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28/07/1999 | FRANCE | N°98-00220

France | France, Cour d'appel d'agen, 28 juillet 1999, 98-00220


DU 28 JUILLET 1999 ---------------------------

A.C. Yves X..., Brigitte X..., Kathleen X..., Christine X... C/ Renée Y... RG N : 98/00220 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt huit juillet mil neuf cent quatre vingt dix neuf par M. LEBREUIL Z... de Chambre. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Yves X... né le 15 Décembre 1945 à FONTAINE L'EVEQUE demeurant : "Le Marais" Rue E. Prévot 7836 - ROISIN HONELLES - BELGIQUE Madame Brigitte X... née le 01 Août 1947 à FONTAINE L'EVEQUE demeurant : 61, r

ue Sémal 1310 - LA HULPE BELGIQUE Madame Kathleen X... née le 08 ...

DU 28 JUILLET 1999 ---------------------------

A.C. Yves X..., Brigitte X..., Kathleen X..., Christine X... C/ Renée Y... RG N : 98/00220 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt huit juillet mil neuf cent quatre vingt dix neuf par M. LEBREUIL Z... de Chambre. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Yves X... né le 15 Décembre 1945 à FONTAINE L'EVEQUE demeurant : "Le Marais" Rue E. Prévot 7836 - ROISIN HONELLES - BELGIQUE Madame Brigitte X... née le 01 Août 1947 à FONTAINE L'EVEQUE demeurant : 61, rue Sémal 1310 - LA HULPE BELGIQUE Madame Kathleen X... née le 08 Mars 1952 à IXELLES demeurant : 4 Drève des Chevreuils 1640 RHODE SAINT GENESE BELGIQUE Madame Christine X... née le 19 Janvier 1949 à FONTAINE L'EVEQUE demeurant : 22, avenue Vandrome 1160 BRUXELLES BELGIQUE AYANT: Me Jacques VIMONT Avoué Me COLLETTE Avocat APPELANTS d'un jugement du Tribunal de Grande instance d' AUCH en date du 29 Octobre 1997 D'une part, ET : Madame Renée Y... née le 17 Mai 1951 à SCHAARBEEK (BELGIQUE) Professeur, de nationalité belge, demeurant : 10, rue Georges Jouret 7880 FLOBECQ BELGIQUE AYANT : SCP TANDONNET Avoués Me Martine LEPOITTEVIN, avocat INTIMEE D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 09 Juin 1999, devant M. LEBREUIL, Z... de Chambre, Mme GRIMAUD M. CERTNER, Conseillers, assistés de Brigitte REGERT-CHAUVET, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * *

Statuant sur l'appel dont la régularité n'est pas contestée interjeté par Monsieur X... d'un jugement en date du 29 octobre 1997 par lequel le tribunal de grande instance d'AUCH a ordonné la liquidation

de la SCI L'HERMITAGE et désigné pour y procéder Maître A... ;

Attendu que les faits de la cause ont été exactement relatés par les premiers juges en des énonciations auxquelles la cour se réfère expressément et qu'il suffit de rappeler

- que la SCI L'HERMITAGE, constituée le 23 mai 1978 entre Monsieur Jean B..., Monsieur Pierre C... et Madame Jeanne D..., a fait l'acquisition d'un ensemble immobilier moyennant le prix de 670.000 F payé comptant à hauteur de 170.000 F et le solde soit 500.000 F sous forme de rente annuelle viagère indexée de 43.200 F ; - que le 2 septembre 1982 Monsieur Jean B... a cédé ses dix parts sociales à Monsieur Léon X... et que le 7 avril 1983 Madame Renée Y... a été agréée comme nouvelle associée ;

- que Monsieur Pierre C... est décédé le 2 avril 1983 en laissant Madame Simone E... comme légataire universelle et que le 25 août 1985 Madame Renée Y... a fait l'acquisition des parts sociales de Madame Jeanne D... ;

- que devenue propriétaire de la moitié des parts, Madame Y... a été désignée le 16 janvier 1986 comme gérante de la SCI à l'unanimité des associés ;

- que Monsieur Léon X... est décédé le 29 octobre 1986 en laissant pour lui succéder ses quatre enfants, Catherine, Brigitte, Christine et Yves X... (les consorts X...) ;

- que suivant exploit du 30 janvier 1989, Madame Renée Y... a fait assigner ses associés en référé et au fond pour voir ordonner les travaux urgents à réaliser et voir fixer la part financière de chacun d'eux ;

- que statuant au vu d'un rapport d'expertise dressé par Monsieur F... le tribunal de grande instance d'AUCH a par jugement du 21 octobre 1992 rejeté les moyens développés par les défendeurs et les a condamnés à payer diverses sommes, aux fins notamment de faire effectuer les travaux préconisés par l'expert;

- que les consorts X... (acquéreurs en 1991 des parts de Madame E...) ont interjeté appel de cette décision et que la cour, par arrêt avant-dire droit du 12 septembre 1994 a désigné Monsieur A... en qualité d'administrateur provisoire à l'effet d'effectuer les actes de gestion courante de la SCI et Monsieur G... en qualité d'expert à l'effet de rechercher le budget nécessaire pour réaliser les travaux urgents et de dire dans quelle mesure pourrait être élaboré un règlement d'occupation permettant d'affecter à chacun des associés une quote-part du budget des travaux nécessaires ;

- que Monsieur G... a dressé rapport de ses opérations le 9 mai 1995 et que le 23 janvier 1996 Madame Renée Y... a fait assigner les consorts X... en dissolution et en liquidation de la société, faute d'affectio sociétatis, ;

Attendu que les premiers juges ont fait droit à cette assignation aux motifs essentiels

- qu'une profonde mésentente oppose les associés ; que les uns selon Monsieur G... cherchent à améliorer ou du moins à maintenir le confort de l'immeuble alors que d'autres cherchent à le rentabiliser ; que la charge de la rente viagère et celle de l'entretien du domaine sont très lourdes et contribuent à cristalliser les positions des parties ;

- que cette mésentente paralyse le fonctionnement de la société ; qu'aucun projet de partage n'a pu être établi ni aucun règlement de copropriété et que les associés ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur la réalisation des travaux urgents, de telle sorte que l'immeuble se dégrade ;

- qu'il n'est nullement démontré par les défendeurs que Madame Renée Y... est seule responsable de cette mésintelligence ; qu'elle a certes tenté d'acquérir la majorité des parts et de prendre le contrôle de la société mais qu'un tel procédé n'est pas répréhensible et n'a rien de frauduleux ; que sa nomination comme gérante était certes entachée d'irrégularité mais qu'elle est intervenue longtemps

avant l'entrée dans la société des consorts X... et qu'on ne voit pas comment elle aurait pu provoquer les désaccords actuels ; qu'il n'était certes pas dans ses pouvoirs d'introduire l'action ayant donné lieu au jugement du 21 octobre 1992 mais que la nécessité d'effectuer des travaux pour conserver l'immeuble était bien réelle et ne relevait d'aucune malhonnêteté de sa part ; qu'en outre elle ne s'est pas installée illicitement dans les lieux et qu'il ne résulte pas du rapport d'expertise qu'elle s'en est approprié une grande partie ;

- que la solution proposée par les consorts X..., à savoir l'exclusion de Madame Renée Y..., ne peut donc pas être retenue et que la dissolution de la société puis sa liquidation sont inéluctables ;

Attendu que les consorts X... font grief au tribunal de s'être ainsi prononcé alors pourtant

- que Madame Renée Y... n'avait eu de cesse de tenter de s'approprier la totalité des parts sociales et spécialement de contraindre Madame E... à lui céder ses droits sociaux de façon à s'assurer le contrôle de la société, alors que les statuts visaient à maintenir en permanence l'équilibre des droits entres les différents associés ;

- qu'elle s'était opposée abusivement à la location de la propriété, pourtant prévue par les statuts de la SCI, en arguant d'une

délibération unanime du 7 mai 1987 libellée comme suit : "En dehors de Simone, Léon, Madeleine, Renée et leurs enfants, il ne sera plus admis d'invités sans l'invitant"; que cette décision se justifiait sans doute à une époque où la majorité des associés était retraités mais qu'il n'en était plus de même aujourd'hui, chacun des appelants étant occupé par ses activités professionnelles et que le refus de l'intimée de remettre en cause cette délibération était devenu plus abusif encore lorsque Madame E... avait donné son accord pour la location et lorsque les appelants étaient devenus propriétaires de la moitié des parts sociales ;

- que la procédure qu'elle avait introduite en référé et au fond pour obtenir paiement des fonds nécessaires à la réalisation des travaux avait été jugée par la cour incompatible avec les règles sociales régissant le fonctionnement de la société et que, s'ajoutant au refus abusif de l'intimée de consentir une modification raisonnable de la règle de l'occupation, elle avait largement contribué au blocage de la société ;

- que Madame Y... et sa mère s'accordaient depuis plus de 10 ans des avantages particuliers au préjudice de l'ensemble de la collectivité; qu'elles utilisaient abusivement les parties communes pour leur compte personnel et qu'il n'était pas admissible que les autres associés, alors qu'ils n'étaient pas sur place, soient contraints de payer des frais de téléphone de gaz ou d'électricité exposés dans le seul intérêt de la partie adverse ; que non contente d'opposer une réponse négative à toutes les propositions qu'ils lui avaient faites pour tenter de remédier à cette situation, elle

n'avait pas hésité dans le même temps à suspendre le paiement de la rente viagère pour permettre aux crédirentiers de récupérer le bien et pour ensuite, avec leur complicité, s'approprier le domaine ;

- qu'elle était donc seule responsable de la disparition de l'affectio sociétatis et qu'elle n'était pas recevable à se prévaloir de ses propres fautes pour solliciter la dissolution ; qu'il convenait par conséquent de l'exclure;

qu'ils demandent en conséquence à la cour de réformer la décision déférée, d'ordonner l'exclusion de Madame Renée Y... et le rachat de ses parts ou à titre subsidiaire de rejeter sa demande de licitation et de la condamner à leur payer la somme de 1.000.000 F à titre de dommages et intérêts, sous déduction du produit net de la réalisation des actifs qui leur auront été attribués ;

Attendu que Madame Renée Y... intimée conclut au contraire à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a ordonné la dissolution et la liquidation de la SCI, Monsieur A... étant désigné comme liquidateur, mais demande en outre à la cour d'ordonner la licitation de la propriété après avoir constaté qu'elle est impartageable en nature et de condamner les appelants à lui payer la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts;

Qu'elle fait valoir pour l'essentiel

- que ses associés ne satisfont plus depuis le 1er janvier 1989 aux charges financières de la SCI, qu'il s'agisse du paiement de la rente

viagère ou de celui des taxes, des assurances et des frais d'entretien de la propriété ; qu'ils ont abusivement refusé de financer les travaux nécessaires pour éviter que l'immeuble ne se dégrade ou pour le remettre en état ;

- que la mésentente entre les associés est flagrante et qu'il est faux de dire qu'elle en est responsable ; qu'il est au contraire constant que c'est depuis que les consorts X... sont entrés dans la société et ont cherché à la rentabiliser, alors qu'il ne s'agissait à l'origine que de gérer une résidence secondaire et que la location de l'immeuble serait contraire à la convention des parties, telle qu'exprimée par la délibération du 7 mai 1987, que l'on s'est retrouvé dans une impasse ; qu'ils cherchent à la discréditer en contestant les circonstances dans lesquelles elle est devenue propriétaire de la moitié des parts mais qu'aucun reproche de ce chef ne peut lui être fait alors au contraire que les circonstances dans lesquelles les consorts X... ont racheté les parts de Madame Simone E... ne sont pas des plus claires ;

- que la présence dans les lieux de sa mère Madame Madeleine Y... n'est qu'épisodique et qu'elle était souhaitée par les premiers associés qui en raison de leur état de santé ou de leurs obligations ne pouvaient pas se rendre sur place aussi souvent qu'ils l'auraient voulu ; que par courrier du 20 mai 1988 Madame Simone E... et Monsieur Léon X... avaient d'ailleurs " rendu grâce à Madeleine pour les soins et la vigilance qu'elle accorde à l'HERMITAGE " et dont ils bénéficiaient indirectement ;

- que le 30 mars 1983 lors de la cession d'un quart des parts de la société il avait été clairement décidé que la propriété ne serait plus utilisée que comme résidence secondaire et que les consorts X... commettent une faute en perturbant l'ordre établi du vivant de leur père ;

- que le rapport dressé par Monsieur G... démontre que les appelants n'ont pas acquitté leur quote-part pour l'exécution des travaux urgents alors qu'en ce qui la concerne il n'est pas établi que c'est par sa faute que l'expert s'est trouvé dans l'impossibilité d'établir un règlement d'occupation ;

- qu'il n'y a pas eu d'avantages abusifs ; que tous les associés bénéficient de la cuisine commune et qu'elle a en ce qui la concerne investi à titre personnel dans du matériel de jardin ; qu'elle n'a pas occupé abusivement le rez de chaussée et qu'elle ne s'est pas appropriée le matériel hôtelier qui se trouvait dans les lieux ;

- que les consorts X... tentent en réalité de s'approprier le domaine au moindre prix en cherchant à récupérer l'argent de la rente et en demandant une indemnité égale à leur investissement alors même que pendant des années ils n'ont pas réglé la rente ; qu'ils refusent de se conformer aux statuts et que par conséquent ils sont seuls responsables du dysfonctionnement de la société ;

- qu'ils invoquent à titre subsidiaire la nullité de la convention en soutenant qu'elle est poursuivie par l'intimée dans un but illicite mais que d'une part il ne s'agit pas ici de nullité mais de dissolution et que d'autre part la nullité ne pourrait être recherchée que pour objet ou pour cause illicite ; que l'objet du contrat de société c'est l'usage de l'immeuble comme résidence secondaire, que sa licéité n'est pas discutable et que l'on pourrait tout au contraire considérer comme illicite parce que contraire aux statuts la volonté des consorts X... de rentabiliser le domaine ; que la cause " poursuivie " par l'intimée est tout aussi licite puisque son seul objectif est de pouvoir jouir paisiblement de ses droits et de préserver un patrimoine dont elle est responsable en sa qualité de gérante ;

- que la demande de dommages et intérêts formée par les consorts X... n'est pas justifiée et qu'il convient au contraire de les condamner à lui payer la somme de 100.000 F pour sanctionner leur attitude belliqueuse, visant à la discréditer et à rendre impossible la gestion de la société;

Attendu que les appelants contestent en réplique toute défaillance dans l'exécution de leurs propres obligations et maintiennent que Madame Renée Y... est seule responsable de la mésintelligence des associés ; qu'elle s'oppose abusivement à la mise en location des appartements pendant les périodes de vacances au motif que la société n'a pas de vocation commerciale alors que ces locations, bien loin de procéder d'une volonté de rentabiliser l'immeuble, seraient le moyen le plus adéquat de faire face à la conservation des actifs ;

SUR QUOI

Attendu qu'il a été à bon droit constaté par les premiers juges en des énonciations auxquelles la cour se réfère expressément que l'on est en présence d'une mésentente entre les associés paralysant le fonctionnement de la société et susceptible de justifier sa dissolution anticipée conformément aux dispositions de l'article 1844-7 du Code civil ;

Attendu qu'aucune des parties ne conteste cette situation mais qu'il est prétendu par les consorts X... que Madame Renée Y... en est seule responsable de telle sorte qu'elle ne saurait s'en prévaloir pour solliciter la dissolution de la SCI L'HERMITAGE ;

Mais attendu

-Sur la tentative d'appropriation des parts sociales

- que Madame Renée Y... a été agréée par ses premiers associés, à savoir le Docteur X..., Monsieur Pierre C... et Madame Jeanne D..., lesquels cherchaient un nouvel associé pour diminuer le coût de revient pour chaque partie de l'entretien de l'immeuble et de la charge de la rente ;

- qu'elle a fait l'acquisition des parts sociales de Madame D... veuve H... dans des conditions dont la régularité n'est pas

douteuse, avec l'assentiment des associés de l'époque et sans les évincer de quelque manière que ce soit ; qu'il lui est reproché " de ne pas leur avoir permis de se faire attribuer une fraction des droits de Madame H... " mais qu'ils n'avaient formulé aucune demande en ce sens et que statutairement elle n'avait pas besoin de leur agrément pour procéder à cette acquisition ;

- qu'elle a certes fait des difficultés après le décès du Docteur Léon X... pour agréer ses héritiers ou plus exactement pour les autoriser à revendiquer individuellement des droits sociaux alors qu'ils étaient en indivision mais qu'il s'agissait davantage d'un désaccord sur les règles statutaires applicables en cas de décès que d'une volonté manifeste d'exclure les consorts X... ;

- que la cession des parts sociales de Madame E... a donné lieu à un jugement du tribunal de grande instance d'AUCH en date du 29 juin 1994 d'où il ressort que des pourparlers étaient en cours entre Madame E... et Madame Y... mais qu'en réalité la première n'avait fait des propositions à la seconde que dans le but de l'amadouer afin d'obtenir l'agrément des associés et de vendre librement ses parts aux consorts X... .; que Madame Y... avait certes l'intention d'acquérir les parts de Madame E... mais qu'elle a été en définitive victime du " sens tactique " ( selon le tribunal ) de la cédante et de celui des consorts X... ; qu'elle a certes tenté à cette occasion de contrôler la société mais que son attitude n'avait rien d'illicite ou de malhonnête et que " les manoeuvres et intrigues " que ses associés lui reprochent étaient plutôt, en cette occurrence, de leur fait et de celui de Madame E... que du sien ,

-Sur l'objet de la société et le financement des travaux

- que lorsque Madame Y... a fait l'acquisition de ses parts le 7 avril 1983, les associés ont voulu que soit clairement rajouté dans les statuts " que les immeubles sont utilisés comme résidence secondaire des associés sans aucune destination professionnelle " ;

- qu'il n'est pas indifférent à cet égard de rappeler que lors de la constitution de la société l'un des fondateurs Monsieur I... avait aussi pris des parts dans la SARL créée pour l'exploitation dans les lieux d'un restaurant mais que cette SARL a très vite connu des difficultés et qu'elle a été mise en liquidation fin 1980, c'est à dire avant que les deux parties ne fassent leur entrée dans la SCI ; - que la SCI a donc bien pour seul objet la gestion d'une résidence secondaire à l'exclusion de tout objectif de nature professionnelle ou commerciale ;

- qu'il a même été décidé à l'unanimité le 7 mai 1987 que l'imbrication des lieux et l'usage des parties communes ne se prêtant pas à l'immixtion de personnes étrangères aux associés " qu'en dehors de Simone ,Léon, Madeleine, Renée et leurs enfants, il ne sera plus

admis d'invités sans l'invitant"

- que la position aujourd'hui adoptée par Madame Renée Y... est donc bien conforme à l'objet social et que les statuts ou les délibérations des 30 mars 1983 et 7 mai 1987 l'autorisent, sans que son attitude puisse être jugée abusive, à s'opposer aux mesures préconisées par les consorts X... ;

- que ces derniers sont certes en droit de soutenir que ces mesures et spécialement la location du domaine sont les seules qui pourraient à terme permettre au domaine de retrouver sa vocation de résidence secondaire, qu'il ne faut pas s'en tenir à une lecture trop restrictive des statuts et que de toute façon il ne s'agit nullement pour eux d'envisager une exploitation commerciale de la propriété mais que cette argumentation, même légitime, n'est pas suffisante pour démontrer que c'est abusivement que Madame Y... refuse d'adopter leur thèse ;

- que Madame Y... comme l'y autorisent le contrat social et les diverses délibérations de l'assemblée générale ne veut compter que sur les associés pour résoudre les difficultés actuelles tandis que les consorts X... souhaitent un apport extérieur, sous forme de loyers ou d'emprunts, pour alléger la charge financière du domaine ;

- que l'on est en réalité en présence de deux analyses contraires, aussi motivées l'une que l'autre, mais parfaitement inconciliables et caractérisant une mésentente évidente ;

- que le désaccord persistant entre les parties quant au financement des travaux constitue une manifestation parmi d'autres de cette mésentente et démontre qu'aucun compromis n'est désormais possible ; - qu'il est évident que la propriété se dégrade et qu'il est urgent d'entreprendre toute une série de travaux pour y remédier ; que Madame Renée Y... était donc fondée à prendre des initiatives pour faire réaliser ces travaux et qu'il était même de son devoir de s'en préoccuper en sa qualité de gérante ;

- qu'il a certes été jugé par la cour dans son arrêt du 12 septembre 1994 que la demande qu'elle avait introduite à cet effet, visant à obtenir directement du tribunal un titre de condamnation à l'encontre des associés, n'était pas compatible avec les règles régissant le fonctionnement de la société, les travaux envisagés relevant de la décision collective des associés prise dans les conditions prévues par les statuts ou à défaut à l'unanimité par application de l'article 1852 du Code civil, mais que l'erreur commise à cet égard par l'intimée n'est pas démonstratrice de sa responsabilité exclusive dans la mésentente des associés et que son action témoignait au

contraire de sa volonté de surmonter leur différend et d'éviter la dissolution anticipée de la société en soumettant le conflit à l'arbitrage du juge ;

- que cette instance n'était en définitive qu'une illustration supplémentaire de l'impasse où se trouvaient déjà les associés avant son introduction et qu'il serait excessif ou même erroné d'en déduire que Madame Y... est seule responsable d'une situation qui en réalité préexistait ;

- Sur l'occupation des lieux par Madame Y... et par sa mère

- qu'il est certain que Madame Y... et sa mère ont occupé les lieux ou les occupent plus souvent que leurs adversaires mais que pour autant cette occupation n'est pas fautive ;

- qu'elle était admise et même souhaitée par les premiers associés et qu'elle ne saurait être qualifiée d'abusive par les consorts X... au seul motif que son appartement ne contenant ni cuisine ni salle à manger l'intimée avait utilisé les parties communes à cette fin ;

- que la présence à l'HERMITAGE de Madame Madeleine Y... n'est pas illicite puisqu'elle était expressément prévue par la délibération du 7 mai 1987 et que pour le surplus il était convenu que tous les

associés bénéficient de la cuisine commune ; qu'il aurait certes été préférable pour éviter toute difficultés que les consommations de chacun d'eux, notamment de téléphone et d'électricité, soient individualisées mais que l'imbrication des locaux rendait cette individualisation difficile et qu'il n'est pas établi que Madame Y... s'est opposée abusivement à l'élaboration d'un règlement de copropriété ni que sa mère occupait constamment les lieux au détriment des autres associés ;

- qu'il est de toute façon acquis aux débats qu'en contrepartie des avantages, au demeurant bien modestes, dont elle a pu bénéficier, l'intimée s'est investie plus que ses partenaires dans la gestion et dans l'entretien de la propriété et qu'elle n'a pas hésité à faire l'acquisition à titre personnel de matériel de jardin ou du moins à faire l'avance des fonds nécessaires ;

- qu'en outre il ne peut pas lui être sérieusement reproché de'avoir occupé abusivement le rez de chaussée puisque selon l'expert G... seules quelques remises sont privatives, ni de s'être approprié le matériel qui dépendait du restaurant alors qu'il est établi d'une part que des vols ont été perpétrés sur la propriété et que d'autre part Madame E... a emporté une partie de ce matériel ;

- Sur le paiement de la rente viagère

- que le reproche fait à l'intimée d'avoir tenté une véritable épreuve de force en suspendant le paiement de la rente au risque de compromettre l'existence même de la société est apparemment plus sérieux mais qu'il est en réalité dénué de tout fondement ;

- que les consorts X... ont cru pouvoir régler directement la rente aux crédirentiers, les époux J..., en mars et Avril 1993 au prétexte semble t'il que Madame Y... n'avait pas elle même procédé à ce règlement mais que d'une part la situation a été immédiatement régularisée par la SCI, seule débitrice de la rente, et que d'autre part et surtout la preuve n'est à aucun moment rapportée de ce que l'intimée avait sciemment interrompu les paiements, avec la complicité active des crédirentiers, pour permettre à ceux ci dans un premier temps de considérer la vente comme nulle et non avenue et de récupérer le domaine, puis dans un second temps de le restituer à Madame Y... et à elle seule ;

- que cette " intrigue " reste à démontrer et que les courriers échangés à cet égard, s'ils sont une illustration supplémentaire d'un conflit latent entre les associés, sont insuffisants pour établir que Madame Renée Y... a voulu s'approprier le domaine ;

Attendu que c'est dés lors à juste titre que les premiers juges ont écarté le demande reconventionnelle des consorts X... et prononcé la dissolution d'une société dont les associés ne s'entendent plus et qui de ce fait ne peut plus fonctionner ; que cette dissolution est certes susceptible d'avoir de lourdes conséquences financières mais qu'elle est inéluctable compte tenu des différends qui opposent les

associés depuis plus de 10 ans et qu'ils sont manifestement incapables de surmonter ;

Que c'est également à bon droit qu'il a été rappelé par les premiers juges que la dissolution de la société n'entraîne pas nécessairement la licitation de l'immeuble et que la liquidation doit être conduite par le liquidateur conformément aux articles 1844-8 à 1844-9 du Code civil et aux statuts de la SCI;

Attendu pour le surplus, sur les demandes de dommages et intérêts formées par chacune des parties, qu'elles sont l'une et l'autre responsables de la mésentente qui motive la dissolution et qu'elles ne peuvent donc prétendre ni l'une ni l'autre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice que leur causerait l'attitude de l'adversaire ;

Attendu qu'il convient par conséquent de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Attendu que les dépens d'appel seront passés en frais de liquidation et partage de la société et qu'il n'y a pas lieu à la condamnation prévue par l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS LA COUR

Reçoit en la forme l'appel jugé régulier,

Le déclare mal fondé,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation et partage et autorise les avoués de la cause à recouvrer directement contre la partie adverse ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante ;

Dit n'y avoir lieu à la condamnation prévue par l'article 700 du Nouveau code de procédure civile; LE GREFFIER :

LE Z... : B. REGERT-CHAUVET.

M. LEBREUIL.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 98-00220
Date de la décision : 28/07/1999

Analyses

SOCIETE (règles générales) - Dissolution - Causes - Demande d'un associé - Justes motifs - Mésentente entre associés

C'est à juste titre que les premiers juges ont écarté la demande reconventionnelle des consorts X et prononcé la dissolution d'une société dont les associés ne s'entendent plus et qui, de ce fait, ne peut plus fonctionner. Cette dissolution est certes susceptible d'avoir de lourdes conséquences financières mais elle est inéluctable compte tenu des différends qui opposent les associés depuis plus de 10 ans et qu'ils sont manifestement incapables de surmonter


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;1999-07-28;98.00220 ?
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