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05/04/2000 | FRANCE | N°1998/00915

France | France, Cour d'appel d'agen, 05 avril 2000, 1998/00915


DU 5 Avril 2000 ------------------------- M.F.B

Epoux Joseph X..., C/ AXA COURTAGE RG N : 98/00915 - A R R E T N° 394 - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du cinq avril deux mille, par Monsieur LOUISET, Conseiller, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Joseph X... né le 07 Décembre 1927 à SAINT DENIS (93000) Madame Laure Y... épouse X... xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx à PANTECORUO (ITALIE) Demeurant ensemble xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx BIAS représentée par Me Jean Michel BURG, avoué assistée de Me Didier RUMMENS, avocat APPELA

NTS d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du...

DU 5 Avril 2000 ------------------------- M.F.B

Epoux Joseph X..., C/ AXA COURTAGE RG N : 98/00915 - A R R E T N° 394 - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du cinq avril deux mille, par Monsieur LOUISET, Conseiller, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Joseph X... né le 07 Décembre 1927 à SAINT DENIS (93000) Madame Laure Y... épouse X... xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx à PANTECORUO (ITALIE) Demeurant ensemble xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx BIAS représentée par Me Jean Michel BURG, avoué assistée de Me Didier RUMMENS, avocat APPELANTS d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 26 Mars 1998 D'une part, ET : S.A AXA COURTAGE venant aux droits de L'U.A.P.prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions, domicilié en cette qualité au siège 9, place Vendôme 75009 PARIS représentée par Me NARRAN, avoué assistée de Me Nicole TELLIER, avocat INTIMEE D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 24 Février 2000, devant Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, Monsieur LOUISET et Madame THIBAULT, Conseillers, assistés de Brigitte REGERT-CHAUVET, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

Attendu que les époux Joseph X... ont régulièrement relevé appel d'un jugement rendu le 26 mars 1998 par le Tribunal de grande instance d'Agen qui:

- a déclaré irrecevables les conclusions de la société UAP en date du 8 janvier 1998,

- les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- les a condamnés à verser à la société UAP la somme de 4.000 F sur

le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Attendu que les appelants demandent à la Cour de réformer le jugement entrepris et de condamner l'UAP à leur payer:

- la somme principale de 450.000 F avec intérêts au taux conventionnel de 17,10 % à compter du 1er novembre 1994 jusqu'au jour du parfait règlement,

- la somme de 20.000 F au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi que celle de 10.000 F au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Attendu que la SA AXA ASSURANCES VIE, venant aux droits et obligations de l'UAP VIE, prie la Cour:

- à titre principal, de débouter les époux Joseph X... de leur appel et de confirmer le jugement déféré,

- à titre subsidiaire, de prononcer le sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir devant la juridiction pénale en application de l'article 4 alinéa 2 du Code de procédure pénale,

- de condamner les époux Joseph X... à lui verser la somme de 10.000 F au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

SUR CE.

Attendu que, bien que se référant pour plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des fins et moyens des parties, aux énonciations du jugement dont appel et aux conclusions déposées, la Cour rappellera seulement que:

- le 5 juin 1990, les époux Joseph X... souscrivaient auprès de l'UAP, selon contrats établis par le biais de deux de ses agents, Roger BOUTOLLEAU et Christian BERNARD, douze bons d'une valeur nominale de 25.000 F chacun, soit pour une somme totale de 300.000 F,

- ces bons, régulièrement enregistrés par la société UAP, devaient faire l'objet de règlements d'intérêts à leurs échéances,

- selon les époux Joseph X..., le 27 juin 1990, ils s'étaient vu proposer par Roger BOUTOLLEAU d'effectuer auprès de la même compagnie et dans les mêmes conditions, un nouveau placement pour un montant de 50.000 F, somme qu'ils avaient remise par chèque CCP n° 889342021 audit BOUTOLLEAU, inspecteur de la société UAP,

- ce deuxième placement devait donner lieu au paiement des intérêts correspondant pour un montant de 2.000 F,

- selon les époux Joseph X..., dans le courant du mois de novembre 1990, Roger BOUTOLLEAU leur avait proposé de souscrire un " Plan Librépargne " offrant une rémunération d'intérêts au taux de 17,10 % avec pour soutien des probabilités et comptes-rendus de réalisations financières,

- selon les appelants, ils avaient alors accepté, en raison des précédents contrats conclus dans les mêmes conditions et normalement exécutés, de souscrire par les soins de ce même inspecteur un bon " Librépargne " pour un montant de 350.000 F, somme constituée au moyen de divers versements provenant: * d'un compte CCP (50.000 F + 70.000 F), * d'un Livret d'Epargne Postal (80.000 F), * et d'un Livret Crédit Mutuel (150.000 F), représentant l'ensemble de leurs économies, et, en exécution de cette souscription, BOUTOLLEAU, soit par chèque, soit par substitution de contrat, avait procédé effectivement et régulièrement au versement des intérêts trimestriellement exigibles,

- enfin, selon les époux Joseph X..., en novembre 1994, ils s'étaient vus proposer, toujours selon les mêmes modalités, la souscription du dernier bon " Librépargne " portant le n° L 608042 en date du 1er novembre 1994 pour un montant de 450.000 F comprenant la valeur du bon précédent et les intérêts capitalisés dus sur celui-ci, - n'ayant pu obtenir paiement des intérêts auprès de BOUTOLLEAU, les époux Joseph X... s'étaient alors tournés vers la compagnie UAP VIE,

- à la même époque, BOUTOLLEAU avait été licencié par cette dernière le 1er janvier 1995 pour faute lourde, puis mis en examen après une plainte déposée par la même compagnie auprès du procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Agen en date du 16 janvier 1995,

- la compagnie UAP VIE s'était constituée partie civile le 25 février 1995 dans la procédure d'information suivie contre BOUTOLLEAU,

- par acte d'huissier du 14 janvier 1997, les époux Joseph X... ont saisi le Tribunal de grande instance d'Agen aux fins de voir la compagnie UAP VIE condamnée à leur verser: * la somme de 450.000 F outre les intérêts au taux conventionnel de 17,10 % à compter du 1er novembre 1994 jusqu'au parfait paiement,

* la somme de 20.000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, * la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du NCPC; Sur la demande de sursis à statuer

Attendu que la société intimée, à l'appui de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision qui doit intervenir devant la juridiction pénale, fait essentiellement valoir que:

- en droit, une juridiction civile doit surseoir à statuer dès lors que la décision à intervenir sur l'action publique est susceptible d'influer sur celle qui sera rendue par la juridiction civile,

notamment lorsque la demande formulée devant cette dernière juridiction a pour fondement un motif de responsabilité délictuelle, - en fait, les époux X..., alors qu'ils n'ont jamais eu que BOUTOLLEAU comme interlocuteur dans le cadre du (ou des ä) prétendu(s) contrat(s) dont ils demandent le remboursement, ont soigneusement omis de l'attraire dans la cause,

- pourtant, seul celui-ci aurait pu donner des éclaircissements sur les relations qu'il a entretenues avec eux sur le(s) " contrat(s)" qu'il leur aurait fait signer et sur les montants exacts des différentes transactions (versements, retraits, perception d'intérêts) dont ils font aujourd'hui état,

- d'ailleurs, les appelants reconnaissent cette évidence en fondant leur action à l'encontre d'UAP VIE exclusivement sur l'attitude de BOUTOLLEAU et les manoeuvres frauduleuses les ayant amenés à lui remettre et/ou recevoir de lui différentes sommes d'argent, faits qui sont précisément l'objet de la procédure pénale en cours,

- en effet, l'action publique a été mise en mouvement et un juge d'instruction a été saisi des faits délictuels précis, aujourd'hui invoqués par les époux X... dans la présente instance civile, ce qu'ils reconnaissent d'ailleurs expressément en versant aux débats une convocation devant une brigade financière,

- de plus, les appelants ne justifiant dans la présente instance ni du cadre contractuel qu'ils invoquent aujourd'hui, ni d'éléments incontestables à l'appui du montant de 450.000 F qu'ils réclament, seule la juridiction pénale pourra établir les faits avec certitude, - enfin, il apparaît que les relations personnelles qu'avait nouées BOUTOLLEAU avec ses clients étaient particulièrement troubles, certains ayant même admis s'être vus consentir des contrats

d'assurance sans jamais verser la moindre somme,

- seule l'instruction pénale actuellement en cours pourra en conséquence démêler l'écheveau complexe tissé au fil du temps par BOUTOLLEAU et notamment pourra établir un compte des sommes effectivement déboursées par les appelants et celles qu'ils auraient reçues;

Attendu que les époux X... concluent au débouté de la société intimée de cette demande; qu'is soutiennent notamment que:

- ils ne sont pas partie à cette procédure pénale, qui leur est donc inopposable,

- en outre, si ladite société conclut par ailleurs au fond, c'est qu'elle estime que les éléments sont suffisants pour que la Cour puisse statuer et il n'existe aucune information qui manquerait à la Cour pour pouvoir statuer au vu des pièces et arguments qui lui sont présentés,

- de plus fort, la société AXA serait bien malvenue de dire qu'elle aurait subi un préjudice du fait de BOUTOLLEAU, si par ailleurs elle n'entend pas assumer les charges lui incombant en vertu du contrat de travail qu'elle avait signé avec celui-ci,

- si la société adverse possède une action à l'encontre de BOUTOLLEAU, c'est en raison de l'obligation qui appartient à la société AXA de rembourser les sommes encaissées pour son profit par BOUTOLLEAU, sinon elle n'aurait même pas déposé de plainte à l'encontre de ce dernier s'il s'était agi, pour lui, d'agir indépendamment de ses fonctions;

Attendu que sans réclamer pour son application la réunion d'une identité de cause et d'objet, l'aticle 4 alinéa 2 du Code de procédure pénale exige seulement que la décision à intervenir sur l'action publique soit susceptible d'influer sur celle qui doit être rendue par la juridiction civile;

Qu'il appartient à celui qui soulève l'exception de mettre le juge civil en état de vérifier dans quelle mesure cette influence pourrait s'exercer;

Attendu qu'en l'espèce la société AXA ne conteste pas le fait que son préposé ait agi de façon frauduleuse mais s'interroge simplement sur l'existence de relations particulières qu'il aurait entretenues avec les époux X...;

Qu'en sa qualité de partie civile ayant accès au dossier de l'information pénale ouverte en 1995, la société AXA n'articule cependant aucun fait précis permettant d'apprécier la pertinence de ce grief ni ne produit d'élément susceptible d'amener la Cour à considérer que des investigations ont eu lieu en ce sens, soit à la suite d'accusations que la compagnie d'assurance aurait portées à l'égard des époux X..., soit à la suite de déclarations faites par le mis en examen;

Qu'à fortiori elle ne soutient ni ne justifie que les époux X... aient fait l'objet d'une mise en examen ni au contraire qu'ils se soient constitués partie civile;

Qu'au demeurant, la décision pénale à venir n'est pas de nature, en l'état des éléments des éléments connus et échangés contradictoirement (contrats et propositions de contrat) ni d'ailleurs du visa de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, lequel n'impose pas la mise en cause du préposé, d'influer sur la décision civile;

Attendu, dans ces conditions, que l'exception sera rejetée; sur le fond

Attendu que les appelants font valoir que la société AXA doit les indemniser en application des dispositions de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, puisque leur salarié a agi en qualité de mandataire pour son profit; qu'à l'appui de leur demande, ils soutiennent en

particulier que:

- ils n'ont pu et ne pouvaient avoir quelques raisons de s'inquiéter de l'opération financière à laquelle ils se livraient à l'instigation de la personne avec laquelle jusqu'alors ils avaient déjà été amenés à souscrire leurs placements antérieurs avec bonheur et bénédiction de l'UAP,

- indubitablement, ils ne pouvaient avoir que la croyance légitime de contracter régulièrement avec une personne autorisée,

- ayant déjà traité à plusieurs reprises avec cet interlocuteur de la compagnie, assisté dans les premiers temps de l'Agent Général, ils ne sauraient leur être reproché de n'avoir pas fait preuve d'une méfiance particulière et subite pour cette réitération d'opération au simple motif d'un taux de rémunération qui n'avait au surplus aucun caractère anormal puisqu'il était inférieur aux maximum offerts,

- le Tribunal a négligé à tort la nature du rapport qui s'était nécessairement instauré entre eux et le préposé de l'UAP, lequel, ayant rang d'inspecteur, ne pouvait que conforter leur confiance dans une opération financière présentée pour le compte d'une compagnie renommée, - aucune faute, aucune imprudence a fortiori délibérée et consciente ne peut être en l'espèce retenue à leur charge pour exonérer la compagnie UAP de la faute prétendue de son commettant dont à aucun moment il ne pouvait être supposé qu'il agissait sans autorisation et hors de ses attributions en raison de ses interventions précédentes, - ce plan " Librépargne " a été souscrit dans les mêmes conditions et avec toutes les mêmes garanties de régularité (attribution d'un numéro pour chaque bon sur des documents internes à l'UAP) auparavant lors des opérations précédentes conclues directement entre eux, l'inspecteur BOUTOLLEAU et l'Agent Général BERNARD, - leur validité a été admise et les sommes correspondantes ont été versées par la compagnie UAP, - l'UAP doit assumer les

conséquences des agissements de celui qui agit pour son compte, - si la compagnie UAP a laissé se développer les actions délictueuses de son inspecteur comme le démontrent les nombreuses victimes concernées par des faits similaires, il demeure qu'eux-mêmes étaient fondés en leur action, - la compagnie UAP a laissé à la disposition de ses salariés et notamment de BOUTOLLEAU des formulaires numérotés sans se préoccuper de leur utilisation à bonne fin, - enfin, l'UAP, consciente de ses obligations, a reconnu ses obligations le 9 mars 1995 par une lettre adressée à ses clients;

Attendu qu'en réplique, la société intimée soutient que: - le fondement juridique des appelants n'est pas clairement énoncé, - sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, le commettant peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant que son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, - ces trois conditions sont cumulativement réunies dans la présente espèce, - de même, le commettant peut encore s'exonérer lorsque la " victime " a commis une faute ou, compte-tenu des circonstances, ne pouvait légitimement croire traiter avec le commettant, - en fait, les appelants ne rapportent pas la preuve du dommage par eux allégué, - en premier lieu, si les époux X... établissent avoir pu disposer d'une somme de 350.000 F en 1990, ils ne prouvent en aucune façon l'avoir remise à Roger BOUTOLLEAU, sinon pour 300.000 F dont on peut se demander s'ils n'ont pas été utilisés pour acquérir des bons de capitalisation tout-à-fait réguliers, - en second lieu, les époux X... reconnaissent avoir déjà perçu entre 1990 et 1994 des sommes en paiement de prétendus intérêts et précisent même que ces sommes s'élèveraient à près de 220.000 F versées en espèces, sauf pour 40.165 F en deux chèques personnels de Roger BOUTOLLEAU, - en troisième lieu, les appelants expliquent, que la différence entre les

350.000 F prétendument remis en 1990 à ce dernier et les 450.000 F apparaissant sur la proposition de souscription de 1994, serait le résultat des intérêts versés en espèces et ainsi réinvestis par eux, sans en rapporter la preuve, - enfin, les " retraits d'espèces " prétendument effectués puis réinvestis par les époux X... ne correspondent nullement à la proposition de souscription, ni quant au montant, ni quant aux dates, - Roger BOUTOLLEAU a agi hors de ses fonctions, - en effet, dans le cadre de ses fonctions d'inspecteur d'assurance, il n'avait pas mandat d'encaisser des sommes au nom de la compagnie UAP VIE, il n'était d'ailleurs pas autorisé à se faire ouvrir un compte professionnel, - les sommes éventuellement recueillies devaient en effet être immédiatement adressées à un Agent Général, seul habilité à ouvrir un compte, - pour s'en convaincre, il suffit de se reporter à sa lettre d'investiture, - de même, BOUTOLLEAU agissait à l'évidence hors de ses fonctions d'inspecteur d'assurance quand il proposait des " placements " à des taux d'intérêts net d'impôts pouvant aller jusqu'à 17 % l'an et versait effectivement lesdits intérêts, le plus souvent en espèces, garantie non prévue par les contrats litigieux, - c'est aussi en se plaçant hors de ses fonctions que BOUTOLLEAU proposait et se chargeait de " racheter " et de " replacer " des contrats de capitalisation, - Roger BOUTOLLEAU a agi sans autorisation, - en effet, elle ne l'a jamais autorisé à exercer des activités telles celles qui lui sont reprochées, - en outre, UAP VIE exigeait de lui qu'il consacre son activité exclusivement à l'accomplissement des missions confiées contractuellement, - il lui était interdit d'encaisser queques fonds que ce soit, de replacer des bons de capitalisation par suite de changement de porteur, - a fortiori, c'est sans son autorisation qu'il a exercé ses activités parallèles de banque occulte, activités qu'il a pris soin de cacher à sa hiérarchie, - lorsque ses

agissements ont eu pour conséquence le détournement de fonds de prétendues souscriptions, elle ne disposait d'aucun moyen de contrôle puisque, par définition, aucune pièce ne lui était retournée, - seuls les clients trompés par BOUTOLLEAU et par lui seul avaient la possibilité de la solliciter dans l'hypothèse où ils ne recevaient pas leurs contrats définitifs, - or, force est de constater que les époux X... entre 1990 et fin 1994 ne l'ont jamais contactée alors qu'ils ne détenaient qu'un formulaire de proposition de contrat, - il est incontestable qu'en exerçant ses activités de banque occulte ou encaissant des fonds sur son compte personnel et de façon générale en prenant des arrangements financiers avec " ses clients ", Roger BOUTOLLEAU a agi à des fins personnelles, totalement étrangères à ses attributions, - de plus, lors des entretiens préalables à son licenciement, BOUTOLLEAU a reconnu avoir détourné des fonds à son préjudice, ce qui caractérise le fait non seulement qu'il a agi à des fins totalement étrangères à ses attributions, mais surtout à des fins totalement contraires et nuisibles à elle-même, - l'ensemble de ces éléments démontre que sa responsabilité délictuelle ne peut être engagée à raison des agissements de BOUTOLLEAU, - pas plus, cette responsabilité ne pourrait être engagée sur le fondement du mandat apparent, lorsqu'il suffisait de quelques précautions élémentaires pour dissiper l'erreur ou lorsque la situation présentait des anomalies devant éveiller la suspicion;

Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés;

Attendu qu'en l'espèce, l'existence d'un lien de subordination entre Roger BOUTOLLEAU et la compagnie UAP VIE, au sein de laquelle il exerçait les fonctions d'inspecteur salarié, n'est pas contestée;

Attendu que, pour s'exonérer de cette responsabilité, la société appelante doit démontrer que son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé et à des fins étrangères à ses attributions;

Attendu, quant à la détermination desdites attributions, que les seuls contrats de travail versés aux débats par la société appelante sont d'une part un courrier de l'UAP VIE en date du 3 décembre 1969 nommant Roger BOUTOLLEAU aux fonctions de conseiller d'assurance stagiaire, d'autre part une lettre de la même compagnie en date du 5 septembre 1978 lui confiant à compter du 1er septembre 1978, en son actuelle qualité d'inspecteur 1er échelon, une mission et une responsabilité d'organisation, sa circonscription comprenant dans les départements du Lot et du Lot-et-Garonne celles des agences de Cahors St Cyr, Puy Leveque, Figeac Cele, St Céré Les Tours, Gourdon, Souillac Quercy, Villeneuve Palissy, Fumel Libos, Villeréal et Cancon;

Que ce dernier courrier précise en particulier: ... " Votre mission consistera essentiellement à assurer, en conformité des directives qui vous seront données par vos supérieurs hiérarchiques, l'organisation et le développement de la production Grande Branche, dans votre circonscription, pour le Réseau auquel vous êtes affecté. Vous devrez, selon ces directives, diriger, animer et contrôler les producteurs salariés (ou mandataires autres qu'Agents Généraux) placés sous votre autorité. Vous donnerez à ces producteurs toutes instructions utiles pour l'accomplissement de leur mission et vous vérifierez qu'ils respectent scrupuleusement les instructions de la Société. Suivant les objectifs, définis chaque année, vous serez chargé, en outre, de recruter et de former de nouveaux collaborateurs. Vous contrôlerez, d'autre part, l'activité des Agents Généraux qui pourraient être rattachés à votre circonscription. (...)

Vous pourrez éventuellement apporter votre concours à nos Agents Généraux pour la réalisation des affaires, dans les conditions précisées par l'annexe II à la présente lettre. (...) Vous aurez subsidiairement à surveiller la gestion comptable et administrative des Agents Généraux de votre circonscription et à vous assurer qu'ils observent exactement nos instructions. (...) Votre statut sera régi tant par la Convention Collective de Travail des Inspecteurs du Cadre des Sociétés d'Assurances en date du 5 juin 1967 "(...). ... Vous devrez remettre, dans les plus brefs délais, à la Société ou à ses représentants qualifiés, les fonds dont vous pourriez être détenteur pour le compte de celle-ci. (...) ... vous ne devrez jamais, sans autorisation préalable, de notre Direction : (...) recevoir des fonds (notamment des primes ou acomptes) pour le compte de la Société, autrement que contre remise régulière signée par un représentant de la Société."...;

Attendu que, dans ses conclusions devant le premier juge, la société UAP VIE a précisé que Roger BOUTOLLEAU était " Inspecteur Départemental 3ème échelon pour le département du Lot-et-Garonne "; qu'il s'ensuit que, lors des faits litigieux, BOUTOLLEAU avait nécessairement des attributions supérieures aux précédentes, même si la compagnie d'assurance n'a pas cru devoir les préciser;

Attendu enfin qu'il est constant que les époux X... ont remis le 5 juin 1990 à BOUTOLLEAU, en présence de Christian BERNARD, Agent Général à Montayral(47), la somme de 300.000 F lors de la souscription de 12 contrats de capitalisation, somme que la compagnie UAP VIE a encaissée sans contestation de sa part et pour laquelle elle a délivré les bons au porteur correspondants;

Attendu qu'il résulte ainsi des éléments soumis à la censure de la Cour que Roger BOUTOLLEAU avait parmi ses attributions celles consistant à démarcher la clientèle à domicile, à conclure les

contrats relatifs aux produits proposés par l'UAP et à percevoir les fonds correspondants à charge de les remettre à ladite société, de telle sorte qu'il ne s'est trouvé à aucun moment, lors de la conclusion des contrats passés par lui avec les époux X..., en dehors de ses fonctions;

Attendu, au surplus, sur le terrain de l'apparence, que c'est bien en sa qualité d'inspecteur départemental que Roger BOUTOLLEAU a pris contact avec les époux X..., qualité dont ces derniers ont pu se convaincre en présence de l'Agent Général BERNARD et à la vue de la possession par BOUTOLLEAU de formulaires numérotés à l'en-tête de la compagnie d'assurances;

Attendu qu'ayant reçu du siègede la compagnie UAP VIE les 12 bons au porteur souscrits le 5 juin 1990 et régularisés, puis ayant perçu les intérêts y afférents, les époux X... n'avaient pas de raison particulière de se méfier des propositions suivantes de Roger BOUTOLLEAU; qu'ils ont produit la copie de la demande de souscription n° 46051 de plan Libreinvestissement UAP pour un montant de 50.000 F qu'ils ont signée le 27 juin 1990, document dans lequel Roger BOUTOLLEAU a signé le reçu de ladite somme correspondant à la demande de souscription, sous la rubrique " signature du représentant de la société " ; que l'exécution des conventions par le versement des intérêts a été de nature à les conforter dans la croyance que la compagnie UAP VIE était valablement engagée par l'ensemble des conventions conclues par l'intermédiaire de son représentant;

Attendu que, pour justifier de la destination des fonds remis à BOUTOLLEAU postérieurement au 5 juin 1990 , les époux X... ont produit la copie de deux chèques de la Poste tirés sur le compte dont ils étaient titulaires:

- l'un d'un montant de 50.000 F, daté du 27 juin 1990, - l'autre d'un montant de 70.000 F, daté du 17 novembre 1990, tous deux libellés à l'ordre de " Mr BOUTOLLEAU UAP ", élément

confirmant que les sommes n'étaient pas destinées à BOUTOLLEAU dans le cadre de relations indépendantes de ses fonctions professionnelles au sein de l'UAP VIE, mais bien à BOUTOLLEAU, mandataire de ladite compagnie;

Attendu en outre que les époux X... justifient de retraits de sommes d'argent correspondant aux autres sommes qu'ils prétendent avoir versées en espèces audit BOUTOLLEAU;

Attendu qu'il n'est pas démontré ni même allégué qu'ils avaient des connaissances juridiques ou financières particulières en matière de contrats de capitalisation;

Attendu que leur bonne foi ne peut être remise en cause ni par le versement d'intérêts en espèces alors qu'il est démontré qu'il s'agissait d'une pratique courante dont la presse avait eu l'occasion de se faire l'écho, ni par le taux d'intérêt de 17,10 % prévu et effectivement pratiqué par BOUTOLLEAU, alors que les documents publicitaires de la compagnie UAP communiqués par les époux X... vantaient des taux élevés, tels en 1991 un taux de rendement global moyen de 14,73 % sur 7 ans pour le contrat Libreinvestissement ou des performances du 16 novembre 1992 au 31 août 1993 de + 26,4 % pour les Sicav UAP Indice France ou de + 34,9 % pour les Sicav UAP Aedificandi ou de 17,9 % pour les Sicav UAP Alto;

Attendu que la proposition de souscription d'un bon " Librépargne " portant le n° L 608042 Q établie et signée le 1er novembre 1994 par les époux X... et par BOUTOLLEAU atteste du versement par lesdits époux de la somme de 450.000 F représentant le montant du bon de souscription;

Attendu qu'en détournant ladite somme qui lui avait été ainsi remise dans l'exercice de ses fonctions, BOUTOLLEAU ne s'est pas placé hors de celles-ci; qu'il a, au contraire, trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute;

Que, dès lors, le document susvisé justifie de la créance des époux X... sur l'UAP VIE, responsable des agissements de son salarié; Attendu qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement dont appel et de condamner la société AXA à rembourser aux époux X... la somme de 450.000 F correspondant à la demande de souscription du 1er novembre 1994;

Attendu que les époux X... sollicitent en outre la condamnation de la société appelante au paiement des intérêts au taux conventionnel de 17,10 % à compter du 1er novembre 1994 jusqu'au jour du parfait paiement;

Mais attendu que la proposition de souscription du 1er novembre 1994 ne prévoit pas le versementx conventionnel de 17,10 % à compter du 1er novembre 1994 jusqu'au jour du parfait paiement;

Mais attendu que la proposition de souscription du 1er novembre 1994 ne prévoit pas le versement d'intérêts conventionnels;

Attendu qu'aux termes de l'article 1153-1 du Code civil, le retard dans l'exécution de l'obligation entraîne condamnation avec intérêts au taux légal;

Attendu qu'il convient de fixer le point de départ desdits intérêts à compter du 11 mai 1995, date à laquelle l'UAP a reconnu par écrit avoir reçu des époux X... les pièces relatives à la proposition de souscription du bon litigieux portant sur la somme de 450.000 F;

Attendu qu'après avoir assuré les époux X... qu'elle assumerait les responsabilités découlant des actes de son salarié, l'UAP a refusé de prendre en charge le règlement de ladite somme;

Qu'elle a ainsi amené lesdits époux à multiplier les courriers et démarches, puis à intenter la présente action en justice;

Que, par cete résistance, l'UAP a ainsi occasionné aux époux X... un préjudice qui sera réparé par l'octroi de la somme de

5.000 F à titre de dommages-intérêts;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des époux X... la totalité des frais et honoraires non compris dans les dépens qu'ils ont pu être amenés à exposer dans le cadre de la présente procédure;

Qu'il y a lieu de leur accorder la somme de 10.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens; PAR CES MOTIFS LA COUR Reçoit en leur appel les époux X..., Déboute la société AXA ASSURANCES VIE de sa demande de sursis à statuer, Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Condamne la société AXA ASSURANCES VIE à payer aux époux X...: - la somme principale de 450.000 F, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 1995, - la somme de 5.000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, - la somme de 10.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la société AXA ASSURANCES VIE aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, avec la possibilité pour Maître BURG, Avoué à la Cour, de recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Ainsi fait et jugé les jour, mois et an susdits. LE GREFFIER

Vu l'article 456 du Nouveau

Code de Procèdure Civile,

signé par Mr LOUISET,

Conseiller, en remplacement

du Président empêché,

B. REGERT-CHAUVET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 1998/00915
Date de la décision : 05/04/2000

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Commettant-préposé - Lien entre la faute du préposé et ses fonctions - Abus de fonctions - Acte non indépendant du rapport de préposition - Préposé ayant agi dans le cadre de ses fonctions

En vertu des dispositions de l'article 1384 alinéa 5 du Code Civil, "les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés". En l'espèce, l'existence d'un lien de subordination entre Roger B. et la compagnie UAP VIE, au sein de laquelle il exerçait les fonctions d'inspecteur salarié, n'est pas contestée. Pour s'exonérer de sa responsabilité, la société appelante doit démontrer que son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé et à des fins étrangères à ses attributions. Il résulte des éléments soumis à la censure de la Cour que le salarié avait parmi ses attributions celles consistant à démarcher la clientèle à domicile, à conclure les contrats relatifs aux produits proposés par l'UAP et à percevoir les fonds correspondants à charge de les remettre à ladite société, de telle sorte qu'il ne s'est trouvé à aucun moment, lors de la conclusion des contrats passés par lui avec les appelants, en-dehors de ses fonctions. De plus, sur le terrain de l'apparence, c'est bien en sa qualité d'inspecteur départemental que Roger B. a pris contact avec les appelants, qualité dont ces derniers ont pu se convaincre en la présence de l'agent général B. et à la vue de la possession par l'inspecteur de formulaires numérotés à l'en-tête de la compagnie d'assurances


Références :

Code civil, article 1384 alinéa 5

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2000-04-05;1998.00915 ?
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