Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... et Mme B... A... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de désigner un expert, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, afin de décrire et d'évaluer les désordres qu'ils subissent provoqués par la pose de plusieurs îlots centraux sur l'avenue de la Reine Jeanne par la commune d'Avignon et de réserver les dépens.
Par une ordonnance n°2301873 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 février, 9 février, 18 mars et 28 mars 2024, M. D... et Mme A..., représentés par Me Coque, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 30 janvier 2024 rendue par le tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de désigner un expert ayant pour missions de :
- se faire communiquer tous documents administratifs, contractuels, cadastraux et privés relatifs aux parcelles ... leur appartenant ainsi que tout document utile relatif à l'exercice de sa mission, notamment les documents techniques relatifs à la réalisation de l'ouvrage public que constituent les îlots centraux se trouvant sur l'avenue de la Reine Jeanne au droit des parcelles leur appartenant ;
- convoquer les parties et se rendre sur les lieux ;
- entendre les parties sur la configuration des lieux à l'origine et depuis la réalisation de l'ouvrage public ainsi que la difficulté concernant l'impossibilité pour les poids lourds et véhicules légers avec remorques de type porte-voiture ou autre de desservir le bien immobilier leur appartenant aussi bien le hangar que le parking assurant un second accès ;
- dire si le bâtiment de par ses deux entrées se trouve dans l'impossibilité d'être desservi par des camions de type poids lourds et des véhicules légers avec remorque de type porte-voiture ou autre,
- donner tout élément utile pour déterminer l'origine de cette impossibilité de desserte en l'état de la présence de l'ouvrage public qui constitue un îlot central réalisé par la commune d'Avignon sur l'avenue de la Reine Jeanne ;
- dire si les ouvrages auraient pu être réalisés autrement ce qui aurait pu empêcher les troubles subis ;
- déterminer si les dommages subis voient leur source dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut de conception ou dans un fonctionnement anormal de l'ouvrage, notamment concernant sa hauteur, sa localisation ou autre ;
- donner à la juridiction tous les éléments qui permettent de remédier au vice, défaut, fonctionnement anormal de l'ouvrage ;
- décrire et évaluer les travaux nécessaires en vue de remédier à ces désordres et en indiquer le coût ;
- apporter tous les éléments permettant à la juridiction d'apprécier l'étendue des préjudices subis, en conséquence directe de la présence de l'ouvrage et notamment le préjudice lié aux pertes de loyers et ce à compter de la date de réalisation de l'ouvrage jusqu'à ce jour et pour les dix prochaines années à venir ainsi que la dépréciation de l'immeuble en l'état de la présence de cet ouvrage ;
- donner tout élément d'appréciation permettant au juge du fond de statuer sur les responsabilités encourues ;
- dresser tout rapport ;
3°) de réserver les dépens.
Ils soutiennent que :
- la construction d'un ouvrage communal rend impossible l'accès des poids lourds et véhicules légers avec remorques à leurs bâtiments ayant vocation à héberger un garage automobile ;
- la désignation d'un expert est donc utile pour constater la situation causée par cet ouvrage communal, pour évaluer les préjudices subis tant en termes de perte de loyers que de moins-value de l'immeuble et pour déterminer les mesures nécessaires à mettre fin au trouble.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 11 et 26 mars 2024, la commune d'Avignon, représentée par Me Banel, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à la confirmation de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert judiciaire et à ce qu'il soit donné acte de ce qu'elle formule les plus expresses protestations et réserves d'usage à l'endroit de la mesure d'expertise sollicitée et, en tout état de cause, à la mise à la charge des requérants de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la mesure d'expertise demandée est inutile dès lors que le délai de recours contentieux ouvert aux requérants contre une décision de refus de suspendre les travaux et d'indemnisation de leurs préjudices invoqués du fait de ces travaux est expiré ;
- la mesure d'expertise demandée est inutile pour la résolution d'un tel litige ;
- la mesure d'expertise demandée est inutile dès lors qu'elle a pour objectif de réunir des éléments dont les requérants disposent, ou dont ils pourraient disposer par une demande à la collectivité gestionnaire de la voirie ;
- l'expert doit être désigné avec une mission qui n'outrepasserait pas les prérogatives qui peuvent être confiées à un expert judiciaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme A... sont propriétaires d'un ensemble immobilier de bâtiments à usage de hangars et terrains figurant au cadastre section ... pour 7 ares 50 centiares ainsi que d'une parcelle de terrain nu figurant au cadastre rénové section ... pour 6 ares 51 sur le territoire de la commune d'Avignon (Vaucluse). La commune d'Avignon a réalisé des travaux sur l'avenue de la Reine Jeanne consistant en l'édification de plusieurs îlots centraux. Les époux D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de désigner un expert chargé de constater que, suite à la mise en place de ces îlots centraux sur l'avenue de la Reine Jeanne, leurs locaux ne pourront plus être desservis par des camions de type poids lourds ou des véhicules légers avec remorques, de déterminer les mesures nécessaires pour mettre fin à cette situation et d'évaluer les préjudices, notamment financiers, qu'ils subissent. Par une ordonnance du 11 octobre 2023, dont M. D... et Mme A... relèvent appel, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande d'expertise.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple demande et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.
3. Pour justifier de l'utilité de la mesure sollicitée, les requérants soutiennent qu'une expertise ayant pour objet de constater la situation causée par l'ouvrage communal permettra d'évaluer leur double préjudice subi tant en termes de perte de loyers que de moins-value de l'immeuble et que le recours à un expert pourra déterminer les mesures nécessaires à mettre fin au trouble. Toutefois ils produisent en appel, comme ils l'avaient déjà fait en première instance, un premier procès-verbal de constat établi par un commissaire de justice le 20 octobre 2022 comportant une description précise des lieux avec de nombreuses photographies ainsi que des mesures de la voie au droit de leur propriété en prenant en considération la création par la commune d'un nouvel îlot central. Ils ont également fourni un second procès-verbal de constat, dressé le 7 avril 2023, établissant les conditions dans lesquelles un véhicule tractant une remorque plateau accède au garage et à l'aire de stationnement situés sur le terrain. Enfin ils ont fait établir un rapport d'expertise immobilière en date du 9 novembre 2022 pour apprécier les valeurs vénale et locative des locaux en cause et produit deux courriels d'agents immobiliers en date des 2 et 3 mars 2023 indiquant que leurs clients renoncent ou ne pourraient être intéressés en raison notamment des difficultés d'accès. D'une part, ces divers éléments établissant le constat de la situation causée par cet ouvrage communal quant à l'accès au terrain, donneront à la juridiction éventuellement saisie d'une requête indemnitaire dirigée contre la commune d'Avignon les éléments nécessaires pour apprécier les conséquences sur l'accès causées par cet ouvrage communal et les préjudices en découlant le cas échéant. D'autre part, la détermination des travaux envisageables pour établir un accès plus facile, tel que souhaité par les requérants, ne nécessite pas non plus le recours à un expert judiciaire. La demande d'expertise est donc dépourvue du caractère d'utilité exigé par l'article R. 532-1 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui précède que la condition d'utilité prescrite par les dispositions précitées n'étant pas remplie, M. D... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. Les conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par les requérants ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la commune d'Avignon présentées au même titre.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de M. D... et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Avignon à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... D..., à Mme B... A... et à la commune d'Avignon.
Fait à Toulouse, le 18 juin 2024.
Le président,
J-F. MOUTTE
La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
N° 24TL00332 2