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09/02/2000 | FRANCE | N°1997/00920

France | France, Cour d'appel d'agen, 09 février 2000, 1997/00920


DU 09 Février 2000 ------------------------- M.F.B.

Ginette X... C/ CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL LOT ET GARONNE, PREDICA COMPAGNIE D'ASSURANCES, Hermes Y... RG N : 97/00920 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du neuf Février deux mille, par Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Ginette X... née le 30 Août 1945 à CANCON 47 Demeurant 1, rue d'Alembert 47000 AGEN représentée par Me Jean Michel BURG, avoué assistée de Me Didier RUMMENS, avocat APPELANT

E d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d' AGEN en date du 2...

DU 09 Février 2000 ------------------------- M.F.B.

Ginette X... C/ CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL LOT ET GARONNE, PREDICA COMPAGNIE D'ASSURANCES, Hermes Y... RG N : 97/00920 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du neuf Février deux mille, par Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Ginette X... née le 30 Août 1945 à CANCON 47 Demeurant 1, rue d'Alembert 47000 AGEN représentée par Me Jean Michel BURG, avoué assistée de Me Didier RUMMENS, avocat APPELANTE d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d' AGEN en date du 29 Avril 1997 D'une part, ET : CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL LOT ET GARONNE ayant son siège, Route d'Auch 47555 BOE prise en la personne de son représentant légal, actuellement en fonctions,domicilié en cette qualité audit siège. représentée par Me Philippe BRUNET, avoué assistée de Me O'KELLY, avocat PREDICA COMPAGNIE D'ASSURANCES,ayant son siège : 91-93, Boulevard Pasteur 75015 PARIS prise en la personne de son représentant légal, actuellement en fonctions, domicilié en cette qualité audit siège. représentée par Me TANDONNET, avoué assistée de Me Georges LURY, avocat Madame Hermes Y... née le 10 Mai 1926 à COLAYRAC SAINT CIRQ Demeurant 26, rue du Cros de Capeu 06000 NICE représentée par Me Solange TESTON, avoué assistée de Me Edouard MARTIAL, avocat.

INTIMEES D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 12 Janvier 2000, devant Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, Madame

GRIMAUD et Monsieur COMBES, Conseillers, assistés de Brigitte REGERT-CHAUVET, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. FAITS ET PROCEDURE

Nella DUPOUY, propriétaire depuis le 26 mai 1989 de dix bons au porteur "Prédicis" acquis auprès de la Caisse Régionale de CREDIT AGRICOLE du Lot, a formé opposition à leur paiement pour sept d'entre eux le 10 novembre 1992, veille de son décès.

Le 8 janvier 1993, Ginette X... qui a présenté au paiement cinq de ces sept bons s'en est vu refusé le paiement. Elle a alors contesté la validité de l'opposition devant le Tribunal de Grande Instance d'Agen sollicitant la condamnation de la banque au paiement du principal et des intérêts contractuels, laquelle a appelé en cause la S.A. PREDICA émettrice des titres. Hermes Y..., légataire universelle de Nella DUPOUY est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement rendu le 29 avril 1997 le Tribunal de Grande Instance d'Agen a rejeté les demandes formées à l'encontre du CREDIT AGRICOLE, mis hors de cause la société PREDICA et débouté Hermes Y... de sa demande de dommages-intérêts à laquelle il était cependant accordé 1 000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Ginette X... a relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables.

Elle reproche au premier juge d'avoir retenu pour justifier sa décision l'existence d'un non-lieu sanctionnant l'issue de l'instruction ouverte à la suite de la plainte qu'elle a déposée - l'expert ayant conclu que Nella DUPOUY était bien la signataire de l'acte - alors que cette décision est sans effet sur l'action civile dont l'objet n'est pas le même.

Elle indique avoir reçu ces cinq bons en 1989 de façon définitive et irrévocable, invoquant et leur tradition effective et l'intention libérale de la donatrice. Bénéficiaire en outre d'une vente avec constitution de rente viagère constatée selon acte du 12 avril 1984, elle visitait Nella DUPOUY matin et soir et a parfaitement rempli la clause de ménage.

L'opposition pour perte est frauduleuse dans la mesure où les bons n'ont jamais été perdus ce que la défunte n'a d'ailleurs pu constater comme n'étant pas revenue à son domicile à cette époque, étant au surplus démontré qu'illettrée, elle n'avait plus la capacité intellectuelle lui permettant de comprendre la portée de l'acte qu'elle a signé.

Elle poursuit donc la nullité de l'opposition et demande à la Cour d'inviter la Caisse de CREDIT AGRICOLE à lui payer la somme principale de 50 000 francs outre les intérêts conventionnels arrêtés au 19 avril 1993, soit 11 071.23 francs et ceux courant jusqu'au jour du paiement, et de condamner Hermès Y... au paiement d'une indemnité de 15 000 francs au titre de ses frais irrépétibles.

Hermès Y... relève que la validité comme la régularité de l'acte d'opposition ne peuvent être remises en cause depuis la décision du

juge pénal. Il appartiendrait au surplus à l'appelante qui agit en nullité de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte alors que l'on ne se trouve dans aucun des cas d'annulation prévus par l'article 489-1 du Code civil.

Contrairement à ce qui est soutenu, Nella DUPOUY n'était nullement illettrée et c'est bien à la suite du retour de son premier séjour à l'hôpital au mois de juillet 1992 que la défunte a constaté la disparition des bons.

Elle sollicite donc la confirmation de la décision entreprise et demande de dire que la succession de Nella DUPOUY est propriétaire des titres objets de l'opposition litigieuse de telle sorte qu'il conviendra de condamner la S.A. PREDICA à en rembourser le capital et les intérêts à ladite succession. Elle demande également la condamnation de l'appelante à lui verser les sommes de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts et de 5 000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DU LOT ET GARONNE conclut à la confirmation de la décision déférée, indiquant que saisie de la demande en paiement des bons litigieux elle avait fait suivre celle-ci à la société émettrice PREDICA laquelle en est la seule détentrice. Elle n'avait au demeurant pas à se faire juge de la validité de l'opposition.

La S.A. PREDICA fait de même, rapportant que dès réception le 20 novembre 1992 de la lettre d'opposition elle a conformément aux dispositions de l'article L 160-1 du Code des Assurances enregistré cette décision dont elle n'a à se faire juge ni de la validité ni de

la recevabilité. Elle estime cependant que l'appelante ne fait pas en l'espèce la preuve du don manuel dont elle se prévaut. Elle sollicite la somme de 3 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. MOTIFS

Attendu que Ginette X... est en possession de cinq titres au porteur et se prévaut d'un don manuel ;

Attendu que le don manuel s'opère par la remise de la chose et que c'est la possession de celle-ci, et elle seule, qui vaut titre ; qu'il en découle que le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel bénéficie de cette présomption et qu'il appartient à celui qui revendique de rapporter la preuve de l'absence d'un tel don ou de prouver que la possession ne remplit pas les conditions légales ;

Que dans le cas précis Hermes Y... qui ne critique pas les conditions de la possession que lui oppose l'appelante ni ne prétend que celle-ci serait entrée frauduleusement en possession des bons litigieux se contente de produire l'acte d'opposition pour perte, dont l'authenticité est désormais incontestable en vertu de l'arrêt définitif rendu par la Chambre d'accusation ;

Que cependant l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'aux motifs qui sont le soutien nécessaire à la décision de non lieu lesquels n'envisagent pas la question de la validité de l'acte sous l'angle des effets qui lui sont ou non attachés ; qu'à ce titre l'acte d'opposition est insuffisant à établir l'absence du don comme à combattre le caractère irrévocable attaché aux donations ;

Que ce faisant Hermes Y... ne rapporte pas la preuve qui lui incombe alors que l'intention libérale ayant présidé à cette remise trouve un fondement certain dans la qualité des rapports unissant la défunte à Ginette X... dont les témoignages produits relatent le dévouement manifesté à son adresse ; que l'existence de relations étroites nouées de longue date est attestée par les actes passés le 12 avril 1984 par lequel Nella DUPOUY avait vendu une maison d'habitation pour partie en toute propriété pour autre partie en nue propriété se réservant l'usufruit de cette dernière et mettant à la charge de Ginette X... le paiement d'une rente viagère et une obligation de ménage, puis le 18 septembre 1986 selon lequel elle lui avait ensuite vendu l'usufruit restant ; que la gratification opérée par le don de titres acquis le 26 mai 1989 par Nella DUPOUY s'inscrit dans cette même démarche d'une part car le propre du titre au porteur est d'être transmissible sans formalité ni publicité et que d'autre part l'intention de la défunte était à l'évidence de les offrir immédiatement car à défaut elle aurait usé de la faculté prévue de les laisser en dépôt à PREDICA ;

Qu'ajoutées à la possession des titres ces circonstances établissent suffisamment la réalité du don manuel ;

Que dès lors Nella DUPOUY ne pouvait par le biais de l'opposition litigieuse révoquer la donation qu'elle avait consentie de façon irrévocable ; qu'il convient donc d'en ordonner la mainlevée ;

Que le CREDIT AGRICOLE comme la S.A. PREDICA n'avaient pas à se faire juge de la validité et du bien fondé de l'opposition, raison pour laquelle la demande de paiement des intérêts au taux légal n'est pas justifiée ;

Que pour des considérations tenant à l'équité il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée par PREDICA sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile ; qu'il y a lieu de satisfaire celle formée par Ginette X... à ce titre pour un montant de 4 000 francs ; que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe laquelle ne saurait prétendre au paiement de dommages-intérêts. PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Réforme le jugement rendu entre les parties par le Tribunal de Grande Instance d'Agen le 29 avril 1997,

Et statuant à nouveau,

Ordonne la mainlevée de l'opposition faite au paiement des titres en possession de Ginette X...,

Invite en conséquence la Caisse Régionale de CREDIT AGRICOLE du Lot et la S.A. PREDICA ,chacune pour ce qui la concerne, à satisfaire la demande de remboursement formée par Ginette X... et concernant les titres numérotés 80000344328, 80000344330, 80000344332, 80000344333 et 80000344335, pour une valeur nominale de 50 000 francs outre les intérêts contractuellement acquis au jour du paiement effectif,

Au besoin les y condamne,

Condamne Hermes Y... à payer à Ginette X... la somme de 4 000

francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile,

Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne Hermes Y... aux dépens.

Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure civile, Maître BURG, Maître BRUNET et la SCP TANDONNET, avoués, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens d'appel dont il ont fait l'avance sans avoir reçu provision. LE GREFFIER

LE PRESIDENT B. REGERT-CHAUVET

M.LEBREUIL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 1997/00920
Date de la décision : 09/02/2000

Analyses

DONATION

Le possesseur de 5 titres au porteur qui prétend les avoir reçus en don manuel bénéficie d'une présomption. Peu importe que ces titres aient fait l'objet d'une opposition pour perte de la part de l'ancien propriétaire, opposition dont l'authenticité est incontestable en vertu de l'arrêt définitif de non-lieu rendu par la chambre d'accusation. En effet, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'aux motifs qui sont le soutien nécessaire à la décision de non-lieu, lesquels n'envisagent pas la question de la validité de l'acte sous l'angle des effets qui lui sont ou non attachés. Ainsi, l'acte d'opposition est insuffisant pour établir l'absence de don ou combattre le caractère irrévocable de la donation. Par ailleurs, l'intention libérale trouve son fondement dans la qualité des relations unissant la défunte à la donataire qui avait également bénéficié d'une vente avec constitution de rente viagère et obligation de ménage en faveur de la donatrice


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2000-02-09;1997.00920 ?
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