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30/01/2002 | FRANCE | N°00/01766

France | France, Cour d'appel d'agen, 30 janvier 2002, 00/01766


DU 30 Janvier 2002 ------------------------- M.F.B

Jean-Marie Y..., Didier Y... C/ S.A. GAN ASSURANCES DIRECTION VIE, RG N : 00/01766 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du trente Janvier deux mille deux, par Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Jean-Marie Y... né le 04 Novembre 1957 à GOMA ( ZAIRE) Demeurant ... Monsieur Didier Y... né le 04 Février 1962 à CONDOM (32100) Demeurant ... représentéS par Me TANDONNET, avoué assistés de la SCP MOUTOU etamp; ASSOC

IES, avocats APPELANTS d'un jugement du Tribunal de Grande Instance...

DU 30 Janvier 2002 ------------------------- M.F.B

Jean-Marie Y..., Didier Y... C/ S.A. GAN ASSURANCES DIRECTION VIE, RG N : 00/01766 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du trente Janvier deux mille deux, par Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Jean-Marie Y... né le 04 Novembre 1957 à GOMA ( ZAIRE) Demeurant ... Monsieur Didier Y... né le 04 Février 1962 à CONDOM (32100) Demeurant ... représentéS par Me TANDONNET, avoué assistés de la SCP MOUTOU etamp; ASSOCIES, avocats APPELANTS d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 21 Novembre 2000 D'une part, ET : S.A. GAN ASSURANCES DIRECTION VIE, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège, ... représentée par Me NARRAN, avoué assistée de Me Jean-Loup X..., avocat INTIMEE D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 19 Décembre 2001, devant Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, Messieurs BASTIER, Conseiller et COMBES, Conseiller rédacteur, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. FAITS ET PROCÉDURE Gilles Y... est décédé le 8 février 1999 des suites des brûlures occasionnées par l'incendie de sa maison survenu quelques jours auparavant. Ses frères et seuls héritiers, Jean-Marie et Didier Y..., n'ont pu obtenir du GAN le versement du capital décès résultant de la garantie souscrite par le défunt au motif que ce dernier s'était volontairement donné la mort, motif retenu par le Tribunal de Grande Instance d'Agen qui par jugement rendu le 21 novembre 2000 les a déboutés de leurs demandes

et condamnés à payer à la compagnie d'assurances la somme de 3 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Jean-Marie et Didier Y... ont relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables. Estimant que la charge de la preuve du suicide incombe au GAN ils avancent qu'à supposer l'existence d'une telle tentative par asphyxie au gaz, Gilles Y... est décédé des suites des brûlures que lui a occasionné l'incendie accidentel de sa maison. Il s'agit d'une cause extérieure entraînant le bénéfice de l'article 15 du contrat dés lors que l'explosion puis l'incendie ne sont pas imputables à la victime en tant qu'actes volontaires. Ferait d'ailleurs défaut le caractère volontaire de l'atteinte corporelle en raison de l'existence d'un grave état dépressif ayant altéré ses facultés mentales et réduit ses facultés de contrôle. Poursuivant en conséquence la réformation de la décision entreprise, ils sollicitent la condamnation du GAN à leur payer la somme de 1 107 117 francs assortie des intérêts au taux légal depuis le 8 mars 1999 et celle de 10 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. * * * Le GAN soutient que la charge de la preuve incombe à ses adversaires dés lors qu'il s'agit de démontrer que les conditions de la garantie sont réunies, à savoir que le décès est la conséquence d'un accident. Or les circonstances qui l'ont entouré ne laissent aucun doute sur le fait que Gilles Y... a préparé son suicide et que l'atteinte corporelle est dés lors volontaire, aucune démonstration n'étant faite d'une altération de ses facultés mentales comme de son intention de mettre volontairement un terme à sa tentative. Ils concluent à la confirmation de la décision dont appel et à la condamnation de l'appelant à leur payer la somme de 8 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.

MOTIFS Attendu qu'il découle des documents versés comme des éléments échangés entre les parties que le contrat passé entre le défunt et la compagnie d'assurances est un contrat d'assurances groupe régi par les dispositions des articles L 140-1 et suivants du Code des Assurances dont l'objet consiste notamment à garantir outre le paiement d'un capital aux bénéficiaires désignés en cas de décès de l'assuré, celui d'un capital supplémentaire en cas de décès accidentel ; Que seul est discuté le bénéfice de cette dernière garantie prévue par l'article 15 du contrat qui précise que sera versé aux bénéficiaires de l'assurance-décès un capital supplémentaire lorsque le décès de l'assuré est la conséquence d'un accident ; Qu'il s'agit là d'une garantie complémentaire contre les accidents, cette notion étant contractuellement définie comme toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l'assuré et provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure ; Et que ne sont pas applicables à ce type de contrat les dispositions de l'article L. 132-7 du Code des assurances en vertu des dispositions combinées du second alinéa de ce texte et des articles L. 140-1 et L. 140-6 de ce même code, d'où il découle que la garantie complémentaire n'est due que si le bénéficiaire qui en réclame comme en l'espèce le bénéfice apporte la preuve du caractère accidentel de la mort de l'assuré ; Or attendu qu'il résulte de l'enquête de gendarmerie que si l'incendie est la conséquence d'une déflagration, celle-ci est née de l'explosion du gaz volontairement accumulé dans la chambre et le salon de l'immeuble habité par la victime, échappé de bouteilles de butane et de propane manipulées par celle-ci ainsi que le démontre la présence dans la cuisine des poignées de transport et de la clef anglaise dans une position adaptée à la taille de la vis de serrage d'une de ces bouteilles, et ce alors même que Gilles Y... avait soigneusement calfeutré à l'aide de ruban adhésif l'ensemble des

ouvertures de la chambre ; Que l'intention suicidaire qui découle de ce simple constat se trouve confirmée à la fois par les deux précédentes tentatives d'attenter à ses jours réalisées durant les mois précédents par l'absorption de médicaments, son frère Jean-Marie précisant d'ailleurs qu'à l'une de ces occasions une bouteille de gaz avait déjà été trouvée dans la chambre de Gilles Y..., et d'un écrit trouvé sur place expliquant en termes violents et explicites son geste par le manque d'affection et l'absence de sentiments reprochés à plusieurs membres de sa famille ; Attendu en conséquence que l'incendie consécutif à l'explosion ne peut être considéré comme purement accidentel alors que celui-ci ne se serait pas produit en l'absence de l'accumulation intentionnelle de gaz, les circonstances ainsi rappelées excluant l'action soudaine d'une cause extérieure ; Que peu importe à cet égard que la forme du décès ne soit pas celle initialement souhaitée d'une mort par asphyxie dés lors que ce décès s'inscrit dans la continuité d'une action suicidaire, le dommage produit étant bien celui qui a été voulu par la victime ; Et ce alors que rien n'établit le fait soutenu subsidiairement que Gilles Y... aurait décidé d'interrompre son intention de mettre ensuite fin à ses jours, soit après que la totalité du gaz se soit échappé de la première bouteille alors qu'il en a été trouvé une seconde dans la pièce, soit après l'explosion suivie de l'incendie alors que les témoignages apportés par Madame Z... et le chef de corps des pompiers sont contradictoires quand à la volonté de survivre qu'il aurait à cet instant exprimée ; Attendu enfin qu'à l'exception de l'indication que Gilles Y... était en arrêt maladie depuis un an et consultait un psychiatre, ces éléments étant insuffisants à cet égard, rien ne vient démontrer l'existence d'un grave état dépressif de nature à réduire de manière constante ou au moment des faits ses facultés de jugement et sa capacité de résistance à une pulsion

suicidaire ; Qu'en revanche le caractère volontaire de l'acte commis se déduit à la fois de l'existence de deux tentatives préalables donnant ainsi un caractère durable à son intention suicidaire et de la mise en place méthodique et rationnelle de son projet, s'agissant de l'accomplissement des actes matériels préparatoires comme de la rédaction de dispositions propres à assurer le devenir de ses deux chiens ; Qu'il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise, l'appelant qui succombe devant supporter outre les dépens le règlement de la somme de 5 000 francs au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel par son adversaire. PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Déclare l'appel recevable en la forme, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant , Condamne Jean-Marie et Didier Y... à payer à la SA GAN ASSURANCES la somme de 762,25 Euros( sept cent soixante deux Euros vingt cinq) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties, Condamne Jean-Marie et Didier Y... aux dépens, Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure civile, la SCP NARRAN, avoué, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision. LE GREFFIER LE PRESIDENT M. FOUYSSAC M. LEBREUIL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 00/01766
Date de la décision : 30/01/2002

Analyses

ASSURANCE DE PERSONNES - Accidents corporels - Accident - Décès - Circonstances conformes aux critères de la police

Dans un contrat d'assurance groupe, régi par les dispositions des articles L. 140-1 et suivants du Code des assurances, dont l'objet consiste notamment à garantir, outre le paiement d'un capital aux bénéficiaires désignés en cas de décès de l'assuré, celui d'un capital supplémentaire en cas de décès accidentel, la garantie complémentaire n'est due que si le bénéficiaire qui en réclame le bénéfice apporte la preuve du caractère accidentel de la mort de l'assuré. En l'espèce, l'accident est défini par le contrat comme toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l'assuré et provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure. Il résulte de l'enquête de gendarmerie que l'incendie consécutif à l'explosion ne peut être considéré comme purement accidentel alors que celui-ci ne se serait pas produit en l'absence de l'accumulation intentionnelle de gaz par l'assuré, dans le but de s'asphyxier. Le caractère volontaire de l'acte se déduit à la fois de l'existence de deux précédentes tentatives de suicide, donnant ainsi un caractère durable à son intention suicidaire, et de la mise en place méthodique et rationnelle de son projet. Ces circonstances excluent l'action soudaine d'une cause extérieure, le dommage produit ayant bien été voulu par la victime. Les conditions de la garantie ne sont donc pas réunies, la victime s'étant volontairement donné la mort, peu important à cet égard que la forme du décès ne soit pas celle initialement souhaitée d'une mort par asphyxie mais étant intervenue par suite des brûlures occasionnées par l'incendie consécutif à l'explosion


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2002-01-30;00.01766 ?
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