DU 10 Avril 2002 -------------------------
KL S.A. AXA ASSURANCES VENANT AUX DROITS ET OBLIGATIONS DE LA CIE UAP INCENDIE ACCIDENTS ME BENOIT C/ X... Y..., C.P.A.M DU GERS MUTUALITE GERSOISE RG N : 00/01075 AIDE JURIDICTIONNELLE ------------------------------------- - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du dix Avril deux mille deux, par Monsieur LEBREUIL Z... de Chambre assisté de Monique FOUYSSAC Greffier, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : S.A. AXA ASSURANCES VENANT AUX DROITS ET OBLIGATIONS DE LA CIE UAP INCENDIE ACCIDENTS prise en la personne de son président, demeurant en cette qualité audit siège 9 rue de Vienne 75412 PARIS CEDEX Me Olivier BENOIT (SUCCESSEUR DE Me Henry DE LOTH) agissant en sa qualité de Mandataire liquidateur de Centre Régional de Transfusion Sanguine de Toulouse (CRTS de TOULOUSE) 24 Rue du Languedoc 31000 TOULOUSE représentés par Me NARRAN, avoué assistés de la SCP DE CESSEAU GLADIEFF, avocats APPELANTS d'un jugement du Tribunal de Grande Instance AUCH en date du 07 Juin 2000 D'une part, ET : Madame X... Y... née le 18 Février 1956 à MARCIAC (32230) Demeurant Appt 677 Bât 18 Rue des Cormorans 32000 AUCH représentée par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assistée de Me Blaise HANDBURGER, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 00/02909 du 13/09/2000 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN) CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège 11 rue de Châteaudun 32000 AUCH représentée par la SCP VIMONT J. ET E., avoués MUTUALITE GERSOISE prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Rue de Somme 32000 AUCH N'AYANT PAS CONSTITUE AVOUE INTIMES D'autre part, a rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause ait été
débattue et plaidée en audience publique, le 13 Mars 2002, devant Monsieur LEBREUIL, Z... de Chambre rédacteur, Monsieur A... et Madame LATRABE, Conseillers, assistés de Robert PERRET GENTIL , Greffier en Chef, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. *******
Statuant sur l'appel dont la régularité n'est pas contestée interjeté par la société anonyme AXA ASSURANCES venant aux droits et obligations de la compagnie UAP INCENDIE et par Maître BENO T agissant en sa qualité de mandataire liquidateur du centre régional de transfusion sanguine de Toulouse ( CRTS de TOULOUSE ) d'un jugement en date du 7 juin 2000 par lequel le tribunal de grande instance d'Auch a déclaré le CRTS de Toulouse responsable du préjudice subi par Madame Y..., dit que la compagnie AXA ASSURANCES devra relever et garantir du montant de ce préjudice le CRTS de Toulouse, et avant dire droit, sur le montant de ce préjudice, renvoyé l'affaire à la mise en état
Attendu que les faits de la cause ont été exactement relatés par les premiers juges en des énonciations auxquelles la cour se réfère expressément et qu'il suffit de rappeler
- que Madame Y... a été opérée le 30 septembre 1981 à la clinique Barthélémy à Auch et qu'à cette occasion elle aurait reçu par transfusion du sang fourni par le CRTS de Toulouse dont le successeur est l'établissement de transfusion sanguine Pyrénées Garonne ;
- qu'alertée par la presse sur un risque de contamination par le virus de l'hépatite C elle a pris l'initiative de faire procéder au dépistage ;
- que les examens auxquels il a été procédé ont révélé qu'elle portait effectivement le virus de l'hépatite C, plus précisément
celui de type 1 b mais que la maladie n'était pas déclarée ;
- que l'affection est entrée en phase active quelques mois plus tard et que depuis lors Madame Y... suit un traitement à l'interféron qui n'a pas permis d'obtenir la guérison et qui a provoqué des complications thyro'diennes ;
- que c'est dans ces conditions qu'elle a fait assigner Maître DE LOTH pris en sa qualité de mandataire liquidateur du CRTS de Toulouse, la compagnie d'assurances UAP devenue AXA ASSURANCES, assureur du CRTS de Toulouse, la CPAM du Gers et la Mutualité Gersoise en déclaration de responsabilité et en réparation de son préjudice ;
- que le 7 mai 1997 le juge de la mise en état a désigné le docteur B... en qualité d'expert avec mission de déterminer si Madame Y... présente des anticorps contre le virus de l'hépatite C et s'il est certain ou probable et alors dans quel degré que du sang ou des dérivés contaminés par le virus de l'hépatite C lui ont été transfusés;
- que l'expert a déposé son rapport le 9 décembre 1998 et que ses conclusions sont les suivantes :
Le 30 septembre 1981, Madame Y... a subi une ostéotomie avec valgisation tibiale haute : au cours de cette intervention chirurgicale, Madame Y... a reçu une transfusion de deux poches de sang qui correspondraient aux numéros 364 et 504. En effet les numéros des produits sanguins transfusés n'ont pas été mentionnés sur la feuille d'anesthésie réanimation. Il n'a pas non plus été possible de retrouver d'autres documents dans lesquels ces numéros auraient pu être mentionnés.
Il existe seulement un document comptable servant au recouvrement des frais hospitaliers qui fait état d'une facturation de produits sanguins (cf. facture du 31 décembre 1981) et d'une confirmation par
la direction de la clinique d'Auch à travers les divers courriers échangés entre le poste de transfusion sanguine d'Auch et elle-même. Les recherches transfusionnelles entreprises par l'établissement de transfusion sanguine de Pyrénées Garonne - poste de transfusion sanguine d'Auch ont permis de retrouver deux poches de sang n° 364 et n° 504 en délivrance au nom de Madame Y... en septembre 1981 (cf. lettre du poste de transfusion sanguine d'Auch en date du 10 mai 1995).
Compte tenu de la chronologie des faits et du contexte clinique, il est raisonnable de penser que les produits sanguins délivrés à son nom sont également ceux qui lui ont été transfusés.
À la suite de cette hospitalisation, Madame Y... a présenté une asthénie persistante qui a fait l'objet d'investigation cliniques et biologiques plus approfondies dés 1985 mais les bilans biologiques qui ont été réalisés depuis cette époque et jusqu'en 1992 n'ont jamais montré la moindre présence de lésions hépatiques (transaminases toujours normales).
Le diagnostic d'hépatite virale C a été posé à la date du 2 février 1993 après la réalisation de tests Elisa 2 et 3 pratiqué sous l'effet d'une campagne de dépistage dans les médias, donc que de façon tout à fait fortuite
La sérologie positive pour le virus de l'hépatite C a été confirmée par le test Riba 3 le 21 janvier 1994.
La chronologie d'apparition des signes cliniques et biologiques ne permet pas de rattacher clairement la survenue de cette hépatite C à l'hospitalisation de septembre 1981, donc par là même à la transfusion sanguine réalisée à cette période.
Les résultats obtenus par enquête transfusionnelle ne permettent pas non plus d'établir une origine transfusionnelle à cette hépatite C
dont est atteinte Madame Y... car le donneur du concentré globulaire n° 364 a été contrôlé HCV négatif et le donneur du concentré globulaire n° 504 n'a pas pu être recontacté pour un contrôle sérologique .
Certes ces résultats n'excluent pas non plus une présomption pour les raisons déjà évoqués plus haut dans le rapport.
Mais compte tenu de la chronologie d'apparition des signes cliniques et biologiques, de divers éléments médicaux recueillis dans le dossier et à travers diverses déclarations entendues lors de la réunion d'expertise et des résultats de l'enquête transfusionnelle, il n'est à l'heure actuelle pas possible de dire qu'il existe un lien de causalité entre la survenue de cette hépatite virale C et la transfusion sanguine pratiquée en septembre 1981 à la clinique BARTHELEMY "
- que le Tribunal, statuant au vu de ce rapport d'expertise, a considéré
[* que d'une part il existe un document comptable servant de recouvrement des frais hospitaliers qui fait état d'une facturation de deux produits sanguins (facture du 31 décembre 1980) confirmé par la direction de la clinique d'Auch à travers différents courriers, et d'autre part que les recherches transfusionnelles entreprises par l'établissement de transfusion sanguine ont permis de retrouver deux poches de sang n° 364 et n° 504 en délivrance au nom de Madame Y... en septembre 1981 ; qu'il résulte de cette double constatation qu'il y a un rapport de causalité entre la transfusion et les poches n° 364 et n° 504 ;
*] sur le caractère contaminant des produits en cause au moment du don que l'expert, tout en soulignant que l'ensemble des éléments médicaux recueillis dans le dossier médical et le résultat de l'enquête transfusionnelle ne permettent pas de dire actuellement s'il existe
un lien de causalité entre les transfusions pratiquées en septembre 1981 et la survenue de l'hépatite C, complète son rapport (page 23) en indiquant qu'il n'est pas non plus possible de rejeter une origine transfusionnelle à cette hépatite C compte tenu de l'existence d'une transfusion sanguine, d'un donneur de sang non contrôlé sérologiquement, de la mise en évidence d'un génotypage 1b très souvent caractéristique d'une infection post transfusionnelle, de l'absence d'autres facteurs de risques patents de contamination par le virus C eu égard aux antécédents médicaux de la malade, de son mode de vie personnelle et de son entourage ; que cette constatation de l'expert est fondamentale dans la mesure où il apparaît que l'un des donneurs portant le concentré globulaire n° 504 n'a pas pu faire l'objet d'un contrôle sérologique ; qu'elle aboutit à renverser la charge de la preuve et qu'il appartient par conséquent au CRTS de démontrer que la sérologie pour le virus de l'hépatite C concernant ce donneur est négative ; qu'il a sur ce point une obligation de résultat et qu'il est défaillant dans l'administration de cette preuve; qu'il ne justifie pas des démarches qu'il aurait faites pour situer le donneur et que dès lors il ne fait pas la preuve du caractère non contaminant de la poche n° 504 ;
Attendu que les appelants font grief au Tribunal de s'être ainsi prononcé alors pourtant
- sur le lien de causalité supposé, que l'on ne peut pas retenir l'existence d'un lien de causalité entre transfusion et contamination en raisonnant en termes d'hypothèse, au mépris des dispositions de l'article 1353 du Code civil ; que l'on ne peut pas retenir la responsabilité du CRTS sans démontrer dans un premier temps que le produit fourni a bien été transfusé et dans un deuxième temps que le
produit fourni et transfusé était contaminant ; qu'il appartient à la personne qui impute l'origine d'une contamination à des produits sanguins de rapporter la preuve par tous moyens, y compris par présomptions, d'un lien de causalité entre la transfusion de ces produits sanguins et la contamination apparue par la suite ; que de ce chef Madame Y... est défaillante dans l'administration de la preuve ; que s'il est acquis que deux poches de sang ont été délivrées à son nom en septembre 1981 portant les numéros 364 et 504, et que ces deux poches ont été reçus par la clinique, rien ne permet d'affirmer qu'elles ont été transfusés à Madame Y... ; qu'il n'y a à cet égard aucune mention ni sur la feuille d'anesthésie réanimation ni sur les autres documents du dossier médical ; que de plus la seule affirmation de l'intimée ne vaut pas preuve de l'identité des produits fournis et transfusés ;
- sur le supposé caractère contaminant des produits en cause au moment du don, que le Tribunal ne pouvait pas, sans renverser la charge de la preuve, imposer au CRTS de démontrer que le donneur non contrôlé n'était pas contaminant ; qu'il ne pouvait pas non plus, pour retenir le caractère contaminant du donneur isolé, fonder sa décision sur des considérations d'ordre général, présentées par l'homme de l'art, concernant la contamination par le VHC ; qu'il aurait dû examiner toutes les données objectives de l'espèce et caractériser les éléments propres à démontrer, avec une probabilité suffisante, que la transfusion a pu être la cause de la contamination ; qu'en ne le faisant pas il a violé délibérément les dispositions de l'article 1353 du Code civil qui lui imposaient de ne retenir que des présomptions fondées sur des éléments objectifs, graves et précis ; qu'il aurait dû tirer les conséquences qui s'imposaient des conclusions du rapport d'expertise et constater d'une part que la chronologie d'apparition des signes cliniques et biologiques ne
permettait pas de rattacher clairement la survenue de l'hépatite C à l'hospitalisation de septembre 1981 et donc, par là même, à la transfusion sanguine réalisée à cette période, et d'autre part que les résultats obtenus par enquête transfusionnelle ne permettaient pas non plus d'établir une origine transfusionnelle à cette hépatite C car le donneur du concentré globulaire numéro 504 n'a pu être recontacté pour un contrôle sérologique ; que le sang de ce donneur constitue une cause possible de contamination mais que pour autant il n'est pas possible d'affirmer qu'il existe une probabilité de contamination fondée sur des données objectives ; que d'ailleurs l'expert s'est trouvé dans l'impossibilité de déterminer la période exacte de survenue de cette contamination par le virus de l'hépatite C et qu'il s'est contenté d'envisager plusieurs hypothèses, de valeur incertaine, qui ne permettaient pas au juge de trancher ; que le premier juge, dans le respect des dispositions de l'article 1353 du Code civil, aurait dû conclure avec l'expert qu'il n'est pas possible à l'heure actuelle de dire s'il existe un lien de causalité entre la survenue de l'hépatite C et la transfusion ; que la jurisprudence de la Cour de cassation du 9 mai 2001 visée par Madame Y... dans ces derniers écrits ne modifie d'aucune manière les données du problème car il appartient toujours au demandeurs d'administrer la preuve de l'existence du lien causal transfusionnel et de l'absence de toute autre cause avant d'imposer au CRTS d'avoir à prouver que le sang fourni était exempt de vice ; qu'en d'autres termes ce n'est que si ces deux conditions sont réunies que s'opère le renversement de la charge de la preuve ;
- que Madame Y... à titre subsidiaire argue de l'absence de contrôle d'un donneur pour mettre en cause non seulement l'honnêteté scientifique de l'établissement de transfusion sanguine Pyrénées - Garonne chargé du fichier donneurs du CRTS de Toulouse mais également
pour exiger, au mépris de la règle du secret, que soit identifié le donneur concerné ; que son argumentation de ce chef se heurte à 2 observations ; que d'une part aucune négligence ne peut être reproché au CRTS et à l'organisme chargé de gérer ses archives dès lors que le donneur a été fiché et que son adresse était connue au moment du don mais qu'il a changé d'adresse postérieurement, sans en informer le CRTS ; que d'autre part l'établissement de transfusion sanguine n'a pas été appelé dans la cause et que de toute façon il a parfaitement mené l'enquête transfusionnelle ; qu'il devait préserver le secret du donneur anonyme et qu'à cet égard l'expertise complémentaire sollicitée par Madame Y... serait inutile parce que contraire aux dispositions des articles L. 666.1 et L. 666 - 7 du Code de la santé publique prévoyant qu'il ne peut-être dérogé au principe d'anonymat qu'en cas de nécessité thérapeutique; que cette dérogation en l'espèce ne serait pas justifiée et que d'une façon générale il est exclu de remettre en cause l'enquête transfusionnelle réalisée par l'établissement de transfusion sanguine dès lors qu'il y a été procédé sous le contrôle de fiabilité de l'expert judiciaire ;
qu'ils demandent en conséquence à la Cour de réformer la décision déférée, de débouter la partie adverse de toutes ses demandes et de la condamner à rembourser à la société AXA ASSURANCES la somme de 8.000 francs correspondant à la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert mais aussi à payer la somme de 8.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tant au profit d'AXA ASSURANCES qu'au profit de Maîtres BENO T ès qualités, venant aux droits de Maître DE LOTH ;
Attendu que Madame Y... intimée, demande au contraire à la Cour - à titre principal de déclarer le centre régional de transfusion sanguine de Toulouse représenté par son liquidateur responsable des conséquences dommageables de l'hépatite C dont elle soufre et de condamner son assureur AXA ASSURANCES à la dédommager de cette contamination,
- à titre subsidiaire, avant dire droit au fond, de désigner un expert en médecine avec même mission que celle qui avait été définie par l'ordonnance du juge de la mise en état du 7 mai 1997 désignant le docteur B... en qualité d'expert ;
- à titre très subsidiaire de donner injonction à l'établissement de transfusion sanguine de Pyrénées Garonne de produire sous astreinte tout document tendant à établir la réalité et la nature des démarches entreprises pour retrouver le donneur, la fiche faisant apparaître l'identité du donneur prétendument non retrouvé, dont il a été admis qu'il était connu, et son adresse de l'époque, et le fichier des donneurs en ce qui concerne le donneur prétendument non retrouvé ;
- dans tous les cas de condamner les appelants à lui payer la somme de 2.000Euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
qu'elle fait valoir pour l'essentiel
1°) que le sang qu'elle a reçu lors de son opération en 1981 avait été fourni par le centre régional de transfusion sanguine ; que de ce chef les dénégations de ses adversaires sont d'autant moins fondées que le médecin directeur du poste de transfusion sanguine d'Auch a expressément reconnu que les poches n° 364 et 504 lui avaient été transfusées ;
2°) que ce sang doit être considéré comme contaminé ; qu'il existe en ce sens de très fortes présomptions, sachant d'une part que la
probabilité de contamination par voie transfusionnelle est très importante et que d'autre part l'intimée n'était exposée à aucun autre vecteur de contamination ; que c'est parce qu'un donneur n'aurait pas été retrouvé qu'il n'existe pas de certitude absolue sur la qualité du sang reçu en 1981 et, partant, sur l'imputabilité de la maladie à la transfusion ; qu'il serait particulièrement inéquitable de faire peser sur les transfusés la charge de la preuve de ce que le sang donné par une personne prétendument non retrouvée était contaminé ; que pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, sur le procès équitable, et pour éviter d'exiger du malade l'administration d'une preuve que seule la partie adverse pouvait fournir, il faut soit lui permettre de rechercher lui-même le donneur, ce qui supposerait la révélation de l'identité de celui-ci, soit poser en principe que, faute pour elle d'apporter la preuve de l'innocuité du sang transfusé, la partie qui l'a prélevé et fourni, qui seule connaît l'identité du donneur, qui seule a mission d'en suivre la trace et qui seule peut le retrouver, sera présumée responsable ; que c'est cette seconde voie que suivent aujourd'hui les juridictions de l'ordre administratif et que c'est désormais cette règle qui est appliquée par le juge judiciaire ; que la responsabilité du CRTS doit être retenu dès lors que la maladie est apparue après la transfusion, que l'intimée ne présentait aucun mode de contamination qui lui soit propre et que les adversaires ne démontrent pas que le sang litigieux était exempt de vice ; qu'en décider autrement reviendrait à exiger des transfusés une preuve qui ne peut être fournie que par les centres de transfusion ;
3°) que si par impossible la Cour ne retenait pas la responsabilité des appelants il faudrait organiser une nouvelle mesure d'expertise, le premier expert ayant omis de se prononcer sur le degré de
probabilité d'une contamination par voie transfusionnelle ;
Attendu que la Caisse primaire d'assurance maladie du Gers a constitué avoué mais n'a pas conclu ;
Attendu que bien que régulièrement assignée, la Mutualité Gersoise n'a pas comparu ; qu'il convient de statuer par arrêt réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du Nouveau code de procédure civile ;
SUR QUOI
I°) Sur l'existence même de la transfusion
Attendu que le 22 juillet 1997 le Dr C... médecin directeur de l'Etablissement de transfusion sanguine Pyrénées-Garonne, Site d'Auch, a fait savoir à l'expert judiciaire que " le CTS d'Auch a bien délivré deux poches de sang pour Madame Y... opérée à la clinique BARTHELEMY le 30 septembre 1981 " et que " les numéros de ces poches étaient respectivement le 364 et le 504";
que la délivrance des produits sanguins et leur réception par la clinique ne sont donc pas douteuses et qu'il est tout aussi certain qu'ils ont été transfusés à l'intimée ;
qu'il suffit pour s'en convaincre de se référer à deux courriers du Dr C..., adressé le premier, le 10 mai 1995, au médecin traitant de Madame Y... et le second le 28 mai 1996 à Madame Y... elle même;
que la lettre du 10 mai 1995, annexée au rapport d'expertise, est libellée comme suit :
" Nous avons effectué à la suite de votre lettre une recherche concernant l'attribution de sang pour Mlle Y... X...
Cette patiente a été effectivement transfusée et a reçu deux poches de sang dont les numéros inscrits sur nos registres sont le 364 et le 504 " ;
que le courrier du 28 mai 1996, également annexé au rapport
d'expertise, vient confirmer l'existence même de la transfusion puisque le Dr C... s'exprime comme suit:
"J'ai bien reçu votre lettre du 20 mai concernant l'enquête sur les poches de sang qui vous ont été transfusées le 30 septembre 1981.
A la suite des recherches que j'avais effectuées après votre visite au Centre d'AUCH au mois de mai 1995, l'origine des poches avait bien été établie"
Attendu qu'il est ainsi établi que le sang administré à Madame Y... le 30 septembre 1981 était celui qu'avaient contenu les poches numéros 364 et 504 fournies par le CRTS de Toulouse, peu important que les numéros des produits sanguins transfusés n'aient pas été mentionnés sur la feuille d'anesthésie réanimation ou qu'il n'ait pas été possible de retrouver d'autres documents dans lesquels ces numéros auraient pu être mentionnés ;
2° Sur l'imputabilité de la contamination à la transfusion
Attendu qu'il est aujourd'hui tenu pour principe que lorsqu'une personne démontre d'une part que la contamination virale dont elle est atteinte est survenue à la suite de transfusions sanguines, d'autre part qu'elle ne présente aucun mode de contamination qui lui soit propre, il appartient au centre de transfusion sanguine dont la responsabilité est recherchée de prouver que les produits sanguins qu'il a fournis étaient exempts de tout vice ;
Attendu que, pour pouvoir bénéficier de ce renversement de la charge de la preuve, le transfusé doit donc démontrer
1°) non pas que la transfusion est la cause de la contamination mais que la contamination est apparue à la suite d'une transfusion, même réalisée plusieurs années avant que le diagnostic d'hépatite virale C ait été posé,
2°) que l'origine transfusionnelle de la maladie n'est pas exclue et qu'il n'y avait pas d'autres causes possibles de contamination ;
Or attendu au cas particulier
- d'une part que Madame Y... a bien fait l'objet d'une transfusion et que la contamination est bien apparue après qu'elle ait été transfusée ; que selon l'expert l'origine transfusionnelle de la maladie ne peut pas être exclue, alors surtout qu'il s'agit d'un génotype 1b fréquent dans le mode de transmission transfusionnelle, même si un certain nombre d'éléments ( chronologie d'apparition des signes cliniques et biologiques, éléments médicaux recueillis dans le dossier et à travers diverses déclarations entendues lors de la réunion d'expertise mais aussi résultats de l'enquête transfusionnelle ) lui interdisent d'affirmer que les produits transfusés étaient contaminants ; que les bilans biologiques qui ont été réalisés depuis 1985 et jusqu'en 1992 n'ont certes pas révélé de lésions hépatiques (transaminases toujours normales) mais que l'existence de porteurs asymptomatiques du VHC et à tansaminases normales lors d'examens successifs est maintenant admise ;
- d'autre part qu'il est certain selon le Dr B... que Madame Y... ne présente aucun mode de contamination qui lui soit propre ( pages 23 et 24 du rapport d'expertise judiciaire ) ;
Attendu qu'il appartient dés lors au centre de transfusion et à son assureur de démontrer que les produits sanguins qu'il a fournis étaient exempts de tout vice;
Attendu qu'il est défaillant dans l'administration de cette preuve et qu'il convient par conséquent de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions;
Attendu que les appelants qui succombent en toutes leurs prétentions doivent être condamnés aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à l'intimée la somme de 1500 ä par application de l'article 700 du
nouveau Code de procédure civile; PAR CES MOTIFS Substitués à ceux des premiers juges La cour,
En la forme, reçoit l'appel jugé régulier,
Mais au fond, le rejette,
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a déclaré le CRTS de Toulouse responsable du préjudice subi par Madame Y..., dit que la compagnie AXA ASSURANCES devra relever et garantir son assuré du montant des condamnations qui seront prononcées à son encontre et avant dire droit sur le montant du préjudice renvoyé l'affaire au juge de la mise en état ;
Et, y ajoutant,
Condamne Maître BENOIT pris en sa qualité de mandataire liquidateur du CRTS de Toulouse et la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES, aux dépens d'appel et autorise la SCP VIMONT avoué à recouvrer directement contre eux ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante ;
Les condamne en outre à payer à Madame Y... la somme de 1500 ä (mille cinq cent euros) par application de l'article 700 modifié du nouveau Code de procédure civile;
Rejette toute autre demande contraire ou plus ample des parties.
Le président et le greffier ont signé la minute de l'arrêt.
LE GREFFIER
LE Z...
M.FOUYSSAC
M.LEBREUIL