DU 16 Décembre 2002 ------------------------- P.L/M.F.B
Consorts B... C/ Monsieur C... des SERVICES FISCAUX DU GERS RG N : 00/01206 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du seize Décembre deux mille deux, par Philippe LOUISET, Conseiller, assisté de Dominique F..., Greffière. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Jean Philippe B... né le 29 Mai 1960 à TARBES (65000) Demeurant ... Madame Carole B... épouse E... née le 29 Mai 1964 à TARBES (65000) Demeurant ... Madame Catherine B... épouse G... née le 08 Septembre 1962 à TARBES (65000) Demeurant ... Madame Anne B... née le 16 Mars 1959 à CAEN (14000) Demeurant ... représentés par Me NARRAN, avoué assistés de Me Y..., avocat APPELANTS d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 12 Juillet 2000 D'une part, ET : Monsieur C... des SERVICES FISCAUX DU GERS Demeurant ... représenté par Me Jean Michel BURG, avoué assisté de la SCP SEGUY - BOURDIOL, avocats INTIME D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 04 Juin 2002, devant Alain MILHET, Président de Chambre, Philippe LOUISET et Arthur ROS, Conseillers, assistés de Monique A..., Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
Attendu que Jean-Philippe B..., Carole B... épouse E..., Catherine B... épouse G... et Anne B... ont régulièrement relevé appel d'un jugement rendu le 12 juillet 2000 par le Tribunal de grande instance d'Auch qui les a déboutés de leur demande ;
Attendu que les appelants demandent à la Cour :
- à titre principal,
- de constater que l'administration a fait application des dispositions de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales sans viser le fondement légal de l'abus de droit en matière fiscale et se faisant privant le contribuable du bénéfice des garanties de la procédure spécifique,
- de dire que selon une jurisprudence établie, il y a là un vice substantiel qui entraîne la nullité de la procédure d'imposition,
- à titre subsidiaire, vu les articles 1319 et 1156 du Code civil,
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a procédé à une appréciation inexacte de la situation de fait,
- de constater que la charge de la preuve appartient à l'administration et qu'elle faillit à cette administration,
- de constater la réalité de la volonté d'Anne-Marie B... et d'Alain B..., donateurs, de prendre en charge les droits de mutation résultant de l'acte de donation du 22 juillet 1996,
- de constater que les requérants ont suffisamment établi l'existence de cette volonté et son caractère contemporain de l'acte de donation du 22 juillet 1996,
- de constater que l'acte du 9 juin 1997 a bien le caractère d'un acte rectificatif,
- en conséquence, il ne saurait être considéré comme un acte contenant une donation distincte taxable suivant l'article 690 du Code général des impôts,
- de prononcer la décharge des impositions de 3.119.568 francs et 386.368 francs mises à la charge des requérants,
- de condamner les Services fiscaux à restituer aux requérants la somme totale de 3.505.936 francs assortie de l'intérêt de retard prévu par l'article L. 208 du Livre des procédures fiscales,
- de condamner les Services fiscaux au remboursement d'une somme de 50.000 francs sur la base de l'article 700 du NCPC compte tenu de l'obligation qui est faite aux requérants de plaider pour faire valoir leurs droits ;
Attendu que la Direction générale des impôts prie la Cour :
- de confirmer le jugement dont appel,
- de condamner les appelants à lui payer la somme de 15.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;
SUR QUOI
Attendu que, bien que se référant pour plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des fins et moyens des parties, aux énonciations du jugement attaqué et aux conclusions déposées, la Cour rappellera seulement que :
- selon acte reçu le 22 juillet 1996 par Maître Nicole Z..., notaire à Villecomtal, les époux X... FREMONT-Anne-Marie SALAT ont consenti à leurs quatre enfants (Anne-Marie, Jean-Philippe, Catherine et Carole B...) une donation-partage ayant pour objet divers immeubles et valeurs mobilières d'une valeur déclarée de 53.706.000 francs,
- aux termes de cet acte, les frais, droits et émoluments étaient mis à la charge des donataires copartageants,
- le 9 juin 1997, le notaire précité a reçu un second acte qualifié de "rectificatif donation- partage FREMONT" aux termes duquel les frais, droits et émoluments de la donation- partage étaient mis à la charge des donateurs,
- contestant le caractère rectificatif du second acte et le considérant comme une donation complémentaire, l'administration fiscale a notifié aux donatairex un redressement d'un montant total de 3.119.568 francs,
- le Directeur des services fiscaux ayant, par décision du 4 juillet 1999, rejeté le recours contentieux formé par Jean-Philippe B..., les donataires ont fait assigner le Directeur des services fiscaux du département du Gers devant le Tribunal de grande instance d'Auch par
acte d'huissier du 27 août 1999, afin d'obtenir la décharge de l'imposition et la somme de 50.000 francs au titre des frais irrépétibles,
- le jugement dont appel a été rendu dans ces conditions le 12 juillet 2000 ; sur les garanties procédurales
Attendu que les appelant font valoir, à titre principal, que l'administration n'a pas appliqué les garanties procédurales dues à la procédure de répression des abus de droit implicitement utilisée ; Qu'en particulier, elle soutient que :
- l'Administration se fonde sur l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, qui permet à l'Administration de faire échec à des actes qui dissimulent la portée d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses "dans l'intention exclusive d'éviter ou d'atténuer une imposition",
- or dans l'espèce, l'Administration dans ses notifications de redressements refuse à l'acte du 9 juin 1997 la qualification d'acte rectificatif,
- en effet, l'Administration considère que l'acte du 9 juin 1997 qui se présente sous la qualification de "rectificatif" a pour objet réel de procéder à une nouvelle donation au profit des requérants par un procédé visant à éluder les droits d'enregistrement applicables,
- l'Administration fait effectivement application de la théorie de
l'abus de droit qui trouve sa traduction dans le domaine des droits d'enregistrement dans les dispositions de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales puisqu'elle met en cause la sincérité de l'acte juridique, pourtant établi en la forme authentique,
- l'Administration a agi en considération des principes de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales et a commis un détournement de procédure en privant sciemment le contribuable des garanties spécifiques offertes par l'abus de droit,
- or l'Administration dans aucun des documents échangés au cours de la procédure de redressement contradictoire (notification de redressement du 4 août 1998) et réponse aux observations du contribuable ne fait état du recours à cette procédure,
- ce faisant, l'Administration a commis un vice substantiel affectant la régularité de la procédure d'imposition,
- en effet, ce défaut de motivation a eu pour effet de priver le contribuable des garanties particulières que lui offre la procédure spécifique ouverte par l'invocation de l'abus de droit de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales que l'Administration applique pourtant sans le dire expressément, puisqu'elle met en cause la sincérité de l'acte juridique,
- encore depuis la loi AICARDI du 8 juillet 1987, l'existence de garanties de procédure a pour conséquence qu'il n'est plus possible à l'Administration d'appliquer l'abus de droit sans le dire explicitement, sous peine de vicier la procédure d'imposition,
- ces garanties consistent dans : 1/la mise en oeuvre de la répression des abus de droit par décision d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire qui appose son visa sur la notification de redressement (article R. 64. 1 du Livre des procédures fiscales), 2/ en cas de désaccord subsistant, le contribuable a la faculté de soumettre le litige à l'avis d'un comité consultatif pour la répression des abus de droit, 3/ enfin la charge de la preuve de l'abus de droit repose sur l'Administration fiscale et non sur le contribuable : elle doit établir que ces actes ont soit un caractère fictif, soit qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qui auraient été supportées en l'absence des actes,
- d'autre part, l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales exige que la notification de redressement soit motivée de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation,
- en matière de droits d'enregistrement, une jurisprudence judiciaire établie rend obligatoire la mention des textes sur lesquels l'Administration fiscale s'appuie,
- en conséquence, la procédure d'imposition des enfants FREMONT se trouve entachée d'un vice substantiel et d'une irrégularité qui entache de nullité l'ensemble de la procédure et qui entraîne la décharge de l'ensemble des droits et des pénalités,
- le vice de procédure commis répond au triple motif du défaut du visa dans la notification de redressements du fondement légal réel du redressement notifié, défaut du visa d'un agent ayant le grade
d'inspecteur principal sur la notification de redressement et défaut d'information du contribuable sur la faculté de demander la saisine du Comité Consultatif pour la Répression des Abus de Droit ;
Attendu que la notification de redressement du 4 août 1998 comporte les passages ci-après:
... "En l'espèce, l'acte initial mettait expressément les droits à la charge des donataires dans les conditions de droit commun. Par ailleurs, les donataires ont demandé le paiement fractionné et différé des droits. L'acte du 09/06/1997, qui intervient près d'un an après l'acte de donation-partage, transfèrt la charge du paiement des droits aux donateurs ; cet acte ne peut être analysé comme une simple rectification d'une erreur commise dans l'acte initial. Ce deuxième acte a le caractère d'une convention nouvelle et distincte, constitutive d'une donation complémentaire dont la contre-valeur est représentée par la prise en charge des droits dus sur l'acte précédent. En effet, les donataires qui étaient tenus légalement d'acquitter l'impôt on reçu un avantage particulier du fait du paiement de celui-ci par les donateurs.
L'article 1712 du CGI dispose que les droits des actes emportant transmission de propriété ou d'usufruit sont supportés par les nouveaux possesseurs lorsqu'il n'a pas été stipulé de dispositions contraires dans les actes. Cet article admet donc implicitement que le donateur puisse être le redevable légal des droits de donation. Selon la doctrine et la jurisprudence la prise en charge par le donateur, dans l'acte de donation, des droits en résultant n'entraîne pas une perception complémentaire et distincte. En l'espèce, la prise en charge par les donateurs des droits d'enregistrement dus par les
donataires résulte non pas de l'acte initial du 22/07/996 (dans lequel les droits étaient expressément mis à la charge des donataires) mais d'un deuxième acte intervenu en date 09/06/997. Le deuxième acte constitue donc une nouvelle libéralité qui doit entraîner une perception complémentaire et distincte.
L'acte du 09/06/997 constituant une donation (donation simple), il doit être soumis aux droits de mutation à titre gratuit conformément aux dispositions de l'article 750 ter du CGI." (...) "Votre bonne foi n'étant pas mis en cause, le montant des droits dus ne sera assorti que de l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 du Code Général des Impôts (intérêt au taux de 0,75 % par mois de retard dont le point de départ se situe au premier jour du mois suivant la date d'expiration du délai légal de présentation de l'acte à la formalité et dont le point d'arrivée situe au dernier jour du mois de la notification)." ;
Attendu qu'ainsi, l'Administration fiscale n'a pas mis en cause la sincérité des deux actes successivement passés par les appelants, dans la mesure où, bien au contraire, le redressement est fondé sur les deux sincérités consécutives et distinctes, et s'appuie par conséquent à bon droit sur l'article 750 ter du CGI, visé dans la procédure de redressement et dans toutes les conclusions qui ont été notifiées ;
Qu'en réalité, ce sont les appelants eux-mêmes qui mettent en cause la sincérité des actes en invoquant une erreur matérielle qu'ils n'auraient pas décelée, commise par le notaire et affectant le premier acte du 22 juillet 1996 ;
Attendu que la mention de l'article 750 ter du CGI fondant le redressement suffit, sans qu'il y ait lieu d'en préciser la teneur, à valider la notification de redressement ;
Qu'en indiquant dans ses conclusions de mai 2001 que "si les droits d'enregistrement sont acquis tels qu'ils résultent de la stipulation des actes sans avoir à rechercher l'intention des parties, l'administration peut rechercher au-delà des dispositions apparentes le véritable contenu d'une convention (articles 1321 du Code civil et L. 64 du LPF) ou de ne considérer que l'acte apparent", l'intimée n'a fait que rappeler son droit de restituer son véritable caractère à une opération litigieuse, sans qu'il y ait lieu d'en déduire qu'elle fonde son action sur un abus de droit ;
Attendu qu'au demeurant, seuls les intérêts de retard - article 1727 du CGI (bonne foi) - ont été appliqués, ce qui excluait toute intention de cette Administration dès le début de la procédure de redressement d'attribuer une intention frauduleuse aux contribuables; Attendu que ledit redressement est donc bien fondé sur les dispositions de l'article 750 ter du CGI, et non pas sur un abus de droit ;
Attendu qu'ainsi, il n'est nullement démontré que l'intimée ait commis un détournement de procédure en privant le contribuable du bénéfice des garanties particulières que lui offre la procédure spécifique ouverte par l'invocation de l'abus de droit de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu, dans ces conditions, qu'il convient de débouter les appelants de leur demande formée à titre principal ; sur le fond
Attendu qu'à titre subsidiaire, les appelant font essentiellement valoir que :
- la charge de la preuve repose sur l'administration en ce que d'une part la rectification résulte des énonciations stipulées par un acte authentique qui en tant que tel fait foi jusqu'à inscription de faux, et d'autre part en raison de l'invocation non explicite mais reconnue de la théorie de l'abus de droit,
- ils apportent un ensemble d'éléments concordants établissant la réalité de l'intention des donateurs de prendre en charge les droits résultant de la donation,
- c'est le notaire rédacteur de l'acte initial qui a rédigé l'acte rectificatif dans lequel il a certifié et attesté que c'était à tort et par erreur que dans le paragraphe "frais droits émoluments" il avait été porté que ceux-ci étaient à la charge des donataires copartageants,
- lorsque les donateurs prennent dans l'acte l'engagement de prendre en charge les droits de donation, ceux-ci ne sont pas constitutifs d'une libéralité supplémentaire,
- de façon générale, il n'est pas de l'intérêt des parties d'opter pour la solution la plus onéreuse,
- il serait étonnant que le résultat de la vigilance du notaire
présumée par le Tribunal et le souhait des parties ait été d'aboutir à la solution la plus onéreuse,
- le Tribunal a considéré à tort que l'erreur matérielle typographique (erreur de saisie) n'était pas démontrée,
- en effet, l'acte de donation initial ne reflète pas la volonté des donateurs, le terme "donataires copartageants" ayant été improprement utilisé à la place du terme "donateurs",
- le notaire rédacteur de l'acte atteste lui-même dans l'acte rectificatif que c'est "à tort et par erreur" que ce terme a été utilisé,
- l'acte du 22 juillet 1996 a été établi au traitement de texte qui a depuis maintenant fort longtemps remplacé la machine à écrire, pour l'amélioration de la productivité des études,
- or, le traitement de texte prévoit dans les documents où le même mot ou groupes de mots se répète un système de raccourcis ou "insertion automatique" qui permet à l'opérateur de saisie par un compte abrégé de remplacer un mot par un groupe de mots,
- il suffit que le code abrégé soit mal composé pour que n'apparaisse pas la bonne insertion,
- le notaire rédacteur a procédé à la rectification de l'acte de donation initial en considération de l'existence d'une réelle volonté des parties à l'acte au jour de l'acte car sinon il n'aurait eu aucune raison de rectifier son acte initial,
- le Tribunal a vu dans la présence d'un avocat un indice supplémentaire de la conformité de l'acte initial à la volonté des parties, alors que ledit avocat est intervenu en qualité de "conseil de la SA LAITERIE", dont les actions représentaient 97 % de la valeur transmise,
- nul doute alors que la transmission constatée supposait l'intervention à l'acte de l'avocat conseil de la Laiterie dont le capital était pour 50 % détenu par le groupe DANONE,
- on ne voit donc pas en quoi l'intervention à l'acte de cet avocat conseil de la Laiterie de Villecomtal ès qualités permettait au Tribunal de tirer des conclusions aussi affirmatives,
- le régime matrimonial des époux B... est tout à fait éclairant pour la compréhension de la situation de fait et corrobore la réalité de l'intention des donateurs de prendre en charge les droits de donation, contemporaine de l'acte,
- en effet, il résulte de l'acte de donation du 22 juillet 1996 que seuls des biens propres ont été transmis pour un total de 53.706.000 francs, Anne-Marie B... a transmis des biens propres pour un total de 51.866.000 francs,
- elle a donc transmis sur des biens propres l'essentiel de la donation,
- s'agissant d'une donation portant essentiellement sur des titres de sociétés non cotées, elle ne transmet pas aux enfants de liquidités
permettant de financer les droits de mutation,
- ainsi le caractère écrasant de biens propres données par elle explique au contraire toute son attitude,
- le paiement par Anne-Marie B... des frais de l'acte est un élément objectif incontestable de la volonté de prise en charge des droits par les donateurs, contemporaine de l'acte de donation initiale,
- en effet le 31 juillet 1996, soit neuf jours seulement après l'acte, elle a établi un chèque de 510.000 francs tiré sur la BNP de Tarbes en paiement des frais de l'acte,
- ce règlement est en complète contradiction avec les stipulations du paragraphe "Frais, droits et émoluments" de l'acte initial qui prévoit que "tous les frais, droits et émoluments des présentes et de leurs suites seront supportés par les donateurs copartageants",
- ceci démontre la réalité de l'intention des donateurs de prendre en charge les droits de mutation mais également atteste du caractère contemporain de cette volonté,
- la Cour constatera également que c'est la donatrice qui représente près de 97 % de la valeur transmise qui a établi le chèque,
- ce sera également elle qui s'identifiera débitrice sur l'acte de cautionnement du 18 décembre 1996 qui est intervenu bien avant l'acte rectificatif du 10 juin 1997,
- ce sera également elle qui accomplira les versements prévus par l'échéancier des droits mutation,
- l'acte de cautionnement du 18 décembre 1996 correspond à l'application du paiement fractionné différé des droits de mutation régi par les articles 1717 à 1722 quater du CGI et qui était ici applicable en raison de la nature des biens transmis,
- l'article 399 du Code général des impôts annexe II prévoit expressément comme modalité d'exécution du paiement fractionné différé la constitution d'une garantie de recouvrement des sommes dues par le débiteur,
- en effet dans ce système le Trésor Public accepte un paiement différé et fractionné des droits de mutation pour des montants souvent importants,
- c'est en réduction du risque qu'est prévue la garantie de recouvrement des sommes dues par le débiteur,
- l'acte de cautionnement a été donné le 18 novembre 1996,
- dans cet acte, la BNP se porte caution à l'égard de la Direction générale des impôts représentée par Monsieur DARLY, receveur principal de Mirande (32) en garantie d'Anne-Marie B... qui s'identifie comme le débiteur des droits de mutation sur la donation-partage du 22 juillet 1996,
- cet acte est également en complète contradiction avec les stipulations du paragraphe "Frais, droits et émoluments" qui fait des
enfants les débiteurs principaux des droits,
- en réalité, si l'Administration a accepté de recevoir l'acte de cautionnement de la BNP du 18 novembre 1996, c'est qu'aucun doute n'existait sur le rôle de l'intention d'Anne-Marie B... dans la prise en charge de droits de mutation,
- la date du cautionnement est encore très loin de la rectification de l'acte initial intervenue le 9 juin 1997,
- l'administration ne fait rien d'autre que d'affirmer que la prise en charge par les donateurs des droits de mutation ne serait donc rien d'autre qu'un changement d'intention des donateurs,
- cette pure affirmation ne saurait prospérer :
* les caractéristiques de la donation effectuée quasi exclusivement par Anne-Marie B... sur des biens propres non liquides,
* l'attitude contemporaine de l'acte d'Anne-Marie B... pour le paiement des frais de l'acte qui n'est que postérieur que de quelques jours de la donation initiale : l'acte de donation est passé le 22 juillet 1976 et le chèque d'Anne-Marie B... est établi le 31 juillet 1996, soit neuf jours seulement après l'acte, autrement dit le délai nécessaire pour réunir des fonds qui est tout de même de 510.000 francs,
* l'attitude de dame B... dans l'éxécution immédiate de l'acte qui va s'identifier comme le débiteur principal des droits de mutation dans l'acte de cautionnement du 18 novembre 1996 et qui sollicite son banquier (la BNP) à l'effet qu'il cautionne un engagement que de toute évidence elle estime personnelle,
* que ces manifestations interviennent bien avant toute rectification de l'acte qui ne procède manifestement que d'une découverte ultérieure de l'erreur matérielle qui ne fait que rétablir la réelle intention des parties, comme l'atteste le notaire rédacteur, puisque depuis juillet 1996 les donateurs se comportent comme prenant à leur charge les droits de mutation dans l'exécution d'une volonté constante,
* qu'en réalité, si les dispositions de l'acte de donation initial en ce qu'elles mettaient à la charge des enfants désignés sous le vocable "donataires copartageants" les frais, droits et émoluments de l'acte avaient bien correspondu à la stricte volonté des parties : ce sont les enfants FREMONT et non Anne-Marie B... qui auraient alors acquitté les frais de l'acte le 31 juillet 1996 et qui auraient sollicité leurs banquiers respectifs afin de garantir la dette dont ils étaient les principaux obligés,
- tous ces éléments concordants et objectifs relatifs à l'attitude des donateurs établissent de manière suffisante la volonté des donateurs comtemporains de l'acte de prendre en charge les droits de donation que confirme expressément Anne-Marie B... dans l'attestation versée aux débats,
- dans son appréciation de la situation de fait, le Tribunal de grand instance en négligeant l'examen détaillé des pièces et des circonstances de fait a rendu un jugement qu'il convient de réformer, - sur les fondements juridiques de la demande, l'article 1712 du CGI stipule que les droits des actes emportant translation de propriété ou d'usufruit de meubles ou immeubles sont supportés par les nouveaux possesseurs, lorsqu'il n'a pas été stipulé de dispositions contraires dans les actes,
- la porte supplétive de cet article a été établie par la jurisprudence et a été amoindrie par la doctrine administrative elle-même,
- il est admis que le donateur soit le débiteur des droits de mutation à titre gratuit,
- ici il est établi par les requérants que l'acte initial du 22 juillet 1996 devait contenir des stipulations contraires à l'article 1712 du CGI,
- en conséquence, l'acte du 9 juin 1997 est bien un acte rectificatif d'erreur matérielle,
- la règle "non bis in idem" pose le principe que la même opération juridique ne peut être frappée deux fois du droit proportionnel ou progressif prévu d'après sa nature, quel que soit le nombre des actes qui la constatent ;
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*
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Attendu que si la prise en charge par le donateur des droits ne constitue pas une libéralité additionnelle, il en va autrement lorsque cette charge ne résulte pas de la donation mais d'un acte postérieur, comme en l'espèce, auquel cas il incombe aux appelants qui prétendent échapper à l'imposition résultant du second acte de démontrer que celui-ci a pour unique objet de réparer une erreur matérielle contenue dans l'acte originaire, d'autant que le notaire rédacteur des actes n'a jamais attesté que la donation n'était pas conforme à la volonté des parties ou reconnu spontanément l'existence d'une erreur matérielle affectant la donation-partage ;
Attendu que, selon les consorts B..., l'acte du 22 juillet 1996 serait affecté par une erreur matérielle typographique en ce sens que le terme "donataire" aurait été utilisé aux lieu et place de celui de "donateur" et que cette erreur serait confirmée par des manifestations concrètes non équivoques des donateurs de prendre à
leur charge les droits de mutation, intervenues aussi bien préalablement à l'acte initial que postérieurement à celui-ci ;
Attendu que s'il n'est pas contestable que le paiement des droits par les donateurs n'a pas augmenté la valeur des biens donnés, il est tout aussi vrai que les donataires tenus légalement de les acquitter ont reçu un avantage particulier du fait de leur règlement par les donateurs et que la prise en charge par ces derniers de la dette des donataires constitue pour ceux-ci une libéralité nouvelle distincte de celle résultant de la donation initiale ;
Que l'acte du 22 juillet 1996 a pour objet la donation d'immeubles et valeurs mobilières tandis que celui du 9 juin 1997 vise la prise en charge par les époux B... d'une dette de 10.077.437 francs incombant à leurs enfants au titre des droits de la précédente donation, de sorte que chaque acte a bien un objet et une finalité différents ;
Que l'argument tiré d'une erreur matérielle typographique n'est pas sérieuse dans la mesure où si la confusion entre donateurs et donataires peut exister dans le langage commun, il en est tout autrement dans un acte notarié rédigé par un professionnel du droit, de surcroît dans une clause importante car déterminant ceux à qui incomberait le paiement de droits qu'il savait trés élevés ;
Que l'acte précise littéralement en ce qui concerne les charges et conditions générales (p.14) : "La donation-partage faite sous les charges et conditions ordinaires et de droit, et notamment, sous celles suivantes que les DONATAIRES-COPARTAGEANTS s'obligent à exécuter et à accomplir, savoir : (...) Frais - droits - émoluments
(p.15) Tous les frais, droits et émoluments des présentes et de leurs suites seront supportés par les DONATAIRES-COPARTAGEANTS par égale part entr'eux." ;
QueTous les frais, droits et émoluments des présentes et de leurs suites seront supportés par les DONATAIRES-COPARTAGEANTS par égale part entr'eux." ;
Que la formule utilisée (en gros caractères) "donataires-copartageants" et non "donataires", les copartageants étant par définition les bénéficiaires d'une donation, rend l'erreur invraisemblable, d'autant plus que l'acte complète cette mention en précisant que les donataires supporteront les droits "par égale part entr'eux" ;
Que par ailleurs, le notaire, qui n'a pu au regard de l'importance peu commune de la donation qu'apporter un soin particulier à la rédaction de l'acte, a fait à nouveau expressément référence aux droits dus par les enfants sur les biens donnés par dame B... (97 % du total) dans le cadre de la demande de paiement différé et fractionné qui y est insérée (p.18) ;
Qu'en conformité avec la clause de cet acte, Maître Z... a le 6 août 1966, soit 15 jours après, écrit à la Recette des impôts pour préciser que les donataires réglaient ce jour les droits dus sur les biens donnés par leur père et demandaient le paiement différé et fractionné de ceux dus sur les biens de leur mère ;
Que la comparaison de la signature de ce courrier avec celle figurant au bas de l'acte de donation du 22 juillet 1996 démontre qu'il a bien
été signé par Maître Z... et non, comme l'allèguent les appelants, par un clerc ;
Attendu que l'acte de donation-partage avait été soumis à la vigilance d'un avocat, Maître H..., qui y a apposé sa signature ; Attendu que la modification litigieuse pouvait permettre aux époux B... d'apporter au passif de l'actif brut déclaré au titre de l'impôt sur la fortune déposé au titre de l'année 1997 les droits de mutation dus sur la donation du 22 juillet 1996 ;
Attendu en outre, que l'acte du 9 juin 1997 ne se contente pas de substituer le terme de donateur à celui de donataire mais introduit une clause nouvelle en faisant de la prise en charge des droits par les donateurs une condition "essentielle et déterminante" de l'acceptation des donataire, cet ajout montrant bien le changement intervenu dans la volonté des parties entre le 22 juillet 1996 et le 9 juin 1997 ;
Que la présence de cette clause est la preuve qu'il existait une volonté réelle des parties de faire supporter les droits par les donataires, ce qui est corroboré par le fait que l'acte précise que la contribution personnelle de chacun d'eux se fera par parts égales ;
Attendu qu'aucune manifestation concrète et non équivoque de la volonté du donateur de prendre en charge ce droit n'existe préalablement à l'acte rectificatif ;
Que la circonstance que la BNP se soit portée caution auprès de la Direction générale des impôts de dame B... ne prouve pas que lors de la signature de l'acte originaire celle-ci ait eu l'intention de régler les droits dans la mesure où, en application de l'article 1707 du CGI, l'obligation de les payer est imposée aux parties à l'acte qui sont solidaires envers l'Administration ;
Qu'au regard de cette solidarité, il importe peu que la BNP se soit portée caution de dame B... pour couvrir le risque d'un non-paiement, ce fait restant sans influence sur les engagements précis et formels pris dans l'acte notarié du 22 juillet 1996 ;
Qu'il en est de même des paiements échelonnés effectués par la donatrice dans la mesure où le premier versement est intervenu le 22 septembre 1997 soit quelques mois après le second acte du 9 juin 1997, à une époque où dame B... était par conséquent la redevable des droits au regard justement des dispositions de cet acte ;
Que la circonstance qu'Annie B... ait remis le 31 juillet 1996 un chèque de 510.000 francs sur les frais de donation n'établit pas davantage qu'elle ait eu avec son mari dès cette date la volonté de payer les droits, alors qu'il pouvait s'agir d'une avance pour le compte de ses enfants sans prise en charge globale de la dette, cette analyse étant au demeurant confirmée par la clause de l'acte signé quelques jours auparavant ;
Que cette somme ne représente que 5 % des droits dus qui s'élèvent à 10.517.437 francs et font l'objet d'une demande de paiement différé sur 5 ans et fractionné sur 10 ans, ce qui conduit en pratique à un échelonnement jusqu'en 2010 ;
Que ce règlement intervenu en 1996, qu'il soit ou non considéré comme une avance pour le compte des enfants, n'établit en aucune façon la volonté du donateur de supporter la charge pendant 15 ans du paiement des 10 millions de francs qui restaient dus au Trésor;
Attendu qu'il résulte en définitive des éléments de la cause que :
- les donataires ont reçu sans conteste un avantage particulier du fait du paiement des droits par les donateurs,
- le premier acte avait pour objet à transmission de biens immobiliers et d'actions d'une société anonyme alors que le second portait sur la prise en charge de droits par les donateurs, ce qui constitue un avantage nouveau et distinct de celui convenu dans la donation initiale,
- la circonstance d'avoir inclus dans l'acte initial une clause mettant expressément à la charge des donataires-copartageants les droits d'enregistrement témoigne de la volonté claire et réelle des parties à la date de sa signature, et l'existence d'une erreur typographique est à exclure,
- l'acte du 9 juin 1997 concrétisait et formalisait de son côté la nouvelle volonté des parties de transférer aux donateurs l'obligation de paiement des droits pesant sur les donataires et d'en faire une condition de l'acceptation de la donation ;
Attendu, dans ces conditions, qu'il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu que l'acte du 9 juin 1997 n'était pas
un acte rectificatif d'erreur matérielle mais une donation complémentaire; sur la demande de limitation du taux de l'intérêt de retard
Attendu qu'à titre infiniment subsidiaire, les appelants soutiennent que :
- il y a lieu de limiter le montant de l'intérêt de retard appliqué (0,75 % par mois) au taux de l'intérêt légal (3,36 % 1998, 3,47 % en 1999 et 2,74 % en 2000) dans la mesure où l'intérêt de retard de l'article 1727 du CGI vise "indépendamment de toutes sanctions" à réparer le préjudice subi par le Trésor lié à la perception tardive des droits, le préjudice ne peut donc être supérieur au taux de l'intérêt légal, directement lié à la rémunération du marché, et le taux de l'article 1727 du CGI présente une nature indemnitaire à concurrence du taux d'intérêt légal et une nature répressive pour la fraction excédentaire dudit taux,
- la majoration de retard en tant qu'elle excède l'intérêt légal constitue une pénalité présentant le caractère d'une sanction répressive au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés patrimoniales,
- il est établi qu'aucune motivation particulière d'une pénalité ne figure dans le contenu des motivations de redressements du 4 août 1998,
- en conséquence, il convient de constater le défaut de motivation de la sanction répressive, d'user de la faculté de modulation des
pénalités et sanctions reconnues par la Cour de cassation et ainsi de limiter le taux appliqué par l'administration fiscale au taux de l'intérêt légal défini par l'article 12 de la loi n° 89 - 421 du 23 juin 1989 soit "moyenne arithmétique pour l'année entière des douze dernières moyennes mensuelles du taux de rendement actuariel des adjudication des bons du trésor à taux fixe à treize semaines" et ce faisant de prononcer la décharge des intérêts excédentaires ;
Mais attendu que cet intérêt de retard ne constitue pas une sanction, dès lors qu'il est dû "indépendamment de toutes sanctions", et qu'il ne constitue qu'une simple réparation pécuniaire ;
Que seul est prohibé l'intérêt au taux usuraire, rien ne s'opposant à ce que les intérêts de retard soit supérieurs à l'intérêt légal dès lors qu'ils sont prévus ;
Que l'article 1727 du CGI qui fixe "le taux de l'intérêt de retard ... à 0,75 % par mois" est d'origine législative alors que le taux d'intérêt légal est fixé par voie réglementaire;
Qu'il n'y a donc pas lieu de dire que les intérêts de retard calculés par application dudit article constituent une pénalité en ce qu'ils sont supérieurs aux intérêts calculés sur la base du taux légal ;
Attendu qu'en conséquence les intérêts sont dus sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de modulation des consorts B..., demande qui sera donc rejetée ;
Attendu en définitive que le premier juge a, à bon droit, débouté ces derniers de l'ensemble leurs demandes, décision qui doit être
confirmée ; sur les frais irrépétibles
Attendu qu'au regard de l'entière succombance des appelants, il serait inéquitable de laisser à la charge de la Direction générale des impôts, intimée, les frais occasionnés par la procédure d'appel et non compris dans les dépens ; qu'il lui sera donc alloué une indemnité de 1.500 euros, par application des dispositions de l'article 700 du NCPC ; sur les dépens
Attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens ; PAR CES MOTIFS LA COUR
Reçoit l'appel jugé régulier,
Au fond,
Le rejette,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Jean-Philippe B..., Carole B... épouse E..., Catherine B... épouse G... et Anne B... à payer à la Direction générale des impôts la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) par application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne Jean-Philippe B..., Carole B... épouse E..., Catherine B... épouse G... et Anne B... aux dépens d'appel, avec la possibilité pour Maître BURG, avoué à la Cour, de les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.
Le présent arrêt a été signé par Philippe LOUISET, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre et Dominique F..., Greffière. LA GREFFIERE Vu l'article 456 du Nouveau Code de Procédure Civile,
signé par Ph. D..., Conseiller ayant participé au
délibéré en l'absence du Président empêché. D.SALEY PH. D...