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14/11/2001 | FRANCE | N°99/01744

France | France, Cour d'appel d'agen, 14 novembre 2001, 99/01744


DU 14 Novembre 2001 ------------------------- M.F.B

Sophie, Lucie Denise D... C/ Annie SAUVAGE , Aline C... veuve A... E... N : 99/01744 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du quatorze Novembre deux mille un, par Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :

Madame Sophie, Lucie Denise D... née le 16 Février 1964 à VILLENEUVE SAINT GEORGES Demeurant Gare de Bouglon 47250 BOUGLON représentée par Me Jacques VIMONT, avoué assistée de Me Anne Y..., avocat APPELANTE d'un jugem

ent du Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 21 Mai 1999 D...

DU 14 Novembre 2001 ------------------------- M.F.B

Sophie, Lucie Denise D... C/ Annie SAUVAGE , Aline C... veuve A... E... N : 99/01744 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du quatorze Novembre deux mille un, par Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :

Madame Sophie, Lucie Denise D... née le 16 Février 1964 à VILLENEUVE SAINT GEORGES Demeurant Gare de Bouglon 47250 BOUGLON représentée par Me Jacques VIMONT, avoué assistée de Me Anne Y..., avocat APPELANTE d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 21 Mai 1999 D'une part, ET : Madame Annie SAUVAGE prise en qualité de tuteur de madame Aline A... née C... Demeurant ... LES EAUX Madame Aline C... veuve A... née le 04 Décembre 1920 à NERAC (47600) Demeurant Maison de retraite 47700 CASTELJALOUX représentées par Me Jean Michel BURG, avoué assistées de Me Nathalie F..., avocat INTIMEES D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 10 Octobre 2001, devant Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, Messieurs CERTNER et COMBES, Conseillers, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffier, Monsieur de Z... de LABROUSSE, Auditeur ayant participé au délibéré avec voix consultative et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. Statuant sur l'appel dont la régularité n'est pas contestée, interjeté par Madame D... d'un jugement en date du 21 mai 1999 par lequel le tribunal de grande instance de Marmande l'a condamnée à payer à Madame Aline C... représentée par Madame SAUVAGE la

somme de 49.854,20 francs avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 1998 et celle de 4.000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que les faits de la cause ont été exactement relatés par les premiers juges en des énonciations auxquelles la cour se réfère expressément et qu'il suffit de rappeler que reprochant à Madame D... d'avoir profité de la détresse de sa grand-mère, Madame C..., atteinte de la maladie d'Alzheimer, pour prélever des sommes considérables sur le compte alimenté par la retraite de l'intéressée mais également pour obtenir un virement de compte à compte d'un montant de 30.000 francs et pour conserver le véhicule automobile qui appartenait à son a'eule, Madame SAUVAGE, agissant en sa qualité de gérant de la tutelle de Madame C..., l'a faite assigner en paiement de la somme de 27.700 francs au titre des prélèvements personnels, en restitution de la somme de 30.000 francs au titre du virement annulé et en restitution du véhicule automobile ;

Attendu que le Tribunal a fait droit à cette demande à hauteur de 49.854,20 francs, soit 19.854,20 francs au titre des prélèvements personnels et 30.000 francs au titre du virement annulé ; que pour le surplus il a donné acte à la défenderesse de ce qu'elle déclarait tenir à la disposition de sa grand-mère le véhicule automobile lui appartenant ;

Attendu que l'appelante fait grief au premier juge de s'être ainsi prononcé alors pourtant

- qu'elle avait quitté Toulon où elle résidait avec son concubin et ses trois enfants pour venir s'installer dans le Lot-et-Garonne lorsque sa grand-mère, en 1995, s'était retrouvée seule et dépressive à la suite du décès de son mari ;

- qu'en contrepartie sa grand-mère l'avait aidée à faire face aux frais de déménagement et aux frais inhérents à la location d'une maison à Casteljaloux, et à son aménagement ;

- que pendant l'été 1995 Madame C... avait donc emménagé dans la maison que sa petite fille avait louée et dans laquelle lui avait été aménagée une partie privative ;

- que son état de santé s'était rapidement dégradé et qu'elle avait elle-même demandé son placement à la maison de retraite de Casteljaloux ; qu'elle avait été placée sous tutelle et que le 26 mars 1997 le juge des tutelles avait désigné sa fille Madame SAUVAGE en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de ses biens ;

- que Madame SAUVAGE ne démontrait pas que pendant l'été 1995 sa mère présentait une altération continue de ses facultés mentales, la rendant inconsciente de ses actes ;

- que le Tribunal avait retenu à cet égard un certificat d'un

psychiatre daté du 7 juin 1995 faisant état d'une démence sénile altérant les facultés mentales de la malade, mais que les constatations de ce praticien étaient insuffisantes pour établir l'existence d'un trouble mental continu et par conséquent le défaut de consentement de Madame C... chaque fois qu'un retrait avait été effectué sur son compte par sa petite-fille;

- que l'article 489 alinéa 1er du Code civil ne pourrait trouver application que s'il était démontré que pendant l'été 1995 la volonté de Madame était viciée d'une façon telle qu'elle n'était pas en état de comprendre et de vouloir la situation dans laquelle sa petite-fille l'avait placée ;

- que la présomption d'altération mentale habituelle n'existait que pour le seul majeur protégé et qu'il appartenait par conséquent à Madame SAUVAGE d'apporter la preuve de l'absence de volonté consciente au moment des actes incriminés notamment le 28 juin 1995 date du virement de compte à compte ;

- que le rapport de l'APTIM, gérant de tutelle du 24 janvier 1996 au 26 mars 1997 révélait que pendant l'année 1995 Madame C... était le plus souvent lucide;

- que c'était en parfaite connaissance de cause qu'elle avait fait le choix de rester à Casteljaloux et de participer aux frais d'installation de sa petite-fille dans cette localité ; qu'elle était

consciente des sacrifices que consentait l'appelante en quittant le Var ( difficultés à retrouver un emploi, salaire réduit) et qu'elle avait spontanément proposé son aide matérielle ;

- que la somme totale de 27.700 francs ne constituait donc pas des détournements au profit de la petite-fille mais un effort volontairement consenti par la grand-mère ; qu'il n'y avait pas lieu de distinguer comme l'avait fait le Tribunal entre les dépenses antérieures au mois d'octobre 1995, date du placement en maison de retraite, et les dépenses postérieures ; que les retraits d'espèces effectués postérieurement à ce placement étaient destinées à redresser la situation financière de l'appelante et celle de son concubin ;

- qu'en jugeant que Madame C... n'était pas saine d'esprit lorsqu'elle avait donné procuration à sa petite-fille et que pour les mêmes raisons le virement de compte à compte de 30.000 francs du 28 juin 1995 devrait être annulé le tribunal n'avait pas recherché si le comportement de l'intéressée à cette période avait révélé un déséquilibre mental;

- qu'en réalité le virement correspondait au remboursement des frais de déménagement ;

- que d'une manière générale si des détournements avaient été commis, le premier gérant de tutelle n'aurait pas manqué de demander

restitution des sommes détournées dès sa prise de fonctions en janvier 1996 ;

qu'elle demande en conséquence à la Cour de réformer la décision déférée, sauf en ce qu'elle lui a donné acte de son offre de restituer le véhicule automobile, et de la condamner aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que Madame SAUVAGE ès qualités , intimée, conclut au contraire à la confirmation pure et simple de la décision dont appel et à la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 susvisé du nouveau Code de procédure civile ;

SUR QUOI

Attendu que l'affection dont est atteinte Madame GUINEBAULT A... altère d'une façon irréversible ses fonctions cérébrales et que dès le 7 juin 1995 le docteur X... commis par le Tribunal d'instance de Marmande avant l'ouverture le cas échéant d'une tutelle a conclu à l'existence d'une démence sérieuse altérant les facultés mentales de la malade et rendant indispensable sa représentation d'une manière continue dans les actes de la vie civile ;

que le juge des tutelles n'a certes prononcé l'ouverture de la tutelle que plus de six mois plus tard, soit le 24 janvier 1996 en raison de vacances du poste de juge des tutelles au Tribunal d'instance de Marmande pour cause de congé maternité mais que Madame C... à cette date avait déjà perdu la raison depuis plusieurs mois ;

que c'est durant cette période que l'appelante a décidé de quitter Toulon pour s'installer avec sa grand-mère, obligeant cette dernière à prendre un logement plus vaste jusqu'à sa prise en charge dans une maison de retraite ; que c'est également durant cette période qu'elle a utilisé les revenus de la retraite de Madame C... ;

que compte tenu des effets de la maladie d'Alzheimer dont, en l'espèce, l'origine est antérieure aux actes attaqués, la permanence des troubles ne peut pas être mise en doute; que dès lors c'est à la partie adverse qu'il appartient de rapporter la preuve d'un intervalle lucide au moment de l'acte ;

que contrairement à ce qu'affirme Madame D... la présomption d'insanité d'esprit tirée de l'article 489 du Code civil en cas de confusion mentale dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure aux actes litigieux s'applique dans tous les cas, y compris lorsque le malade n'est pas un majeur protégé; que l'article 489 est autonome par rapport au régime de protection des incapables majeurs et que peu importe que la mesure de protection ait été prise après les actes incriminés ;

que la référence faite par Madame D... au rapport déposé par le premier gérant de tutelle est sans intérêt dès lors qu'il n'avait qu'un rôle de gestion financière des biens de la personne en tutelle et qu'il n'entrait pas dans sa compétence de se prononcer sur l'état de santé de la personne protégée ; que ses conclusions ne sauraient faire échec à celles du Dr X...;

que de même les attestations produites par l'appelante émanent toutes de personnes qui sont ses amis et ne sauraient suffire à démontrer que sa grand mère était dans un intervalle lucide au moment de chacun des actes en litige ;

que l'un de ces témoignages, à savoir celui de Madame B..., se retourne d'ailleurs contre elle puisqu'il en résulte que c'est lorsqu'elle a appris la confusion mentale de sa grand-mère qu'elle a pris la décision d'habiter avec elle et que c'est elle qui, contrairement à ce qu'elle prétend, a pris la décision de placer sa grand-mère en maison de retraite ;

Attendu qu'il convient par conséquent de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Attendu que l'appelante qui succombe en toutes ses prétentions doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à l'intimée la somme de 5000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; PAR CES MOTIFS LA COUR

En la forme, reçoit l'appel jugé régulier,

Mais au fond, le rejette,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Et, y ajoutant,

Condamne Madame D... aux dépens d'appel et autorise Maître BURG, avoué, à recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante ;

La condamne en outre à payer à Madame SAUVAGE es qualités la somme de 5000 F(cinq mille Francs)(soit 762,25 Euros) par application de l'article 700 modifié du nouveau Code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande contraire ou plus ample des parties.

Le président et le greffier ont signé la minute de l'arrêt. LE GREFFIER LE PRESIDENT M. FOUYSSAC M. LEBREUIL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 99/01744
Date de la décision : 14/11/2001

Analyses

MAJEUR PROTEGE - Dispositions générales - Insanité d'esprit - Nullité de l'acte - Domaine d'application

La présomption d'insanité d'esprit tirée de l'article 489 du Code civil en cas de confusion mentale dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure aux actes litigieux s'applique dans tous les cas, y compris lorsque le malade n'est pas un majeur protégé. En effet, l'article 489 du Code civil est autonome par rapport au régime de protection des incapables majeurs et peu importe que la mesure de protection ait été prise après les actes incriminés. Tel est le cas en l'espèce puique, compte tenu des effets de la maladie d'Alzheimer dont l'origine est antérieure aux actes attaqués, la perma- nence de troubles ne peut être mise en doute. Dès lors, c'est à la partie adver- se qu'il appartient de rapporter la preuve d'un intervalle de lucidité au moment de l'acte


Références :

Article 489 du Code civil

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bonnet - Rapporteur : M. Fauquenot

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2001-11-14;99.01744 ?
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