Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, les décisions du 23 juin 2020 par lesquelles le préfet de Vaucluse a rejeté ses demandes d'aides découplées pour les campagnes de la politique agricole commune des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, d'autre part, les décisions du même jour par lesquelles le préfet de Vaucluse a, par délégation du président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, rejeté ses demandes d'indemnité compensatoire de handicaps naturels et d'aide à la conversion à l'agriculture biologique au titre des campagnes de la politique agricole commune des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 et, enfin la décision par laquelle ce préfet a implicitement rejeté son recours gracieux du 23 août 2020 contre l'ensemble des décisions du 23 juin 2020.
Par un jugement n° 2003947 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2022 sous le n° 22MA00176 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00176 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires enregistrés le 25 novembre 2022 et le 3 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Léron, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, d'une part, les décisions du 23 juin 2020 par lesquelles le préfet de Vaucluse a rejeté ses demandes d'aides découplées pour les campagnes de la politique agricole commune des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, d'autre part, les décisions du même jour par lesquelles le préfet de Vaucluse a, par délégation du président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, rejeté ses demandes d'indemnité compensatoire de handicaps naturels et d'aide à la conversion à l'agriculture biologique au titre des campagnes de la politique agricole commune des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 et, enfin, la décision par laquelle ce préfet a implicitement rejeté son recours gracieux du 23 août 2020 contre l'ensemble des décisions du 23 juin 2020 ;
3°) de mettre en œuvre la procédure en inscription de faux à l'encontre d'un document intitulé " Résumé du contrôle par F..., IFCE " produit par le préfet de Vaucluse devant le tribunal administratif ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a été rendu en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure contentieuse administrative ;
- ce jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'administration en estimant qu'elle n'avait pas la qualité d'agriculteur faute d'avoir une autonomie suffisante ;
- ce jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a statué " ultra petita " ;
- ce jugement est irrégulier dès lors que le tribunal s'est fondé sur des éléments recueillis irrégulièrement par l'administration ;
- certaines des décisions critiquées ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière faute, s'agissant de décisions de retrait de décisions créatrices de droit, d'avoir été précédées d'une procédure contradictoire ;
- l'administration ne pouvait se fonder sur les éléments recueillis lors du contrôle réalisé le 25 novembre 2019 dès lors qu'aucune fraude n'a été relevée et qu'aucune procédure pénale n'a été engagée à son encontre ;
- les décisions critiquées ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle a été privée des garanties du contradictoire et des droits de la défense qui s'imposent en cas de sanctions administratives ;
- ces décisions sont entachées de détournement de procédure ;
- le préfet ne pouvait se fonder sur le rapport établi par l'Institut français du cheval et de l'équitation pour prendre les décisions critiquées dès lors que le contrôle de cet institut a été mené irrégulièrement ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en se fondant sur le critère de l'autonomie suffisante pour refuser de lui reconnaître la qualité d'agriculteur ;
- elle remplit toutes les conditions pour être qualifiée d'agriculteur au sens des articles 4 et 9 du règlement (UE) n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 ;
- en outre, son exploitation est suffisamment autonome ;
- M. C... n'était pas habilité à réaliser un contrôle et à signer un document le résumant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet du la requête de Mme B....
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.
Par deux mémoires, enregistrés le 30 novembre 2023 et le 23 janvier 2024, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, représentée par Me Baron, conclut au rejet de la requête de Mme B... et, en outre, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de cette dernière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.
Par ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 février 2024.
Des mémoires et des pièces ont été produits par Mme B... le 29 février 2024, le 17 mars 2024, le 29 mars 2024 et le 10 avril 2024, par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur le 11 mars 2024 et le 21 mars 2024, et par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire le 8 avril 2024 en vue de compléter l'instruction, et communiqués au titre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le règlement délégué (UE) n° 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014 ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Restino,
- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 16 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, des décisions du 23 juin 2020 par lesquelles le préfet de Vaucluse a rejeté ses demandes d'aides découplées (paiement de base, paiement redistributif, paiement vert) pour les campagnes de la politique agricole commune des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, d'autre part, des décisions du même jour par lesquelles le préfet de Vaucluse a, par délégation du président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, rejeté ses demandes d'indemnité compensatoire de handicaps naturels et d'aide à la conversion à l'agriculture biologique au titre des campagnes de la politique agricole commune des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 et, enfin, de la décision implicite par laquelle ce préfet a rejeté son recours gracieux formé le 23 août 2020 contre les décisions du 23 juin 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ", aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) " et aux termes de son article R. 613-3 : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ".
3. D'une part, l'appelante soutient que l'ensemble des écritures des parties, sans autre précision, ne lui ont pas été communiquées par le tribunal. Toutefois, il résulte de l'instruction que le premier mémoire en défense du préfet de Vaucluse a été communiqué au conseil de l'appelante le 16 juillet 2021 et que le mémoire en défense de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur lui a été communiqué le 29 juillet 2021. Par ailleurs, le tribunal administratif n'était pas tenu de communiquer le second mémoire produit par le préfet de Vaucluse le 5 octobre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 28 septembre 2021. D'autre part, si l'appelante soutient que ses écritures n'ont pas été prises en compte, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que la demande et le mémoire en réplique de l'intéressée, enregistrés respectivement le 28 décembre 2020 et le 14 septembre 2021, ont été communiqués aux deux défendeurs susmentionnés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire de la procédure contentieuse administrative doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 : " 1. Aux fins du présent règlement, on entend par : / a) "agriculteur", une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales, quel que soit le statut juridique conféré selon le droit national à un tel groupement et à ses membres, dont l'exploitation se trouve dans le champ d'application territorial des traités, tel que défini à l'article 52 du traité sur l'Union européenne, en liaison avec les articles 349 et 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et qui exerce une activité agricole ; / b) "exploitation", l'ensemble des unités utilisées aux fins d'activités agricoles et gérées par un agriculteur qui sont situées sur le territoire d'un même État membre ; / c) "activité agricole" : / i) la production, l'élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l'élevage et la détention d'animaux à des fins agricoles, / ii) le maintien d'une surface agricole dans un état qui la rend adaptée au pâturage ou à la culture sans action préparatoire allant au-delà de pratiques agricoles courantes ou du recours à des machines agricoles courantes, sur la base de critères à définir par les Etats membres, en se fondant sur un cadre établi par la Commission, ou / iii) l'exercice d'une activité minimale, définie par les Etats membres, sur les surfaces agricoles naturellement conservées dans un état qui les rend adaptées au pâturage ou à la culture ; (...) ". Par ailleurs, il résulte des articles 32, 41, 43, 50 et 52 du même règlement que les paiements directs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune ne peuvent être accordés qu'à des personnes répondant à la définition d'" agriculteur " prévue au a) du 1 de l'article 4 de ce règlement.
5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, en particulier de l'interprétation donnée aux dispositions pertinentes par les décisions C-61/09 du 14 octobre 2010, Landkreis Bad Dürkheim, et C-176/20 du 7 avril 2022, SC Avio Lucos SRL, que pour être qualifiée d' " agriculteur ", la personne concernée doit détenir un pouvoir de disposition suffisant sur les unités de son exploitation aux fins de l'exercice de son activité agricole, percevoir les bénéfices et assumer les risques financiers en ce qui concerne l'activité agricole sur les terres pour lesquelles la demande d'aide est formulée.
6. Il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus que la qualification d'" agriculteur actif " au sens de l'article 9 du règlement (UE) n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune suppose nécessairement d'être un " agriculteur " au sens du a) du 1 de l'article 4 du même règlement. Au point 9 du jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que l'appelante n'avait pas la qualité d'agriculteur actif après avoir écarté son argumentation, ce qui faisait obstacle à ce qu'elle bénéficie des aides. Ce faisant, ils ont implicitement mais nécessairement, écarté, et de manière suffisante, le moyen tiré de ce que l'administration avait commis une erreur de droit en estimant que l'appelante n'avait pas la qualité d'agriculteur, faute d'avoir une autonomie suffisante. Par suite, le moyen tiré de l'omission à répondre à un moyen doit être écarté.
7. En troisième lieu, en se fondant, pour rejeter les conclusions aux fins d'annulation des décisions du préfet de Vaucluse du 23 juin 2020, sur la circonstance que l'appelante n'avait pas la qualité d'" agriculteur actif " alors que, dans ces décisions, le préfet lui a opposé qu'elle n'avait pas la qualité d'agriculteur au sens de l'article 4 de ce règlement faute de disposer d'une autonomie suffisante aux fins d'exercer une activité agricole, le tribunal administratif n'a pas statué " ultra petita ". En tout état de cause, il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé au vu de l'argumentation qu'il incombe au requérant de présenter au soutien de ses prétentions. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif a statué au-delà des conclusions de la demande doit être écarté.
8. En dernier lieu, Mme B... reproche au tribunal administratif d'avoir pris en compte des éléments recueillis par l'administration à l'occasion du contrôle de l'exploitation de son gendre, M. D..., en novembre 2019, alors que la régularité de ce contrôle n'est pas établie. Toutefois, ce moyen relève de la critique du bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les décisions du 23 juin 2020 retirant des décisions accordant à Mme B... les aides découplées au titre des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, l'indemnité compensatoire de handicaps naturels au titre des années 2017, 2018 et 2019 et l'aide à la conversion à l'agriculture biologique au titre des années 2015, 2016 et 2017 :
9. Il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces complémentaires produites par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire le 8 avril 2024, que plusieurs des aides en litige avaient déjà été accordées à l'appelante avant l'intervention des décisions critiquées du 23 juin 2020 : au titre de 2015, elle avait perçu une somme totale de 5 485,90 euros, dont 1 931,34 euros pour les aides découplées et 3 554,56 euros pour l'aide à la conversion à l'agriculture biologique ; au titre de 2016, elle avait perçu une somme totale de 9 292,61 euros, dont 5 102,73 euros pour les aides découplées et 4 189,88 euros pour l'aide à la conversion à l'agriculture biologique ; au titre de 2017, elle avait perçu une somme totale de 19 242,14 euros, dont 6 443,21 euros pour les aides découplées, 10 423,05 euros pour l'indemnité compensatrice de handicaps naturels et 2 375,88 euros pour l'aide à la conversion à l'agriculture biologique ; au titre de 2018, elle avait perçu une somme totale de 17 922,09 euros, dont 7 499,04 euros pour les aides découplées et 10 423,05 pour l'indemnité compensatrice de handicaps naturels ; au titre de 2019, elle avait perçu une somme totale de 18 827,68 euros, dont 8 586,57 euros pour les aides découplées et 10 241,11 euros pour l'indemnité compensatrice de handicaps naturels. L'appelante ne conteste pas la nature et le montant des aides ainsi recensées par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
10. Aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) " et aux termes de son article L. 242-2 : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : / (...) / 2o Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées ".
11. Les décisions du 23 juin 2020 par lesquelles le préfet du Vaucluse a rejeté les demandes de Mme B... tendant à obtenir les aides découplées au titre des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, et les décisions par lesquelles ce préfet a, par délégation du président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, rejeté ses demandes d'indemnité compensatoire de handicaps naturels au titre des années 2017, 2018 et 2019 et ses demandes d'aide à la conversion à l'agriculture biologique au titre des années 2015, 2016 et 2017 mentionnées au point 9 ont le caractère de décisions individuelles défavorables retirant des décisions créatrices de droits au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Ces décisions devaient être précédées de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
12. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux dans sa rédaction alors applicable : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, le prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré. / Au moment du retrait par le destinataire de l'envoi mis en instance, l'employé consigne sur la preuve de distribution les informations suivantes : (...) - la date de présentation ; / - la date de distribution ; (...) ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " A la demande de l'expéditeur, et moyennant rémunération de ce service additionnel fixée dans les conditions générales de vente, le prestataire peut établir un avis de réception attestant de la distribution de l'envoi. Cet avis est retourné à l'expéditeur et comporte les informations suivantes : (...) - la date de présentation si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance ; - la date de distribution ; (...) ". En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration d'établir que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales, préalablement à l'intervention d'une décision administrative individuelle défavorable retirant ou abrogeant une décision créatrice de droits, et, lorsque le pli contenant cette information a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
13. Il ressort des pièces du dossier que le pli recommandé contenant la lettre du 13 décembre 2019 du préfet de Vaucluse informant l'appelante qu'une décision de retrait et de remboursement des aides sollicitées au titre des campagnes 2015 à 2019 (aides découplées, aide à la conversion à l'agriculture biologique et indemnité compensatrice de handicaps naturels) pourrait intervenir à son encontre a été présenté à son adresse le 18 décembre 2019 avant d'être retourné au service expéditeur, qui l'a reçu le 8 janvier 2020. Toutefois, ni le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ni la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur ne justifient, chacun pour ce qui le concerne, de la notification régulière de ce pli par la seule production de l'avis de réception, qui ne mentionne pas le motif de vaine présentation du pli.
14. Il résulte de ce qui précède que l'appelante est fondée à soutenir que les décisions du 23 juin 2020 par lesquelles le préfet du Vaucluse a rejeté ses demandes d'aides découplées au titre des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, et les décisions par lesquelles ce préfet a, par délégation du président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, rejeté ses demandes d'indemnité compensatoire de handicaps naturels au titre des années 2017, 2018 et 2019 et ses demandes d'aide à la conversion à l'agriculture biologique au titre des années 2015, 2016 et 2017, qui emportent retrait d'aides déjà accordées, ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance du principe du contradictoire. Ces décisions doivent, par conséquent, dès lors qu'un tel vice de procédure prive Mme B... d'une garantie, être annulées.
En ce qui concerne les décisions du 23 juin 2020 rejetant les demandes d'aides de Mme B..., et la décision implicite par laquelle le préfet de Vaucluse a rejeté le recours gracieux de Mme B... :
15. En premier lieu et contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance qu'aucune poursuite pénale n'ait été engagée à l'encontre de l'appelante à l'issue du contrôle de son exploitation mené sous la coordination du comité opérationnel départemental anti-fraude de Vaucluse le 25 novembre 2019 ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de Vaucluse se fonde sur les éléments recueillis lors de ce contrôle pour rejeter ses demandes d'aides. Par suite, le moyen doit être écarté.
16. En deuxième lieu, les décisions en litige ont pour seul objet de rejeter les demandes d'aide de l'appelante, sans lui infliger, de surcroît, de sanctions administratives. Elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que ces décisions ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière, au motif qu'elle aurait été privée de la garantie qui s'attache aux droits de la défense. Par suite, le moyen doit être écarté.
17. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les décisions critiquées sont fondées sur le motif que l'appelante ne disposait pas d'une autonomie suffisante aux fins d'exercer une activité agricole et ne pouvait donc être regardée comme un agriculteur, et non pas sur le motif qu'elle n'avait pas la qualité d'" agriculteur actif ". Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de Vaucluse a commis un détournement de procédure en lui opposant le fait qu'elle n'avait pas la qualité d'" agriculteur actif " pour rejeter ses demandes d'aide alors que le contrôle de son exploitation mené le 25 novembre 2019 n'a pas révélé qu'elle aurait commis un détournement ne peut qu'être écarté.
18. En quatrième lieu, l'appelante soutient que le préfet de Vaucluse ne pouvait se fonder sur le rapport établi par l'Institut français du cheval et de l'équitation à l'issue du contrôle de son exploitation dès lors que le contrôle de cet institut aurait été mené irrégulièrement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse, ainsi qu'il le fait d'ailleurs valoir, ne s'est pas fondé sur la note rédigée par cet institut. Par suite, le moyen doit être écarté.
19. En dernier lieu, les demandes d'aide formées par l'appelante ont été rejetées au motif qu'elle ne disposait pas d'une autonomie suffisante aux fins de l'exercice d'une activité agricole, s'agissant notamment d'exercer le pouvoir de décision, d'en retirer les bénéfices et d'assumer les risques financiers liés à cette activité.
20. L'appelante, affiliée à la mutualité sociale agricole depuis le 1er mars 2015 en qualité de chef d'exploitation, soutient cultiver 6,745 hectares de terre et posséder 19 équidés. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que les surfaces mentionnées dans l'attestation d'affiliation à la mutualité sociale agricole, soit 6,745 hectares de cultures spécialisées, diffèrent de celles déclarées dans le logiciel " ISIS " mis à disposition des agriculteurs par l'agence des services et de paiement, en charge du règlement des aides agricoles, soit 47 hectares de surfaces pastorales et de prairie. Les parcelles déclarées par l'appelante étaient préalablement déclarées par son gendre, M. D..., agriculteur, ou n'avaient jamais été déclarées par un agriculteur. Les parcelles de l'intéressée sont, en outre, adjacentes et imbriquées avec celles de son gendre et de sa fille, Mme E... D..., certaines ayant été déclarées en doublon au titre des mêmes aides. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que certains des équidés déclarés par l'appelante l'ont également été par sa fille et son gendre et que les troupeaux de l'intéressée, de son gendre et de sa fille sont mélangés. Enfin, l'appelante ne justifie posséder aucun bâtiment ou moyen d'exploitation. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelante disposait, à l'égard des surfaces déclarées, d'une autonomie suffisante aux fins de l'exercice de son activité agricole. La circonstance que sa fille a reconnu avoir commis des erreurs dans le tracé de son exploitation, entraînant des chevauchements notamment avec l'exploitation de son gendre est sans incidence à cet égard. Il en va de même de la circonstance qu'elle a déclaré des revenus agricoles au titre des années 2015, 2016 et 2017 aboutissant à une absence d'impôt sur le revenu. Par suite, c'est à bon droit que le préfet de Vaucluse, agissant en son nom et par délégation du président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, a considéré que Mme B... n'avait pas la qualité d'agriculteur au sens de l'article 4 du règlement (UE) n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 et n'était donc pas éligible aux aides en litige.
21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a refusé d'annuler les décisions du 23 juin 2020 du préfet du Vaucluse emportant retrait de décisions lui accordant les aides découplées au titre des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, et les décisions de ce préfet du même jour emportant, par délégation du président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, retrait de décisions lui accordant des indemnités compensatoires de handicaps naturels au titre des années 2017, 2018 et 2019 et des aides à la conversion à l'agriculture biologique au titre des années 2015, 2016 et 2017.
Sur les conclusions tendant à la mise en œuvre de la procédure en inscription de faux :
22. Aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux ".
23. Les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article R. 633-1 du code de justice administrative relatives à l'inscription de faux doivent être rejetées, dès lors qu'en tout état de cause, la solution du présent litige ne dépend pas du contenu du document intitulé " " Résumé du contrôle par G... C..., IFCE " argué de faux.
Sur les frais liés au litige :
24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour mettre à la charge de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, une somme à verser à Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par la région doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les décisions du 23 juin 2020 par lesquelles le préfet du Vaucluse a rejeté les demandes d'aides découplées présentées par Mme B... au titre des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, et les décisions par lesquelles ce préfet a, par délégation du président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, rejeté les demandes d'indemnité compensatoire de handicaps naturels présentées par Mme B... au titre des années 2017, 2018 et 2019 et ses demandes d'aide à la conversion à l'agriculture biologique au titre des années 2015, 2016 et 2017 sont annulées.
Article 2 : Le jugement n° 2003947 du tribunal administratif de Nîmes du 16 novembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.
La rapporteure,
V. RestinoLe président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL00176 2
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