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06/11/2002 | FRANCE | N°2001/964

France | France, Cour d'appel d'agen, 06 novembre 2002, 2001/964


DU 06 Novembre 2002 ------------------------- J.L.B/M.F.B

BANQUE POPULAIRE TOULOUSE PYRÉNÉES C/ S.A.R.L. ALUVIT RG N :

01/00964 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique et solennelle du six Novembre deux mille deux, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : BANQUE POPULAIRE TOULOUSE PYRÉNÉES prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège 47 rue d'Alsace Lorraine 31001 TOULOUSE CEDEX représentée par la S

CP VIMONT J. ET E., avoués assistée de Me Christine LESTRADE, avocat DEMAND...

DU 06 Novembre 2002 ------------------------- J.L.B/M.F.B

BANQUE POPULAIRE TOULOUSE PYRÉNÉES C/ S.A.R.L. ALUVIT RG N :

01/00964 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique et solennelle du six Novembre deux mille deux, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : BANQUE POPULAIRE TOULOUSE PYRÉNÉES prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège 47 rue d'Alsace Lorraine 31001 TOULOUSE CEDEX représentée par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assistée de Me Christine LESTRADE, avocat DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION Suite à arrêt de la Cour d'Appel de TOULOUSE, en date du 25 Mai 1998 D'une part, ET : S.A.R.L. ALUVIT prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Zone d'Acitivités Bogues 31750 ESCALQUENS représentée par Me TANDONNET, avoué assistée de Me Philippe MONROZIES, avocat DEFENDERESSE D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique et solennelle tenue en robes rouges, le 11 Septembre 2002, devant Bernard LANGLADE, Premier Président , Nicole X..., Bernard BOUTIE et Jean-Louis BRIGNOL, Présidents de Chambre, Georges BASTIER Conseiller, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

Mme Y..., secrétaire de la société ALUVIT a détourné diverses sommes au préjudice de son employeur, au moyen de chèques falsifiés par de fausses signatures, tirés sur le compte de la société, ouvert à la BPTP.

(Une information pénale ouverte pour escroquerie a amené la condamnation en correctionnel de Mme Y..., le 14 mai 96 au paiement

de 690.693 F de dommages-intérêts à ALUVIT).

Entre temps, la société ALUVIT a assigné en septembre 94 la BPTP devant le Tribunal de Commerce de Toulouse en paiement de 867.813 F, correspondant aux détournements.

Par jugement du 21/2/96, la juridiction a fait droit à cette demande après avoir retenu, que même si aucune faute du banquier ne peut être relevée, celui-ci n'en a pas moins payé des chèques contrefaits par Mme Y..., alors qu'il n'avait aucun ordre du gérant de la société ALUVIT, de sorte que ces paiements doivent être remboursés, en application de l'article 1937 du code civil.

Sur appel de la BPTP, la Cour de Toulouse a confirmé ce jugement, par arrêt du 25 mai 98, en retenant notamment qu'il était indifférent que l'auteur du détournement ait été le préposé de la société ALUVIT.

Sur pourvoi formé par la BPTP, la Cour Suprême a, par arrêt du 22 mai 01, cassé au visa de l'article 1937 du code civil l'arrêt de Toulouse et renvoyé la procédure devant la Cour d'Agen.

Pour fonder sa cassation la Cour a rappelé que "si l'émission d'un faux ordre de paiement, revêtu, dès l'origine d'une fausse signature, a été facilité par la faute du déposant ou de son préposé, le banquier est libéré envers le client qui lui a remis les fonds, quand il s'en défait sur présentation d'un tel document, sauf à répondre partiellement des manquements à ses obligations de vérification qu'il aurait lui-même commis" ***

La BPTP a régulièrement saisi la Cour de renvoi le 18/7/01.

Dans ses dernières conclusions "récapitulatives" du 6 mai 02, elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité, alors que ALUVIT en a commis de nombreuses dans son obligation de surveillance de son préposé.

Elle rappelle que Mme Y... a bien commis les détournements dans l'exercice de ses fonctions et a profité de la négligence de la

société ALUVIT.

Ainsi l'appelant estime que la société ALUVIT est responsable du préjudice qu'elle a subi du fait de son préposé et que la banque est valablement libérée de toute obligation de restitution.

Elle demande l'infirmation du jugement et 200.000 F pour procédure manifestement abusive et 50.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

*

*

*

La société ALUVIT, dans ses ultimes conclusions déposées le 16/6/02, soutient que la banque a manqué à son devoir de vérification et que l'imitation des signatures n'aurait pas dû lui échapper.

Elle soutient également que la banque a engagé sa responsabilité au titre de ses obligations de dépositaire.

Enfin, elle fait valoir que Mme Y..., qui était secrétaire comptable, ne possédait aucune procuration sur les comptes de la société, de sorte qu'en établissant les chèques contrefaits elle a agi en dehors de ses fonctions (de secrétaire comptable) sans

autorisation.

Elle conclut à la confirmation du jugement du 21/2/96, à la restitution de 867.813 F et demande 1600 ä au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. MOTIFS

Vu les conclusions déposées et notifiées le 18/6/02 pour la SARL ALUVIT et les 6 et 3 mai 02 pour la BPTP.

Ainsi que le fait valoir la banque appelante la Cour de Cassation a rappelé qu'en cas de faux ordre de paiement revêtu, dès l'origine, d'une fausse signature, et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque, "si son émission a été facilitée par la faute du déposant, ou d'un préposé de celui-ci, le banquier est libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il s'en défait, sur présentation d'un tel document, sauf à répondre partiellement des manquements à ses obligations de vérification qu'il aurait lui-même commis".

La banque doit vérifier la signature du tiers, par comparaison de celle figurant sur ce chèque, avec le spécimen fourni par le titulaire du compte. Une telle comparaison porte évidement sur l'apparence, car ainsi que cela a été rappelé à de nombreuses reprise, la banque ne peut être tenue de vérifier de manière approfondie toutes les signatures.

En l'espèce, l'examen des pièces figurant au dossier des parties permet de constater, que, contrairement à ce que soutient l'intimée, cette comparaison fait apparaître une réelle similitude entre la signature du tireur des chèques falsifiés et le spécimen, alors surtout qu'il s'agit d'un simple paraphe ce qui ne peut que faciliter l'imitation.

C'est donc à juste titre que la banque soutient que sauf à l'obliger à une analyse d'expert, elle ne pouvait que s'en tenir à l'apparence de la similitude de signature.

D'autre part et contrairement à ce que soutient l'intimée, il résulte de l'arrêt de la Cour de Cassation que la faute du préposé du déposant suffit à dégager le dépositaire de son obligation de restitution.

Au demeurant c'est avec pertinence que la BPTP invoque la faute de la société ALUVIT dont la préposée a pu détourner plus de 120 chèques, même de montant modeste et jamais en chiffre rond, sur une période de 3 ans, démontrant ainsi, que même si elle disposait d'aucune procuration, elle avait néanmoins un libre accès aux moyens de paiement de son employeur qui, apparemment ne contrôlait guère son travail, pas plus que la facturation, ce qui lui aurait permis de découvrir ses malversations, puisque pour justifier les émissions frauduleuses, sa préposée passait une écriture du même montant en compte fournisseur existant, mais sans correspondance à une facture réelle.

On ne peut donc que relever cette absence de contrôle des comptes pendant 3 ans, de la part de l'employeur qui admet ne pas s'être aperçu de l'absence des talons de chèques concernés et ne pas avoir vérifié la numérotation des chèques.

C'est donc à juste raison que la banque fait observer que la société ALUVIT était loin de s'imposer la vigilance d'un contrôle élémentaire, qu'elle exige pourtant, plus approfondi, de la part de son banquier.

De même, l'absence de vérification de l'expert comptable ou sa faute ne peut davantage exonérer la société ALUVIT de sa responsabilité pour n'avoir pas procédé à des opération de contrôle, alors que n'a jamais été relevée l'anomalie que constituait la disparition annuelle d'environ 300.000 F.

Le faible pourcentage des factures concernées ne peut être valablement invoqué, dès lors que ce pourcentage de 1,5 % apparaît

suffisant pour permettre, grâce à un contrôle annuel élémentaire et rapide de déceler l'erreur et il apparaît anormal comme le relève la banque que le contrôle des comptes fournisseurs qui a permis d'alerter l'expert comptable, ne soit intervenu qu'au bout de 3 ans. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que si la société ALUVIT avait contrôlé et pris les dispositions incombant à tout chef d'entreprise quant à l'exactitude des comptes, sa préposée, Mme Y..., aurait été dans l'impossibilité de détourner une somme de 837.813 F en 3 ans.

D'autre part la salariée de ALUVIT, Mme Y..., a commis une faute dans l'exercice de ses fonctions. Sur ce point, et contrairement à ce que soutient l'intimée, c'est bien parce qu'elle était secrétaire comptable, qu'elle avait accès aux chéquiers et aux facturations et comme le fait valoir la banque, ses fonctions lui ont permis de disposer des moyens de ses fautes.

Ainsi peut-il être valablement soutenu que Mme Y... a commis des détournements dans l'exercice de ses fonctions en profitant de la négligence de son employeur.

La société ALUVIT apparaît donc responsable du préjudice causé par les agissements de sa préposée et ne peut donc, en l'absence de faute de la banque obtenir la restitution qu'elle demande.

Le jugement déféré sera donc infirmé et la société ALUVIT condamnée aux entiers dépens, ainsi qu'à verser à la BPTP une somme de 6.000 ä au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La demande de dommages-intérêts formée par la BPTP sera rejetée, faute pour elle d'établir le caractère manifestement abusif de la procédure et de justifier de son préjudice. PAR CES MOTIFS LA COUR

Vu le jugement du Tribunal de Commerce de Toulouse du 21 février 1996

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 22 mai 2001.

Réforme le jugement du 21 février 1996.

Déboute la société ALUVIT de toutes ses demandes.

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la Banque Populaire Toulouse Pyrénées.

Condamne la société ALUVIT aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me VIMONT, avoué.

La condamne en outre à verser à la Banque Populaire Toulouse Pyrénées la somme de 6.000 ä (six mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Nicole X..., Présidente de Chambre et Monique FOUYSSAC, Greffière. LA GREFFIERE Vu l'article 456 du Nouveau Code de Procédure Civile

signé par N. X..., Présidente de Chambre ayant

participé au délibéré en l'absence du Premier Président

empêché. M. FOUYSSAC N. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 2001/964
Date de la décision : 06/11/2002

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Chèque - Paiement - Chèque falsifié - Détournement commis par un comptable au préjudice de son employeur

La banque doit vérifier la signature du tiers par comparaison à celle figurant sur le chèque avec le spécimen fourni par le titulaire du compte, sans être tenue de la faire de manière approfondie pour toutes les formules. En l'espèce, l'examen des pièces fait apparaître une réelle similitude entre la signature du tireur des chèques falsifiés et la spécimen. C'est donc à juste titre que la banque soutient que, sauf à l'obliger à une analyse d'expert, elle ne pouvait que s'en tenir à l'apparence de la similitude de signature. La Cour de Cassation a rappelé qu'en cas de faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale d'un chèque, si son émission a été facilitée par la faute du déposant ou d'un préposé de celui-ci, le banquier est libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il s'en défait sur présentation d'un tel document, sauf à répondre partiellement des manquements à ses obligations de vérification qu'il aurait lui-même commis. Il se déduit de l'ensemble des ces éléments que si la société intimée avait contrôlé et pris les dispositions incombant à tout chef d'entreprise quant à l'exactitude de ses comptes, sa préposée aurait été dans l'impossibilité de détourner plus de 120 chèques sur une période de trois ans. Il peut être valablement soutenu qu cette dernière a commis des détournements dans l'exercice de ses fonctions en profitant de la négligence de son patron. La so- ciété intimée apparaît donc responsable du préjudice causé par la agissements de sa préposée et ne peut donc, en l'absence de faute de la banque, obtenir la restitution qu'elle demande


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2002-11-06;2001.964 ?
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