DU 14 Novembre 2001 ------------------------- M.F.B
Maurice X..., Christiane Y... épouse X... Z.../ LA DIRECTION DES SERVICES FISCAUX DE LOT ET GARONNE RG N : 00/00304 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du quatorze Novembre deux mille un, par Monsieur CERTNER, Conseiller. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Maurice X... né le 21 Juin 1945 à PORT SAINTE MARIE (47130) Madame Christiane Y... épouse X... née le 12 Décembre 1946 à MONTARGIS (45200) Demeurant ensemble Route de Bordeaux 47230 BARBASTE représentés par Me TANDONNET, avoué assistés de la SCP RMC etamp; ASSOCIES, avocats APPELANTS d'un jugement du Tribunal de Grande Instance AGEN en date du 11 Janvier 2000 D'une part, ET : LA DIRECTION DES SERVICES FISCAUX DE LOT ET GARONNE prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège 108 BD CARNOT 47916 AGEN CEDEX représenté par Me Jean Michel BURG, avoué INTIMEE D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 10 Octobre 2001, devant Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, Messieurs CERTNER et COMBES, Conseillers, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffier, Monsieur de COULON de LABROUSSE, Auditeur de justice ayant participé au délibéré avec voix consultative et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
EXPOSE DU LITIGE
Dans des conditions de régularité de forme et de délai non discutées, Maurice et Christiane X... ont interjeté appel d'un Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN le 11/01/2000 ayant
entièrement rejeté leurs prétentions après avoir retenu d'une part que la prescription abrégée de l'art. L. 180 du Livre des Procédures Fiscales ne trouvait pas à s'appliquer au cas d'espèce et qu'il fallait au contraire retenir la prescription de 10 ans de l'art. L. 186 de ce même Livre et que d'autre part le caractère fictif de l'opération litigieuse faute d'aléa et de contrepartie à la vente consentie par Alexis CHOLLET, lequel a accepté de convertir le prix en diverses charges en nature;
Les faits de la cause ont été relatés par le premier Juge en des énonciations auxquelles la Cour se réfère expressément;
Les appelants concluent à la réformation de la décision entreprise; ils demandent à la Cour de constater que l'action en reprise de l'Administration Fiscale est prescrite par application de l'art. L. 180 du Livre des Procédures Fiscales, le délai de trois ans à compter de la publication de la vente à la Conservation des Hypothèques, soit le 27/05/93, étant venu à expiration le 31/12/96; ils estiment que l'Administration Fiscale était, ce qu'elle a reconnu dans sa notification de redressement et ses écritures, parfaitement en mesure d'apprécier, au seul examen de l'acte litigieux, son caractère prétendûment fictif dicté par des préoccupations exclusivement fiscales;
Ils prétendent que l'acte présentait un caractère aléatoire, onéreux, dépourvu d'intention libérale au reste non prouvée chez Alexis CHOLLET et avait reçu exécution effective;
Ils réclament en conséquence que la reprise adverse soit déclarée infondée et que soit prononcée l'annulation de la décision de rejet prise par l'Administration Fiscale le 23/1198 ainsi que de l'avis de mise en recouvrement qui leur a été adressé le 29/05/98 sous le n 98 05 00160; ils demandent à être déchargés de l'imposition et des pénalités de retard prononcés contre eux et enfin sollicitent
l'allocation de la somme de 15.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;
De son côté, faisant siens les motifs du premier Juge, l'Administration Fiscale conclut à la confirmation du Jugement querellé;
Elle fait valoir que:
[* la prescription abrégée de l'art. L. 180 ne s'applique que lorsque l'écrit soumis à enregistrement révèle de manière complète l'exigibilité de certains droits omis et qu'à son seul examen, sans qu'il soit besoin de recourir à des recherches ultérieures, l'Administration soit à même de constater sans délai l'existence d'un fait juridique imposable,
*] c'est sur la base d'un faisceau de présomptions suffisamment précises, graves et concordantes que la procédure fondée sur l'art. L. 64 du L.P.F. a été intentée,
[* la presciption décennale de l'art. L. 186 du L.P.F. doit recevoir application car ces recherches ultérieures à la publication de l'acte étaient indispensables pour déterminer s'il s'agissait ou pas d'une donation déguisée,
*] le caractère fictif de la vente se déduit bien d'un faisceau de présomptions au regard:
1 ) du cédant, agé de 92 ans, hospitalisé 7 mois 1/2 après la signature de l'acte disputé puis décédé 4 mois plus tard, dont l'âge et l'état de santé privaient l'opération du moindre aléa,
2 ) des cessionnaires qui ont été les bénéficiaires d'un contrat d'assurance-vie souscrit par Alexis CHOLLET, ce qui démontre son
intention libérale à leur égard,
3 ) du contrat litigieux car la vente était sans contrepartie;
Elle estime que la démontration est faite du caractère fictif et des visées exclusivement fiscales du contrat de vente conclu le 03/04/93 dont le but consistait à transférer le patrimoine immobilier d'Alexis CHOLLET dans le patrimoine des appelants en franchise de droits de mutation à titre gratuit;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription
Il convient sur cette question d'ajouter ce qui suit aux motifs figurant dans la décision attaquée:
* la prescription abrégée de trois ans augmentés de l'année en cours de l'art. L. 180 du L.P.F. ne s'applique que lorsque l'écrit soumis à enregistrement révèle de manière complète l'exigibilité certaine des droits omis et qu'à sa seule lecture, l'Administration Fiscale se trouve ainsi à même de constater sans délai l'existence d'un fait générateur imposable,
* telle n'est pas l'hypothèse au cas d'espèce, le document présenté à la formalité de l'enregistrement ne révélant pas suffisamment et à lui seul l'exigibilité d'un droit mais nécessitant de recourir à des investigations ultérieures,
* dès lors que les conditions d'application du délai de l'article précité ne sont effectivement pas réunies, l'Administration Fiscale est en droit d'agir pendant dix ans à partir du fait générateur,
[* l'action engagée par cette dernière n'est donc nullement forclose; Les conséquences déduites des motifs des retenus par le premier Juge et de ceux qui précèdent étant exactes, il convient de confirmer la décision déférée quant à l'absence de prescription;
Sur le fond
Le premier Juge a procédé à une analyse minutieuse et complète des faits à l'origine du litige et des prétentions et moyens des parties; Cette analyse n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par Maurice et Christiane X... qui invoquent les mêmes arguments à l'appui des mêmes demandes qu'en première instance;
Or, il leur a été répondu en des attendus justes et bien fondés auxquels il n'y a guère à ajouter que ceci:
*] les sommes très régulièrement prélevées postérieurement à la conclusion de l'acte de vente par Alexis CHOLLET sur son compte en banque, de l'ordre de cinq à six mille francs par mois, démontrent qu'il s'agissait de retraits destinés à assumer les frais de son entretien courant, qui ne lui incombaient pas demeurant la clause de conversion du prix en diverses charges en nature qui n'ont, au mieux, qu'été partiellement remplies,
[* l'importance de ces prélévements, pour une personne de 92 ans auquel il devait conventionnellement être assuré l'essentiel de la couverture de ses besoins, et surtout leur fractionnement mensuel confirment cette opinion,
*] la domiciliation de ce dernier chez les appelants n'est intervenue qu'au moment de son hospitalisation, soit plusieurs mois après la
conclusion de l'acte de vente litigieux,
* le jour même de la conclusion de ce contrat, Alexis CHOLLET a souscrit un contrat d'assurance vie ayant pour bénéficiaires désignés Maurice et Christiane X... pour une somme de 170.000 francs,
* la concommitance de ces dates et la similitude d'identité des acquéreurs de l'immeuble et des bénéficiaires de l'assurance souscrite est particulièrement démonstrative de l'intention réelle motivant Alexis CHOLLET,
* les attestations produites par les appelants ne démontrent pas une présence permanente de ce dernier sous leur toit;
L'intimée, sur qui reposait la charge de la preuve de la fictivité de l'acte en cause, parvient par la méthode du faisceau d'indices précis, graves et concordants -ceux qui viennent d'être énoncés et ceux retenus par le premier Juge- à faire la preuve de l'intention libérale animant Alexis CHOLLET au moment de la conclusion de la vente litigieuse, laquelle présente les caractères d'une donation et permettait de parfaire la transmission de l'intégralité du patrimoine du donataire aux époux X... en franchise de tous droits de mutation à titre gratuit;
Il convient en conséquence, adoptant les motifs du premier Juge, de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions;
Les dépens d'appel doivent être mis à la charge de Maurice et Christiane X... qui succombent; PAR CES MOTIFS La COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la Loi,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Condamne Maurice et Christiane X... aux entiers dépens d'appel,
Autorise les Avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision. LE GREFFIER LE PRESIDENT M. FOUYSSAC M. LEBREUIL