Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat, pris en la personne du ministre de la culture, à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 15 620 euros.
Par une ordonnance n° 2303064 du 6 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à Mme A... à titre de provision la somme de 15 620 euros et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023, la ministre de la culture demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la demande de Mme A....
Elle soutient que :
- s'il n'est pas contesté que les maladies contractées par Mme A... en 2012 et 2020 ont été reconnues imputables au service et consolidées au 28 mars 2022 avec des taux d'incapacité permanente partielle (IPP) respectivement de 10% et 2%, Mme A... n'établit pas la réalité et l'étendue du préjudice extrapatrimonial allégué en se bornant à se référer au référentiel Mornet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, Mme B... A... représentée par Me Betrom conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le taux d'incapacité est en lui-même la preuve d'un préjudice extra-patrimonial ;
- le barème Mornet sur lequel la demande a été fondée est équivalent au barème de l'ONIAM concernant les préjudices extra-patrimoniaux.
Par une ordonnance du 3 octobre 2023, la date de clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 3 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., technicienne d'art à la Manufacture de la savonnerie de Lodève (Hérault), a été victime de maladies professionnelles, déclarées les 13 mars 2012 et 19 juin 2020, qui ont été reconnues imputables au service par le ministre de la culture par décision du 1er juin 2020 fixant des taux d'incapacité permanente partielle (IPP) respectivement de 10% et 2%. Elle a sollicité, par une réclamation préalable du 13 mars 2022, la réparation de ses préjudices extra patrimoniaux au titre de la responsabilité sans faute de l'administration. Cette réclamation étant restée sans réponse, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier qui, par une ordonnance n° 2303064 du 6 juillet 2023, a condamné l'Etat à lui verser à titre de provision la somme de 15 620 euros et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la présente requête, la ministre de la culture relève appel de cette ordonnance.
Sur la provision :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
3. D'autre part, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.
4. Pour estimer que l'obligation dont se prévalait Mme A... n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a pu se fonder sur la décision du 1er juin 2020 fixant les taux d'incapacité permanente partielle (IPP) respectivement de 10% et 2%. La ministre de la culture n'apporte en appel aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation. Il en résulte que, contrairement à ce qui est soutenu, Mme A... n'avait pas à apporter d'autres éléments pour justifier de l'existence de ses préjudices.
5. Par ailleurs, en fixant à la somme de 15 620 euros le montant de la provision à laquelle l'intimée pouvait prétendre compte tenu de son âge de 62 ans à la date de sa consolidation, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier n'a pas fait une évaluation excessive de ses préjudices.
6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la ministre de la culture tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 2303064 du 6 juillet 2023 doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la ministre de la culture est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la ministre de la culture et à Mme B... A....
Fait à Toulouse, le 30 mai 2024.
La juge d'appel des référés,
A. Geslan-Demaret
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N°23TL01783