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28/11/2022 | FRANCE | N°19VE01006

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 28 novembre 2022, 19VE01006


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise générale Léon Grosse a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, de condamner la région Ile-de-France à lui verser la somme de 4 917 826 ,98 euros TTC, assortie des intérêts moratoires majorés de deux points à compter du 29 avril 2011, au titre du règlement du marché de travaux confié par la région le 9 août 2006 pour la restructuration et l'extension de la cité scolaire Hoche à Versailles et de condamner la région Ile-de-France à lui verser la s

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise générale Léon Grosse a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, de condamner la région Ile-de-France à lui verser la somme de 4 917 826 ,98 euros TTC, assortie des intérêts moratoires majorés de deux points à compter du 29 avril 2011, au titre du règlement du marché de travaux confié par la région le 9 août 2006 pour la restructuration et l'extension de la cité scolaire Hoche à Versailles et de condamner la région Ile-de-France à lui verser la somme de 50 000 euros TTC pour résistance abusive, à titre subsidiaire, d'ordonner qu'il soit procédé à une expertise sur les travaux supplémentaires et les difficultés rencontrées dans l'exécution des travaux et sur les préjudices subis et les réfactions opérées par la région et, en tout état de cause, de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508550 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 21 mars 2019, le 26 mars 2020 et le 17 septembre 2021, la société Entreprise générale Léon Grosse, représentée par Me Payet-Godel, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de condamner la région Ile-de-France à lui verser la somme de 4 917 826,98 euros TTC, assortie des intérêts moratoires majorés de deux points à compter du 29 avril 2011 et de condamner la région Ile-de-France à lui verser la somme de 50 000 euros pour résistance abusive ;

3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert avec pour mission de prendre connaissance des pièces contractuelles, des ordres de service et de tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission, donner son avis sur les travaux supplémentaires réalisés par elle sur ordres de service et sur leur chiffrage, donner son avis sur les travaux supplémentaires réalisés par elle sans ordre de service et sur leur nécessité eu égard aux règles de l'art et aux obligations techniques pesant sur les constructeurs, dire si ces travaux répondent à des demandes du maître d'ouvrage, de son mandataire et/ou de la maîtrise d'œuvre, indiquer l'incidence économique de ces travaux, apprécier la réalité des difficultés rencontrées au cours de l'exécution des travaux et des allongements de délais, évaluer, le cas échéant, les préjudices subis par elle du fait de l'allongement de la durée des travaux et des difficultés rencontrées, donner un avis sur les réfactions opérées par la région Ile-de-France sur les sommes dues au titre du solde du marché et procéder au compte entre les parties ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis rendu par le comité consultatif interdépartemental de règlement amiable des différends et litiges relatifs aux marchés publics (CCIRA) de Versailles doit être pris en compte ;

- deux documents contradictoires ont été annexés à l'ordre de service n° 32 portant notification du décompte général : d'une part, un " état d'acompte ", qui n'a pas été établi par le maître d'œuvre et signé par la personne responsable du marché, la région faisant apparaître qu'elle était redevable de la somme de 253 323,89 euros TTC ; d'autre part, un document intitulé " décompte général " signé par le maître d'œuvre faisant apparaître un solde en sa faveur de 1 404 853,08 euros TTC ; elle est fondée à se prévaloir de ce dernier document ;

- la région est redevable de la somme de 459 283,65 euros HT au titre des travaux supplémentaires exécutés sur ordres de service ; le montant des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés sur ordres de service nos 23, 25, 26 et 27 a été sous-estimé au regard de la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF) annexée au marché ; la région ne peut refuser toute rémunération au titre des frais de chantier pour ces travaux supplémentaires réalisés sur ordres de service, ces frais représentant 4,3 % du montant des travaux dans la DPGF ; la moins-value correspondant à la suppression de la serre devait être ramenée à 16 648,62 euros HT au lieu de 120 196,65 euros, comme indiqué par erreur dans la DPGF ;

- la région doit l'indemniser à hauteur de 989 464,92 euros au titre des travaux supplémentaires n'ayant pas fait l'objet d'ordre de service mais demandés par le maître d'ouvrage ou le maître d'œuvre et indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, réalisés en grande partie en raison de modifications apportées au projet ou résultant de sujétions imprévues ;

- elle a rencontré des difficultés en cours de chantier liées à un afflux de travaux supplémentaires, à des intempéries de 195 jours et à une modification complète du phasage ; le maître d'ouvrage et/ou son mandataire sont à l'origine de nombreuses carences dans la gestion du chantier qui ont contribué à sa profonde désorganisation ; le maître d'ouvrage a modifié l'emplacement de l'infirmerie ; la coupure de gaz dans le bâtiment G n'est intervenue qu'en février 2009 ; la coupure de l'antenne SVCU n'est intervenue que le 6 juillet 2009 ; le maître d'ouvrage n'a pas rappelé à l'ordre ses cocontractants, à savoir son mandataire, le maître d'œuvre et le bureau de contrôle ; elle a évacué le mobilier du bâtiment G et a subi les conséquences de la gestion critiquable de l'abonnement électrique ; l'intervention de la société De Gaine a fortement perturbé ses travaux ; le maître d'ouvrage a commis des manquements dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction des travaux ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 729 627,42 euros au titre des surcoûts générés par l'allongement des délais de chantier : 464 625,21 euros pour la mise à disposition de divers moyens inclus dans les frais généraux, 22 935,26 euros pour les dépenses d'intérêt commun pendant six mois supplémentaires, 37 167,74 euros pour le maintien de la base vie pendant six mois supplémentaires, 31 572 euros pour la gestion électrique des installations fixes pendant six mois supplémentaires de mars à août 2010 et 173 327,25 euros pour le maintien d'un encadrement supplémentaire qui n'était pas prévisible ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 90 744,32 euros au titre de l'intervention de la société De Gaine dans la zone de travaux qui a bouleversé l'approvisionnement, la logistique et le déroulement des prestations ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 56 370 euros HT au titre de la mise en place d'une cellule étude de prix rendue nécessaire pour gérer les demandes de travaux supplémentaires du maître d'ouvrage ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 276 881,30 euros au titre des surcoûts de la réalisation des VRD, le phasage ayant été complètement modifié pour permettre leur réalisation, les travaux de VRD ayant duré 28 mois au lieu de 10, la société exposante ayant été contrainte de mettre en place un encadrement spécifique, de louer du matériel et de rémunérer de la main d'œuvre ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 72 203,15 euros pour les travaux supplémentaires résultant du remplacement des châssis existants par des châssis neufs dans le couvent de la reine et du remplacement de la moquette par du parquet en bois sur lambourdes dans le bâtiment I ;

- c'est à tort que la région Ile-de-France lui a infligé des pénalités de retard ; la région ne démontre pas l'existence de retards de sa part, la date de réception contractuelle étant le 28 février 2010 ; la région n'a pu ramener unilatéralement par l'ordre de service n° 31 la date de fin de chantier du 28 février 2010 au 21 décembre 2009 ; cet ordre de service lui a accordé 212 jours supplémentaires, la date de fin de chantier étant ainsi reportée au 27 septembre 2010 ; la région n'a pas soutenu que le délai supplémentaire de 77 jours qui lui a été accordé portait uniquement sur le calendrier du bâtiment C ; les pénalités provisoires ne sont pas plus justifiées et ne pouvaient, en tout état de cause, être cumulées aux pénalités définitives ; au surplus, les pénalités provisoires ne pouvaient être calculées que par rapport au montant de la tranche relative au bâtiment C et non par rapport au montant de l'ensemble du marché ; à titre infiniment subsidiaire, ces pénalités sont disproportionnées dès lors que des délais complémentaires auraient dû lui être accordés ;

- la région ne pouvait retenir une somme au titre de la prétendue absence de remise du dossier des ouvrages exécutés, la réception ayant purgé cette lacune ; en tout état de cause, les pénalités infligées pour le caractère incomplet du dossier des ouvrages exécutés sont excessives et doivent être ramenées à la somme de 50 000 euros ;

- la région ne pouvait lui imputer la totalité des factures que lui adressait son fournisseur d'électricité et y inclure des pénalités, sa consommation représentant moins de 3 % de la consommation de la cité scolaire ; il incombe à la région de justifier qu'elle est fondée à opérer une retenue à ce titre ;

- la région pouvait seulement retenir la somme de 121 000 euros au titre des réserves non levées ;

- la région ne pouvait pas retenir la somme de 181 743,77 euros au titre des travaux exécutés par une entreprise tierce relatifs au " tronçon 3 " dès lors qu'elle lui avait adressé deux devis pour les travaux en question restés sans suite ;

- le marché étant à prix révisable, elle est bien fondée à solliciter la somme de 283 791,47 euros au titre de la révision appliquée aux postes de préjudices précédemment énoncés ;

- les difficultés ainsi chiffrées constituent un bouleversement de l'économie du marché ;

- le maître d'ouvrage a également été défaillant dans l'exercice de ses pouvoirs de direction et de contrôle dès lors qu'il n'a pas suffisamment défini son projet ;

- le processus dérogatoire de régularisation des travaux supplémentaires imposé par le maître d'ouvrage a complexifié la régularisation et donc le déroulement du chantier et les délais de traitement des demandes de travaux supplémentaires ont été excessivement longs ;

- la région doit être condamnée pour résistance abusive dès lors que le bien-fondé de sa demande avait été admise par le maître d'œuvre à hauteur de 1 235 535,31 euros TTC et par le CCIRA de Versailles à hauteur de 6 388 839,61 euros TTC et dès lors que le maître d'ouvrage a régularisé plusieurs avenants avec le maître d'œuvre pour tenir compte de nombreuses modifications de programme, de sujétions imprévues et de l'allongement de délais en résultant ;

- si la cour devait s'estimer insuffisamment éclairée par les pièces produites, il lui faudrait ordonner une expertise sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 30 décembre 2019 et le 5 octobre 2021, la région Ile-de-France, représentée par Me Mokhtar, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'avis du CCIRA de Versailles, rendu en équité et non en droit, qui n'a pas été accepté par elle et qui, au surplus, s'inscrit dans une phase amiable du litige, ne peut fonder une demande indemnitaire devant le juge administratif dès lors qu'il ne lie pas le juge et ne crée aucune obligation pour elle et dès lors qu'il existe un doute sur l'impartialité du rapporteur désigné par le CCIRA ;

- l'ordre de service n° 32 intitulé " notification du décompte général " constitue le décompte général ;

- la demande de rémunération complémentaire pour les travaux supplémentaires réalisés sur ordre de service n'est pas fondée ; les frais de chantier ne sont pas justifiés dans leur principe, ils ne peuvent être affectés à un ouvrage en particulier, en tout état de cause, le taux de 4,3 % n'est pas justifié ; la demande faite au titre de l'OS n° 23 n'est pas fondée, en particulier dès lors que l'erreur qu'aurait commise la société Léon Grosse dans sa DPGF quant au montant de la construction de la serre n'est pas démontrée et qu'en tout état de cause, une telle erreur ne peut plus être prise en compte après l'acceptation de l'offre par l'exposante ; la société requérante ne peut prétendre à une rémunération complémentaire au titre de l'OS n° 25 dès lors qu'il n'est pas relatif à des travaux supplémentaires ; le complément de rémunération présenté au titre de l'OS n° 26 n'est pas justifié dès lors, en particulier, que la suppression des faux plafonds n'a pas été réalisée et que le maître d'œuvre a, à juste titre, réduit le montant de plusieurs devis ; la société requérante ne peut valablement prétendre à la rémunération de frais de chantier au titre de l'OS n° 27 et le devis 225 est entaché de nombreuses erreurs ;

- la demande de rémunération complémentaire pour les travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service n'est pas fondée ; la société requérante ne démontre pas que ces travaux ont bien été réalisés ; ils étaient compris dans le forfait ; elle ne peut obtenir une indemnisation en raison de son inconséquence et de la non-réalisation des diligences qui lui incombaient en application du cahier des prescriptions communes et pour des travaux résultant d'une erreur d'estimation de sa part ; ces travaux n'ont pas été réalisés à la demande du maître d'œuvre ou du maître d'ouvrage ; la société requérante ne démontre pas l'existence d'une demande de modification du programme et son comportement est fautif dès lors qu'elle a prétendument réalisé des travaux supplémentaires sans solliciter d'ordre de service ; il n'est pas démontré que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ; ils ne résultent pas de découvertes fortuites correspondant à des sujétions imprévues ayant bouleversé l'économie du contrat ;

- s'agissant de l'indemnisation sollicitée au titre des difficultés rencontrées dans l'exécution du marché, la société requérante ne démontre pas que les intempéries constituaient des sujétions imprévues ; il n'y a pas eu de modification du phasage ; le cahier des prescriptions communes précisait que les documents écrits et graphiques établis par le maître d'œuvre n'étaient pas limitatifs ; en tout état de cause, la société requérante se prévaut d'une erreur de conception alors que la conception relève de la maîtrise d'œuvre et non de la maîtrise d'ouvrage et elle ne fournit aucun justificatif pour les coûts supplémentaires dont elle se prévaut et, au surplus, elle ne peut faire valoir avoir découvert en début de chantier que le lycée était occupé alors que les documents contractuels lui imposaient une reconnaissance des lieux ; l'équilibre du marché n'a pas été bouleversé ; la région exposante n'a pas commis de faute et les exemples donnés par la société requérante sont sans lien avec les préjudices qu'elle invoque ;

- en tout état de cause, s'agissant de ces difficultés, la société requérante ne saurait être indemnisée au titre de la mise en place d'une cellule d'étude de prix alors que la réalisation de devis est une charge générale intégrée dans le prix de ses prestations, que les travaux pour lesquels elle aurait été mise en place ne sont pas indemnisables et qu'elle n'est pas liée à une faute du maître d'ouvrage ; quand bien même l'allongement des délais ne serait pas imputable à une faute de la société Léon Grosse, elle ne démontre pas le caractère de sujétions imprévues des intempéries et ne peut donc prétendre à une indemnisation des frais d'encadrement supplémentaires dont le calcul n'est, au surplus, pas justifié, ni à une indemnisation au titre des installations de chantier, du maintien de la base vie, des dépenses d'intérêt commun et des frais généraux dont, au surplus, elle ne justifie pas ; la société requérante avait été informée des travaux de rénovation de la chapelle sous la direction d'une autre maîtrise d'œuvre et devait en tirer les conséquences ; à titre subsidiaire, la région exposante n'a commis aucune faute dans ce cadre et, en tout état de cause, il n'est pas démontré que cette faute serait à l'origine du préjudice pour la société requérante ni qu'elle ait engendré un bouleversement dans l'économie du contrat ; les préjudices allégués n'étant pas établis, la société requérante ne peut demander une indemnisation au titre de la révision des prix appliquée à ces préjudices et elle ne démontre pas que cette indemnisation pourrait se voir appliquer la révision ;

- la société requérante n'est pas fondée à demander la restitution des pénalités de retard ; s'agissant des pénalités au titre des retards dans les délais d'exécution, l'avenant n°1 n'a pas prolongé la durée globale du marché ; l'ordre de service n° 31 a repoussé la date de livraison du bâtiment C au 9 mars 2010 et les 135 jours d'intempéries non prévus au marché ont repoussé cette date au 21 juillet 2010, de sorte que les pénalités de retard sont bien dues pour 41 jours ; s'agissant des pénalités provisoires, les pénalités journalières de retard prévues à l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux s'appliquent en complément des retenues provisoires devenues définitives ; s'agissant de la demande de réduction du montant des pénalités, la société requérante ne démontre pas le caractère excessif du montant des pénalités alors qu'il ne représente que 1,58 % du montant du marché ;

- la société requérante n'est pas fondée à demander la restitution des réfactions et retenues opérées par le maître d'ouvrage ; elle ne démontre pas avoir transmis un dossier des ouvrages exécutés complet avant l'application de retenues à ce titre ; il lui appartenait de prendre les mesures propres à lui permettre de déterminer ses consommations d'électricité ; elle n'étaye sa contestation des réfactions pour réserves non levées d'aucun élément alors que le décompte général était accompagné d'une liste de réserves non levées ; la retenue opérée pour les travaux réalisés aux frais et risques de la société Léon Grosse est justifiée par son refus de réaliser ces travaux ;

- la société requérante ne peut se prévaloir utilement du protocole transactionnel conclu entre la région et le maître d'œuvre pour soutenir que sa demande est légitime ;

- une mesure d'expertise n'est pas utile dès lors que la société requérante est en mesure d'apporter les éléments nécessaires à sa demande et que dix ans se sont écoulés depuis la réception des travaux ; par ailleurs, elle ne précise pas les questions sur lesquelles l'expert pourrait apporter un éclairage.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

- le décret n° 2010-1525 du 8 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Janicot,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- les observations de Me Roger, pour la société Entreprise générale Léon Grosse et celles de Me Mokhtar, pour la région Ile-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché notifié le 9 août 2006, d'un montant global et forfaitaire de 55 569 177,29 euros TTC, la région Ile-de-France a confié à la société Entreprise générale Léon Grosse les travaux de restructuration et d'extension de la cité scolaire Hoche à Versailles. La société Entreprise générale Léon Grosse fait appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que la région Ile-de-France soit condamnée à lui verser la somme de 4 917 826 ,98 euros TTC au titre du règlement du marché ainsi que la somme de 50 000 euros TTC pour résistance abusive.

Sur le décompte du marché :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 127 du code des marchés publics alors en vigueur : " Les pouvoirs adjudicateurs et les titulaires de marchés publics peuvent recourir aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics dans des conditions fixées par décret. / Ces comités ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue d'une solution amiable et équitable (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 8 décembre 2010 relatif aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics alors en vigueur : " I. - Les comités de règlement amiable mentionnés à l'article 127 du code des marchés publics ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue de proposer une solution amiable et équitable aux différends relatifs à l'exécution des marchés passés en application du code des marchés publics (...) ". Enfin, aux termes de l'article 9 de ce même décret : " I. - Le comité notifie son avis (...) II. - La décision prise par le pouvoir adjudicateur sur l'avis du comité est notifiée au titulaire et au secrétaire du comité (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, si l'avis du comité peut figurer au nombre des pièces de l'instruction contradictoire permettant d'apprécier le bien-fondé des prétentions des parties, il ne lie ni le pouvoir adjudicateur, ni le juge du contrat. Par suite, la circonstance que le comité consultatif interdépartemental de Versailles de règlement amiable des différends ou litiges en matière de marchés publics (CCIRA) a estimé, dans son avis du 9 décembre 2013, que le montant restant à régler à la société Entreprise générale Léon Grosse au titre de l'exécution du marché litigieux s'établissait à la somme de 6 388 839,61 euros TTC, n'est par elle-même pas de nature à établir le bien-fondé des prétentions de la société requérante.

4. En second lieu, il résulte de l'instruction que le décompte général du marché signé par le mandataire du maître d'ouvrage et notifié à la société Entreprise générale Léon Grosse par l'ordre de service n° 32 du 14 février 2012 arrête le montant du marché à la somme de 62 151 292,38 euros TTC, chiffre qui figure notamment dans l'état d'acompte joint à ce décompte. En outre, cet état d'acompte, peu important qu'il ne soit pas lui-même signé, fait apparaître, contrairement à ce que soutient la société requérante, un solde négatif en faveur de la région d'un montant de 253 323,89 euros TTC. Par suite, la société Entreprise générale Léon Grosse ne peut utilement se prévaloir, pour justifier ses prétentions, de l'avant-projet de décompte établi par le maître d'œuvre le 25 mars 2011 faisant apparaître un solde à lui régler d'un montant de 1 404 853,08 euros TTC.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

S'agissant des travaux supplémentaires réalisés sur ordre de service :

5. En premier lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que la région Ile-de-France a minoré à tort le montant des prestations réalisées sur ordres de service nos 23, 25, 26 et 27 alors qu'elle a appliqué les prix unitaires figurant dans la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF).

6. La région fait valoir que les devis correspondant aux travaux ayant fait l'objet de ces ordres de service ont été minorés ou rejetés aux motifs qu'ils incluaient à tort des frais de chantier supplémentaires, que certaines prestations avaient été retirées ou non réalisées, qu'il existait des erreurs sur les prix unitaires retenus ou les quantités fournies ou, s'agissant de l'ordre de service n° 25, que ces travaux étaient inclus dans le prix du marché et ne correspondaient pas à des travaux supplémentaires. La société Entreprise générale Léon Grosse, qui ne conteste pas précisément les rectifications apportées à ses devis, ne saurait obtenir le paiement de travaux supprimés par le maître d'ouvrage et qu'elle ne justifie d'ailleurs pas avoir réalisés. En outre, elle ne conteste pas davantage que l'ordre de service n° 25 correspondait à des travaux inclus dans le prix du marché. Elle n'établit pas, par ailleurs, que les prix unitaires figurant dans ses devis étaient dépourvus d'erreurs et correspondaient à ceux de la DPGF. Enfin, elle n'établit pas davantage l'absence d'erreurs dans ses devis s'agissant des quantités retenues.

7. En deuxième lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient qu'elle a droit à l'application de frais de chantier au taux de 4,3 % pour les travaux supplémentaires réalisés sur ordres de service, ce pourcentage correspondant au rapport entre le montant de ces frais figurant dans la DPGF du marché, soit 1 720 366 euros HT et le montant des travaux hors option et après déduction de certaines prestations, soit 40 005 000 euros. Toutefois, alors que les frais de chantier sont compris dans le prix global et forfaitaire du marché, la société requérante ne justifie nullement une quelconque augmentation de ses frais de chantier causée par les travaux supplémentaires qui lui ont été commandés par les ordres de service précités.

8. En troisième et dernier lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que le montant de la moins-value résultant de la suppression d'une serre dans la cour des tilleuls doit être ramené de la somme de 120 196,65 euros HT à la somme de 16 648,62 euros HT, ces sommes ayant, selon elle, été inversées par erreur dans la DPGF. Toutefois, il n'est pas établi, notamment par l'avis du comité consultatif de règlement amiable, que l'évaluation figurant dans la DPGF du marché comportait une erreur concernant le montant des travaux de réalisation d'une serre dans la cour des tilleuls et que celui-ci correspondait en réalité à la réalisation d'un préau dans cette même cour. L'inversion du montant des travaux de la serre et du préau dans cette décomposition n'étant pas établie, la société Entreprise générale Léon Grosse n'est pas fondée à solliciter l'application d'une moins-value moindre que celle retenue par la région.

S'agissant des travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service :

9. L'entreprise ayant effectué des travaux non prévus au marché et qui n'ont pas été décidés par le maître d'ouvrage a droit à être rémunérée de ces travaux, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si, d'une part, ils ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si, d'autre part, le titulaire a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.

10. En premier lieu, si le CCIRA a estimé, dans son avis du 9 décembre 2013, que les travaux figurant sur quarante-six devis, pour lesquels la société Léon Grosse sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires exécutés sans ordre de service, ont bien été réalisés et si le maître d'œuvre a validé certains de ces travaux pour un montant fortement réduit, la société requérante n'établit pas que ces travaux étaient, en tout ou partie, indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, indiquant d'ailleurs qu'il s'agit pour l'essentiel de modifications apportées au projet. Par suite, la requérante n'est pas fondée à demander la condamnation de la région à lui verser la somme de 989 464,92 euros retenue par le comité consultatif de règlement amiable au titre des devis non régularisés.

11. En deuxième lieu, si la société Entreprise générale Léon Grosse soutient également que certains de ces travaux résultaient de sujétions imprévues, elle n'établit pas, ni même n'allègue, que ces sujétions auraient eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat. En tout état de cause, eu égard au montant total de ces travaux rappelé ci-dessus et au montant du marché arrêté à la somme de 62 151 292,38 euros TTC, l'existence d'un bouleversement de l'économie du contrat n'est pas caractérisée.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8.5 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché litigieux : " Par dérogation à l'article 2.5 du CCAG, tous travaux modificatifs en supplément ou en déduction sera décidé par ordre de service établi par le maître d'œuvre, validé par le mandataire du maître de l'ouvrage à la suite d'une procédure de traçabilité mise en place en phase de préparation. / Aucun travaux modificatif ne pourra être considéré comme accepté, et donc payable, s'il n'a pas fait l'objet d'un ordre de service préalablement à son exécution (...) ". Aux termes de l'article 0.1.4 du cahier des prescriptions communes (CPC) du marché litigieux : " (...) L'entreprise générale ne pourra jamais arguer que des erreurs ou des omissions puissent le dispenser d'exécuter tous les travaux de sa profession ou fassent l'objet d'une demande de supplément de ses prix (...) ". Aux termes de son article 0.1.14 du même cahier : " En complément des renseignements qui lui sont fournis dans les pièces du dossier de consultation, l'entrepreneur général a relevé sur place tous les renseignements qui lui sont nécessaires pour établir son prix forfaitaire. / Du fait de la remise de son offre, l'entrepreneur est réputé s'être rendu sur les lieux du chantier pour connaître l'état des existants bâtiment par bâtiment, niveau par niveau, les dispositions d'accès, les dispositions qu'elle a à prendre pour ses installations de chantier et ses stockages, les servitudes dues à l'environnement, aux règlements des voiries, au fait d'intervenir dans des bâtiments et une zone en activité pendant les travaux, etc... En conséquence, il n'est jamais alloué de suppléments quelconques pour sujétions inhérentes à la prise de possession du chantier et à l'état de l'existant qui, bien que non précisées aux documents contractuels, s'avèreraient nécessaires (...) ". Aux termes de son article 0.1.16 : " (...) L'entrepreneur ne peut, en aucun cas, arguer des erreurs ou omissions aux plans et aux descriptifs pour se dispenser d'exécuter intégralement tous ouvrages nécessaires à l'achèvement absolu de tous les travaux du marché. Aucun travail provenant d'éventuelles erreurs ou omissions ne pourra faire l'objet de suppléments au prix forfaitaire (...) ". Aux termes de son article 0.3.1 : " (...) En conséquence, et d'une manière générale, l'entreprise générale doit tous les travaux, fournitures et prestations même non désignés, nécessaires à une exécution normale et parfaite, au sens habituel du terme et des règles de l'art, l'entrepreneur étant réputé avoir une connaissance de l'ensemble du dossier (...) ". Aux termes de son article 0.3.3.1 : " (...) Il est spécifié qu'aucun supplément ne sera dû pour des modifications de détails nécessitées par les exigences de la construction ; les détails donnés en cours d'exécution par le maître d'œuvre seront toujours considérés comme explication des documents contractuels et non comme des travaux supplémentaires sauf si cela est formellement spécifié par bon de commande ou ordre de service (...) ". Aux termes de son article 0.7.2.1 : " Le marché est du type " à prix global et forfaitaire ". / Le prix forfaitaire a un caractère absolu en ce qui concerne l'exécution des travaux définis par les pièces constitutives du marché énumérées au CCAP et au présent document : le prix remis est réputé prendre en compte tous les éléments du dossier (...) Tout entrepreneur répondant au présent dossier est réputé s'être rendu sur le site pour examiner les bâtiments environnants, réseaux et aménagements existants et évaluer avec précision les travaux à réaliser afin de remettre son offre forfaitaire. / Aucun supplément ne sera accordé au motif d'une erreur éventuelle dans les quantités indiquées dans le cadre de la DPGF ou dans les multiplications ou additions. / Aucun supplément ne sera admis sauf s'il est reconnu comme complémentaire au programme prévu et s'il a fait l'objet d'un ordre de service délivré par le maître d'œuvre et contresigné par le responsable du marché. / En aucun cas, l'entrepreneur ne pourra arguer des imprécisions, des erreurs, des omissions ou contradictions du CCTP ou des plans, pour justifier une demande de supplément (...) Il est bien entendu que l'entrepreneur doit exécuter tous les travaux de sa compétence, nécessaire à l'achèvement complet de son lot selon les règles de l'art (...) L'entrepreneur devra étudier soigneusement, pour l'établissement de son offre, toutes les pièces du dossier, les CCTP. Il devra signaler toutes les anomalies, erreurs ou omissions qu'il aura relevées au cours de son étude et demander toutes les précisions utiles avant la remise de son offre. / Il ne pourra, s'il est chargé des travaux, se prévaloir de ces anomalies, erreurs ou omissions, pour justifier une demande d'augmentation du montant de son marché (...) ". Aux termes de son article 0.7.19 : " L'entreprise reconnaît, lors de la signature de son marché, avoir pleine et entière connaissance de toutes les pièces générales et particulières de tous corps d'état (plans, CCTP, pièces administratives, rapports divers, etc...) et ne pourront en aucune façon, arguer de fait de méconnaissance de tels ou tels documents leur permettant de prétendre soit à une rémunération supplémentaire, soit à une diminution de responsabilité leur incombant ".

13. Il résulte de l'instruction que les travaux de mise en œuvre de renforcements complémentaires de la structure porteuse du plancher des combles du bâtiment A, faisant l'objet du devis n° 136, et les travaux de réalisation d'une tranchée drainante faisant barrage à des venues d'eau intempestives constatées au rez-de-chaussée des bâtiments D et C côté nord, faisant l'objet du devis n° 142, ont été intégrés dans un avenant n° 2 qui n'a pas été régularisé. La société requérante se prévaut également de la réalisation de travaux de renforcement des planchers et de pose d'une dalle en béton dans le bâtiment H. Toutefois, ces travaux ont fait l'objet du devis n° 173 et de l'ordre de service n° 22, fixant le prix de cette prestation à 0 euro. Ils ont cependant été intégrés dans l'avenant n° 1 au marché et le titulaire a été rémunéré à concurrence de la somme non contestée de 76 370,26 euros pour ces travaux.

14. Les travaux ayant fait l'objet des devis n° 136 et n° 142 peuvent être regardés comme indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et leur réalisation comme suffisamment établie, en particulier par l'avis du comité consultatif de règlement amiable. Toutefois, il résulte des stipulations précitées du marché, notamment de l'article 0.7.2.1 du CPC selon lequel " aucun supplément ne sera admis sauf s'il est reconnu comme complémentaire au programme prévu et s'il a fait l'objet d'un ordre de service délivré par le maître d'œuvre et contresigné par le responsable du marché ", qu'ils doivent être regardés comme inclus dans le prix global et forfaitaire du marché. Le titulaire ne saurait donc prétendre à aucun supplément à ce titre.

15. En quatrième lieu, les devis n° 175 correspondant à la reprise de structure de la cage d'escalier et aux portes coupe-feu et le devis n° 181 correspondant à la réparation ou au remplacement des cloisons mâchefer des tiroirs 13 et 14 ont été refusés, ainsi qu'il résulte du tableau d'analyse des devis du maître d'œuvre produit par la requérante. La société Entreprise générale Léon Grosse n'établit pas, en tout état de cause, qu'il s'agit de travaux indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

16. Enfin, le devis n° 187 correspondant aux travaux résultant de la découverte de débord de fondation en rez-de-jardin dans le bâtiment C et le devis n° 189 correspondant aux travaux résultant de la découverte d'ouvrages en béton armé au droit de la cour anglaise du même bâtiment, peuvent être regardés comme correspondant à des travaux indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. La réalisation de ces travaux doit être regardée comme suffisamment établie, en particulier par l'avis du comité consultatif de règlement amiable. Toutefois, il résulte des stipulations précitées du marché, en particulier des articles 0.1.14 et 0.7.2.1 du CPC, que ces travaux doivent être regardés comme inclus dans le prix global et forfaitaire du marché. Le titulaire ne saurait donc prétendre à aucun supplément à ce titre.

En ce qui concerne les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché :

17. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

18. La société Entreprise générale Léon Grosse soutient que la mise en place d'une cellule de prix, les surcoûts générés par l'allongement des délais de chantier, l'intervention d'une autre société sur les lieux du chantier et les surcoûts liés aux travaux de voiries et réseaux divers résultent de sujétions imprévues et de fautes de la région Ile-de-France.

S'agissant des sujétions imprévues :

19. En premier lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que les difficultés imprévisibles qu'elle a rencontrées dans l'exécution du marché lui ont causé un préjudice de 4 917 826,98 euros TTC. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette somme correspond au solde du marché calculé par elle en incluant non seulement les travaux supplémentaires et les conséquences préjudiciables des difficultés rencontrées en cours de chantier mais aussi les pénalités et réfactions appliquées par la région. Il n'est nullement établi que cette somme correspond dans son ensemble à des difficultés imprévisibles. En tout état de cause, le montant du marché ayant été arrêté à la somme de 62 151 292,38 euros TTC, ces difficultés ne peuvent être regardées comme ayant bouleversé l'économie du contrat.

20. En second lieu, à l'appui de sa requête, la société Entreprise générale Léon Grosse se prévaut notamment de 195 jours d'intempéries, ce chiffre excédant très largement les 60 jours prévus par l'article 4.2 du CCAP applicable au marché. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction, en particulier de l'ordre de service n° 31, que la région a pris en compte dans l'appréciation du délai d'exécution du chantier 135 jours d'intempéries au-delà des 60 jours prévisibles prévus au marché. D'autre part, si la société Léon Grosse ne chiffre pas l'incidence financière de ces intempéries, elle sollicite globalement au titre des surcoûts liés à l'allongement des délais une indemnité de 729 627,42 euros, qui ne saurait caractériser un bouleversement de l'économie du contrat, le montant du marché ayant, ainsi qu'il a été dit, été arrêté à la somme de 62 151 292,38 euros TTC.

S'agissant des fautes du maître de l'ouvrage :

21. En premier lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que le maître de l'ouvrage a commis une faute en ne définissant pas suffisamment le programme du marché. Toutefois, les quatre comptes-rendus de chantier faisant notamment état de fiches modificatives à établir, en particulier pour " entériner une modification de programme ", et les deux tableaux récapitulatifs de travaux supplémentaires établis par la maîtrise d'œuvre dont la requérante se prévaut, ne permettent nullement d'établir une insuffisante définition du programme du marché. En outre, il n'est pas davantage établi que le permis de construire modificatif déposé pour le désenfumage des bâtiments C et D a été rendu nécessaire en raison d'une insuffisante définition de ce programme.

22. En deuxième lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient qu'elle a dû planifier 9 phases pour la réalisation des travaux de voiries et réseaux divers (VRD) au lieu des 3 phases prévues initialement, ces travaux s'étant étalés sur une période de 28 mois au lieu de 10 mois prévus à l'origine. Toutefois, la région soutient sans être contestée que le phasage de ces travaux n'a pas été modifié, le titulaire ayant seulement défini 9 zones géographiques pour ses interventions. La société Entreprise générale Léon Grosse a été informée lors de la signature du marché, en particulier par les stipulations de l'article 1.1 du CCAP, que les opérations de travaux auraient lieu " en site occupé " et devaient " permettre la permanence de fonctionnement de la cité scolaire ". A supposer que cette contrainte ait entraîné un allongement de la durée prévue des travaux VRD, cette circonstance ne caractérise par elle-même aucune faute du maître d'ouvrage. En outre, l'existence même d'un préjudice résultant de cet allongement et lié à une perte de productivité ou à des coûts supplémentaires n'est pas établie. Enfin, il résulte des stipulations citées au point 12 ci-dessus, que le titulaire ne peut prétendre à aucune rémunération supplémentaire résultant de sa mauvaise appréciation de l'état initial des ouvrages et des contraintes prévisibles qu'il pouvait rencontrer.

23. En troisième lieu, si la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que l'inversion opérée en cours de chantier entre l'infirmerie et les salles de cours au rez-de-chaussée bas de l'aile ouest du bâtiment C révèle l'existence d'une faute du maître de l'ouvrage dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction du chantier, il résulte de l'instruction que l'implantation de ces locaux dans l'aile ouest de ce bâtiment était prévue dès l'origine et que seule la distribution des salles a été modifiée. Par ailleurs, il résulte du compte-rendu de la réunion du 2 décembre 2008 que cette inversion a été jugée " sans incidence sur le projet architectural ". Par suite, la société requérante n'établit pas que cette modification aurait impliqué pour elle un supplément de moyens ou de délais.

24. En quatrième lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que la région Ile-de-France a omis de faciliter l'exécution des travaux du fait de la résiliation tardive de l'abonnement au gaz souscrit pour les concessionnaires du bâtiment G ainsi que d'une coupure tardive de l'antenne de la société versaillaise de chauffage urbain dans le cadre des travaux de la cour nord. Toutefois, elle n'établit ni la tardiveté de ces mesures, contestée par la région Ile-de-France, ni qu'elles relevaient de la responsabilité de cette dernière, ni qu'elles lui ont causé un quelconque préjudice.

25. En cinquième lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse n'établit pas que la succession de collaborateurs et chargés d'affaires au sein de l'entreprise désignée en qualité de mandataire du maître d'ouvrage a entraîné, ainsi qu'elle le soutient, une inertie de plus de trois années, période au cours de laquelle aucune décision n'aurait été prise, et qu'il se serait écoulé en moyenne 72 jours entre la remise d'un devis et sa validation.

26. En sixième lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse se prévaut de carences du maître d'ouvrage vis-à-vis du maître d'œuvre. Toutefois, les deux courriers du 20 juin 2008 et 18 août 2008 adressés au maître d'œuvre dont elle se prévaut, faisant état notamment de l'absence de documents lui permettant de procéder au désenfumage ou concernant la réalisation des travaux supplémentaires, ne permettent nullement d'établir une quelconque carence du maître d'ouvrage. En outre, si la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que la région Ile-de-France a commis une faute en ne rappelant pas à l'ordre le maître d'œuvre qui tardait à répondre aux signalements effectués par elle concernant l'impossibilité de réaliser le remplacement du monte-handicapé, elle n'établit pas, ni même n'allègue, qu'elle aurait alerté le maître d'ouvrage de cette inertie. Par ailleurs, l'éventuelle défaillance du maître d'œuvre dans la définition du projet n'est pas par elle-même de nature à engager la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage. En outre, la société requérante n'établit pas l'existence d'une faute de la région Ile-de-France par la seule production d'un courrier dans lequel elle signale au maître d'œuvre que des pièces manquent au marché pour lui permettre de procéder au désenfumage du bâtiment C alors, au demeurant, qu'elle n'allègue pas qu'elle n'aurait pas pu procéder à cette opération en temps utile. Enfin, elle n'établit pas non plus, par la production d'un courrier du 18 août 2008 dans lequel elle fait part de ses griefs au maître d'œuvre, l'existence d'une carence de ce dernier dans la conception et de demandes de travaux supplémentaires tardives de la part de celui-ci. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait été alerté de tels dysfonctionnements.

27. En septième lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que la région Ile-de-France a tardivement rappelé le bureau de contrôle à ses obligations en termes d'émission d'avis. Il résulte de l'instruction que la société requérante a alerté à plusieurs reprises le mandataire du maître d'ouvrage, entre mai 2017 et février 2008, au sujet des retards du bureau de contrôle dans la délivrance de ses avis nécessaires à la réalisation de certains travaux, cette défaillance concernant environ un millier d'avis. Toutefois, la société requérante n'établit pas que ces retards ont eu des répercussions effectives sur la réalisation de ses propres travaux alors, d'ailleurs, qu'il résulte de l'un de ses courriers qu'elle a effectué certains d'entre eux en l'absence de validation expresse des documents par le bureau de contrôle.

28. En huitième lieu, la société requérante soutient que les désaccords entre le maître d'ouvrage et la cité scolaire Hoche ont désorganisé ses travaux. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 24 novembre 2008, la société Entreprise générale Léon Grosse a transmis au maître d'œuvre un devis d'un montant de 3 948,05 euros TTC au titre de l'évacuation du mobilier du bâtiment G. La région Ile-de-France ne conteste pas que cette tâche n'était pas prévue dans le contrat et il est constant que la société requérante n'a pas été rémunérée pour cette évacuation. Toutefois, la société requérante n'établit pas que l'évacuation de ce mobilier a entraîné une semaine de retard dans le déroulement des travaux, cette lettre indiquant d'ailleurs que le mobilier serait évacué dans les décharges publiques pour ne pas perturber le démarrage des travaux. En outre, la société requérante n'apporte aucun élément caractérisant une gestion critiquable de l'abonnement électrique et permettant d'en apprécier les conséquences. De plus, s'il résulte du compte-rendu de réunion de chantier du 29 septembre 2009 que la cité scolaire Hoche n'a pas autorisé à cette époque la requérante à terminer des travaux mineurs dans le rez-de-chaussée bas du couvent et que le maître d'œuvre a invité le mandataire du maître d'ouvrage à intercéder en faveur de l'entrepreneur, la société Entreprise générale Léon Grosse n'établit pas que le mandataire du maître d'ouvrage n'aurait pas réagi à la suite de la transmission de la fiche de travaux mentionnée dans ce compte-rendu.

29. En neuvième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier d'un courrier de la société Entreprise générale Léon Grosse du 1er juillet 2009 adressé au mandataire du maître d'ouvrage, qu'une rénovation de la chapelle du lycée a été engagée par la ville de Versailles en 2009, ces travaux se trouvant en contiguïté de ceux de la requérante. La société Léon Grosse soutient qu'en l'absence de mise au point préalable et de coordination dans l'exécution de ces travaux, l'intervention de l'entreprise en charge de la rénovation de la chapelle a eu des conséquences négatives sur ses propres travaux. Toutefois, il résulte des stipulations des articles 0.1.2 et 0.1.14 du CPC que le titulaire a été préalablement informé de ce que la chapelle ferait l'objet d'une rénovation parallèle à ses propres travaux et de ce qu'il devait prendre en compte cette circonstance dans son organisation et son prix. En outre et en tout état de cause, les courriers produits par la requérante ne permettent pas d'établir une carence fautive du maître d'ouvrage, alors même notamment qu'un plan d'aménagement n'aurait été modifié que plus de trois mois après la mise en évidence de divergences entre les deux chantiers.

30. En dixième lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que le maître de l'ouvrage lui a notifié tardivement l'ordre de service de démarrage de la période de préparation des travaux, ce qui l'a contrainte à procéder à un état des lieux au mois de septembre et non au mois d'août, période au cours de laquelle le site n'était pas occupé. Il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n° 1 du 30 août 2006, la société requérante a reçu notification du marché et ordre de démarrer la période de préparation des travaux dès réception du document. Toutefois, dès lors qu'elle n'a signé l'acte d'engagement du marché que le 8 août 2006 et qu'elle a été préalablement informée que les travaux se dérouleraient en site occupé, aucune faute n'est imputable au maître d'ouvrage pour ce motif.

31. En onzième lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que les dérogations au CCAG prévues par l'article 8.5 du CCAP ont inutilement complexifié la gestion des travaux modificatifs et le déroulement du chantier. Il résulte en effet de l'instruction que ces dérogations ont conduit à imposer une validation des ordres de service par le mandataire du maître de l'ouvrage et à exiger de l'entrepreneur qu'il produise les justifications et/ou les prévisions de prix demandées par le maître d'œuvre. Toutefois, l'application de ces stipulations contractuelles ne saurait par elle-même traduire l'existence d'une quelconque faute du maître d'ouvrage. En outre, si la validation des travaux supplémentaires par ordre de service signé par le mandataire du maître d'ouvrage a été effectuée dans certains cas plusieurs semaines ou plusieurs mois après l'établissement des devis, il n'est pas établi que le délai de validation de ces travaux, notamment pour le désenfumage des bâtiments C et D, a eu une incidence sur le déroulement des travaux du titulaire.

32. En dernier lieu, la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que la région Ile-de-France lui a confié plus de 230 travaux supplémentaires ou modificatifs qui ont entraîné des décalages en chaîne dans l'exécution de ses travaux. Toutefois, si le mandataire du maître d'ouvrage et le maître d'œuvre ont validé globalement plusieurs devis dans un ordre de service unique, parfois plusieurs semaines ou mois après l'établissement du premier d'entre eux, il résulte de l'instruction que les éventuels décalages résultant de ces travaux supplémentaires ou modificatifs ont notamment été pris en compte dans l'avenant n° 1 au marché du 6 juillet 2009 ayant pour objet de prendre en compte des travaux supplémentaires et d'accorder au titulaire une rémunération ou des délais d'exécution supplémentaires en conséquence. Si la société requérante fait valoir que le maître de l'ouvrage ne pouvait lui accorder une prolongation des délais pour certains travaux sans prolonger le délai global de l'opération, elle n'établit pas, ni même n'allègue, ne pas avoir pu procéder à la réalisation des travaux supplémentaires sans modification de ce délai global. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'émission de chaque ordre de service concernant des travaux supplémentaires ou modificatifs aurait donné lieu à la signature d'un avenant, conformément à la demande du maître d'ouvrage, allongeant ainsi la durée du chantier.

33. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de faute du maître d'ouvrage, la société Entreprise générale Léon Grosse n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre des surcoûts générés par l'allongement des délais de chantier, de la mise en place d'une cellule de prix, des surcoûts liés aux travaux VRD et à l'intervention de l'entreprise en charge de la rénovation de la chapelle de l'établissement.

En ce qui concerne les difficultés spécifiques :

34. Aux termes de l'article 8.5 du CCAP du marché litigieux : " (...) Les prix des travaux en plus ou en moins du marché sont établis dans les conditions suivantes : 1. Pour les travaux ou ouvrages identiques à ceux prévus au détail quantitatif estimatif, formant décomposition du prix global et forfaitaire : au moyen des prix unitaires de ce détail (...) 2. Pour les travaux analogues ou de nature comparable à ceux figurant audit détail, au moyen de prix calculés sur la base de sous détails justifiant les prix unitaires des DPGF et arrêté à la valeur du mois de référence des prix du marché (...) ". En vertu de l'article 11.22 du CCAG Travaux applicable au marché litigieux, en cas de prix forfaitaire, les erreurs affectant sa décomposition ne peuvent conduire à une modification de ce prix.

35. La société Entreprise générale Léon Grosse soutient que le maître d'œuvre a profité d'une sous-estimation des prix unitaires de remplacement des châssis existants et du parquet en bois sur lambourde mentionnés dans la DPGF pour remplacer les châssis existants par des châssis neufs au lieu de restaurer les châssis existants du couvent de la reine, ainsi que pour remplacer la moquette par du parquet en bois sur lambourdes dans le bâtiment I. Toutefois, il résulte des stipulations précitées du marché litigieux que les travaux supplémentaires identiques ou analogues à ceux figurant dans la décomposition des prix pouvaient être fixés à partir de cette décomposition, alors même qu'elle comportait d'éventuelles erreurs. En tout état de cause, il n'est pas établi que les prix unitaires figurant dans la décomposition étaient très inférieurs au prix de revient de l'entreprise et qu'ils étaient manifestement erronés.

En ce qui concerne les pénalités et réfactions :

S'agissant des pénalités de retard :

Quant aux pénalités pour retards dans l'exécution des travaux :

36. Aux termes de l'article 4.3 du CCAP du marché litigieux : " Concernant les pénalités journalières de retard, seules les stipulations de l'article 20.1 du CCAG Travaux s'appliquent (...) ". Aux termes de cet article 20.1 : " En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué, sauf stipulation différente du CCAP, une pénalité journalière de 1/3000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix de base définis au 11 de l'article 13. (...) Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre (...) ".

37. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'ordre de service n° 31 du 3 décembre 2010, que le nombre de journées au cours desquelles la société Entreprise générale Léon Grosse a été contrainte d'interrompre la réalisation des travaux prévus par le marché litigieux en raison des intempéries a été fixé à 195, le nombre de journées d'intempéries réputées prévisibles et comprises dans le délai d'exécution du marché ayant été fixé à 60. Par ailleurs, si un délai supplémentaire de 77 jours a été accordé par le maître de l'ouvrage à la société Entreprise générale Léon Grosse, cette décision ne portait que sur le calendrier partiel des travaux du bâtiment C. Dans ces conditions, le délai contractuel global d'exécution du marché, fixé à quarante-deux mois, débutant le 30 août 2006 pour s'achever initialement le 28 février 2010, a été prolongé de 135 journées pour s'achever le 13 juillet 2010. Le marché litigieux étant constitué d'une tranche unique, les travaux propres au bâtiment C ne peuvent constituer une tranche du marché au sens des stipulations précitées du 20.1 de l'article 20 du CCAG Travaux. Par suite, la réception des travaux étant intervenue le 31 août 2010, la société Entreprise générale Léon Grosse n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que c'est à tort que la région Ile-de-France a appliqué des pénalités de retard à compter du 21 juillet 2010 et les a calculées au regard du montant de l'ensemble du marché.

Quant aux pénalités de retard pour non-respect des délais intermédiaires :

38. Aux termes de l'article 4.3 du CCAP du marché litigieux : " (...) En complément aux dispositions de l'article 20 du CCAG, il sera fait application de retenues provisoires en cas de retards constatés par référence aux délais intermédiaires portés sur le calendrier d'exécution des travaux. / Les retenues provisoires s'appliquent à chaque délai intermédiaire sur le calendrier contractuel et sont cumulables. / Le montant de ces retenues est égal à : - tâche non critique : 400 euros HT par jour calendaire de retard et par tâche du calendrier d'exécution ; - tâche sur le chemin critique : 700 euros HT par jour calendaire de retard et par tâche du calendrier d'exécution. / Le montant des retenues provisoires pourra être appliqué sur simple constat du retard par rapport au calendrier d'exécution ou par rapport au calendrier détaillé des tâches (...) Ces retenues provisoires seront annulées ou remplacées par les pénalités définitives suivant la tenue des objectifs intermédiaires. Notamment, le non-respect des dates prévisionnelles de réception de phase transformera les pénalités provisoires en pénalités définitives ".

39. Il résulte des stipulations précitées du CCAP que les pénalités de retard pour non-respect des délais intermédiaires sont distinctes des pénalités infligées en application de l'article 20 du CCAG travaux en cas de retard dans l'exécution des travaux. Par suite, ces pénalités peuvent se cumuler entre elles. Par ailleurs, l'application des pénalités de retard pour non-respect des délais intermédiaires n'implique pas un cumul de pénalités provisoires et définitives, les pénalités définitives annulant ou remplaçant les pénalités provisoires. Si la société Entreprise générale Léon Grosse soutient que les pénalités pour non-respect des délais intermédiaires ne pouvaient être calculées qu'en fonction du montant de la tranche relative au bâtiment C, il résulte des stipulations précitées de l'article 4.3 du CCAP que ces pénalités sont fixées par jour calendaire de retard. D'ailleurs, il résulte de l'annexe au décompte général que ces pénalités, d'un montant total de 152 400 euros, n'ont pas été appliquées uniquement en raison d'un retard dans la livraison du bâtiment C. En se bornant à soutenir que la région n'établit pas que les retards constatés dans la livraison de ses travaux lui sont imputables, la société Entreprise générale Léon Grosse n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les jours de retard constatés par la région pour chacun des bâtiments concernés par l'opération de travaux. Par ailleurs, il n'est pas établi qu'elle aurait dû bénéficier de délais complémentaires pour les bâtiments A, C, G et H, alors d'ailleurs qu'il résulte notamment des termes de l'avenant n° 1 qu'elle a bénéficié de délais supplémentaires en particulier pour les travaux des bâtiments A et C. La circonstance qu'elle a obtenu un délai supplémentaire de 77 jours par l'ordre de service n° 31 ne suffit pas à établir que les pénalités de retard pour méconnaissance des délais intermédiaires pour les travaux du bâtiment C ne sont pas fondées. Enfin, le retard constaté par la région ne peut être regardé comme étant justifié par l'existence de sujétions imprévues.

Quant à la modulation des pénalités de retard :

40. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

41. La société requérante demande à la cour, à titre subsidiaire, de ramener le montant des pénalités de retard à de plus justes proportions dans le cadre de son pouvoir de modération. Toutefois, compte tenu du montant des pénalités de retard dans l'exécution des travaux et pour méconnaissance des délais intermédiaires par rapport au montant du marché, ces pénalités en cause ne présentent pas un caractère manifestement excessif.

S'agissant des retenues au titre des dossiers des ouvrages exécutés :

42. Aux termes de l'article 4.5 du CCAP du marché litigieux : " En cas de retard dans la remise des plans et autres documents à fournir après exécution par le ou les titulaires conformément à l'article 40 du CCAG, une retenue égale à 150,00 euros/jour calendaire sera opérée, dans les conditions stipulées à l'article 20.6 du CCAG, sur les sommes dues au(x) titulaire(s). ". Aux termes de son article 9.5 : " Les plans et autres documents à remettre par le ou les titulaires au maître d'œuvre comme indiqué à l'article 4.5 ci-dessus seront présentés comme suit : / A réception de chaque phase, l'entreprise remettra les documents suivants : (...) - au maître d'œuvre : les DOE (pièces écrites et graphiques) (...) En cas de retard dans la remise desdits documents, les pénalités seront celles prévues à ce même article 4.5. ".

43. En premier lieu, si la remise de dossiers des ouvrages exécutés (DOE) incomplets n'a pas fait l'objet de réserves lors de la réception des travaux, cette circonstance ne faisait cependant pas obstacle à l'application d'une retenue à la société Entreprise générale Léon Grosse.

44. En second lieu, contrairement à ce que fait valoir la société Entreprise générale Léon Grosse, les tableaux d'analyse qu'elle a produits, en particulier le tableau mis à jour au 24 mars 2011, font apparaître plusieurs DOE non remis. Par suite, alors même que le comité consultatif de règlement amiable a proposé de ramener le montant de la retenue appliquée au titre des dossiers des ouvrages exécutés de 100 000 euros à 50 000 euros, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que cette retenue ne serait pas justifiée dans son principe et son quantum.

S'agissant des factures d'électricité :

45. Il résulte de l'instruction que le chantier de travaux a été alimenté en électricité par l'établissement scolaire, la société Entreprise générale Léon Grosse prenant à sa charge la dépense correspondante. Elle soutient que la région Ile-de-France ne pouvait retenir au décompte du marché une somme de 34 586,65 euros au titre des dépenses d'électricité, dès lors que sa consommation représentait moins de 3 % des dépenses totales d'électricité de l'établissement.

46. Toutefois, par la seule production de la note explicative qu'elle a transmise au comité consultatif de règlement amiable et des courriers des 21 août 2009 et 3 mai 2010 qu'elle a adressés au maître de l'ouvrage pour contester les sommes qui lui étaient réclamées au titre du dépassement de la consommation d'électricité, la société requérante, qui ne conteste pas le principe du paiement de sa consommation d'électricité à raison du chantier en cause et qui n'invoque aucune stipulation contractuelle à l'appui de ses conclusions, n'établit ni qu'il ne lui appartenait pas de régler les surcoûts de consommation d'électricité, ni qu'elle n'était pas seule à l'origine du dépassement, ni que sa consommation ne représentait que 3 % de la consommation globale de la cité scolaire. Par suite, la société Entreprise générale Léon Grosse n'est pas fondée à demander la réfaction de la somme de 34 586,65 euros mise à sa charge dans le décompte.

S'agissant des réfactions pour réserves non levées :

47. Il résulte de l'instruction que le décompte général mentionne une somme de 246 399,50 euros due par le titulaire au titre des réfactions pour réserves non levées. Si, dans son projet de décompte du 25 mars 2011, le maître d'œuvre n'a retenu à ce titre qu'une somme de 121 200 euros, laquelle a également été prise en compte par le comité de règlement amiable en l'absence, selon lui, de justification d'une augmentation du montant de cette réfaction, celle-ci est toutefois justifiée non seulement par l'état des réserves et réfactions mis à jour le 21 novembre 2011, qui fournit le détail de chacune des réfactions appliquées, ainsi que par un procès-verbal de constat d'huissier du même jour, annexés au décompte. Par suite, la société requérante, qui ne précise d'ailleurs pas quelles réfactions ne seraient pas justifiées, n'est pas fondée à soutenir que leur montant devrait être ramené à la somme de 121 000 euros.

S'agissant du recours à une entreprise tierce :

48. Aux termes de l'article 49 du CCAG Travaux applicable au marché litigieux : " 49.1. A l'exception des cas prévus au 22 de l'article 15 et au 6 de l'article 46, lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. (...) / 49.2. Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée ou la résiliation du marché peut être décidée. / 49.3. Pour établir la régie, laquelle peut n'être que partielle, il est procédé, l'entrepreneur étant présent ou ayant été dûment appelé, à la constatation des travaux exécutés et des approvisionnements existants, ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel de l'entrepreneur et à la remise à celui-ci de la partie de ce matériel qui n'est pas utile à l'achèvement des travaux poursuivis en régie. / L'entrepreneur peut être relevé de la régie s'il justifie des moyens nécessaires pour reprendre les travaux et les mener à bonne fin (...) ".

49. La société Entreprise générale Léon Grosse soutient que la région Ile-de-France n'est pas fondée à appliquer au décompte du marché une réfaction d'un montant de 181 743,77 euros au titre de la mise en régie des travaux relatifs au tronçon n° 3. Il résulte de l'instruction que la société requérante ayant établi deux devis pour la réalisation d'un mur de soutènement sur toute la longueur de ce tronçon, ces travaux ont fait l'objet d'un ordre de service n° 25 qui a exclu la prise en compte de toute incidence financière. Si la société Entreprise générale Léon Grosse a été mise en demeure de démarrer ces travaux par une décision du mandataire du maître d'ouvrage du 30 mars 2010, il n'est pas établi, ni même allégué, qu'il a été procédé, en présence de l'entrepreneur, à la constatation des travaux exécutés et des approvisionnements existants ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et à la remise du matériel non utile à l'achèvement des travaux. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la mise en régie partielle des travaux est intervenue irrégulièrement et à demander, en conséquence, la décharge de la réfaction d'un montant de 181 743,77 euros HT appliquée au titre de cette mise en régie.

En ce qui concerne la révision des prix :

50. Aux termes de l'article 3.5.1 du CCAP : " Les prix sont révisables suivant les modalités fixées au 3.5.3 et 3.5.4 du présent document. " Aux termes de son article 3.5.2 : " Les prix du marché sont réputés établis sur la base des conditions économiques du mois de février 2006 ; ce mois est appelé " mois zéro " ". Enfin, les articles 3.5.3. et 3.5.4. précisent les indices de référence et la formule à appliquer pour calculer la révision des prix du marché.

51. Il résulte de l'instruction que le décompte général du marché et ses annexes font apparaître que le prix du marché a fait l'objet d'une révision conformément aux stipulations précitées du CCAP. En outre et en tout état de cause, il n'y a pas lieu d'appliquer une quelconque révision sur la réfaction de 181 743,77 euros retenue à tort au décompte, celle-ci n'étant pas calculée sur la base des conditions économiques du mois de février 2006.

52. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société Entreprise générale Léon Grosse est fondée à demander que la somme de 181 743,77 euros HT, soit 217 365,55 euros TTC, qui lui a été réclamée au titre de la mise en régie des travaux relatifs au tronçon n° 3 soit déduite du décompte général du marché. Le solde du marché, fixé par le décompte général à la somme de 253 323,89 euros TTC à la charge de la société Léon Grosse, doit ainsi être ramené à la somme de 35 958,34 euros TTC à la charge de la société Entreprise générale Léon Grosse. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant au versement d'intérêts moratoires doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin de condamnation pour résistance abusive :

53. Si le maître d'œuvre de l'opération a estimé que la demande de la société Entreprise générale Léon Grosse devait être partiellement accueillie et si le CCIRA de Versailles a estimé que la région Ile-de-France devait encore régler à la société requérante la somme de 6 388 839,61 euros TTC, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de ce qui vient d'être dit, que la région Ile-de-France ait fait preuve d'une résistance abusive. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par la société Entreprise générale Léon Grosse sur ce fondement doivent être rejetées.

54. Il résulte de tout ce qui précède que la société Entreprise générale Léon Grosse est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles n'a pas ramené le solde du marché à sa charge à la somme de 35 958,34 euros TTC.

Sur les frais liés à l'instance :

55. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le solde du marché de travaux pour la restructuration et l'extension de la cité scolaire Hoche à Versailles est ramené à la somme de 35 958,34 euros TTC à la charge de la société Entreprise générale Léon Grosse.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Entreprise générale Léon Grosse est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la région Ile-de-France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise générale Léon Grosse et à la région Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2022.

La rapporteure,

M. JANICOTLa présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 19VE01006


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01006
Date de la décision : 28/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SCP PREEL-HECQUET-PAYET-GODEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-28;19ve01006 ?
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