communication du relevé des opérations bancaires effectuées par son frère dans les jours qui ont précédé le décès de leur mère sur les comptes de cette dernière ainsi qu'une sommation interpellative adressée au banquier de la de cujus, que l'importance des sommes prélevées a pu être établie.

SUR QUOI

Attendu que l'analyse minutieuse et complète des faits à laquelle a procédé le premier juge n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par Jacques X... lequel invoque des arguments identiques à ceux qu'il développait déjà en première instance.

Qu'il lui a été répondu en des attendus justes et bien fondés auxquels il n'y a guère à ajouter que ceci :

- l'action en recel successoral n'est nullement subordonnée à la qualité d'indivisaire de celui qui l'engage ; Huguette Y... est, dès lors, parfaitement fondée à introduire une telle action qui implique par définition, lorsqu'il y est fait droit, la réouverture de la succession.

- le recel successoral tel que visé à l'article 792 du Code Civil concerne toutes les fraudes au moyen desquelles un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l'égalité du partage soit qu'il divertisse des effets de la succession en se les appropriant indûment, soit qu'il les recèle en dissimulant sa possession, dans des circonstances où il serait de par la loi, tenu de les déclarer.

- font partie des effets de la succession tant les donations rapportables que les donations préciputaires excédant la quotité disponible, de sorte que le fait pour l'héritier gratifié de dissimuler une telle donation peut constituer une dissimulation frauduleuse portant directement atteinte aux droits des autres

héritiers réservataires ; dans le cas présent, le retrait réalisé par Jacques X... sur le compte de sa mère porte sur la quasi totalité de l'actif successoral si bien qu'à supposer que le don manuel invoqué par l'intéressé ait été établi, il se trouvait nécessairement soumis à rapport pour la part excédant la quotité disponible et sa dissimulation ne pouvait que porter atteinte aux droits de sa soeur, héritière réservataire.

- la clandestinité du comportement de l'héritier constitue le facteur essentiel de l'existence de l'élément matériel du recel : ont incontestablement le caractère secret et clandestin, les prélèvements effectués par Jacques X... la veille du décès de sa mère, grâce à la procuration générale obtenue cinq jours auparavant, alors que ces prélèvements représentent la quasi totalité de l'actif successoral figurant sur le compte épargne de la défunte, que l'intéressé n'est pas en mesure d'apporter la preuve de leur utilité et enfin, qu'il a gardé le silence sur cette opération lors du partage amiable.

- l'intention frauduleuse constitutive du recel successoral résulte de la mauvaise foi de l'héritier receleur qui a voulu s'approprier indûment les éléments de la succession pour nuire à ses cohéritiers afin de les frustrer de tout ou partie de ce qui doit leur revenir dans le partage et de rompre à son profit l'équilibre de celui ci ; or, en ne révélant pas lors de la déclaration de la succession, les prélèvements importants qu'il avait réalisés sur le compte épargne de la défunte avant son décès, Jacques X... a indiscutablement manifesté son intention de rompre l'égalité du partage.

Que le premier juge a, donc, à bon droit retenu que Jacques X... s'était rendu coupable de recel successoral le privant, en application de l'article 792 du Code Civil de toute part sur la somme

recelée.

Attendu, par conséquent, qu'il convient de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et de débouter Jacques X... de l'ensemble de ses demandes.

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Huguette Y... la totalité des frais non compris dans les dépens qu'elle a pu être amenée à exposer.

Attendu que les dépens seront mis à la charge de Jacques X... qui succombe. PAR CES MOTIFS LA COUR

Reçoit l'appel jugé régulier en la forme,

Le déclare mal fondé,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Rejette comme inutile ou mal fondée toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne Jacques X... aux dépens de l'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, la SCP TANDONNET, avoués, à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont il aura été fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent appel a été signé par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre et Monique A... LA GREFFIERE

LE PRESIDENT M. A...

J.L.BRIGNOL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 01/1018
Date de la décision : 24/02/2003

Analyses

SUCCESSION - Recel - Effets de la succession - Définition.

Font partie des effets de la succession tant les donations rapportables que les donations préciputaires excédant la quotité disponible, de sorte que le fait pour l'héritier gratifié de dissimuler une telle donation peut constituer une dissimulation frauduleuse portant directement atteinte aux droits des autres héritiers réservataires. Le retrait réalisé par un héritier sur le compte du défunt portant sur la quasi totalité de l'actif successoral, à supposer que le don manuel invoqué par cet héritier ait été établi, il se trouvait nécessairement soumis à rapport pour la part excédant la quotité disponible et sa dissimulation ne pouvait que porter atteinte aux droits des héritiers réservataires

SUCCESSION - Recel - Eléments constitutifs - Intention frauduleuse.

L'intention frauduleuse constitutive du recel successoral résulte de la mauvaise foi de l'héritier receleur qui a voulu s'approprier indûment les éléments de la succession pour nuire à ses cohéritiers afin de les frustrer de tout ou partie de ce qui doit leur revenir dans le partage et de rompre à son profit l'équilibre de celui-ci. En ne révélant pas, lors de la déclaration de la succession, les prélèvements importants qu'il avait réalisés sur le compte épargne de la défunte avant son décès, l'héritier manifeste son intention de rompre l'égalité du partage


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-02-24;01.1018 ?
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