La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2002 | FRANCE | N°00/00795

France | France, Cour d'appel d'agen, 10 avril 2002, 00/00795


DU 10 Avril 2002 -------------------------

SC Micheline X... Y... C/ Roger Z... RG N : 00/00795 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du dix Avril deux mille deux, par Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, assisté de Monique A..., greffier, LA B... D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Micheline X... Y... née le 27 Juin 1939 à COUBERT (77170) 14 rue Minsac - 31870 LAGARDELLE SUR LEZE représentée par Me TANDONNET, avoué assistée de la SCP MOULETTE - ST YGNAN - VAN HOVE, avocats APPELANTE d'un jugment du Tribuna

l de Grande Instance d'AUCH en date du 19 Avril 2000 D'une part, ...

DU 10 Avril 2002 -------------------------

SC Micheline X... Y... C/ Roger Z... RG N : 00/00795 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du dix Avril deux mille deux, par Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, assisté de Monique A..., greffier, LA B... D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Micheline X... Y... née le 27 Juin 1939 à COUBERT (77170) 14 rue Minsac - 31870 LAGARDELLE SUR LEZE représentée par Me TANDONNET, avoué assistée de la SCP MOULETTE - ST YGNAN - VAN HOVE, avocats APPELANTE d'un jugment du Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 19 Avril 2000 D'une part, ET : Monsieur Roger Z... né le 16 Mai 1933 à STE MARIE Lieu-dit "Escalas" - 31480 BRIGNEMONT représenté par Me Solange TESTON, avoué assisté de Me Christiane MONDIN-SEAILLES, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 00/2619 du 13/09/2000 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN) INTIME D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 13 Mars 2002, devant Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, Monsieur CERTNER, Conseiller, Madame LATRABE, Conseiller rédacteur, assistés de R. PERRET-GENTIL, Greffier en Chef, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

Monsieur Z... et Madame X... Y... ont vécu maritalement pendant une dizaine d'années : ils se sont séparés en 1996.

Suivant jugement en date du 16 septembre 1998, le Tribunal de Grande Instance d'AUCH a débouté Monsieur Z... de sa demande de dommages intérêts pour rupture abusive de concubinage et avant dire droit, sur l'action de in rem verso intentée par ce dernier a ordonné une expertise confiée à Monsieur C....

L'expert a déposé son rapport le 9 avril 1999.

Suivant jugement en date du 19 avril 2 000, le Tribunal de Grande Instance d'AUCH a, en lecture de ce rapport, condamné Madame X... Y... à verser à Monsieur Z... la somme de 151 786 Francs avec intérêts de droit à compter de la décision et a débouté Monsieur Z... de sa demande relative au partage du mobilier.

Madame X... Y... et Monsieur Z... ont relevé respectivement appel principal et appel incident à l'encontre de cette dernière décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées. A l'appui de son recours, Madame X... Y... soutient pour l'essentiel que les conditions de l'action de in rem verso ne se trouvent pas réunies puisque aucune preuve ne se trouve rapportée de l'appauvrissement de Monsieur Z... et d'un enrichissement corrélatif d'elle même, leurs relations devant être appréhendées dans le cadre du concubinage instauré en 1986 et poursuivi jusqu'en 1996 et qu'il ne peut être que constaté que les concubins ont chacun d'eux assumé leurs responsabilités en créant un compte joint au moyen duquel ils ont effectué, à proportion de leurs facultés respectives les dépenses afférentes aux besoins de la vie commune.

Elle soutient, par ailleurs, que la participation à l'aménagement du logement appartenant en propre à un concubin relève d'une obligation naturelle résultant de la communauté de vie et excluant l'enrichissement sans cause.

Elle fait valoir qu'il n'est justifié d'aucune participation financière de Monsieur Z... aux dépenses liées à l'acquisition de l'immeuble lui appartenant en propre, lequel a été financé avec des fonds provenant de la succession de son père.

Elle fait état, enfin, de ce que pour qu'un partage de meubles acquis durant la vie commune puisse être opéré, il convient que le demandeur puisse rapporter la preuve qu'ils constituent le patrimoine d'une

société de fait ou d'une indivision conventionnelle dont l'existence, en l'espèce, n'est ni établie ni même alléguée.

Elle demande, par conséquent, à la B... d'infirmer le jugement dont appel, de déclarer Monsieur Z... irrecevable et en tout cas mal fondé en toutes ses demandes dirigées à son encontre sur le fondement de l'enrichissement sans cause et de le condamner à lui payer les sommes de 20 000 Francs à titre de dommages intérêts et de 10 000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Z... demande, au contraire, à la B... de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné Madame X... Y... à lui verser la somme de 151 786 Francs outre les intérêts de droit mais de la réformer en ce qu'elle l'a débouté de sa demande relative au partage des meubles et de condamner en conséquence Madame X... Y... à lui payer la somme de 8 485 Francs à ce titre ; il sollicite, enfin, la condamnation de Madame X... Y... à lui payer la somme de 15 000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. .

Qu'il prétend pour l'essentiel que :

- la participation de Madame X... Y... au titre des versements sur le compte joint a été dérisoire par rapport à la sienne.

- suite à la rupture du concubinage, Madame X... Y... reste propriétaire de sa maison parfaitement aménagée alors que parallèlement il a investi toutes ses économies et tout son salaire dans l'aménagement de ladite maison.

- un chèque de 1 400 Francs a été tiré sur son compte C.C.P. pour régler une facture de bois à charpente pour la maison de Madame X...

Y... de sorte qu'il doit en être tenu compte et que la somme correspondante doit lui être attribuée.

- il a effectué la majorité des travaux d'aménagement et de finition de la maison de Madame X... Y..., il est donc bien fondé à réclamer la prise en charge par cette dernière de la somme de 57 615 Francs représentant le montant de ces travaux, selon l'évaluation qui en a été faite par l'expert.

- les concubins ont acquis en commun plusieurs objets matériels, appareils ménagers et outillage, or le partage s'est effectué dans des proportions inéquitables de sorte qu'il lui reste dû une compensation financière.

SUR QUOI

Attendu qu'il suffit de rappeler que Monsieur Z... et Madame X... Y... ont vécu en concubinage pendant près de dix ans ; qu'au cours de cette union de fait, ils ont utilisé un compte joint, lequel entre 1988 et 1993 a été alimenté par des sommes versées tant par Monsieur Z... et par Madame X... Y..., les apports de chacun d'eux ayant été fixés par l'expert C... aux sommes de 51 473,27 Euros ( 337 642,51 Francs) pour Monsieur Z... et de 51 258,04 Euros ( 336 230,68 Francs) pour Madame X... Y..., l'essentiel de cette dernière somme provenant du règlement de la succession du père de cette dernière ; qu'en 1989, Madame X... Y... a acquis pour un prix total de 16 769,39 Euros ( 110 000 Francs) réglé sur le compte joint une maison d'habitation qui a constitué le domicile des concubins jusqu'à

la séparation intervenue en 1996 ; que Monsieur Z... a effectué des travaux de finition et d'amélioration de cet immeuble dont le coût financier a été évalué par l'expert C... à la somme de 8 783,35 Euros ( 57 615 Francs).

Attendu, en droit, que l'action de in rem verso est recevable dès lors que celui qui l'intente allègue l'avantage qu'il aurait par un sacrifice ou un fait personnel procuré à celui contre lequel il agit. Qu'il incombe à la partie qui invoque l'enrichissement sans cause d'établir que l'appauvrissement par elle subi et l'enrichissement corrélatif du défendeur ont eu lieu sans cause.

Qu'enfin, celui qui s'est enrichi sans cause doit indemniser l'appauvri, l'indemnité due devant être égale à la plus faible des deux valeurs considérées à savoir l'enrichissement de l'un et l'appauvrissement de l'autre.

Que l'action de in rem verso ne saurait donc donner lieu à une liquidation partage des comptes ayant existé entre les ex concubins. Qu'en l'espèce, s'agissant du compte joint, l'appauvrissement invoqué s'analyse seulement en une participation à l'entretien du ménage, Monsieur Z... ne démontrant pas que les dépenses effectuées ont excédé la contribution normale aux charges de la vie commune

Qu'il en va de même pour la somme de 1400 Francs tirée sur le compte bancaire personnel C.C.P. de Monsieur Z... ayant eu pour objet "un achat de bois" et dont ce dernier prétend, sans toutefois le démontrer en l'état des pièces du dossier et de l'expertise de Monsieur C..., qu'il s'agissait de bois de charpente pour la maison de Madame X... Y... ce que celle ci conteste en soutenant qu'il s'agissait en réalité de bois de chauffage.

Attendu que si l'on peut admettre que le patrimoine de Madame X...

Y... s'est enrichi au détriment de celui de Monsieur Z... à la suite des travaux effectués par ce dernier dans l'immeuble de celle ci, l'action de in rem verso de ce dernier n'est cependant pas fondée dès lors qu'il apparaît, d'une part que l'intéressé ne s'est pas appauvri sans contrepartie mais dans son propre intérêt pour le logement qu'il a occupé à titre gratuit pendant plus de six ans et pour améliorer ses conditions d'existence ainsi que son cadre de vie au sein du ménage qu'il formait avec sa compagne et, d'autre part qu'il a agi à ses risques et périls ne pouvant ignorer la précarité de la situation de concubinage, le principe en cette matière étant que chacun des concubins peut à tout moment reprendre sa liberté sans que ceux ci puissent prétendre profiter du droit relatif à la liquidation des régimes matrimoniaux.

Qu'il s'ensuit que l'appauvrissement allégué par Monsieur Z... ayant une cause constituée tant par son hébergement dans l'immeuble de sa concubine que par sa participation normale aux dépenses de la vie commune, les demandes de ce dernier fondées sur l'enrichissement sans cause doivent être rejetées ; que la décision déférée sera, par conséquent, réformée en ce qu'elle a condamné Madame X... Y... au paiement, à ce titre, de la somme de 151 786 Francs outre les intérêts.

Attendu que Monsieur Z... qui n'invoque ni ne démontre pas, à l'appui de sa demande de partage du mobilier, l'existence entre les parties d'une indivision conventionnelle pas plus que d'une société de fait caractérisée par la volonté des intéressés de participer sur un pied d'égalité à la gestion de la vie commune avec l'intention de partager les bénéfices et en cas de déficit, à supporter les pertes ne peut être que débouté de cette demande.

Que cette demande ne saurait davantage prospérer sur le fondement de l'enrichissement sans cause faute par l'intéressé de démontrer que

l'acquisition par ses soins du mobilier en cause a excédé la contribution normale aux dépenses de la vie commune.

Que la décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur Z... de sa demande relative au partage du mobilier.

Attendu que l'abus de droit reproché à Monsieur Z... n'est pas caractérisé ; que le droit d'agir ou de se défendre en justice ne peut donner lieu au paiement de dommages intérêts que s'il est exercé dans l'intention exclusive de nuire à autrui ; que la preuve d'une telle intention n'est pas rapportée en l'espèce.

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.

Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Monsieur Z... PAR CES MOTIFS LA B...

Reçoit les appels jugés réguliers en la forme,

Au fond,

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a débouté Monsieur Z... de sa demande relative au partage du mobilier,

La réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur Z... de son action de in rem verso et par conséquent, de ses demandes en paiement de sommes à l'encontre de Madame X... Y...,

Rejette comme inutile ou mal fondée toutes demandes plus amples ou contraires des parties.

Condamne Monsieur Z... aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, la SCP TANDONNET, avoués, à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont il aura été fait l'avance

sans avoir reçu provision. LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M. A...

M. LEBREUIL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 00/00795
Date de la décision : 10/04/2002

Analyses

CONCUBINAGE - Action de in rem verso - Conditions - Appauvrissement du demandeur - Enrichissement corrélatif du défendeur

Il incombe à la partie qui invoque l'enrichissement sans cause d'établir que l'appauvrissement par elle subi et l'enrichissement corrélatif du défendeur ont eu lieu sans cause. Celui qui s'est enrichi sans cause doit indemniser l'appauvri, l'indemnité due devant être égale à la plus faible des deux valeurs considérées, à savoir l'enrichissement de l'un et l'appauvrissement de l'autre. En l'espèce, s'agissant du compte joint, l'appauvrissement invoqué, consistant dans l'accomplissement par l'appauvri de travaux dans l'immeuble appartenant à sa concubine, s'analyse seulement en une participation à l'entretien du mén- age, l'intimé ne démontrant pas que les dépenses effectuées, ayant en outre améliorées ses conditions d'existence et son cadre de vie dans un logement qu'il a occupé à titre gratuit pendant plus de six ans, ont excédé la contribution normale aux charges de la vie commune. Il s'ensuit que, les demandes de ce dernier fondées sur l'enrichissement sans cause doivent être rejetées


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2002-04-10;00.00795 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award