DU 11 Décembre 2001 ------------------------- M.F.B
Jean Pierre X... C/ Consorts Y..., GAN ASSURANCES S.A.R.L. PAILLET LAUVINERIE RG N : 00/00037 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du onze Décembre deux mille un, par Monsieur ROS, Conseiller, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Jean Pierre X... Demeurant Z... 24200 VITRAC représenté par Me Solange TESTON, avoué assisté de la SCP BRIAT- MERCIER, avocats APPELANT d'un jugement du Tribunal de Grande Instance CAHORS en date du 19 Novembre 1999 D'une part, ET : Monsieur Georges Y... né le 01 Février 1924 à PARIS (75000) Madame Arlette A... épouse Y... née le 09 Avril 1930 à PARIS (75000) Demeurant ensemble Le Bourg 46350 NADAILLAC DE ROUGE représentés par Me Jacques VIMONT, avoué assistés de Me Guy HENRAS, avocat GAN ASSURANCES SA prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège 11 Rue Pillet Will 75448 PARIS CEDEX 09 S.A.R.L. PAILLET LAUVINERIE prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Le Colombier ST JULIEN DE LAMPON 24370 CARLUX représentées par Me NARRAN, avoué assistées de Me Jean-Loup BOURDIN, avocat INTIMES D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire. La cause a été débattue et plaidée en audience publique, le 06 Novembre 2001 sans opposition des parties, devant Monsieur ROS Conseiller rapporteur assisté de Monique FOUYSSAC, greffier. Le Conseiller rapporteur et rédacteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre lui-même, de Monsieur MILHET président de chambre et Monsieur LOUISET, Conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
Par contrat du 26.10.1990 les époux Y... ont confié à Monsieur X... B... d'oeuvre en bâtiment la mission de diriger et coordonner les travaux concernant la réalisation d'un projet de construction immobilière devant être réalisé par la SARL PAILLET-LAUVINERIE.
Après sa construction fin 1991, l'immeuble a fait l'objet d'une prise de possession le 15.05.1992.
Constatant rapidement l'apparition de désordres ( affaissement du sol intérieur, de celui de la terrasse outre un défaut d'étanchéité du crépi) les époux Y..., face à la passivité du constructeur, de son assureur et de Monsieur X... les ont assignés en référé et au fond.
Par ordonnance du 13.11.1996 Monsieur C... a été désigné en qualité d'expert et déposé son rapport le 02.02.1998.
A l'issue les consorts Y... ont présenté leurs prétentions devant le Tribunal de Grande Instance de Cahors.
Par jugement du 19.11.1999 cette juridiction a notamment condamné in solidum Jean-Pierre X..., la SARL PAILLET- LAUVINERIE et la CIE le GAN à leur payer 199.330 Francs outre 94.000 Francs pour préjudice de jouissance, la SARL PAILLET-LAUVINERIE devant en outre s'acquitter de 15.000 Francs pour défaut d'étanchéité des murs extérieurs.
Le 12.01.2000 J.P. X... a relevé appel de cette décision dans des conditions régulières tout comme le 13.01.2000, la SARL
PAILLET-LAUVINERIE et la Cie le GAN.
Indiquant que si dans le cadre du contrat du 26.10.1990 il devait s'assurer régulièrement de la bonne réalisation des travaux dans les délais et en conformité avec les documents officiels, J.P. X... indique qu'il ne pouvait être présent en permanence sur le chantier et estime que la SARL PAILLET-LAUVINERIE est la seule responsable des malfaçons. Il demande à la Cour de déclarer l'entrepreneur entièrement responsable des désordres constatés, sa mise hors de cause et la condamnation de la SARL PAILLET-LAUVINERIE à lui payer 5.000 Francs pour frais irrépétibles.
La Cie GAN-ASSURANCES et la SARL PAILLET-LAUVINERIE contestent que les dommages affectant l'immeuble en cause entrent dans le cadre de l'application de la garantie décennale estimant que les désordres constatés n'altèrent pas sa solidité de l'immeuble et ne le rendent pas impropre à sa destination. Ils en déduisent l'absence de préjudice de jouissance.
Ils poursuivent ainsi la réformation du jugement, la constatation que seuls les désordres affectant les canalisations sanitaires relèvent de la garantie décennale, proposent le règlement de 10.000 Francs à ce titre, le débouté des époux Y... de leur demande de nouvelle expertise et leur condamnation aux entiers dépens.
Les époux Y... considèrent que le défaut de compactage des remblais par l'entreprise PAILLET-LAUVINERIE constitue un défaut d'exécution ayant entraîné l'affaissement du sol intérieur par partie et de la terrasse extérieure, qui générant des désordes dans toutes les pièces entrant de par ce fait dans le cadre de la garantie décennale;
Rappelant les termes du contrat du 26.10.1990 ils estiment que la mission de direction et de coordination du B... d'oeuvre recoupe la conception et la surveillance des travaux et réalise une mission complète de maîtrise d'oeuvre; ils insistent par ailleurs sur leur préjudice de jouissance accentué par l'ancienneté des désordres;
Ils sollicitent à titre principal, la confirmation du jugement entrepris et l'indexation des condamnations sur l'indice du coût de la construction en vigueur à la date de l'expertise judiciaire jusqu'à la date de l'arrêt puis sur les intérêts aux taux légal; subsidiairement ils poursuivent la condamnation in solidum des appelants sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à défaut l'organisation d'un complément d'expertise pour déterminer l'aggravation des désordres, enfin, 20.000 Francs à titre de frais irrépétibles. LES MOTIFS DE LA DECISION
Vu les prétentions et moyens des parties exposés dans leurs conclusions respectives auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé;
Vu le rapport d'expertise judiciaire en ses développements et conclusions; - Sur l'application de la garantie décennale :
Attendu qu'aux termes de l'article 1792 du Code civil tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l'ouvrage même des dommages résultant d'un vice du sol qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou l'affectent dans l'un de ses éléments constitutifs ou d'équipement le rendant impropre à sa destination ;
Attendu qu'en l'espèce l'expert judiciaire a constaté
- un affaissement des sols intérieurs ( chambre sud-ouest, salle de bains et bureau) en extérieur ( terrasse) de l'immeuble en cause ayant pour origine un tassement du remblai sur lequel repose l'ouvrage dû à une absence de compactage,
- une fissuration des cloisons dans la chambre et la salle de bains, consécutive à l'affaisement ci-dessus,
- l'absence d'étanchéité des canalisations en pression,
- un défaut d'étanchéité des crépis extérieurs provenant de la mise en oeuvre des matériaux,
- des appuis de fenêtres non conformes,
Qu'il a conclu que seul le désordre concernant l'étanchéité des canalisations en pression rendait l'immeuble impropre à sa destination au contraire de ceux induits par l'affaissement des sols dont il a toutefois constaté l'évolution et de ceux affectant les appuis de fenêtres et le défaut des appuis extérieurs, tous deux étant visibles à la réception et ce dernier étant porté sur le Procès-Verbal de réception ;
Attendu toutefois que les conclusions d'un expert n'ont que valeur indicative vis à vis des juges du fond qu'elles ne lient pas;
Qu'en l'espèce le rapport judiciaire dont s'agit est loin d'être
exempt d'ambiguité; qu'en effet l'on comprend mal comment l'affaissement des sols intérieurs et extérieurs d'un immeuble qui par nature affectent sa solidité pourraient ne pas le rendre impropre à sa destination alors même qu'il contribue à sa dislocation toujours en progression;
Qu'à l'évidence la nature des travaux préconisés par l'expert ( rebouchage des cloisons, fa'ence, dépose et repose du parquet de la chambre S.O, démolition complète de la terrasse) qui n'hésite pas en page 9 de son rapport à engager Monsieur et Mme Y... à mettre en place la solution assurant la pérennité de l'ouvrage, constituent des éléments allant dans le sens de la constatation précédente;
Attendu par ailleurs qu'ayant observé que les appuis de fenêtres n'étaient pas conformes, l'expert a constaté le caractère inéluctable de leur évolution rendant l'immeuble impropre à sa destination; que cette progression négative étant certaine ces désordres entrent dans la catégorie de ceux visés par l'article 1792 du Code civil, tout comme ceux consécutifs au défaut d'étanchéité des crépis des murs extérieurs tant du garage comme constaté, que de la maison elle-même l'expert soulignant que les éléments d'infiltration mentionnés étant identiques à ceux du garage le phénomène d'infiltration ne pouvant que l'être également;
Qu'il résulte ainsi de l'ensemble des constatations qui précèdent que les désordres constatés par le mandataire judiciaire consécutifs aux fautes de conception l'entreprise PAILLET-LAUVINERIE, dont la responsabilité est ainsi retenue s'inscrivent dans le champ d'application de la garantie décennale; - Sur la responsabilité du B... d'oeuvre :
Attendu qu'aux termes du contrat de maîtrise d'oeuvre du 26.10.1990 J.P. X... avait pour mission de diriger et coordonner les travaux de construction de l'immeuble des époux Y...;
Que toute mission de direction a pour corollaire l'obligation de contrôler la bonne réalisation des prestations qu'elle recouvre;
Que pour ce faire, si la présence constante du maître d'oeuvre sur le chantier dont s'agit n'était pas requise, elle devenait indispensable, nécessaire et obligatoire car liée à la bonne exécution de son contrat, lors de la réalisation des phases essentielles de la construction dans lesquelles entrent l'exécution de remblais et dallages décrits comme particulièrement délicats par l'expert judiciaire qui ajoutent qu'elles sont à éviter sur les sols en pente le coulage des fondations et la vérification du bon compactage préalable des remblais, pour affecter la solidité de l'immeuble; que J.P. X... s'étant abstenu d'être présent sur les lieux en cette occasion a failli à sa mission; qu'ainsi sa responsabilité in solidum avec l'entreprise PAILLET-LAUVINERIE ne peut qu'être constatée;
Attendu par ailleurs que le premier juge a chiffré à 199.330 Francs le coût de la réparation des désordres principaux et secondaires résultant de l'affaissement des sols et la remise en état des appuis de fenêtres non conformes; que si cette somme doit être retenue ou reposant sur des données objectives que la Cour adopte , il convient de lui ajouter celle de 15.000 Francs pour réparation des dommages dus à la mauvaise étanchéité des crépis extérieurs qui ne peuvent être qualifiés de dommages intermédiaires;
Qu'ainsi J.P. X..., l'entreprise PAILLET-LAUVINERIE prise en la personne de son représentant légal et la Cie le GAN seront condamnés in solidum à payer aux époux Y... la somme de 214330 Francs au titre des désordres immobiliers; - Sur le préjudice de jouissance :
Attendu qu'il est indéniable que par leur importance et leur diversité les désordres immobiliers observés sur la villa en cause ont empêché les époux Y... de profiter de leur réalisation immobilière; que ce constat non seulement perdure depuis environ 10 ans mais est appelé à se prolonger pendant le temps nécessaire à la mise en état conforme de l'ouvrage pour le rendre compatible avec sa destination;
Qu'il s'ensuit que la demande de dommages-intérêts telle que formulée par les époux Y... est fondée tant en son principe que dans le quantum retenu par le Tribunal;
Que J.P. X..., l'entreprise PAILLET-LAUVINERIE et la Cie le GAN seront condamnés in solidum à payer à Monsieur et Madame Y... 94.000 Francs sur ce chef de préjudice;
Attendu enfin que si la demande de J.P. X... au bénéfice de frais irrépétibles ne saurait être accueillie, il est équitable de condamner J. P. X..., la SARL PAILLET-LAUVINERIE et le GAN à payer aux époux Y... la somme de 15.000 Francs à ce titre; PAR CES MOTIFS LA COUR
Statuant publiquement et après en avoir délibéré conformément à la Loi par arrêt contradictoire,
Déclare Jean-Pierre X... et l'entreprise PAILLET-LAUVINERIE prise en la personne de son représentant légal responsables des désordres immobiliers constatés sur l'immeuble des époux Y...;
Confirme la décision déférée ayant condamné in solidum Jean-Pierre X..., la SARL PAILLET-LAUVINERIE et la Compagnie GAN ASSURANCES à payer aux époux Y... les sommes de 199.330 Francs ( cent quatre vingt dix neuf mille trois cent trente Francs)(soit 30 387,66 Euros) et celle de 94.000 Francs( quatre vingt quatorze mille Francs)(soit 14 330,21 Euros);
Réformant sur la condamnation de la SARL PAILLET-LAUVINERIE à payer 15.000 Francs (quinze mille Francs)(soit 2 286,74 Euros) et statuant à nouveau,
Condamne in solidum Jean-Pierre X..., la SARL PAILLET-LAUVINERIE et la Compagnie GAN ASSURANCES à payer aux époux Y... la somme de 15.000 Francs au titre des défauts d'étanchéité des murs extérieurs, Déboute Jean-Pierre X... de sa demande portant octroi de frais irrépétibles,
Condamne Jean-Pierre X..., la SARL PAILLET-LAUVINERIE et la Compagnie GAN ASSURANCES à payer aux époux Y... la somme de 15.000 Francs en application de l'article 700 du N.C.P.C., outre aux dépens d'appel dont distraction au profit de B... VIMONT, avoué, selon les modalités de l'article 699 dudit code. LA GREFFIER LE PRESIDENT M. FOUYSSAC A. MILHET