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10/04/2002 | FRANCE | N°00/00842

France | France, Cour d'appel d'agen, 10 avril 2002, 00/00842


DU 10 Avril 2002 ------------------------- M.F.B

Martine X... veuveCOUSTES C/ S.A. FRUCTI PREVOYANCE Aide juridictionnelle RG N : 00/00842 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du dix Avril deux mille deux, par Monsieur CERTNER, Conseiller, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Martine X... veuve Y... née le 01 Octobre 1951 à MEILHAN SUR GARONNE(47) Demeurant 149 avenue Jean Jaurès Cité Bajon 47000 AGEN représentée par Me Solange TESTON, avoué assistée de la SCP GONELLE-VIVIER, avocats (bénéficie d'une a

ide juridictionnelle Totale numéro 00/2519 du 21/09/2000 accordée p...

DU 10 Avril 2002 ------------------------- M.F.B

Martine X... veuveCOUSTES C/ S.A. FRUCTI PREVOYANCE Aide juridictionnelle RG N : 00/00842 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du dix Avril deux mille deux, par Monsieur CERTNER, Conseiller, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Martine X... veuve Y... née le 01 Octobre 1951 à MEILHAN SUR GARONNE(47) Demeurant 149 avenue Jean Jaurès Cité Bajon 47000 AGEN représentée par Me Solange TESTON, avoué assistée de la SCP GONELLE-VIVIER, avocats (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 00/2519 du 21/09/2000 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d' AGEN) APPELANTE d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 09 Mai 2000 D'une part, ET : S.A. FRUCTI PREVOYANCE prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège 27, Quai Bourdon 75004 PARIS représentée par Me NARRAN, avoué assistée de la SCP ESCURE ET RAVAYROL, avocats INTIMEE D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 27 Février 2002, devant Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, Messieurs CERTNER , Conseiller rédacteur et COMBES, Conseiller, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

EXPOSE DU LITIGE

Dans des conditions de régularité de forme et de délai non discutées, Martine X... épouse Y... a interjeté appel d'un Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN le 09/05/2000:

* ayant dit que Christian Y... s'était suicidé,

* ayant en conséquence dit que la garantie de la S.A. FRUCTI PREVOYANCE n'était pas dûe,

* l'ayant débouté de ses prétentions et condamné à payer à la S.A. FRUCTI PREVOYANCE la somme de 4.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Les faits de la cause ont été relatés par le premier Juge en des énonciations auxquelles la Cour se réfère expressément;

L'appelante conclut à la réformation de la décision entreprise et demande à bénéficier des dispositions de la police souscrite le 24/01/95 par son mari, non séparé de corps;

Elle fait valoir que l'art. 5 de cette police -article qui pose l'exclusion de garantie en cas de suicide mais sans faire de distinction entre suicide conscient et suicide inconscient- ne peut s'interpréter qu'à la lumière des dispositions d'ordre public de l'art. L. 132-7 du Code des Assurances excluant de la garantie le seul suicide conscient; elle affirme que les éléments du dossier, notamment l'enquête diligentée à la suite du décès de son mari, ne permettent pas d'étayer la thèse du suicide qu'aucune donnée matérielle ne confirme; elle estime que le suicide n'est qu'une simple hypothèse non démontrée; elle ajoute que, même si la démonstration du suicide était faite, encore faudrait-il qu'il soit intervenu consciemment pour permettre le jeu de la clause d'exclusion; or, tel n'est à son sens pas le cas, la prétendue autolyse procédant à l'évidence, sur fond de crise psychique, d'une impulsion soudaine, irraisonnée et irrépressible ayant dominé sa volonté et altéré son libre arbitre;

Elle soutient que, même si l'hypothèse d'un suicide conscient était retenue, la clause d'exclusion figurant à l'art. 5 de la police ne pourrait qu'être déclarée nulle et de nul effet alors que l'art. L. 132-7 précité exonère l'assureur de sa garantie en cas de suicide conscient et volontaire au cours de la première année de contrat et que le décès est survenu plus d'un an et demi après la souscription; Elle estime que les dispositions de cet article, d'ordre public, doivent s'appliquer et primer celles de l'art. 5 de la police lesquelles, en ne fixant aucune limite de temps à l'exclusion de garantie, y contreviennent;

Elle fait au surplus observer que cet article 5 litigieux ne constitue pas une clause d'exclusion formelle et limitée entrant dans les préventions de l'art. L. 113-1 du Code des Assurances;

Elle réclame en conséquence l'allocation de la somme de 240.000 francs avec les intérêts au taux légal à compter du 15/11/96, date du décès de l'assuré et la somme de 8.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

De son côté, la S.A. FRUCTI PREVOYANCE conclut à la confirmation de la décision querellée aux motifs du premier Juge;

Au visa de l'art. 31 du Nouveau Code de Procédure Civile, elle soutient que l'action de Martine X... est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir de cette dernière qui a reconnu, lors de l'enquête de Gendarmerie être séparée de corps d'avec Christian Y... depuis le 04/08/96, alors que le contrat FRUCTI-BUDGET désigne comme bénéficiaire en cas de décès le "conjoint, non séparé de corps", à défaut les enfants et à défaut, les héritiers"; elle insiste sur le fait qu'en dépit de ses réclamations réitérées, l'appelante n'a pas cru devoir communiquer la moindre pièce relative à la prétendue procédure en divorce en cours au moment du décès de l'assuré;

A titre subsidiaire, l'intimée, au vu des pièces du dossier d'enquête mais aussi du questionnaire rempli par l'appelante elle-même interrogée sur les circonstances de la mort de son mari Christian Y..., prétend que la preuve est faite que ce dernier s'est suicidé volontairement et consciemment, ce qui exclut la garantie prévue; elle s'insurge contre la confusion entretenue par l'appelante entre la nullité édictée à l'art. L. 132-7 du Code des Assurances et la question de l'application de la clause d'exclusion du suicide contenue dans le contrat FRUCTI-BUDGET;

Elle soutient que nonobstant les dispositions de l'article précité qui ne comportent aucune prohibition d'ordre public, il est de Jurisprudence constante parfaitement possible et licite d'exclure définitivement de manière conventionnelle l'autolyse de la garantie offerte, une telle exclusion ne contrevenant pas non plus aux règles posées à l'art. L. 113-1 du Code des Assurances;

Enfin, elle réclame l'allocation de la somme de 10.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

MOTIFS DE LA DECISION

L'intimée dénie à l'appelante tout intérêt à d'agir au motif que cette dernière, en situation de séparation de corps, ne pourrait se prévaloir de la qualité de tiers bénéficiaire, qui aux termes de la police ne peut être que le "conjoint, non séparé de corps", à défaut les enfants et à défaut, les héritiers;

Cependant, la compagnie d'assurance n'établit pas la réalité de cette séparation de corps qu'elle oppose à l'appelante, séparation qui ne peut se déduire des seules déclarations ambiges de cette dernière faites aux services de Police; si elle dit certes être séparée de corps, elle ajoute immédiatement que c'est à la suite de la procédure

en divorce qu'elle a initiée; elle indique par ailleurs être simplement "séparée" de son mari; ces déclarations, équivoques, contradictoires et inconciliables, ne démontrent nullement qu'elle était juridiciairement séparée de corps d'avec son époux; il apparait qu'en réalité, elle emploie le terme de séparation de corps dans le sens commun du langage courant;

Il y a en conséquence lieu d'écarter le moyen soulevé par l'intimée sur le fondement de l'art. 31 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Le premier Juge a procédé à une analyse minutieuse et complète des prétentions et moyens des parties et des faits à l'origine du litige en démontrant notamment que le décès de Christian Y... était dû à son suicide et non à un événement purement accidentel;

Cette analyse n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par Martine X... épouse Y... qui invoque les mêmes arguments à l'appui des mêmes demandes qu'en première instance;

Or, il lui a été répondu en des attendus justes et bien fondés auxquels il n'y a guère à ajouter que ceci:

1 ) selon l'art. 132-7 du Code des Assurances, seul est légalement et d'ordre public exclu de la garantie de l'assurance en cas de décès le suicide conscient survenant dans le délai d'un an à compter de la souscription de la police; a contrario, le suicide inconscient est couvert dès l'origine, de même que le suicide conscient après l'écoulement d'une année d'assurance;

2 ) Ces dispositions de l'art. 132-7 n'empêchent nullement les parties au contrat d'assurance du risque de décès de prévoir que l'exclusion sera plus large que celle prévue par la Loi; rien en effet ne s'y oppose dans le texte précité qui ne fait que déterminer les règles minimales d'ordre public; tel est le cas en l'espèce aux

termes de l'art. 5 des conditions générales de la police souscrite:

le suicide -sans autre qualificatif- fait partie des riques exclus, de sorte que se trouve englobés le suicide conscient aussi bien qu'inconscient,

3 ) cette clause conventionnelle d'exclusion est formelle, limitée et dénuée d'équivoque au sens de l'art. L. 113-1 du Code des Assurances dès lors qu'elle exclut tous les types de suicide -conscient ou inconscient en ne faisant aucune distinction entre eux- pour la période nécessairement postérieure à la première année régie par les règles d'ordre public citées plus haut suivant la conclusion du contrat d'assurance et pour la durée de celui-ci; le mot "suicide", sans autre référence, vise explicitement tout acte d'autodestruction conscient ou inconscient,

4 ) la preuve du suicide, qui incombe à la compagnie d'assurance, est rapportée ainsi que l'a relevé le premier Juge;

Il convient en conséquence d'adopter les motifs de ce dernier et de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions;

L'équité et la situation économique commandent d'allouer à l'intimée le remboursement des sommes exposées par elle pour la défense de ses intérêts;

Il convient de lui accorder la somme de 914,69 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Les dépens d'appel doivent être mis à la charge de Martine X... épouse Y... qui succombe; PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Dit que Martine X... épouse Y... a un intérêt à agir au sens de

l'art. 31 du N.C.P.C.,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Condamne Martine X... épouse Y... à payer à la S.A. FRUCTI PREVOYANCE la somme de 914,69 Euros ( neuf cent quatorze Euros soixante neuf Cents) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Martine X... épouse Y... aux entiers dépens d'appel, étant précisé qu'elle est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle,

Autorise les Avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision. LE GREFFIER LE PRESIDENT M. FOUYSSAC M. LEBREUIL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 00/00842
Date de la décision : 10/04/2002

Analyses

ACTION EN JUSTICE - Intérêt.

La compagnie d'assurance intimée dénie à l'appelante tout intérêt à agir au motif que cette dernière, en situation de séparation de corps, ne pourrait se prévaloir de la qualité de tiers bénéficiaire, qui, aux termes de la police, ne peut être que le "conjoint, non séparé de corps", ou, à défaut les enfants et, à défaut, les héritiers. Cependant, la compagnie d'assurance n'établit pas la réalité de cette séparation de corps qu'elle oppose à l'appelante, qui semble, en réalité, employer le terme de séparation de corps dans le sens commun du langage courant. Il y a en conséquence lieu d'écarter le défaut d'intérêt à agir soulevé par l'intimée sur le fondement de l'art. 31 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'analyse minutieuse et complète des faits à l'origine du litige démontre notamment que le décès de l'époux de l'appelante était dû à son suicide et non à un événement purement accidentel. Or, selon l'article 132-7 du Code des Assurances, seul, est légalement et d'ordre public exclu de la garantie de l'assurance en cas de décès, le suicide conscient, survenant dans le délai d'un an à compter de la souscription de la police ; a contrario, le suicide inconscient est couvert dès l'origine, de même que le suicide conscient après l'écoulement d'une année d'assurance. Ces dispositions de l'article 132-7 n'empêchent nullement les parties au contrat couvrant le risque décès de prévoir que l'exclusion sera plus large que celle prévue par la loi. Rien en effet ne s'y oppose dans le texte précité qui ne fait que déterminer les règles minimales d'ordre public. Tel est le cas en

l'espèce : aux termes de l'article 5 des conditions générales de la police souscrite, le suicide - sans autre qualifi- catif - fait partie des risques exclus, de sorte que se trouvent englobés le suici- de conscient aussi bien qu'inconscient. Cette clause conventionnelle d'exclusion est formelle, limitée et dénuée d'équivoque au sens de l'article L 113-1 du Code des Assurances dès lors qu'elle exclut tous les types de suicid- es - en ne faisant aucune distinction entre eux - pour la période nécessairement postérieure à la première année suivant la conclusion du contrat d'assurance - régie par les règles d'ordre public citées plus haut - et pour la durée de celui-ci. Le mot "suicide", sans autre référence, vise explicitement tout acte d'autodestruction conscient ou inconscient. La preuve du suicide, qui incombe à la compagnie d'assurance, étant correctement rapportée, l'appelante ne pourra bénéficier des dispositions de la police souscrite par son mari.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2002-04-10;00.00842 ?
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