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15/01/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006941819

France | France, Cour d'appel d'agen, 15 janvier 2003, JURITEXT000006941819


DU 15 Janvier 2003 ------------------------- F.C/MF.B

S.C.I. LECTOURE RENOVATION C/ Me Bernard A., Me Jean Odet V. RG N :

01/00610 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du quinze Janvier deux mille trois, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : S.C.I. LECTOURE RENOVATION prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Rue Jules Sardac 32700 LECTOURE représentée par Me Jean Michel BURG, avoué assistée de M

e Hélène PLENIER, avocat APPELANTE d'un jugement du Tribunal de Grande In...

DU 15 Janvier 2003 ------------------------- F.C/MF.B

S.C.I. LECTOURE RENOVATION C/ Me Bernard A., Me Jean Odet V. RG N :

01/00610 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du quinze Janvier deux mille trois, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : S.C.I. LECTOURE RENOVATION prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Rue Jules Sardac 32700 LECTOURE représentée par Me Jean Michel BURG, avoué assistée de Me Hélène PLENIER, avocat APPELANTE d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 25 Octobre 2000 D'une part, ET : Maître Bernard A. Maître Jean Odet V. représentés par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assistés de Me Georges LURY, avocat INTIMES D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 27 Novembre 2002, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, François CERTNER et Arthur ROS, Conseillers, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

Par jugement du 25 octobre 2000, le tribunal de grande instance d'AUCH : -

Décidait que Maître A. et Maître V. avaient commis une faute contractuelle en s'abstenant de faire publier le privilège du vendeur avec réserves de l'action résolutoire, -

Décidait que cette faute avait causé à la SCI LECTOURE RENOVATION un préjudice directe et certain, -

Décidait que ce préjudice était égal au prix de l'adjudication, -

Ordonnait le sursis à statuer sur l'exacte liquidation de ce préjudice dans l'attente de la production de pièces, -

Ordonnait également le sursis à statuer sur en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, -

Renvoyait l'affaire à la mise en état. Par déclaration du 11 janvier 2001, dont la régularité n'est pas contestée, la SCI LECTOURE RENOVATION relevait appel de cette décision. L'affaire était radiée par le magistrat de la mise en état le09 mai 2001. Elle était réinscrite le 10 mai 2001. Dans ses dernières conclusions déposées le 04 novembre 2002, la SCI LECTOURE RENOVATION soutient que le montant de son préjudice est déterminé et que les notaires doivent être condamnés à lui payer la somme de 324.337,43 ä en réparation de son préjudice. Elle conclut à la réformation du jugement sur ce point et réclame encore la somme de 10000 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Maître V. et Maître A., dans leurs dernières écritures déposées le 30 octobre 2002 forment appel incident et estiment que aucun lien de causalité entre la faute qu'ils auraient pu commettre et le préjudice allégué par l'appelante n'est démontré. Ils sollicitent la réformation du jugement entrepris et le débouté des demandes. Ils réclament encore la somme de 3811,23 ä en remboursement de leurs frais irrépétibles. SUR QUOI, Attendu que les pièces régulièrement communiquées démontrent que selon acte authentique reçu par Maître V. et Maître A., notaires, le 29 avril 1994, la société LECTOURE RENOVATION vendait à la société EUROPE IMMOBILIERE un immeuble à usage d'hôtel-restaurant situé à LECTOURE (32) pour un prix de 1400000 F (213428,62 ä) ; qu'il était versé 200000 F (30489,80 ä) à la signature de l'acte et que le solde devait être payé au plus tard le 30 septembre 1994 avec intérêts de 8 % ; que la venderesse se réservait le privilège du vendeur et l'action résolutoire ; que Monsieur X... se portait caution de l'acquéreur ; Que le 27 avril 1995, alors que le solde du prix n'avait pas été réglé, la société EUROPE IMMOBILIERE et Monsieur X... tombaient en

redressement judiciaire le 27 avril 1995 puis en liquidation judiciaire le 16 juillet 1996 ; qu'en l'absence de publication du privilège prévu, la société LECTOURE RENOVATION ne pouvait pas participer à la répartition du prix de vente de l'immeuble ; qu'elle ne pouvait pas davantage mettre en ouvre la caution en raison de l'insolvabilité de celle-ci ; qu'elle assignait les notaires en réparation de son préjudice et que le jugement déféré était alors rendu ; Attendu que pour critiquer cette décision, la société LECTOURE RENOVATION fait valoir que si le jugement doit être confirmé en ce qui concerne la reconnaissance de la faute des notaires pour avoir inscrit le privilège de prêteur de deniers aux lieux et place du privilège de vendeur d'immeuble, ils ont également manqué à leur obligation de conseil en ne s'assurant pas de l'efficacité du cautionnement donné par Monsieur X... dans la mesure où Maître V. avait déjà reçu l'acte par lequel la société EUROPE IMMOBILIERE vendait à l'épouse de Monsieur X..., séparée de biens, l'immeuble occupé par la couple ; qu'elle fait encore grief d'une mauvaise rédaction de la clause résolutoire ; Que si les notaires reconnaissent l'erreur d'avoir fait inscrire le privilège du prêteur de deniers, ils estiment que cette faute est sans lien de causalité avec le préjudice subi dans la mesure où il existait d'autres privilèges antérieurs ; Sur la faute des notaires Attendu en droit que le notaire, tenu d'un devoir de conseil, doit personnellement éclairer son client sur les conséquences de ses engagements et prendre toutes dispositions pour assurer l'efficacité des actes qu'il rédige ; Attendu en l'espèce que les notaires ne contestent pas qu'en ayant fait inscrire le privilège du prêteur de deniers alors qu'était stipulé à l'acte le privilège du vendeur avec action résolutoire, ces notaires ont commis une faute ; Que par contre, le notaire n'est pas garant de la solvabilité des parties à l'acte et qu'il ne lui incombe

pas de vérifier celle-ci mais qu'il doit seulement attirer l'attention de son client sur les moyens propres à pallier une éventuelle insolvabilité ; Que le tribunal retenait justement que l'insolvabilité de Monsieur X... n'était apparue qu'en novembre 1998 et qu'aucun élément ne permet de suspecter cette insolvabilité avant cette date, et notamment au moment de l'acte ; que la seule vente de l'immeuble conjugal à l'épouse de Monsieur X... deux mois avant l'acte en cause ne signifie rien alors que la société EUROPE IMMOBILIERE, venderesse de ce bien, disposait des fonds ainsi obtenus ; Sur le préjudice de la société LECTOURE RENOVATION Attendu que pour demander la fixation de son préjudice à la somme de 324337,43 ä, la société LECTOURE RENOVATION explique que ce montant est celui qu'elle a du verser à la CRCAM à la suite des retards de paiement et de divers protocoles signés avec cet organisme Mais attendu que le préjudice de la société LECTOURE RENOVATION ne s'analyse que comme une perte de chance d'avoir pur récupérer son bien ; qu'en effet, si le privilège du vendeur avait été inscrit et l'action résolutoire engagée, rien n'établit que l'immeuble serait revenu dans le patrimoine de l'appelante libre de toute hypothèque alors qu'est inscrite l'hypothèque de premier rang de la CRCAM, valable jusqu'en 2006 pour un montant de 2400000 F (365877,64 ä) et qu'aucune mainlevée n'est produite ; Qu'en outre, aucune demande de résolution n'avait été engagée avant l'ouverture de la procédure collective, la première demande de la société LECTOURE RENOVATION ayant été intrduite contre Monsieur X... (jugement du 14 janvier 1998) ; que ce n'est que contre Monsieur X... que la société LECTOURE RENOVATION agissait en premier (jugement du 14 janvier 1998) ; Que le moyen selon lequel une faute aurait été commise pour n'avoir pas prévu à l'acte une condition résolutoire automatique n'est pas établi alors qu'aucune dmise en demeure n'était envoyé à l'acquéreur, la société

LECTOURE RENOVATION faisant implicitement crédit et l'immeuble ayant en toute hypothèse une inscription de premier rang antérieure ; Qu'ainsi, par réformation du jugement, le préjudice ne pouvant être égal au prix de l'adjudication, celui directement en relation avec la faute commise ne s'analyse que dans une perte de chance et sera exactement indemnisé par l'octroi de la somme de 121959,21 ä (800.000 F) ; Attendu que société LECTOURE RENOVATION et Maître A., qui succombent dans leurs prétentions et qui sont condamnés au paiement, supporteront les dépens ; Que, tenus aux dépens, ils devront payer à la société LECTOURE RENOVATION la somme de 1500 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS, La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit en la forme l'appel jugé régulier, Au fond, réforme le jugement rendu le 25 octobre 2000 par le tribunal de grande instance d'AUCH en ce qu'il fixait le préjudice subi par la société LECTOURE RENOVATION au moment du prix de l'adjudication et en ce qu'il ordonnait le sursis à statuer dans l'attente de la production de pièces, Statuant à nouveau, Fixe à la somme de 121959,21 ä (800.000 F) le montant du préjudice subi par la société LECTOURE RENOVATION et condamne Maître V. et Maître A., in solidum, au paiement de cette somme, Confirme pour le surplus la décision déférée, Y ajoutant, Condamne in solidum Maître V. et Maître A. à payer à la société LECTOURE RENOVATION la somme de 1500 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne in solidum Maître V. et Maître A. aux dépens et autorise Maître BURG, avoué, à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le présent arrêt a été signé par Monsieur BOUTIE, Président et par Madame FOUYSSAC, greffier présent lors du prononcé. Le Greffier

Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006941819
Date de la décision : 15/01/2003

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation de vérifier - Exclusion - Applications diverses - Vente - Immeuble.

Alors que le solde du prix de vente n'avait pas été réglé, la société acheteuse et sa caution tombaient en redressement, puis en liquidation judiciaire. En l'absence de publication du privilège du vendeur que s'était réservé la venderesse, la société appelante ne pouvait pas participer à la répartition du prix de vente de l'immeuble. Elle ne pouvait pas davantage mettre en oeuvre la caution en raison de l'insolvabilité de celle-ci et assignait les notaires en réparation de son préjudice. En droit, le notaire, tenu d'un devoir de conseil, doit personnellement éclairer son client sur les conséquences de ses engagements et prendre toutes dispositions pour assurer l'efficacité des actes qu'il rédige. En l'espèce, les notaires intimés ne contestent pas qu'en ayant fait inscrire le privilège du prêteur de deniers alors qu'était stipulé à l'acte le privilège du vendeur avec action résolutoire, ces notaires ont commis une faute. Par contre, le notaire n'est pas garant de la solvabilité des parties à l'acte et il ne lui incombe pas de vérifier celle-ci : il doit seulement attirer l'attention de son client sur les moyens propres à pallier une éventuelle insolvabilité. Le préjudice de la société appelante ne s'analyse que comme une perte de chance d'avoir pu récupérer son bien. En effet, si le privilège du

vendeur avait été inscrit et l'action résolutoire engagée, rien n'établit que l'immeuble serait revenu dans le patrimoine de l'appelante libre de toute hypothèque. Ainsi, le préjudice ne pouvant être égal au prix de l'adjudication, celui directement en relation avec la faute commise ne s'analyse que dans une perte de chance et sera indemnisé par l'octroi d'un somme d'argent.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-01-15;juritext000006941819 ?
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